Pièces sur plateforme train à identifier

Avatar de l’utilisateur
Charraud Jerome
Messages : 8404
Inscription : dim. oct. 17, 2004 2:00 am
Localisation : Entre Berry et Sologne
Contact :

Pièces sur plateforme train à identifier

Message par Charraud Jerome »

Bonjour
On me fait parvenir 2 petits clichés de canons sur des wagons de train, photos prises en 1913.
Quel est ce type de pièces d'artillerie?
1854.jpg
1854.jpg (80.29 Kio) Consulté 2290 fois
1853.jpg
1853.jpg (77.83 Kio) Consulté 2290 fois
Merci d'avance
Cordialement
Jérôme Charraud
Les 68, 90, 268 et 290e RI dans la GG
Les soldats de l'Indre tombés pendant la GG
"" Avançons, gais lurons, garnements, de notre vieux régiment."
Image
ALVF
Messages : 7135
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Pièces sur plateforme train à identifier

Message par ALVF »

Bonsoir,

Cette photographie est intéressante, il s'agit sans aucun doute d'un obusier léger Schneider.
Plusieurs organes essentiels étant masqués, on peut hésiter entre les modèles de 105 mm et 120 mm.
Tous ces modèles ont été largement exportés, notamment dans les Balkans avant 1914.
Il semble toutefois qu'il ne s'agisse pas d'un canon en transit vers un port pour l'exportation car il est accompagné de caissons et tous ces matériels ne semblent pas conditionnés pour une exportation de matériels neufs mais semblent être en condition de transport militaire "ordinaire".
Dans ces conditions, l'hypothèse la plus séduisante est que nous sommes en présence d'un des 4 obusiers légers de 105 mm Schneider achetés par l'état français pour tester la formule de "l'obusier léger".
La batterie d'obusiers légers de 105 Schneider a été employée dès les manœuvres de 1912 où elle a fait l'objet d'expérimentations positives à tous égards. A noter sur la photographie que le wagon est un "P.O" (Compagnie du Paris-Orléans) qui peut faire penser à un retour des manœuvres de l'Ouest.Toujours testés en 1913, ces obusiers ne seront pourtant pas construits en série pour la France. En août 1914, le ministre de la guerre Messimy vendra à la Belgique cette batterie prototype toujours existante mais non affectée à une unité française. On peut d'ailleurs toujours voir un de ces 4 obusiers de 105 mm au Musée Royal de l'Armée de Bruxelles.

Ce matériel qui nous fera défaut pendant toute la guerre était pourtant réclamé par tous les artilleurs "lucides" et non inféodés à la politique du moment. En effet, il suffit de lire toutes les revues spécialisées des années 1910 à 1913 pour voir que "la question de l'obusier léger" a fait couler beaucoup d'encre. Le futur général Challéat (et bien d'autres de plus haut grade) ont réclamé sous des noms d'emprunt l'adoption rapide d'obusiers légers capables de tirer sur un ennemi retranché à contre-pente (ce que feront les allemands en 1915 pour se tenir à l'abri de l'action du "75"). Ces articles (prophétiques) avaient retenu l'attention de quelques politiciens lucides (tel Clémentel) et la commission de l'Armée du Parlement a voté les crédits pour acheter des obusiers légers de 105 sur la base de 16 pièces par Corps d'Armée. C'est alors que les "grands politiciens" au pouvoir en 1913-1914 (qui n'ont jamais porté dans leur cœur le nom de Schneider dont le plus illustre fut Président du Corps Législatif sous le Second-Empire) ont trouvé de serviles courtisans militaires pour prouver que l'obusier de 105 n'avait aucun intérêt et que la trop fameuse "plaquette Malandrin" suffirait à courber la trajectoire du 75 pour quelques francs...
Les 85 millions de Francs-Or votés sont donc repartis dans le budget commun pour permettre la construction de quelques voies ferrées d'intérêt local, assurément plus aptes à consolider une élection que de nourrir un "marchand de canons" comme Schneider.
Cet humble "détail de l'histoire" nous a coûté pourtant des dizaines de milliers de vie lorsque nos soldats se sont heurtés en Champagne et ailleurs à des secondes lignes allemandes établies à contre-pente protégées par des réseaux de barbelés que l'artillerie n'avait pu détruire...
Cordialement,
Guy François.
Avatar de l’utilisateur
Charraud Jerome
Messages : 8404
Inscription : dim. oct. 17, 2004 2:00 am
Localisation : Entre Berry et Sologne
Contact :

Re: Pièces sur plateforme train à identifier

Message par Charraud Jerome »

Bonsoir
Grand merci pour ces informations.

Cordialement
Jérôme Charraud
Les 68, 90, 268 et 290e RI dans la GG
Les soldats de l'Indre tombés pendant la GG
"" Avançons, gais lurons, garnements, de notre vieux régiment."
Image
Mercadal P
Messages : 2967
Inscription : mar. juil. 24, 2007 2:00 am

Re: Pièces sur plateforme train à identifier

Message par Mercadal P »

Bonjour.
En 2011.
viewtopic.php?t=51069
Au revoir.
PML
ALVF
Messages : 7135
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Pièces sur plateforme train à identifier

Message par ALVF »

Bonjour,

J'ai repris ma documentation sur la "question de l'obusier léger", documentation ayant notamment servi à la publication d'un article dans la Revue "GBM" en 2011.

L'obusier léger de 105 mm Schneider, acheté à 4 exemplaires par le Gouvernement français à Schneider en 1912, est du type commercial Schneider O.C 105 n° 5. C'est le ministre de la guerre Messimy, partisan de l'obusier léger, qui a passé cette commande en 1912. Messimy "tombera" malheureusement avec le Ministère Caillaux en janvier 1912 et ne redeviendra ministre de la guerre qu'en 1914.
La batterie d'obusiers légers de 105 est d'abord envoyée à Mailly pour essais puis à l'automne 1912 participe aux grandes manœuvres de l'Ouest. Pour ces manoeuvres, la batterie est placée sous le commandement du capitaine Sicard et la batterie est affectée pour la durée de la manoeuvre au 9e Corps d'Armée.
Les manœuvres montrent l'excellente mobilité du matériel et son aptitude à prendre facilement sous le feu un ennemi masqué par une pente ou installé dans une vallée profonde, ce que ne peut faire le "75" dont le tir est très tendu. Certes les canons courts lourds de 155 C "Rimailho" (qui sont en fait des obusiers lourds) peuvent accomplir cette tâche mais ils sont longs à déplacer et à changer de position ce qui interdit leur usage rapide en condition de guerre de mouvement.
A l'issue des manœuvres, la batterie de 105 rejoint Mailly en mars 1913 pour de nouveaux essais devant le ministre de la guerre (Millerand) et Joffre. Au cours de ces essais "sortent du bois" les partisans de la "plaquette Malandrin" qui doit donner au "75" les capacités du tir courbe alors que cette plaquette, inventée par le capitaine Malandrin, avait pour seul but de limiter la portée des obus de 75 sur les champs de tir trop étroits! Le malheureux capitaine Malandrin subira pendant des années les sarcasmes de ses camarades alors qu'il n'est pour rien dans le détournement de son invention. En tout cas, à l'issue de ces essais, de serviles officiers (à grand potentiel!) font croire au gouvernement que cette plaquette permet de se passer d'obusiers légers.
Lors du retour sur Paris, nul doute que l'on ait sablé le Champagne dans le wagon présidentiel car 86 millions de Francs-Or vont pouvoir retourner au budget général et Schneider devra chercher ailleurs des débouchés.
Après ceci, le général de Lamothe, chargé des expérimentations de l'artillerie, fera encore améliorer les possibilités de l'obusier léger de 105 en faisant augmenter le volume de la chambre d'un des obusiers, améliorant encore ses capacités puis tout tombera dans l'oubli jusqu'en août 1914 lorsque Messimy vendra à la Belgique cette unique batterie d'obusiers légers de l'Armée française. Notons aussi que le chef d'escadron Challéat et le général de Lamothe ont rédigé, dès 1913, des écrits véritablement prophétiques sur la tactique allemande face au "75" et sur la capacité de nos ennemis à se soustraire à l'action de notre "75".
Pauvres soldats français massacrés sur les deuxièmes lignes allemandes intactes en 1915, innocentes victimes de l'incapacité de dirigeants et d'intrigants conseillers militaires, plus soucieux de leur avenir électoral ou de leur carrière que de l'aptitude au combat de nos Armées!
Cordialement,
Guy François.
bernard berthion
Messages : 3372
Inscription : dim. oct. 24, 2004 2:00 am

Re: Pièces sur plateforme train à identifier

Message par bernard berthion »

Bonjour Guy François,
Bonjour Jérôme,

voilà une intéressante histoire bien détaillée. C'est un plaisir de la lire et de voir les chemins différents entre militaires, militaires et civils et économie budgétaire....
Sait-on si et comment les Belges ont utilisé cette batterie de 105 légers ?
Les Allemands l'ont-ils récupérée et utilisée ?
La retrouverait-on quelque-part en 1914 et suivante ?
Comment un des obusiers arriva t'il au Musée Royal de l'Armée Belge?

Beaucoup de questions mais cette histoire les mérite.

Cordialement BB
- Août 1914 dans le département des Ardennes : du début août avec l'arrivée et le passage des troupes se concentrant en se dirigeant vers la Belgique, au repli de fin août vers la Marne en résistant sur la Semoy, La Chiers, la Meuse, l'Aisne, la Retourne.
ALVF
Messages : 7135
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Pièces sur plateforme train à identifier

Message par ALVF »

Bonjour,

L'histoire de la batterie belge de nos obusiers Schneider de 105 mm est connue, notamment grâce aux livres du colonel Roger Lothaire, auteur d'une magnifique série de livres sur l'artillerie belge (voir notamment "L'artillerie légère de campagne belge de 1900 à 1940" en 2 tomes parus en 2011 aux Éditions du Patrimoine Militaire).
Il semble que la batterie n'ait pu être mise immédiatement en service au vu de la rapidité de l'entrée des armées allemandes en Belgique en août 1914. Il est même probable que les 4 obusiers ont été mis au standard de celui modifié en 1913 par agrandissement de la chambre car ils sont connus en Belgique sous l'appellation de Schneider OC n° 6. Ils ont été certainement été révisés aux usines Schneider du Havre (où seront installés les établissements belges d'artillerie). D'ailleurs Le Havre est le siège du gouvernement belge en exil, seul le Roi Albert Ier reste sur la toute petite portion de la Belgique restée hors de l'invasion.
En fait, la batterie d'obusiers Schneider est mise en service sur le front belge le 15 mars 1915 et est attribuée à la 1ère Division d'Armée belge.
La batterie d'obusiers de 105 mm Schneider sert dans l'Armée belge aux côtés d'obusiers Schneider de 120 mm, très semblables hormis le calibre, ceux-là provenant d'une commande d'avant-guerre de la Bulgarie et réquisitionnés en usine.
En 1917, les tubes des pièces de la batterie d'obusiers de Schneider de 105 mm sont usés et ils sont alors retirés du service, ceci explique qu'un de ces magnifiques obusiers, en très bon état, est présent au Musée Royal de l'Armée à Bruxelles.
A noter que l'Armée belge continue de servir des obusiers de 105 mm pendant la guerre, il s'agit cette fois d'obusiers légers allemands de 10,5 cm l.F.H 98/09 capturés et remis en service dans l'Armée belge qui les désigne sous le nom d'obusiers de 105 A.
Les tous premiers obusiers de 105 mm ex-allemands mis en service dans l'Armée belge ont été fournis par la France dès la fin de 1914, ils proviennent de plusieurs batteries capturées lors de la Bataille de la Marne. En 1915, les français et les britanniques fourniront d'autres obusiers capturés et encore plus au cours des années suivantes. La Belgique est donc le seul pays allié du front occidental ayant remis en service des matériels d'artillerie ennemis capturés et reconditionnés. Les français se contentaient d'utiliser ponctuellement les pièces ennemies prises en bon état sur le front en les retournant contre les allemands au cours même de l'action en utilisant les munitions trouvées à proximité. Ensuite, les canons pris étaient renvoyés à l'arrière.
La récupération systématique des obusiers et des munitions en bon état a ainsi permis d'équiper partiellement l'Armée belge après révision complète des matériels, tant aux usines Schneider que dans les services de l'Armée belge installés en périphérie du Havre.
Cordialement,
Guy François.
bernard berthion
Messages : 3372
Inscription : dim. oct. 24, 2004 2:00 am

Re: Pièces sur plateforme train à identifier

Message par bernard berthion »

Bonjour Guy François,

je vous remercie pour ce long message explicatif très détaillé.
Il est certain que l'utilisation des prises de guerre (canons et munitions) était une aide intéressante et économique pour l'Armée Belge. Cette page de l'Histoire méritait donc d'être racontée.
Bien cordialement BB
- Août 1914 dans le département des Ardennes : du début août avec l'arrivée et le passage des troupes se concentrant en se dirigeant vers la Belgique, au repli de fin août vers la Marne en résistant sur la Semoy, La Chiers, la Meuse, l'Aisne, la Retourne.
ALVF
Messages : 7135
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Pièces sur plateforme train à identifier

Message par ALVF »

Bonjour,

Deux photographies intéressantes de l'obusier de 105 mm Schneider sur les polygones du constructeur:

-vue d'ensemble du matériel servi par les ouvriers de Schneider:
Obusier de 105 Schneider.jpg
Obusier de 105 Schneider.jpg (235.79 Kio) Consulté 1965 fois
-une vue des essais de l'obusier léger au polygone d'Harfleur, on notera le caisson et le bouclier destiné à protéger un observateur hissé sur le caisson:
Obusier 105 Schneider Harfleur 1913.jpg
Obusier 105 Schneider Harfleur 1913.jpg (112.27 Kio) Consulté 1965 fois
Nota: la France adoptera dans l'urgence, après l'arrivée au pouvoir du "caporal Bohémien", une petite série d'obusiers de 105 mm sous la forme du 105 C modèle 1934 S construit par Schneider (dérivé d'un modèle fourni au Japon) en attendant la fin des études du 105 C modèle 1935 B construit par l'Atelier de Bourges de 1936 à 1939. Encore une fois, de bons matériels mais trop peu, trop tard...
Cordialement,
Guy François.
Répondre

Revenir à « Artillerie »