Le 17 Avril 1917, au niveau du village de Lugny-les-Charolles, se produisait un déraillement de train,
probablement commenté en presse, mais surtout, fort heureusement, couvert photographiquement.
Comme le montre les quelques cartes postales éditées, cet accident, bien loin du Front,
ne semble pas avoir été particulièrement censuré.
Et pourtant, le train accidenté transportait du matériel militaire, dont une partie était alors soigneusement protégé par le secret militaire.
En effet, au moins un des wagons plateaux photographié transportait, sous bâche, un char Saint Chamond M2.
Il est impossible de dire si d'autres chars étaient sur ce train, qui transportait aussi, au moins un canon 155 mm Saint Chamond modèle 1915.
Le wagon du char semble être sur la voie montant de Saint Etienne, mais il est possible qu'au moment ou ont été faites ces photos,
les wagons non déraillés aient été déplacées pour libérer les voies à réparer . . .
La veille de ce 17 Avril 1917, le premier engagement de chars français venait d'avoir lieu dans le secteur de Juvincourt.
Si ce combat ne concernait que des chars moyens Schneider M1, un Groupe de char lourd Saint Chamond M1 (l'AS 31 du Cne Calmels)
était aussi déployé dans le secteur du Mont Cornillet pour justement y être engagé le 17 Avril.
Ce premier engagement finalement annulé, ce n'est que le 5 Mai 1917 que les Allemands découvriront le char Saint Chamond.
Pourquoi un char Saint Chamond dans un train de cette ligne de chemin de fer ?
La ligne de chemin de fer Givors-canal, Paray-le-Monial, Lugny-les-Charolles, Lozanne a été construite entre 1892 et1900.
Cet itinéraire de délestage de la Bourgogne, créé par la société PLM, permettait d'alléger, d'une partie du fret ferroviaire,
le trafic de la ligne Paris - Lyon - Marseille.
Avec la liaison (Lozanne -Tassin -Dardilly -Brignais), la ligne de Paray-le-Monial à Givors-Canal permettait aussi
de contourner Lyon par l'Ouest et de rejoindre Saint Etienne.
C'est par cette ligne que les chars Saint Chamond étaient livrés depuis la fin 1916, près d'Orléans, au Service Automobile
et pris en compte par l'Artillerie Spéciale, dans le Camp de Cercottes.
Le débarquement à Cercottes se faisait à la Foulonnerie, Halte de la ligne Orléans/Malesherbes,
qui avait été équipée de trois voies avec quai en bout pour les navettes hebdomadaires de l'Artillerie Spéciale :
Avec les Armées :
Cercottes - camps de Marly (en 1917), Champlieu (en 1917 et 18), Mailly-Poivres (en 1918 ), Martigny-les-Bains (en 1918), Bourron (en 1918).
Avec les usines de fabrication :
Cercottes - Saint-Ouen (usine Somua du Groupe Schneider, construisant le Schnedier CA1)
Cercottes - Saint Chamond (usine FAMH, construisant le Saint Chamond)
Des rames de 18 wagons plateaux faisaient des aller-retour entre ces divers sites et, probablement des envois isolés de chars,
devaient aussi être greffés dans des trains, en particulier pour des chars nécessitant un retour impératif en usine.
A Lugny-les-Charolles, au sud du viaduc franchissant la vallée de l'Arconce, une partie de voie est en creux et, à deux occasions (1917 et 1946),
des wagons de queue de train, détachés et reculant par gravité, ont provoqué le tamponnement et le déraillement d'un train.
Pour cet accident du 17 Avril 1917, il n'est, à ce stade, pas possible de dire ce qui a pu se passer.
Le wagon du char Saint Chamond n'a pas versé, et il n'existe pas en archive militaire de rapport
parlant d'un accident ferroviaire sur cette ligne mettant en cause un ou plusieurs chars.
Le char est un modèle 2, non équipé de canon.
S'agissait-il d'un des chars chars caisson à ce standard que souhaiter proposer le constructeur ?
A cette date, la grande majorité des chars Saint Chamond livrés sont des modèles 1 (à toit plat),
et les 48 chars caisson (sans canon) sont tous de type M1.
Le 27 Avril 1917, soit 10 jours après cet accident 8 chars Saint Chamond M2 caisson débarquaient au camp de Champlieu . . . .
Ces chars seront refusés par le Général Estienne et retourneront en usine.
Cette livraison du 27 Avril 1917 est la première livraison de ce char modifié aux Armées.
Ce train accidenté était-il celui qui transportait ces premiers chars caisson en chassis M2 ?
La photo du char montre un train de roulement affaissé, ce qui pourrait alors signifier que ce char était renvoyé en usine pour remise en état.
Si c'est le cas, notre char pouvait alors être seul dans ce train qui se dirigeait plutôt vers Saint Etienne, comme peut-être aussi le canon 155 mm St Chamond M1915.
Il reste quelques points sur cet accident à éclaircir et les articles, de presse locales,
ou des documents d'archives de la SNCF apporteront peut-être d'autres informations.
Cette ligne de chemin de fer a vu passer entre Décembre 1916 et la fin de 1917, les 400 chars Saint Chamond
livrés par la société FAMH, et il reste à espérer que d'autres photos de ces livraisons ont été effectuées.
Très bon week-End - Michel
