La destruction du Kilianstollen à Carspach

ALVF
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par ALVF »

Bonjour,

En effet, Eric, l'Ouvrage Bulgare intéresse l'Etat-Major car les officiers en charge des opérations craignent que des attaques ou contre-attaques puissent se développer à partir des saillants et points forts du Front, tels que le Saillant de Carspach ou l'Ouvrage bulgare.Ce points sont susceptibles de constituer des bases de départ d'actions dangereuses.
Concernant les américains, il y a bien eu des "spectateurs" américains des attaques par l'artillerie du Saillant de Carspach et de l'Ouvrage bulgare les 13 et 18 mars 1918.Il s'agit d'officiers américains en stage, il y en a au moins deux au 99ème R.I le 18 mars et probablement d'autres dans diverses unités.
Les américains ont en effet beaucoup appris en 1917 et 1918 sur les techniques de l'artillerie française, dans les jours précédant le 20 août 1917 à Verdun des officiers de haut-rang et des officiers d'artillerie américains assistent à la formidable préparation d'artillerie française sur la rive gauche de la Meuse.Lors des offensives suivantes, on assiste aux mêmes stages, il semble qu'en mars 1918, lors des attaques qui nous intéressent dans le Sungau, les officiers américains en stage étaient des aspirants et des lieutenants d'infanterie et d'artillerie (point à vérifier en archives).
Cordialement,
Guy François.
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Eric Mansuy
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par Eric Mansuy »

Rebonjour à tous,

Le 14 mars 1918, une note émanant du QG du GAE (état-major / 3e Bureau / instruction) informait les 14e, 16e, 21e et 40e Corps, que 170 sous-lieutenants d’infanterie américains issus de l’Ecole de Langres, allaient accomplir des stages de 3 semaines auprès des chefs de section de compagnies françaises en ligne. Ainsi la VIIe Armée héritait-elle de 25 officiers à répartir dans ces quatre corps d’armée. Hélas, si les archives françaises offrent des listes de noms d’officiers français détachés auprès des Américains dans le cadre de leur instruction, des listes d’Américains n’y figurent pas, les notes du GAE stipulant que les désignations et affectations des Américains seraient effectuées au niveau de chaque CID. C’est donc de ce côté qu’il reste à fouiller…

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
bernard berthion
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par bernard berthion »

Bonjour,
très intéressantes explications d'un lieu que je croise régulièrement en faisant du vélo le long du canal .
J'attends avec impatience les documents publiés par le PAIR et l'exposition dans le musée sundgauvien d'Altkirch ..... je pense qu'il faut être patient ...
Cordialement BB
- Août 1914 dans le département des Ardennes : du début août avec l'arrivée et le passage des troupes se concentrant en se dirigeant vers la Belgique, au repli de fin août vers la Marne en résistant sur la Semoy, La Chiers, la Meuse, l'Aisne, la Retourne.
ALVF
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par ALVF »

Bonjour,

Je vais tenter de répondre aussi simplement que possible, sans être "trop technique", à la question suivante:
Pourquoi les malheureux soldats du R.I.R 94 étaient-ils à peu près condamnés d'avance par "l'exécution" d'artillerie du 18 mars 1918?

Le "Cours d'Artillerie de Tranchée" du Centre d'Instruction de l'Artillerie de Tranchée de Bourges, édition de juillet 1918, rédigé par les Capitaines Bouchon et Démichel contient des calculs théoriques et des exemples qui présentent des similitudes avec les événements du 18 mars 1918 à l'Ouvrage Bulgare.Ce Cours démontre au moins qu'après quatre années de guerre, la théorie était devenue bien proche de la réalité et, en tout cas, n'était pas qu'une simple spéculation.
Rappelons en préambule la définition de quelques termes techniques en usage dans l'artillerie compte-tenu de la dispersion inhérente au tir de l'artillerie de tranchée du fait de nombreux facteurs:
-L'écart probable en direction (e.p.d) : il s'agit de la largeur de la zone où se trouvent la meilleure moitié des coups à droite et la moitié des coups à gauche par rapport à l'axe du tir.
-L'écart probable en portée (e.p.p): il s'agit de la longueur de la zone des impacts contenant la meilleure moitié des coups courts et la meilleure moitié des coups longs.
Ce graphique (valable uniquement pour l'artillerie de tranchée) donne la répartition théorique de 100 coups autour du point moyen d'un tir, les dimensions de la surface contenant 25% des impacts répartis de façon homogène autour du point moyen du tir sont de 2 epd sur 2 epp (valeurs variables en fonction de la distance du tir):
Image

Pour un tir de bombe T par un mortier de tranchée de 240LT tirant à 1.400 mètres avec la charge n° 1, le rectangle 2 epd sur 2 epp mesure 50 mètres X 140 mètres et contiendra 25 coups seulement pour 100 coups tirés.Il est donc nécessaire d'échelonner le tir en direction et en portée pour atteindre une bonne densité sur une zone à battre en suivant la règle générale: procéder par bonds de deux écarts probables pour arriver à la densité d'impacts suivante par série de 100 coups:
Image
En échelonnant le tir en portée et en direction, on peut compter sur 60% d'impacts dans le rectangle centré au premier tir.
Voici un exemple concret très proche du tir du 18 mars, tant en distance qu'en coups tirés:
Image
On constate qu'une surface de 280 X 100 mètres reçoit 60% des 450 coups tirés, il est probable d'après les objectifs donnés aux batteries en action contre l'Ouvrage Bulgare que le "Kilianstollen" se trouvait bien dans cette zone de mort où 60% des impacts se concentrent.Il est dans ces conditions plus facile de comprendre pourquoi l'Historique du R.I.R 94 évoque une succession rapide d'au moins trois impacts sur la galerie.
Il est évident que seul un tir de destruction de plusieurs centaines de grosses bombes peut obtenir pareil résultat car un échange "habituel" de quelques projectiles entre artilleries adverses n'a à peu près aucune probabilité d'obtention d'impact sur la faible surface d'une galerie souterraine.Seule une opération mathématiquement calculée et prévoyant plusieurs centaines de coups est susceptible d'un résultat positif tant l'écart probable du tir des bombes à ailettes de 240LT est important à grande distance.
Cordialement,
Guy François.
Largue68
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par Largue68 »

Bonsoir Général,
Merci pour ces informations très techniques certes mais très concrètes toutefois.
Je profite de l'occasion pour joindre un cliché d'époque représentant le 1er monument érigé par le 94 RIR à la mémoire
de leurs camarades disparus.
Sincères salutations
Serge RENGER
Image
pat67
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par pat67 »

Bonjour Guy François,

Merci de nous offrir cette magnifique enquête et ce cours magistral sur la loi de la dispersion. Celle-ci explique bien la problématique de l'artillerie d'amener le point moyen sur la cible. Pour qui ne l'a pas entrevu elle explique également certains tirs fratricides qui ont fait l'objet de moults interventions sur le forum. Quand les lignes sont trop rapprochées forcément ils y a des obus trop courts.
Il serait intéressant d'ouvrir un sujet pour les autres calibres. Pas facile pour l'observateur de déterminer ce point moyen afin de régler le tir.

Clin d'oeil et bonjour à Eric. Toujours aussi efficace.


Cordialement

Patrick

Patrick
ALVF
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par ALVF »

Bonjour,

Pour compléter ce sujet et suite à la demande de Patrick, j'ouvre un sujet particulier sur la dispersion des tirs d'artillerie avec les différents modèles et calibres employés.
Cordialement,
Guy François.
ALVF
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par ALVF »

Bonsoir,

En étudiant d'un peu plus près les tables de tir du mortier de 240 LT et compte tenu de la distance des mortiers par rapport à la cible qui s'établit à 1400 mètres environ, je pense que deux possibilités s'offraient aux artilleurs.
En effet, la distance estimée de l'objectif permet d'envisager l'emploi de deux charges différentes car il y a une plage commune de possibilité d'emploi de l'une ou l'autre des deux charges employées dans le mortier de 240 LT jusqu'à la distance de 1450 mètres environ.
Il serait donc particulièrement utile de connaître exactement les positions de tir des mortiers à défaut de retrouver les calculs des tirs qui existent peut-être encore dans les archives.
J'ai écrit plus haut que la bombe T pouvait être tirée à 1400m avec la charge forte n°1 sous l'angle de 71° mais la lecture des tables permet aussi d'envisager l'emploi de la charge n° 2 sous l'angle de 45°.
La topographie des lieux permet d'envisager l'emploi de l'une ou l'autre charge.
Il y aurait toutefois un grand intérêt à employer la charge faible n° 2 car avec cette charge la densité d'impacts est deux à trois fois plus grande qu'avec la charge forte.
Les tableaux valant mieux que les longs discours, je joins la valeur des epp et des epd pour les tirs de la bombe T aux angles de 45° et 71° et le graphique général des tables de tir.
Rappelons qu'en 1918, les deux charges du 240 LT sont les suivantes:
-la charge n° 1 (forte) est de 1300 gr de balistite 10 + 12 gr de F3.
-la charge n° 2 (faible) est de 900 gr de bal.10 + 12 gr de F3.
Image
Image
Ecarts probables des tirs de 240 LT pour la bombe T avec les charges n° 1 et n° 2.

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Graphique des tables de tir du 240 LT avec les charges n° 1 et n° 2.

Il reste donc à trouver les documents qui permettront de valider l'emploi de l'une ou l'autre charge.Le résultat n'est pas neutre puisque la densité des impacts est beaucoup plus élevée en employant la charge n° 2 (faible) si la distance de tir le permet.
Cordialement,
Guy François.
humanbonb
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par humanbonb »

Bonjour et merci à ALVF pour ces sujets toujours aussi interessants et complets, c'est toujours un régal de vous lire !
Eégalement merci aux autres participants.

Bien cordialement.
ALVF
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Re: La destruction du Kilianstollen à Carspach

Message par ALVF »

Bonjour,

Continuant les recherches relatives à la destruction du "Kilianstollen", j'ai trouvé l'encadrement d'une des batteries de tranchée de 240LT ayant détruit l'ouvrage allemand:
La 121ème batterie du 49ème R.A.C était encadrée par les officiers suivants à la date du 1er avril 1918, au moment de la transformation de la 121ème batterie du 49ème R.A.C en 3ème batterie du 175ème R.A.T (Régiment d'Artillerie de Tranchée), effectuée dans le cadre de la réorganisation générale de l'artillerie de tranchée:
-Lieutenant Berry, commandant de batterie, détaché à l'Etat-Major de la 7ème Armée.
-Sous-lieutenant Imbault.
-Sous-lieutenant David.
-Sous-lieutenant Dumont.
Si un lecteur a des renseignements supplémentaires sur ces officiers, je suis intéressé!
Bien sûr, la priorité est de trouver l'emplacement exact des trois batteries de 240LT mais je n'avance pas dans cette recherche!
Cordialement,
Guy François.
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