155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Vince14-18
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par Vince14-18 »

Bonjour "ALVF"
Même s'il a été très critiqué par les artilleurs français en raison de sa trop faible portée (et à juste titre), il me semble pourtant que le Rimailho (puis son successeur, le St-Chamond) est un peu trop systématiquement critiqué. En effet, en vous lisant (explications très claires et précises), on se rend compte que c'était un canon qui avait donc, de par sa conception plus moderne, des qualités que n'avait pas son homologue allemand : notamment une cadence de tir beaucoup plus rapide : de 5 à 6 coups/mn contre 1 à 2 pour le 155 allemand (mais avec, comme revers de la médaille, un tube qui chauffait assez vite). Ceci ne compensait peut-être pas cela, mais quand même.
Du coup, sachant que côté français, nous avions aussi un 155 Long (de Bange, je crois ?) qui avait pour sa part une "bonne" portée (plus de 9 km), pourquoi l'armée française n'a t-elle pas choisi d'en faire construire un plus grand nombre, ce qui aurait permis de disposer à la fois de la longueur de tir et de la cadence ? J'ai en effet l'impression (mais peut-être fausse ?) que ce canon est resté assez rare dans les régiments d'artillerie côté français durant tout le conflit. Avez-vous une idée ou une explication ?
Cordialement
Vincent
ALVF
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par ALVF »

Bonsoir,

Effectivement, le 155 C modèle 1904 TR Rimailho n'a été construit en tout qu'à 112 exemplaires.
En 1914, 104 pièces arment 26 batteries réparties entre 8 groupes (6 groupes à 3 batteries, 2 groupes à 4 batteries), 8 pièces sont en réserve.
Malgré ses qualités, il ne pouvait être remis en production et Saint-Chamond a produit son modèle 1915, dérivé d'un obusier étudié pour le Mexique tandis que Schneider produira son modèle 1915 puis modèle 1917 (dérivé d'un modèle produit pour la Russie) qui sera construit en très grande série.
Le Rimailho disparaîtra par usure ou destruction sur le front, il n'en existe plus que 33 à la fin de 1917 et 23 le 11 novembre 1918 (dont seulement 4 sur le front à l'armistice).
Rimailho avait étudié avant la guerre un tube puissant pour monter sur son affût mais le projet reste sans suite. Rimailho passe alors dans l'industrie privée au département "artillerie" des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt plus connues sous le nom de leur implantation principale à Saint-Chamond.

Le 155 C Rimailho avait un défaut, les organes compliqués "merveilles de mécanique", notamment ceux commandant l'ouverture automatique de la culasse, le chargement semi-automatique et le frein qui étaient assez fragiles lors d'un emploi intensif.
Un seul exemple, le groupe de mon Grand-Père ( 2e Groupe du 2e R.A.L) commence la bataille de le Marne près de Vitry-le-François avec 12 canons ayant tiré seulement une fois pour couvrir le repli du Corps d'Armée colonial à l'issue dramatique de la bataille des frontières. C'est donc un groupe de canons intact qui commence la bataille et qui aura le triste privilège de subir plusieurs tirs d'écrasement d'obusiers lourds réglés par un "Drachen" mais aussi l'occasion de massacrer à courte distance une infanterie allemande avançant imprudemment à découvert à petite distance.
Après cinq jours de combats intensifs, le résultat:
-sur les 150 artilleurs sur la ligne de feu, 30 tués, 90 blessés et 30 indemnes (dont mon Grand-Père!).
-sur 12 canons de 155 C Rimailho: 2 détruits par le feu, 1 avarié par le feu, 5 en avarie après avoir tiré trop longtemps à charge 0 pendant de longues périodes (parfois à 6 coups/minute!), reste donc 4 pièces en état de tirer.

Une pièce très fragile et très compliquée est constituée par le linguet dont les rares exemplaires disponibles en Réserve Ministérielle sont tous consommés au début d'octobre 1914!
Cordialement,
Guy François.
Vince14-18
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Re: 155 CTR... et "carnets de guerre"

Message par Vince14-18 »

Merci à vous,
l'expérience de mon GP est à peu près semblable puisqu'à Verdun en 1916 (il a fait toute cette bataille aux abords du fort de Souville), les 155 CTR de sa batterie (la 30ème) et de la 31ème tombent peu à peu et de plus en plus souvent en panne : pb de culasse, de "tiges", etc. sans compter ceux qui sont régulièrement détériorés par des éclats d'obus allemands et de tous calibres (jusqu'au 420 !).
Sinon, tout à fait autre chose qui peut peut-être vous intéresser : en effectuant mes recherches, j'ai découvert, par hasard, les "carnets de guerre 1915-1918" d'un jeune lieutenant (Polytechnicien de 20 ans en 1915) d'artillerie. Ces carnets ont été publiés sous le titre "Le sol est fait de nos morts" aux éditions N.E.L. en 1987, du lieutenant Jean Daguillon. En 1917, celui-ci est "muté" pour devenir observateur en avion. Il meurt en Alsace le 23 février 1918, son avion ayant été abattu. Ayant eu la possibilité d'en lire plusieurs passages, ce récit, alors qu'il n'a pas été retravaillé, est d'une richesse de détails extraordinaire et passionnant. il sera donc bientôt sur ma table de chevet ! Si vous ne connaissez pas ?...
Cordialement
Vincent
bernard berthion
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par bernard berthion »

Bonjour,
début février 2015, sur ce Forum dans mon sujet passionnel " Août 1914 dans les Ardennes", je parlais du repli du 2è RAL qui effectua de nombreux tirs sans avoir de pertes dues aux tirs de contre-batteries.
Ce fut pour moi une agréable occasion d'échanger avec Guy François pour apprendre que son Grand-Père faisait partie de ce régiment et de découvrir les qualités de ce canon cité dans l'Historique du FAR 63: " ... le 24/08, la frontière française est franchie près de Chassepierre, on marche S-O en direction de la Meuse .... Pour la première fois, le régiment entre sous le feu de l'artillerie lourde ennemie, et essuie des pertes notables en hommes et en matériel. L'entrée en action des 155, leur efficacité et d'une façon générale la violence des tirs d'artillerie ennemie, donnent à ce combat un caractère de violence et d'acharnement que nous n'avons pas connu au cours des combats précédents ...."

Cordialement BB
- Août 1914 dans le département des Ardennes : du début août avec l'arrivée et le passage des troupes se concentrant en se dirigeant vers la Belgique, au repli de fin août vers la Marne en résistant sur la Semoy, La Chiers, la Meuse, l'Aisne, la Retourne.
ALVF
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par ALVF »

Bonsoir,

Voici un 155 C modèle 1904 TR portant une peinture de camouflage en batterie à Belleville-sur-Meuse en juin 1916 en pleine bataille de Verdun:
155 CTR mle 1904 Belleville juin 1916.jpg
155 CTR mle 1904 Belleville juin 1916.jpg (222.99 Kio) Consulté 3131 fois
Pour Vincent, oui, je connais le livre du lieutenant Daguillon, ses carnets sont remarquables et bien au-dessus de beaucoup d'autres par la puissance du témoignage et la qualité de l'écriture.

Cordialement,
Guy François.
Vince14-18
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par Vince14-18 »

c'est aussi mon sentiment en lisant les extraits auxquels j'ai pu avoir accès : pour quelqu'un qui a une petite vingtaine d'années... S'il avait vécu, il aurait sûrement eu une brillante carrière.
Merci pour cette photo très intéressante que je vais donc conserver.
Vincent
bernard berthion
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par bernard berthion »

Bonjour,
en triant et classant mes archives, je vous adresse cette photo reprise d'une double plaque de verre avec la mention que je crois déchiffrer " Woêvre 1915".
Un régiment d'artillerie avec des 155 CTR pouvait-il s'y trouver ?

Image

Cordialement BB
- Août 1914 dans le département des Ardennes : du début août avec l'arrivée et le passage des troupes se concentrant en se dirigeant vers la Belgique, au repli de fin août vers la Marne en résistant sur la Semoy, La Chiers, la Meuse, l'Aisne, la Retourne.
ALVF
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par ALVF »

Bonsoir,

Il ne faut pas chercher, en 1915, le Régiment mais bien la batterie de 155 CTR de la photographie.
En effet, en cette année 1915 où nous étions très démunis en matière d'armes essentielles (artillerie lourde, artillerie de tranchée, etc...), c'est le général Joffre lui-même qui attribuait la ou les batteries de 155 C modèle 1904 TR aux grandes unités chargées d'une offensive.
Plus tard, surtout à partir de 1917 et 1918, le GQG attribuera par fournées les Groupes ou Régiments d'artillerie lourde...
Le SHD est en maintenance depuis quelques jours, il ne devrait pas être difficile, dès la reprise, d'identifier les batteries de 155 CTR affectées aux Corps d'Armée chargés de mener la tragique offensive de la Woëvre au printemps 1915.
Cordialement,
Guy François.
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Willelmus
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par Willelmus »

Merci pour tous ces développements passionnants d'érudition. Je ne pensais pas initier ainsi d'aussi fructueux retours !
Malgré tout, je demeure encore incertain sur la composition ou l'organisation des équipes d'attelage des 155 CTR en 1914, d'autant que les pièces du groupe qui m'intéressent semblent être longtemps restées hippomobiles. Est-on passé à un moment ou un autre à des tracteurs motorisés, peut-être lors du passage sur 155 Schneider ?
ALVF
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Re: 155 CTR : personnel de pièce et de batterie

Message par ALVF »

Bonsoir,

Les unités de 155 C modèle 1904 TR sont restées hippomobiles pendant toute la guerre.
En effet, les groupes et batteries de 155 C modèle 1904 TR, modèle 1915 Saint-Chamond et Schneider, modèle 1917 Schneider sont toujours hippomobiles en 1918.
La seule amélioration a consisté à créer la Section de munitions de 155 C automobile. Cette section est forte de 1 VL, 14 camions de munitions, 1 camion à essence, 2 camionnettes à vivres et à bagages, 1 remorque cuisine attelée au camion de secours (TEG du 19 janvier 1917). A cette époque, le 155 CTR Rimailho était en voie d'être retiré du service
L'Artillerie Lourde à Tracteurs n'a jamais été équipée de canons de 155 C modernes, certains groupes de l'A.L.T ont été armés de 155 C de modèles anciens (155 C modèle 1881-1912) car leur transport et celui de leur plateforme étaient compliqués. Ces groupes étaient d'ailleurs en voie de disparition en 1918.
Par contre, à l'exemple des régiments d'artillerie de campagne portée (R.A.C.P), il était prévu de créer des Régiments de 155 C portés sur camions lourds mais cette formule, en cours de développement en 1918, n'a été concrétisée qu'en 1919.
Cordialement,
Guy François.
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