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Re: Artillerie Spéciale - Unités AS formées ou à former en 1917

Publié : ven. août 03, 2012 6:04 pm
par Tanker
Bonjour,

Cette note du GQG en date du 12 Juin 1917 se trouve dans plusieurs cartons du SHD
(7N407 - 7N166 - 9NN3 et 1° volume d'annexes des Armées françaises dans la Grande Guerre - Annexe n° 492).

ImageImage

Aucune des 4 versions de cette note ne porte de
numéro d'enregistrement,
liste de diffusion
signature . . . . .
Il s'agit, peut-être d'un brouillon de travail ou d'une note interne de réflexions, qui n'a finalement pas été jugée utile de diffuser.

Quoiqu'il en soit, elle comprend un certain nombre de point intéressants.

La deuxième colonne du tableau, qui fait état des chars demandés par le Général Estienne, contient une erreur flagrante.
La commande des 400 chars St Chamond y est mentionnée comme venant de son fait . . . Ceci est totalement faux !
Le Général Estienne n'a jamais été concerné par la décision prise de commander 400 chars à la société St Chamond.

Lorsque la première commande chars a été faite par Albert Thomas (Sous-Secrétaire d'Etat de la Guerre), à la demande du Général Joffre,
ce sont uniquement les 400 chars Schneider qui étaient en cause.

Le 27 Février 1916, par la note n° 6589 SA/3, le Sous-Secrétaire d'Etat annonce au GQG que la commande de 400 chars a été faite à la société Schneider.
Il répondait à la commande initiale du Général Joffre, dans sa note n° 18601 GQG/EM/Artillerie/1° Bureau du 31 Janvier 1916.

Le 18 Avril 1916, le Général Joffre, dans une note envisageant une organisation des "Divisions de Tracteurs", propose de confier
au Colonel Estienne l'organisation d'un centre d'instruction à Mailly.

Le 27 Avril 1916, Albert Thomas, en signant la note n° 12935 SA/3, informe le Général Joffre de sa décision de commander 400 chars Saint Chamond !
Cette décision est prise :
sans ordre de l'Etat-Major Général,
sur "pression" et proposition probable :
du Général Mouret,
d'une partie de l'Etat-Major . . . .
de la Société St Chamond !

Dans cette note, la société Saint St Chamond s'engage à avoir livré aux Armées les 400 chars pour le 10 Décembre 1916 !

Les premiers St Chamond "opérationnels" seront réceptionnés début décembre 1916 et les derniers en Janvier 1918 !

A la date du 27 Avril 1916, le Général Estienne est toujours aux Armées et sans aucune responsabilité dans les "affaires chars" qui se mettent en place.
Ce n'est qu'en Juin 1916 que le Général Joffre propose à Albert Thomas de mettre à sa disposition le Colonel Estienne (accompagné du Cne Lefebvre)
pour lancer la formation des fameuses "Divisions de Tracteurs".
Il est intéressant de noter que, dans cette même note, le Général Joffre entérine en une ligne la décision prise par Albert Thomas
de commander, sans demande initiale de l'Armée, les "fameux" chars de Saint Chamond.

Le Général Estienne, une fois nommé à la tête des chars, n'a eu de cesse que cet engin puisse être utilisé au mieux.
Son opinion sur ce char transparait tout de même bien dans une note au Général Joffre du 1° Novembre 1916.

"Vous m'avez invité à vous faire connaître, dès maintenant, mon opinion sur le char d'assaut Saint Chamond,
sans attendre la réalisation d'un type définitif qui, a ma connaissance n'existe pas encore . . . . "


Une des premières décision du Général sera de demander que 48 de ces chars soient livrés aux Armées en version caisson (non armé).

Le "feuilleton St Chamond", est un bon exemple de lobbying particulièrement préjudiciable.
Ce lobbying est finalement à la base du retard de tous les programmes chars jusqu'à la fin de la guerre.

La commande de 400 chars fait à Schneider prévoyait, avant même que soit émise l'idée d'une commande "concurrente", de livrer
ces chars pour Décembre 1916.
C'est la commande des 400 Saint Chamond qui est en grande partie responsable du retard du programme Schneider.
En effet, il fallait des plaques de blindage pour ces chars, et une bonne part de ces plaques (en 8, 11 et 13 mm) étaient fournies par les Britanniques.
La société Schneider s'est donc trouvé en position de partager la ressource avec la société St Chamond.

Avec un programme de 400 chars terminés fin 1916, et sans cette commande à Saint Chamond, le lancement du programme complémentaire
(projets des Schneider Ca3 et Ca4 avec tourelle) aurait pu se mettre en route et aboutir pour l'été 1917.

Dans cette affaire, Saint Chamond aurait eu un rôle à jouer et on peut estimer que le programme des automoteurs de cette société, arrivés beaucoup trop tard
à maturité, aurait pu être mis en route bien plus tôt.

L'obsession première du Général Mouret et du Lt Colonel Rimailho (en retraite et ingénieur chez St Chamond) était d'avoir un char équipé d'un canon de 75 mm.
Au départ Saint Chamond et le Lt Colonel Rimailho voulaient même un canon de 120 mm !

Le Général Estienne avait, de son côté, bien compris que le canon sur son char était avant tout destiné à détruire les mitrailleuses et la petite artillerie des tranchées.
Son rôle n'était pas de détruire et contre-battre l'artillerie sur les arrières des tranchées de premières lignes.
Ce sera celui d'une artillerie automotrice, dans laquelle la Société Saint Chamond se lancera un peu tard . . . .

Dans la colonne du tableau, faisant état des chars livrés en Mai 1917 sont mentionnés les 8 Saint Chamond caisson refusés par le Général Estienne.

Ces chars sont bien les premiers à toit inclinés qui ont été livrés à Champlieu.
Avec l'arrivée de ces 8 St Chamond, l'AS découvrait l'ampleur de la modification de son char qu'avait décidé la société Saint Chamond.
Si, au cours d'un réunion, avait été présenté l'idée d'une modification du char, les représentants de l'AS n'avaient pu juger de son importance, ni donner
un quelconque agrément à cette modification.

Ces chars 8 chars furent renvoyés à Cercottes, et la suite de leur carrière n'est pas connue.

Sont-ils restés à Cercottes comme char d'instruction et de dépannage ?
Ont-ils été renvoyé en usine pour être mis au standard char de combat ?

Il ressort finalement de cette annontation (3) qu'il n'y a pas eu de chars caissons à toit incliné mis en service opérationnel dans l'AS.

Si la modification du char à partir du 150° exemplaire était une bonne idée, son exécution, sans une bonne concertation
avec les combattants, est à la base d'un nouveau gros retard dans la livraison de ce char.

A l'été 1918, des chars neufs, stockés depuis de long mois à Cercottes ont été livrés à plusieurs Groupes St Chamond.
Ces chars, pas ou mal vérifiés avant leur expédition aux Armées, ont été l'objet de nombreuses pannes (en particulier électrique)
qui ont fortement diminué le potentiel combat de ces chars, lors des engagements de la 2° Bataille de la Marne.
Recevant ces chars quasiment la veille d'engagements, les équipages n'ont jamais eu le temps de faire une révision de ces engins qui
étaient livrés "état neuf" !

Le "Schneider 1918",
Ce char est mentionné dans la première colonne du tableau, et cité comme Schneider M2 dans le renvoi (3).
Il s'agit du programme Schneider Ca3 et Ca4.

Ce programme a finalement été rejeté fin 1917 par le Général Estienne. La société Schneider se trouvait dans l'incapacité à monter
un moteur plus puissant sur un char, finalement plus lourd que Schneider Ca1.
Les châssis (montés à Creil par la société Daydé) et les trains de roulement de ce programme abandonné seront utilisés pour le programme
de tracteurs d'artillerie Schneider CD.

A cette date, le Général Estienne disposait, avec le programme Saint Chamond qui arrivait enfin à terme, d'un nombre de suffisants de chars moyens.
pour l'année 1918. La priorité était donc le programme chars léger, et un éventuel programme char lourd.

Il ne faut pas perdre de vue que, fin 1917, si le programme Saint Chamond n'avait pas été lancé, l'Artillerie Spéciale aurait tout de même disposé
d'un nombre conséquent de successeur du Schneider Ca1.
La date de début de livraison des "Schneider 1918", qui est mentionné sur ce tableau, est en phase avec le retard du programme Schneider,
occasionné, entre autre, par la mise en oeuvre du programme St Chamond.

Le point sur les unités à former en 1917 de la page 2 est intéressant car il montre bien l'importance accordée à l'instruction
et le nombre conséquent de chars, finalement utilisés à cet effet.

C'est pour cette raison, et grace à l'expérience acquise avec les deux premiers chars, que les compagnies de chars de Renault FT,
ont été armées de 15 chars, et disposaient de 10 chars d'instruction.

Comme le dit bien la note, en parlant de la disponibilité des chars Schneider, il est indispensable de ménager la disponibilité des appareils de combats.

En Juin 1917, après à peine 8 mois de service, il était possible de fixer à 400 ou 500 heures de marche, le potentiel opérationnel d'un char Schneider.
A cette date, moins de 10 Groupes Schneider avaient été déployés ou avaient combattu sur une ou deux journées.

En fin de guerre, les unités de chars (Groupes Schneider ou St Chamond, Compagnies de Renault FT) n'auront finalement engagées à tour de rôle
que sur 3 à 5 combats. La durée de ces engagements n'excédant pas une dizaine de jours cumulés.
Après un engagement combat de un à deux jours les unités de chars avaient besoin de 3 à 4 semaines de remise en condition (personnels et matériels).

On peut considérer que ces chars n'ont guère utilisé plus de 100 heures de potentiels au combat.
C'est donc de 300 à 400 heures du potentiel de ces chars qui ont été consacrés à l'entretien et l'instruction.

Tout ceci pour montrer combien l'instruction (tant au sein de l'AS que pour les unités appuyés) a été importante dans la consommation du potentiel
de ces premiers chars.
Il ne faut pas perdre de vu que ces engins, modernes à leur époque, nécessitaient aussi pas moins de 4 heures d'entretien journalier.

Pour terminer, et un peu à côté de cette note.

Il a souvent été bon ton de mettre en cause le Général Nivelle, en l'accusant d'avoir favoriser les tracteurs d'artillerie, au dépend du programme char léger.
Dans la conclusion de la note n° 23473 du 29 Janvier 1917 répondant au Ministre de l'Armement, le Général Nivelle précise bien
sa position sur les programmes chars et, contrairement à ce qui a été trop souvent écrit, il ne s'y oppose au programme du chars légers.

"qu'il convient avant tout de poursuivre avec toute la célérité possible et en y consacrant toutes les ressources des usines spécialisées dans ces fabrications,
les deux programmes d'Artillerie d'Assaut et de caterpillars d'accompagnements tels qu'ils ont été conçus à la suite des difficultés rencontrées sur le champ de
Bataille et mis au point d'après les premières expérimentations effectués.

Je considère comme plus particulièrement urgente la sortie des caterpillars destinés à permettre à l'artillerie de se déplacer en tout terrain.
La livraison des chars d'assaut Schneider qui, après renforcement de leur blindage semblant devoir donner satisfaction devra être poursuivie concurrement.

La mise au point des appareils St Chamond devra être en même temps poursuivie et dès cette mise au point, la sortie de ces matériels devra être activée
autant qu'il sera possible, sans nuire à celles des caterpillars d'accompagnement.

Je classerai ensuite, dans l'ordre d'urgence, les chars légers, dont le type est actuellement à l'étude.
Ce n'est que si les disponibilités de fabrication vous paraissent le permettre, sans nuire à l'exécution de ces programmes,
que la construction de quelques spécimens de chars puissants pourra être envisagée.

Il serait possible ainsi d'en expérimenter l'emploi et, le cas échéant, d'en poursuivre la réalisation sur une plus grande échelle, quand l'achèvement des
programmes en cours aura rendu à l'industrie des disponibilités nouvelles."


Il faut, pour bien analyser la justesse de sa position avoir une vue précise de l'état des différents programmes.

A cette date, le Renault FT n'était qu'à l'état de prototype, et ce n'est que le 13 Mars 1917 que le prototype sera essayé au Camp de Champlieu.
Les retards du programme Renault sont, pour partie, liées aux difficultés de réalisation de la tourelle et de l'avant du char en acier moulé cémenté.
L'abandon de ce procédé de fabrication permettra finalement de lancer une production plus rapide et plus simple.

Pour le programme de char lourd, la maquette bois du FCM 1A vient juste d'être présentée en Janvier 1917 à la commisssion des chars.

La position du Général est d'autant plus cohérente que les tracteurs d'artillerie ne nécessite pas de blindage.
Chez Schneider, pour le tracteur d'artillerie Schneider CD, le chassis est celui du Ca1, et l'abandon du programme Ca 3/Ca 4 permettra de disposer
d'éléments déjà construits

Le tracteur d'artillerie de chez Renault va reprendre une base Holt (et, de fait pas mal, du tracks Schneider).

Le moment était donc bien choisi pour pousser sur les tracteurs d'Artillerie sans pour autant réellement géner les programme chars en cours.
L'histoire lui a finalement donné raison, dans la mesure ou les engagements chars ont surtout eu lieu en 1918 et que le Renault Ft y est arrivé à l'heure !

Il reste à trouver, dans un fond d'archives, la note signée et diffusée et ou sa version rectifiée avec quelques commentaires en retour. . . . .

Bon Week-End - Michel