Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Arnaud Carobbi »

Bonjour à tous,

C'est une fois encore sans cacher mon plaisir que je vais pouvoir lier ce modeste travail à celui bien plus conséquent et novateur de Michel « Tanker » sur l'A.S. (lisez sa dernière intervention ici, sur un autre sujet, mais toujours avec la même rigueur !). Mais pourquoi ne pas le publier directement dans la catégorie « Artillerie spéciale » ? Simplement parce qu'ici, je ne vais pas me placer du côté des chars mais de celui de l'infanterie d'accompagnement.
Grâce au JMO du 2e bataillon du 262e RI, il nous est possible de suivre le parcours d'un bataillon d'infanterie dont la mission spécifique était d'accompagner au plus près les blindés. Un bataillon isolé administrativement, non endivisionné, une structure inédite lors de sa mise en place en février 1918. Il ne s'agit pas pour moi d'écrire une synthèse sur la question des bataillons d'accompagnement de blindés, mais, à l'aide de l'exemple de ce bataillon, de permettre à tous de découvrir ce type d'unité, mais aussi certains aspects de l'emploi de l'infanterie avec les blindés.
De toute manière, si je dis des bêtises, je suis sûr qu'elles ne resteront pas longtemps sans être corrigées... à moins que mes conclusions ne soient si farfelues qu'elles rejoignent le sujet sur les « Loupés du net ». Ce que je n'espère pas !!!

Bonne lecture,
Amicalement,
Arnaud

Abréviations utilisées :
A.S. = artillerie spéciale
R.A.S. = Régiment d'Artillerie Spéciale
BLC = Bataillon de Chars Légers
  • La dissolution du 262e RI :
Étrange introduction à un travail portant sur l'histoire du 2e bataillon du 262e RI. Il n'y a pourtant pas d'erreurs : elle commence par la dissolution du 262e RI et de la 81e DI.
- Les troupes du 308e RI sont dispersées dans 40 unités différentes (sans compter les officiers).
- Le 278e RI passe à la 62e DI.
- Le 262e RI est dissout en tant que régiment mais il forme trois bataillons isolés à 4 compagnies, sans compagnie de mitrailleuses. Le drapeau est renvoyé au dépôt mais sans cérémonie.

Les trois bataillons sont créés à la date du 25 février et prennent chacun la route vers leur destination. Le 2e bataillon du 262e RI (ancien 5e bataillon du 262e RI) est officiellement constitué à Poivres, près de Mailly le Camp. L'annonce à la fois de la dissolution et de l'affectation à l'A.S. ne fut pas accueillie avec enthousiasme dans les rangs du 262e si l'on en croit l'historique : « Ce n'est pas sans un serrement au cœur que nous subissons la dissolution (…). Et puis l'accompagnement des chars d'assaut ne nous dit rien qui vaille. Ces monstres attirent les obus ».

La formation de ce bataillon autonome entraîne l'ouverture d'un JMO qui se révèle d'une grande richesse puisqu'il détaille le parcours de chaque compagnie le composant et y ajoute quelques ordres, les documents liés à sa formation et à sa dissolution.
  • La formation du bataillon :
Je ne saurais dire si la formation de cette unité constitue un « retour d'expérience » suite aux premiers engagements de blindés français en 1917. Une telle unité avait-elle déjà été mises en place précédemment ? Il semble que non : l'historique indique que des hommes étaient formés en vue d'une opération, mais qu'il fallait recommencer pour chaque opération. Il fut donc décidé d'affecter en permanence des fantassins à l'A.S.
Le bataillon est théoriquement composé « de volontaires autant que possible », grenadiers et voltigeurs. Le JMO nous apprend même qu'ils sont équipés du fusil modèle 1886. Nous allons voir que l'unité constituée est loin de répondre à ce que l'on observe habituellement dans un bataillon, une compagnie et même une section d'infanterie. À mission spéciale, structure spécifique : par exemple, on ne compte que 120 hommes par compagnie.

La lecture du procès verbal de constitution est à ce titre très instructif. Il est particulièrement long car il comprend aussi une instruction détaillant le fonctionnement et la structure du bataillon ainsi que ses missions.

Voici la structure que cela donne pour ce bataillon, sachant que, théoriquement, dans chaque compagnie existe une 4e section gardée en réserve qui n'apparaît nulle part dans le JMO.
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  • Rôles d'un bataillon d'accompagnement :
Les fonctions de ces soldats ne sont pas simplement d'être aux côtés des chars lors de leur actions. On pourrait imaginer, vu le nom, qu'il s'agit simplement d'une unité spécialement entraînée pour combattre aux côtés des chars. En réalité la mission est double. Elle consiste à :

- Guider les chars : c'est le rôle des groupes d'élite. Chaque char est suivi par un groupe de trois hommes du bataillon. L'historique précise : « Ils dirigent le char, aident au dépannage. Pendant la lutte, ils surveillent le terrain au profit du char. Le char est leur bouclier ».

- Permettre le passage des chars : c'est le rôle des troupes d'accompagnement.

Ces soldats ne sont donc pas des troupes de choc comme l'étaient les Stoßtruppen allemands mais une unité d'infanterie travaillant pour des missions d'accompagnement qui pourraient s'apparenter au travail du génie : écrêter les parapets, combler les fossés, jalonner les pistes, faciliter le passage des zones bouleversées comme le précise l'historique page 37.
Afin d'éviter de former des troupes nouvelles sans arrêt pour ces tâches particulières, des bataillons furent affectés à l'A. S. Les bataillons se gèrent de manière autonome mais sont liés à une unité de l'A. S. et, en tant qu'unité mise à la disposition de l'A.S., reçoivent leurs ordres de l'A.S.
  • Une instruction indispensable :
Travailler avec des chars ne s'improvise pas. Du 26 février au 6 avril 1918, les troupes sont instruites au camp de Poivres dans l'Aube. Chaque section travaille avec une des unités soit du groupement IV (Schneider) soit du groupement XI (Saint-Chamond). Il n'y a hélas aucun détail sur l'organisation de cette instruction.
Le 7 avril 1918, 8 des 9 sections des trois premières compagnies du bataillon sont mises à la disposition du groupement IV de l'A.S.
1ère compagnie : 2 sections avec AS13, 1 section avec AS14
2e compagnie : 1 section avec AS14, 2 sections avec AS16
3e compagnie : 2 sections avec AS17, 1 section avec AS32 reste au camp et poursuit son instruction avec le groupement XI.
4e compagnie : 3 sections avec AS 34 et 35 restent à Poivres et continuent leur instruction avec les unités du groupement XI.

Les sections sont transportées de Poivres à Villers-sur-Coudun (Oise) où elles continuent leur instruction jusqu'au 9 juin, effectuant des « manœuvres avec les troupes en secteur ».

En mai, les sections restantes sont attachées au groupement XI.

Cette instruction se poursuit tout au long de l'année 1918. En camp (à nouveau à Poivres en octobre), lors de manœuvres (avec la 14e DI par exemple, du 30 août au 5 septembre) ou dans la zone des armées (camps de Nantivet à 1 kilomètre à l'Est de Suippes en septembre), elles sont scrupuleusement consignées dans le JMO. De même, lorsque les compagnies sont affectées à des B.L.C. du 504e R.A.S., elles suivent un entraînement spécial pendant une grande partie du mois de septembre : après une période de manœuvres, l'instruction pour l'accompagnement des chars légers est poursuivie notamment par une conférence du commandant de Forsanz, commandant le 504e R.A.S. sur le rôle de l'infanterie d'accompagnement.

Le JMO a une présentation très particulière pour un bataillon d'infanterie. Cela tient à la fois de son rôle particulier mais aussi au fait que chaque compagnie (et parfois chaque section) a un parcours qui lui est propre.
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  • Un parcours à individualiser :
Les compagnies sont affectées à plusieurs bataillons différents de l'A.S. On réussit d'ailleurs à suivre plus facilement les troupes au niveau de la section plutôt qu'au niveau de la compagnie : les sections sont régulièrement séparées. On le constate dès la mise en place des unités et à cela s'ajoute des changements d'affectation temporaires ou définitifs.

Pour ne prendre que l'exemple du début de l'existence du bataillon :
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Ainsi la 4e compagnie aura un sort différent des autres pendant la première partie des opérations, puis ce sera la 3e compagnie qui suivra un cheminement particulier jusqu'en octobre.

Si les compagnies peuvent avoir leur parcours propre, les regroupements sont réguliers après les combats. Suivre le cheminement d'une compagnie permet de bien se rendre compte de l'évolution de l'organisation de la compagnie au combat, le rythme propre à la nouvelle arme.
  • La 1ère compagnie du 2e bataillon du 262e RI :
Après sa mise sur pied, la 1ère compagnie passe plus de deux mois à apprendre à manœuvrer avec les chars, à les guider, à travailler pour eux, d'abord dans le camp de Poivres puis plus près du front, à proximité de Compiègne. Les sections sont affectées aux AS13 et 14 (sur char Schneider).
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Voici la structure au départ vers le front telle qu'elle ressort du JMO, sachant qu'il n'indique pas la structure de commandement.
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C'est en juin qu'elle se déploie au front, deux sections avec l'A.S. 13 (capitaine Léon et lieutenant Jameux) une avec l'A.S. 14 (lieutenant Bonneville) complétée par une section de la 2e compagnie. Elle y subit ses premières pertes mais il n'est pas fait mention de participation à une attaque (alors que c'est le cas pour la 3e compagnie). Les hommes furent probablement victimes de bombardements.

Le 9 juillet, la section Léon combat, mais pas les sections Jameux et Bonneville. Par contre, l'A.S. 13 et l'A.S. 14 sont engagés lors de l'offensive du 18 juillet. L'AS13 poursuit le 19 quand l'A.S. 14 reste au bivouac. Pendant ces combats, le capitaine Léon est en permission et il rentre pour prendre le commandement par interim du bataillon. Le lieutenant Bonneville prend le commandement de la compagnie. Le 21, le groupe Bonneville attaque quand le groupe Jameux est au repos. Le 23, les deux groupes attaquent à nouveau.

On le voit nettement, la participation au combat est fragmentée. Cela tient à l'arme blindée : il faut le temps de réparer, entretenir le matériel avant un nouveau combat. Il est probable que le niveau des pertes en matériel explique également des chronologies différentes (trop peu de chars opérationnels = pas de combat).

Après un court cantonnement à Haramont (Aisne), la 1ère compagnie change d'affectation : elle passe au Groupement II de l'A.S. (A.S. 3, A.S. 8 et A.S. 12) qu'elle rejoint à Cumières le 3 août et est engagée près de Lancourt dès le 17 août. Après un bivouac à la cote 99, la compagnie retourne à Poivres et reprend l'instruction avec le reste du bataillon. C'est là qu'elle participe à des manœuvres avec la 14e DI puis qu'elle travaille à son instruction avec les chars légers. Du 6 au 20 septembre, elle est pour ce faire au camp de Mailly où elle cantonne dans des baraques Adrian dites « Des Malgaches » à Mailly village.

Le 22 septembre, la compagnie embarque à Sommesous et arrive à Cuperly. Le bivouac est au camp Lafayette.

L'affectation d'une compagnie du 262e RI par bataillon de chars légers modifie l'organisation. La compagnie doit notamment fournir 5 hommes pour accompagner et guider les chars (1 gradé et 4 hommes) et des « équipes de travailleurs pour les travaux de franchissement nécessaires au-delà de la ligne d'intervention ». La 1ère compagnie est avec le 11e B.C.L. du 504e R.A.S.
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Théoriquement, cela donne l'organigramme suivant pour une section de chars Renault FT :
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Ensuite, la compagnie (avec les 2e et 3e compagnies) participe aux combats au nord de Somme-Py qui se poursuivent plusieurs jours et mènent en Ardennes. C'est pendant une reconnaissance que le lieutenant Bonneville est blessé au visage. La 3e section est affectée à l'A.S. 331 et combat les 2 et 3 octobre pendant que les deux autres sections restent au camp de Nantivet. Le 6 octobre, 23 hommes « sont mis à la disposition d'une compagnie de combat formée avec les chars restant du 11e B.C.L. ». Elle participe aux combats le 8 octobre à l’Ouest de Saint-Pierre-à-Arnes.
C'est le dernier combat auquel participe la compagnie. De Nantivet, elle regagne le camp de Poivres où elle se trouve lors de la signature de l'armistice.

Son rôle de bataillon d'accompagnement s'achève le décembre 1918 : le bataillon est envoyé à Connantre (Marne), mis à la disposition de la Direction de l'Arrière « pour être employé dans les gares régulatrices ». Le bataillon est dissout le 16 février 1919.


Pour finir, je laisse la parole à un célèbre général qui a écrit à propos du 262e RI :
9 décembre 1918 – G. Q. G.
Le 262e RI, mis à la disposition de l'A. S. par note n° 18492, du général commandant en chef, en date du 16 février 1918, est mis à la disposition de la direction de l'arrière, par note 173, en date du 1er décembre 1919.
Du 5 avril au 14 octobre 1918, les trois bataillons du 262e RI ont pris une part très glorieuse, en liaison intime avec les groupes Schneider et Saint-Chamond, à vingt-deux combats, et en particulier à la contre-attaque du 11 juin et à la mémorable contre-offensive du 18 juillet. Après avoir fourni un admirable effort avant chaque engagement pour préparer les pistes des chars, le 262e a constamment déployé pendant le combat les plus brillantes qualités militaires. Les actions d'éclat des « hommes d'élite » du 262e, accompagnant à découvert les chars, les devançant pour les guider dans leur progression périlleuse ne se comptent pas. Elles ont maintes fois provoqué l'admiration de tous.
C'est avec un profond regret que l'A. S. voit partir ces collaborateurs éprouvés. Ils emportent notre reconnaissance affectueuse, et nous serons heureux qu'ils conservent, en souvenir de la fraternité d'armes qui nous lie pour toujours, les insignes de l'arme aux succès de laquelle ils ont tant contribué.

Signé : Général Estienne,
Commandant l'A. S.


Cité dans l'historique du régiment page 8 et dans le JMO.
  • A propos des pertes :
Voici le tableau des pertes du 2e bataillon, dressé exclusivement à l'aide du JMO.
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Il est très précis, les pertes sont nominatives et indiquent souvent l'origine de la blessure. On constate des pertes équivalentes dans toutes les compagnies malgré des engagements différents. Les blessures sont majoritairement dues à l'artillerie. Une blessure mérite d'être mentionnée ici : celle du caporal Daniel, contusionné entre deux chars lors d'exercices.

Sur les 19 soldats morts indiqués par le JMO, 15 fiches MDH ont été retrouvées. Une majorité est originaire du Morbihan (lieu de départ du 262e RI de Lorient) et de la Seine. On retrouve aussi des provenances variées explicables par l'arrivée de renforts d'autres régions militaires. Les pertes de ces bataillons sont, sans surprises, attribuées au 262e RI : si le régiment est mis à la disposition de l'A.S., son administration lui est propre. De ce fait, il n'est pas possible de distinguer dans les fiches MDH les hommes tués au cours des opérations avec les chars autrement que par la date. Toutefois, j'ai trouvé une exception : une fiche comporte la mention du régiment de l'A.S. auquel était affectée la compagnie à ce moment :
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Autre point intéressant et peu surprenant : le soldat Pigeard a été tué ce qui a permis d'avoir son matricule, son bureau de recrutement et ainsi de retrouver sa fiche matricule. La consultation du document montre que l'affectation notée est simplement 262e RI, ce qui est logique puisque ce document est administratif : il ne s'agit que de savoir son corps et sa présence dans la zone des armées ou non. Donc aucune mention de sa compagnie, de sa section ou même de tout rôle dans l'accompagnement de chars.

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Ainsi, il est difficile de reconstituer le parcours d'un soldat du 262e RI, car même si son bataillon est connu, voire sa compagnie, c'est au niveau de la section qu'il faut chercher !
  • En guise de conclusion :
Ce simple exemple montre en tout cas l'évolution tactique de l'utilisation des chars et la mise en place d'une organisation nouvelle et autonome pour répondre à la nécessité de la mise en œuvre d'une arme nouvelle. On s'éloigne aussi de l'image classique du char, navire d'acier tanguant seul dans le no man's land comme dans cet exemple tiré de la bande-dessinée Le Pilote à l'Edelweiss : les fantassins sont uniquement derrière le char.
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Le JMO, bien que remarquable, laisse de nombreuses questions en suspend dont il doit être possible de trouver les réponses au SHD. Quelle était la structure exacte sur le terrain (les éléments donnés par le JMO étaient-ils respectés) ? Surtout, si le récit du JMO est complet sur les déplacements, sur la participation aux combats, il manque la narration circonstanciée d'un engagement. Peut-être un tel récit existe-t-il sur un groupe d'élite ou un soldat du groupe d'accompagnement d'une telle section d'infanterie ? Il nous permettrait de nous rendre compte de la réalité de l'action de ces hommes, de répondre à d'autres questions comme : que faisaient-ils si leur char était immobilisé tout au début de l'engagement ? Difficile de l'imaginer à part, pour l'instant, en lisant certaines citations de soldats : Cosson (François). - A suivi le char qu'il accompagnait sur une tranchée ennemie non encore conquise ; a pris l'initiative d'aller piloter un autre char que le sien dans des circonstances aussi périlleuses. A été blessé en exécutant la mission qu'il s'était donné". Non datée, cette citation ne porte peut-être pas sur le combat du 8 octobre 1918 au cours duquel il fut tué (Saint-Etienne-à-Arnes, Ardennes).
On trouve aussi quelques allusions dans l'historique « Nous serons intimement liés à nos camarades de l'A.S. Que de fois, sous un violent bombardement, les groupes d'élite, au lieu de se terrer près des chars, s'y verront bien accueillis à l'intérieur par leurs camardes ! »
Même chose pour les photographies : il doit bien exister des vues de l'entraînement de ces hommes. Une seule suffirait à illustrer cet article. Mais le répertoire du 262e RI dans le site du Chtimiste est vide.
  • Sources :
JMO du 2e bataillon du 262e RI, SHD 26 N 731/11.
Anonyme, Historique du 262e régiment d'infanterie, Paris, Charles Lavauzelle et compagnie éditeur, 1921.
Inventaire des travaux sur l'A.S. de Michel « Tanker »sur le forum pages 14-18 : pages1418/Pages-d-Histoire-Artillerie/A ... 1579_1.htm
Les illustrations de soldats proviennent d'infographies d'André Jouineau.
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Jean RIOTTE
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Jean RIOTTE »

Bonsoir Arnaud,
Très beau travail.
C'est pour moi une véritable découverte, même si je me doutais bien que l'accompagnement des chars ne consistait pas seulement à marcher à côté ou derrière les chars selon la situation du moment!
On touche par cette étude particulièrement fouillée les débuts de la nécessité d'une coopération inter-armes qui petit à petit tendra vers une coopération inter-Armées... comme de nos jours.
Bravo pour ce travail, très intéressant.
Bien cordialement,
Jean RIOTTE
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Tanker
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Tanker »

Bonjour Arnaud,

Pour les curieux d'infanterie (sans doute plus nombreux que ceux du char . . . ),
c'est effectivement très bien de ne pas l'avoir placé dans la rubrique Artillerie d'assaut.
Il sera toujours possible de mettre le sujet en lien sur un sujet photos, plus spécifiquement lié à l'infanterie spécialisée des chars.

Le besoin de voir accompagner les chars par de l'infanterie spécifique a été très vite ressenti et la première mention de cette infanterie spécifique
se trouve dans un projet de note du Général Estienne, soumis à l'approbation du Général Joffre en Octobre 1916 (carton SHD 1K91).

Le Général Estienne propose en page 4 et 5 de cette note, intitulée : "Bases générales de l'organisation et de la tactique de l'Artillerie d'Assaut (AS)" :

A chaque Batterie d'AS est étroitement associée une Compagnie d'Infanterie dite "Compagnie de Soutien".
La mission de cette compagnie consiste à suivre au plus près la batterie au cours de sa progression, à la rallier toutes les que c'est possible,
à aider les chars à passer les obstacles infranchissables par les moyens du bord, par exemple une large tranchée qu'on vient d'enlever ou un bois très touffu.
Cette mission de soutien est exclusive de toute aute; le nettoyage des tranchées, l'organisation des positions conquises, incombent à d'autres unités
Pour assurer une liaison intime entre les Batteries d'assaut et leurs compagnies de soutien, on réunit ces unités en arrière du Front quelques jours avant l'attaque et on les faits
manoeuvrer ensemble.


Le Général Estienne, signe cette note : "Du réduit du Trou d'Enfer, le 9 Octobre 1916"

Le principal était dit, et dès le début de l'année 1917, trois unités sont désignées pour fournir des Bataillons destinés à devenir cette infanterie spécialisée.
En Janvier 1917, le 17° BCP est désigné pour assurer cette mission. Il s'installe le 3 à Béthizy St Martin.

Cette unité, participera à plusieurs des premières intervention des Unités d'AS :
En Mars 1917, avec le Groupement provisoire Chaubès, dans l'engagement annulé du Secteur de Beuvraignes,
En Avril 1917, avec le Groupement Lefebvre, dans l'engagement annulé du Bois de la Grille,
En Mai 1917, avec le même Groupement Lefebvre, dans l'attaque sur Laffaux du 5 Mai 1917,
Le 2 Juin 1917, le 17° BCL rejoint sa Division et quitte définitivement l'AS.
Le Haut Commandement n'avait pas encore compris qu'il fallait des fantassins totalement associés aux chars.
Le Général Estienne l'avait de suite intégré, lui qui, avait proposé d'équipé les chars d'une remorque blindé portant 20 fantassins . . .
Il lui faudra encore quelques mois pour amener le Commandment à ses idées.

L'idée qui prévalait était qu'il suffisait de désigner une unité des Divisions attaquant avec les chars (à former un peu plus spécifiquement à Champlieu),
pour répondre aux besoins.

C'est la solution qui sera retenue pour l'attaque des Groupements Chaubès et Bossut, le 16 Avril 1917, dans le secteur de Juvincourt.
Les 154° RI et 76° RI seront chargés d'envoyer des compagnies se former à Champlieu.

La lecture des JMO :
154° RI - 26N698-02 page 87 à 93
76° RI - 26N662-03 page 07 à 12
76° RI - Historique page 22

Ainsi que celui du 17° BCP
17° BCP -26N821-22 - page 20 et 21
17° BCP -26N821-23 - page 01 et 14

Permet de voir combien une unité bien instruite et réellement intégrée dans l'AS, comme l'ont été le 17° BCP et les Bataillond du 262° RI.

Pour les engagements sur Laffaux du 23 Octobre 1917, deux nouvelles unité sont mises à contribution.
Groupement n° X - 11° Régiment de Cuir (pas de JMO)
Groupement n° II - 9° Régiment de Cuir - 26N877 - page 35 à 39

Les escadrons de ces 2 Bataillons seront envoyés à Champlieu pour de courtes périodes d'instructions.

Avec ces derniers engagements de chars de 1917, le Haut Commandement estimant qu'il n'était pas nécessaire d'immobiliser
inutilement d'unité de valeur, ne redésignera pas de nouveaux Bataillons, et ce jusqu'à la décision d'affecter 3 Bataillons du 262° RI à l'AS.

Ces trois Bataillons du 262, avec initialement pour base arrière Mailly-Poivres, Martigny-les-Bains et Champlieu, ne seront pas en mesure
de fournir un appui à toutes les unités de chars crées, et le retour au combat de mouvements, en terrain moins bouleversé verra
de nombreuses unités (en particulier de Renault) intervenir sans unités d'accompagnement.

Il reste un point assez curieux, pourquoi l'ordre de dissoudre le 262° RI est-il accompagné de l'interdiction de faire une prise d'arme,
et d'un retour (sans cérémonie) du drapeau du Régiment aux Invalides ?

Il est, par ailleurs dommage qu'un seul JMO des trois Bataillons autonomes ait été conservé . . . . (encore un grenier à fouiller ? ?)

Un bon repère de l'intégration des soldats d'infanterie d'accompagnement dans les chars est, sans aucun doute, de voir les noms
de plusieurs soldats tués du 262° RI, inscrits sur le monument des chars de Berry-au-Bac, avec les morts de leur unité de chars.
Une "erreur" de fin de guerre, au moment de l'établissement des listes de tués par unités qui a, peut-être été délibérée.

A suivre . . . . avec quelques photos parlantes - Michel
Email - [email protected]

Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Arnaud Carobbi »

Bonjour Michel,

Merci pour cet ajout qui est plus qu'un complément détaillé du travail mais un ensemble qui permet d'y voir nettement plus clair, en particulier sur la question des expériences d'accompagnement des chars en 1917.
Je suis bien d'accord avec votre conclusion concernant l'intégration des soldats du 262e et des unités de chars visible sur le monument des chars de Berry-au-Bac. Il confirme ce qu'écrivait le général Estienne et l'historique.

Amicalement,
Arnaud
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Tanker
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Tanker »

Bonjour,

Concernant le choix du 262° RI, sa dissolution et le maintien des 3 Bataillons autonomes de ce Régiment, il y a peut-être
une réponse avec, simplement, un manque de ressource en personnel de la région Lorientaise, berceau du 262° RI.

A la déclaration de guerre, le 262° RI appartenait à la 61° DI composée de :

- 121° Brigade :
219° RI de Brest
262° RI de Lorient
318° RI de Quimper

- 122° Brigade :
264° RI de Ancenis
265° RI de Nantes
316° RI de Vannes

Ces 6 villes, dépôts de ces régiments de réserve, drainaient la ressource en recrues de la région,
et ces mêmes 6 dépôts avaient aussi la charge des régiments d'actives :
19° RI de Brest
62° RI de Lorient
118° RI de Quimper
64° RI de Ancenis
65° RI et 411° RI de Nantes
116° RI de Vannes

Avec la Réorganistaion des Divisions de l'été 1916 qui, de 2 Brigades à 3 Régiments passent à 2 Brigades à 2 Régiments, 2 des
Régiments de Réserves de la 61° DI (les 316° et 318° RI) sont dissous et leurs personnes versés dans les 4 autres Régiments.

La réorganisation suivante de Mars 1917, voit la suppression des Brigades et la création de la DI à 3 Régiments.
c'est à cette date que le 262° RI quitte la 61° et rejoint la 81° DI qui est alors composée de :
262° RI de Lorient
279° RI de Neufchâteau (Vosges). Le dépôt de ce Régiment (et du 79° RI était à Decize - Nièvre)
308° RI de Bergerac

En Janvier 1918, la 81° DI est dissoute et ces éléments organiques (en autre artillerie) sont intégrés dans une nouvelle Division : la 1° DCP.
Le 308° RI est dissous,
Le 279° RI est affecté à la 62° DI?
Le 262° RI (dissous aussi) est transformé en Bataillon autonome d'accompagnement des chars.

Quelles sont les raisons qui ont déterminé, en Mars 1917, que c'est le 262° RI qui quitterait la 61° DI ?

Il serait, peut-être, intéressant de se pencher sur les problèmes de ressources en personnels des régions historiques de ces régiments
Avec l'invasion du Nord de la France, tous les Régiments dont les dépôts se trouvaient en zone occupée, se sont vus attribuer
un nouveau dépôt en Zone de l'Intérieur, et ces unités ont donc été alimentées en personnels par des ressources qui n'étaient
plus celles de leurs régions d'origine.

A titre d'exemple :

Quimper, est aussi devenu le dépôt :
- des 87°, 287° et 402° RI, Régiments originaires de ST Quentin, en zone occupée par les Allemands.
- des 151°, 351° RI, Régiments originaires de ST Quentin, en zone occupée par les Allemands.

Nantes, est aussi devenu le dépôt :
- de la 2° Section des Secrétaires d'Etat-Major et du Recrutement d'Amiens.
- de la 2° Section des Commis et Ouvriers Militaires d'Administration d'Amiens
- des 91° et 291° Régiment d'Infanterie, Régiments originaires de Mézières, en zone occupée par les Allemands.

Vannes, est aussi devenu le dépôt :
- des 148° et 348° Régiment d'Infanterie, Régiments originaires de Rocroi, en zone occupée par les Allemands.

et Lorient est aussi devenu le dépôt :
- des 29°, 229° et 329° Régiment d'Artillerie, Régiments originaires de Laon, en zone occupée par les Allemands.
- des 45° et 245° Régiment d'Infanterie originaires de Laon, en zone occupée par les Allemands.
- du 118° RAL

C'est sans doute là, dans les problèmes de ressources en personnel de la région Lorientaise, qu'il faut chercher le choix du 262° RI,
pour être, dans un premier temps, le Régiment choisi pour quitter la 61° DI en Mars 1917, puis pour être dissous (en tant que Régiment)
en Janvier 1918.

Il est probable que, les 3 Bataillons autonome du 262° RI, affectés aux chars, ont continué à être alimenté en personnel par le dépôt de Lorient.
Pour ce dépôt de Lorient, la charge en ressource personnels, occasionnée par ces 3 Bataillons autonomes aus structures allégées était certainement
bien inférieure à celle qu'elle avait pu être pour ce même régiment avant dissolution.

Si c'est bien toujours le dépôt de Lorient qui fournissait aux 3 Bataillons d'Infanterie d'AS les personnels de relève,
la Bretagne est donc bien partie prenante dans l'histoire de l'Artillerie Spéciale.

Très bonne après-midi - Michel Souquet
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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Arnaud Carobbi »

Bonsoir Michel,

J'ai mis un peu de temps à répondre à votre nouvelle intervention car je voulais encore faire quelques vérifications, c'est chose faite, je me lance.
Pourquoi le 262e RI a-t-il été dissous ? En réalité, à l'inverse d'autres, il n'est dissous que comme régiment, une grande partie de ses ressources continuant d'exister sous la forme vue précédemment. Cela rend votre conclusion particulièrement pertinente puisque les besoins en renforts furent réduits.

Il doit bien y avoir dans un carton du SHD les arguments qui ont poussés au choix de tel régiment plutôt que tel autre. Vous évoquez la piste des ressources humaines dans le choix et votre hypothèse est très séduisante.

Il serait effectivement fort intéressant de trouver soit des documents officiels soit une étude sur les affectations (provenances) dans les régiments que vous citez.
Je suis en train de faire un tel travail pour le bureau de recrutement de Mamers et je vais de surprise en surprise. Ce bureau de recrutement a dans sa circonscription le 115e RI, le 29e BCP (on est loin du cas de Lorient). Et bien en ce qui concerne les jeunes classes (1914-1916), la conclusion est on ne peut plus simple : l'affectation des jeunes recrues à ces deux corps, que ce soit pour l'instruction ou lors de l'envoi au front est tout simplement infinitésimale ! Ils sont pratiquement tous envoyés dans des corps d'autres départements, voire d'autres régions militaires. Toutefois, ces dépôts n'étaient évidemment pas alimentés que par de jeunes recrues, il faudrait aussi voir dans les hommes plus âgés... Il y a, en somme, toute une recherche à mener sur l'origine des soldats envoyés dans les régiments.
Pour le 262e RI, les pertes sont tout de même majoritairement des hommes du bureau de recrutement de Lorient, mais ce sont des hommes des classes antérieures à 1910. Les plus jeunes classes sont du bureau de recrutement d'Amiens, de Saint-Brieuc... Les jeunes étaient probablement affectés ailleurs, les réservistes pouvaient repasser par le dépôt, ce qui expliquerait cette répartition des pertes.

Vous avez posé une question passionnante mais à la réponse pour l'instant complexe.

Amicalement,
Arnaud
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Tanker
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Tanker »

Bonsoir Arnaud,

Le sujet intéresse aussi les Bretons !

Yann Lagadec, maître de conférences en histoire à l'université de Rennes 2, coorganise, les 14 et 15 mai 2014
(à Coëtquidan et à Rennes), un colloque sur "La Grande Guerre des Bretons"

Ci dessous, l'appel à Communication pour ce colloque :

http://calenda.org/242907?file=1

et la référence à un ouvrage paru, entamant la réflexion conduisant à ce colloque :

http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=3249

Pour faire une communication complète et significative, concernant le 262° RI durant son année avec les chars,
il faudrait faire un travail de fond sur les fiches matricules des affectés au 262° RI.

Le "retard" des départements bretons, dans la mise en ligne des fiches matricules, rend difficile de s'atteler
à la tâche sans se déplacer.

D'ici 5 ans (en 2018 ou 2019), la Bretagne aura peut-être rattraper son retard sur les départements en pointe
dans ce domaine, et avec en plus les fiches des classes les plus jeunes, il sera sans doute possible de vérifier
si les 3 Bataillons d'Infanterie d'Assaut du 262° RI sont restés totalement Bretons jusqu'à la fin de la guerre.

Maintenant peut-être que d'ici là, un Breton saura s'intéresser au sujet . . . . .
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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Arnaud Carobbi »

Bonjour CD9362,

La fiche matricule est illisible. Votre AGp est-il resté au 262e Ri jusqu'à sa démobilisation ou a-t-il été affecté au cours du conflit dans un autre régiment ?

Cordialement,
Arnaud
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Tanker
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par Tanker »

Bonjour,

Si votre Arrière-Grand-Père n'a appartenu au 262° RI qu'entre Mars et Octobre 1915,
il n'a jamais appartenu aux unités d'infanterie d'accompagnement des chars.

Tout est dans le sujet d'Arnaud . . . . . : les Bataillons du 262° RI n'ont été engagés avec les chars qu'en 1918.
Pas encore de char français en Mars 1915 !

Bonne relecture - Michel
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pouldhu
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Re: Au détour des JMO (27) - 262e RI, unité d'accompagnement de l'AS

Message par pouldhu »

Bonjour à tous, savez vous pourquoi quand je veux ouvrir le JMO du 262 sur MDH, j'ai le message suivant "l'image demandée n'existe pas" ?
A+ et merci d'avance,
Gilles.
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