Sections d'auto-canons et aussi le zeppelin LZ 85.

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RSanchez95
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Re: Sections d'auto-canons et aussi le zeppelin LZ 85.

Message par RSanchez95 »

Bonjour,
Merci pour ce lien de votre site internet, intéressant.
C'est dommage vous ne parlez pas normalement des avions voisin-canon français qui étaient aussi pour une interception du zeppelin, malgré les difficultés par les projecteurs et nombreux tirs dans le ciel (et étaient obligés de s'écarter pour ces raisons mais il y a eu des tirs aussi par eux).

L'auteur Maurice Larrouy chef de l'escadrille d'hydravions de Salonique parle dans un de ses livre que j'ai ("Les vagabonds de la gloire - Tome II Trois Etapes - L'Armée d'Orient L'aviation maritime - L'Italie) d'un des bombardements sur la ville de Salonique (Si vous êtes intéressés je pourrais joindre ici un extrait).
Bien cordialement.
lzdream
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Re: Sections d'auto-canons et aussi le zeppelin LZ 85.

Message par lzdream »

Bonjour

Pour les hydravions, je ne savait pas qu'ils avaient participé à l'action. Je suis preneur pour l'information, si vous pouvez joindre l'extrait. Cela m' intéresse fortement.

cordialement.

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RSanchez95
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Re: Sections d'auto-canons et aussi le zeppelin LZ 85.

Message par RSanchez95 »

Bonjour

Pour les hydravions, je ne savait pas qu'ils avaient participé à l'action. Je suis preneur pour l'information, si vous pouvez joindre l'extrait. Cela m' intéresse fortement.

cordialement.
Bonjour,
Il y a une confusion avec ma phrase, je vais alors préciser, désolé.

Je parlais pour les tirs contre le zeppelin de l'Escadrille V. 90 (de mémoire) de l'Armée de Terre et d'avions Voisin-canon, je vais faire des recherches dans mes archives et j'écrirai un passage de ce que je connais.

Pour Maurice Larrouy (un Lieutenant de Vaisseau), je voulais seulement dire qu'il était témoin d'un des bombardements du zeppelin alors qu'il se trouvait à Salonique lorsqu'il qu'il était le chef de l'Escadrille d'hydravions. Je joindrai alors un passage de son livre.
Bien cordialement.
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RSanchez95
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Re: Sections d'auto-canons et aussi le zeppelin LZ 85.

Message par RSanchez95 »

Pour les avions Voisin-Canon de l'Escadrille V. 90 à ce moment (Escadrille Nieuport (N. 90) par la suite, puis 390 puis 506).

L'un des avions :

Le 5 mai 1916
Heure de départ : 2 heures 10 Heure d'arrivée : 3 heures 30

Pilote : Sergent DELOUPY Observateur : le pointeur LELONG
Aperçoivent le zeppelin alors que les batteries de la Marine leurs tiraient dessus, l'avion lorsque qu'il était une altitude de 1400 mètres : "(...)j'ai tiré deux obus lorsque l’objectif m'a paru assez près. Pris par les projecteurs je me suis trouvé au milieu des obus,(...)". Le pilote à viré ensuite et s'est dirigé du côté de l'embouchure du Golf de Salonique suivant le faisceau d'un projecteur.
Puis le pilote dit que lorsque se trouvant à 1600 mètres d'altitude, qu'il aperçu de nouveau l'objectif qui se trouvait au dessous de lui, et que lorsque qu'il voulait commencer le tir sur le zeppelin il était prit dans un projecteur qui l’empêcha de tirer. Le pilote dit ensuite s'être dirigé sur Salonique qu'il aurait survolé et qu'au moment d’atterrir qu'il aurait aperçu une grande flamme au sol dans la direction de l'embouchure du Vardar.
Il déclare ensuite avoir reçu un éclat d'obus dans une cellule.

Pour un autre avion :

Heure de départ : 2 heures 15 Heure d'arrivée : 3 heures 20

Pilote : Sous-lieutenant MEZERGUES Observateur : Pointeur MARTIN
"Vu le zeppelin éclairé par projecteurs se recoupant. A l'altitude de 1500 mètres, tiré 5 coups de canon à une distance de 1000 à 1500 mètres. Très gêné par remous violents et par obus incendiaires. Atterrissage normal 3 heures 20".

(Source : Archives de Vincennes du Service Historique de la Défense).

C'est tout ce que je connais concernant ces avions et leurs tirs.

Pour le témoignage d'un des bombardements, je joindrais un extrait de son livre lorsque j'aurais un peu de temps.
Cordialement.
alain13
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Re: Sections d'auto-canons et aussi le zeppelin LZ 85.

Message par alain13 »


Bonsoir,

"Les canonniers du cuirassé "Patrie" qui contribuèrent à abattre le dirigeable."

Image

(Le Miroir du 28 mai 16)

Cordialement,
alain
asiate
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Re: Sections d'auto-canons et aussi le zeppelin LZ 85.

Message par asiate »

Pour compléter ce sujet, je ne pas résiste au plaisir de vous transcrire le témoignage du capitaine Jérôme Carcopino

Jérôme Carcopino (1881-1970), dont le conseille la lecture des mémoires intitulées "Souvenirs de la guerre en Orient 1915-1917" publiées chez Hachette en 1970, a servi comme officier de réserve, tout d'abord en tant que lieutenant au 2e bataillon territorial de zouaves, puis comme capitaine responsable du 2e bureau de l'Armée d'Orient.
Brillant universitaire historien spécialiste de la Rome Antique, il est aussi connu de tous les amateurs de fouille et de détection, même si la plupart l'ignorent : c'est en effet lui qui, en tant secrétaire d’État à l'Éducation nationale et à la Jeunesse sous le régime de Vichy, est à l'origine de loi du 27 septembre 1941 réglementant les fouilles archéologiques...

L'auteur évoque d'abord le raid avorté qui s'est déroulé au cours de la nuit du 15 au 16 mars 1916, au cours duquel il a joué un rôle déterminant, étant l'officier de permanence de l'état-major cette nuit-là

Avant le 31 janvier 1916, la fonction de l’officier de service (n’était qu’une) sinécure dont la présence, ordinairement exempte de toute obligation, représentait l’unique activité. A partir du 1er février, l’officier de service revêtit une importance dont il n’eût pas demandé mieux que de se passer. Il sentait s’ap¬pesantir sur ses épaules, durant les heures d’une veillée qui lui paraissait interminable, le poids d’une responsabilité qu’il tremblait de ne pouvoir convenablement assumer. Or ce rôle m’échut pour la première fois, au soir du 15 mars, et je confesse le malaise avec lequel je pris possession de la chambre (dont le) mobilier consistait en deux chaises et une table sur laquelle reposaient nos appareils téléphoniques [...] face à une carte du front et à côté d’un plan de Salonique, était suspendue la pancarte où s’inscrivaient les consignes qu’en cas d’attaque ennemie j’aurais à appliquer en pressant sur les boutons qui s’alignaient près d’elles. A chacune de mes allées et venues dans ma cage, je lisais et relisais les impérieuses consignes. Les heures s’écoulaient sans emporter mon anxiété et mes scrupules. Enfin sonnèrent les douze coups de minuit. Tout demeurait calme et silencieux et je commençai à espérer que mon service s’achèverait paisiblement. Quelle présomption !

Vers une heure du matin, le 16 mars, retentit mon téléphone. C’était le commandant d’une de nos unités les plus avancées en amont du Vardar. Il m’annonçait le passage au-dessus de sa tête d’un zeppelin qui suivait le cours de la vallée en direction de Salonique. Mon interlocuteur était sûr de la réalité de son information et, visiblement, avec son langage bref et haché, il était ému de me la fournir. Je l’étais moi-même, et bien plus, de la recevoir. Quel était mon devoir ? Pendant quelques secondes, je demeurai perplexe, hésitant, tourmenté : si, malgré son assurance, mon correspondant s’était trompé, et si, entraîné par son erreur, je me précipitais dans l’affolement vers une application indue de mes consignes, je risquais de m’exposer au blâme d’avoir, sans raison, bouleversé et l’armée et la ville et, de surcroît, j’allais encourir le ridicule d’un soldat qui ne sait pas dominer ses nerfs.

Heureusement, je compris, dans une intuition de sagesse, qu’il convenait d’attendre avant d’agir. La vallée du Vardar était assez longue pour m’accorder du répit. Si mon premier informateur avait dit vrai, il s’en trouverait en aval un second qui l’imiterait en me téléphonant à son tour. Ce qui advint, en effet, trois minutes plus tard. Plus de doute : un zeppelin, celui du 31 janvier ou son remplaçant, descendait la vallée du Vardar avec l’intention de bombarder à nouveau Salonique. Mais j’avais regardé la carte et, mesurant d’après l’intervalle des empla¬cements d’où étaient partis les messages alarmants la vitesse approximative du dirigeable, j’en conclus qu’il était encore éloigné de son objectif et qu’il y avait intérêt à le laisser s’en approcher davantage, de peur que, prévenu trop tôt par les préparatifs de notre riposte, il ne se dérobât à ses coups en battant en retraite. Quoi qu’il m’en coûtât, je décidai donc de patienter encore.

Quelques instants passèrent et retentit pour la troisième fois le téléphone porteur de la confirmation des deux coups de fil précédents. Alors je pris ma décision et j’appuyai successivement sur les trois boutons avertisseurs. Chacune de mes pressions déclencha un miracle. A la première, l’électricité fut coupée et la ville plongée dans la plus complète obscurité. A la seconde, les avions du commandant Denain s’envolèrent de Zeitenlik, leurs mitrailleuses chargées, à la rencontre du monstre aérien. A la troisième, s’allumèrent d’un seul coup les projecteurs de notre flotte, balayant la nuit de leurs faisceaux lumineux. Je me faisais l’effet d’un démiurge que sa puissance trans¬portait d’allégresse, et le comble fut mis à mon bonheur quand j’aperçus le zeppelin qui, de la terre, apparaissait avec la blondeur rassurante d’un immense cigare. Alors, soudain je le vis qui, effrayé d’être surpris, renonçait à son entreprise et mettait le cap sur le retour. Un instant, ma vanité me fit croire que j’étais son vainqueur, alors que je n’avais été qu’un rouage dans l’énorme machine que d’autres manœu¬vraient. Je n’avais agi que comme un automate remonté pour tirer le signal d’alarme et mon intervention s’était bornée à appeler au secours ceux à qui appartenaient le pouvoir, l’initiative et les armes. Puis ma poussée d’orgueil céda à la crainte de m’être hâté plus qu’il n’aurait fallu, au regret que le zeppelin ait pu se dégager à temps et sortir indemne de sa meurtrière équipée. Mais j’étais le seul à éprouver une déception que, d’ailleurs, je n’osais pas avouer. Les Grecs, cette fois épargnés, respiraient à pleins poumons un air que leur frayeur n’empoisonnait plus. Et dans l’armée, à tous les échelons, tous se frottaient les mains dans les mêmes sentiments de confiance et d’espoir. Chacun était soutenu par la conviction que le commandement avait heu¬reusement disposé sa parade, et que, si le zeppelin s’avisait d’en remettre, il trouverait à qui parler et serait impitoya¬blement châtié.

Puis, il fait le récit de la destruction de l'engin lors du raid du 5 mai 1916, donnant des détails particulièrement intéressants sur l'interrogatoire de l'équipage.

Pendant les trois dernières semaines de février et les mois de mars et d’avril, les aéronautes allemands firent mine d’avoir renoncé à leurs desseins. En fait, ils préparaient leur revanche et s’imaginèrent sans doute qu’en tombant sur nous après une aussi longue inaction, ils pourraient aisément la prendre dans l’insouciance où ils nous auraient surpris. Mais ce fut, de leur part, un faux calcul, et, dans la nuit du 4 au 5 mai 1916, leur troisième raid fut aussi le dernier. L’officier de service était à son poste, les yeux braqués sur les consignes de notre sauvegarde ; c’était un futur général, de l’armée active, le capitaine d’artillerie Montagne. Lui aussi, vers une heure du matin, entendit les appels du téléphone qui lui posèrent le même problème que naguère à moi-même. Impassible, il en avait ruminé les données et il sut le résoudre avec tant d’habileté et de décision que le zeppelin fonça sur Salonique dans le moment où, à bonne distance, avaient été réunis tous les moyens de le repousser, voire de l’anéantir.

Aveuglé par les projecteurs de la flotte, criblé de balles par nos aviateurs, le dirigeable n’osa pas aller plus avant. Son chef qu’inquiétaient les trous qui avaient percé l’enveloppe jugea sainement qu’il lui fallait, de toute urgence, pour éviter la chute et la destruction, se dérober. Il vira de bord sur la campagne environnante la plus déserte, chercha le terrain où atterrir avec les moindres dégâts et avec le plus de chances de s’y cacher assez longtemps pour incen¬dier son appareil, détruire ses archives et préparer la fuite de ses occupants. Malheureusement pour lui, le zeppelin s’était aplati sur le fouillis de roseaux qui trempaient dans un sol marécageux où s’empêtra la manœuvre. Informés de son exacte position, nos escadrons de poursuite l’atteignirent avant qu’il eût achevé sa besogne. Ils ne rencontrèrent aucune résistance chez un équipage à bout de forces et démo¬ralisé ; et ils ramenèrent la carcasse du dirigeable, ses occu¬pants, les débris calcinés, mais encore lisibles et utilisables, des documents ramassés dans la nacelle. Le général Sarrail donna l’ordre d’exposer, sur une place de Salonique, le squelette du mastodonte de l’aéronautique allemande que nos soldats et les civils de la population salonicienne accoururent contempler d’assez près pour en arracher des morceaux de ferraille convertis en trophées de victoire. En même temps, furent dirigés sur le quartier général nos douze prisonniers et les documents qui leur avaient été subtilisés in extremis. Les uns et les autres étaient remis à la garde du 2e bureau de l’état-major pour l’interrogatoire des prisonniers, l’inventaire et l’examen de leurs papiers.

Quelle responsabilité, quel travail allaient m’incomber ! […] Mon premier soin fut de prescrire au capitaine de gendarmerie Fourat, surveillant de la prison qu’il avait aménagée dans un ancien collège allemand de filles, d’y installer les prisonniers du zeppelin en des cellules séparées où ils seraient coupés du dehors et isolés les uns des autres, et de les y maintenir au rigoureux secret qui les empêcherait de se concerter entre eux pour mieux nous tromper. Puis je désignai les gradés du 2e bureau qui parlaient couramment l’allemand […] Enfin, sans désemparer, je rédigeai la note de service destinée à mes collaborateurs. J’y avais spécifié qu’il serait procédé aux différents interrogatoires individuellement, en finissant par les officiers, avec l’espoir que les déclarations de leurs subordonnés délieraient leurs langues que je prévoyais cousues d’avance. […] j’y établissais la liste des principales questions à poser à chacun, et pour terminer, je fixais cette première séance d’une instruction qui, peut-être, n’irait pas toute seule, pour ce même jour du 5 mai, à 20 h 30 du soir.

Cinquante minutes plus tard, mes camarades reve¬naient auprès de moi, mécontents et déçus. […] Les uns et les autres s’étaient heurtés partout à un mur apparemment inébranlable de dénégations et de silence. Sans exception, les prisonniers du zeppelin s’en étaient tenus à une seule et même déclaration : trois jours plus tôt, ils avaient été transférés à Temesvar, en Hongrie, où ils avaient reçu l’ordre d’effectuer, le 4 mai, le raid qu’ils avaient été impuissants à mener à bien, puisque nous les avions capturés sans qu’ils eussent pu lancer une seule de leurs bombes. Il n’y avait pas de sang français sur leurs mains. Étrangers aux raids antérieurs qui auraient visé Salonique, ils n’en savaient rien, et notamment de la tuerie et des incendies du 1er février ; ils étaient innocents comme l’enfant qui vient de naître. De toute évidence, ils avaient récité la leçon qu’avant leur capture leur chef leur avait apprise dans le bourbier où ils s’étaient enlisés. Il y avait une manière de défi dans ce concert de mensonges et leur commandant démasqua leur rébellion latente par la raideur ostentatoire du salut, qu’en se retirant, il m’adressa et dont l’obséquiosité était trop appuyée pour ne pas friser l’imper-tinence.

[…] J’invitai, pour la bonne règle, le capitaine Fourat à mettre ses pri¬sonniers au régime du pain sec et de l’eau claire, si, le lendemain, je ne parvenais pas à les faire changer d’attitude. Je comptais, en effet, sur le dépouillement des documents dont j’avais commencé l’examen pour les confondre et les contraindre, plus vite que par la diète dont ils n’auraient plus à se plaindre, à « se mettre à table ». Ils auraient, en effet, à redouter le pire. Ils avaient soutenu avec une obstination invraisemblable que leur dirigeable n’était arrivé en son hangar de Temesvar que trois jours avant leur raid avorté de la nuit du 4 au 5 mai. Or, les paperasses que leurs efforts incendiaires n’avaient que très partiellement consumées, apportaient une foule de démentis à leurs absurdes prétentions. C’étaient des lettres, des cartes postales qui, adressées d’Allemagne aux divers membres de l’équi¬page, leur avaient été remises, sous le timbre de la poste hongroise de Temesvar, du début de février au début de mars ; c’était encore, daté de la fin février, 1’Ausweis d’une courte permission délivrée par le commandant du zeppelin, notre prisonnier, à son second, revenu tomber entre nos mains ; c’était surtout la succession des talons des mandats que les aéronautes avaient périodiquement envoyés à leurs familles et dont le plus ancien remontait aux premiers jours de février. La preuve était donc faite par des témoignages matériels irrécusables que c’étaient eux et non d’autres, qui, avec leurs bombes, avaient semé la mort sur Salonique dans la nuit du 31 janvier au 1er février 1916.


Le 6 mai, dans l’après-midi, je tins à sévèrement admo¬nester tous les prisonniers réunis. Bien entendu, je n’avais pas omis d’emporter avec moi le paquet des pièces à conviction qu’en vain ils avaient cherché à détruire et dont la seule vue les fit pâlir, rougir, perdre contenance. Elles étaient décisives. « Voici, leur dis-je, les preuves irréfutables de votre culpabilité. Pilotant votre dirigeable, vous êtes arrivés à Temesvar quatre à cinq jours avant l’attentat du 31 janvier. Cet attentat c’est vous tous, qui êtes ici, qui l’avez commis. C’est vous qui avez bombardé Salonique, ville ouverte. Vous avez violé le droit des gens. Vous avez enfreint la neutralité d’un État qui entretient des relations diploma¬tiques avec le vôtre et dont le roi est le beau-frère de votre Kaiser. Vous vous êtes placés hors des lois qui régissent humainement les belligérances. Vous n’êtes plus que des criminels de guerre, justiciables de nos tribunaux militaires et passibles de la peine capitale à laquelle ils vous condamneront, si, par malheur pour vous, vous nous obligez à vous traduire devant eux. Cependant une voie de salut vous est ouverte, si vous avez le courage et la bonne foi de vous y engager. C’est, d’abord, d’avouer votre forfait dont la responsabilité remonte aux chefs qui vous l’ont ordonné. C’est ensuite de répondre honnêtement, sans réticences, sans faux- fuyants, aux questions qui vous seront posées. Alors, mais alors seulement, nous pourrons vous considérer comme des prisonniers de guerre et non plus comme des assassins. » Beaucoup de ceux qui m’écoutaient savaient assez de français pour m’avoir compris. Mais, pour écarter tout malentendu, je fis répéter mes paroles en allemand. Dans les deux langues, elles avaient porté. Le commandant avait perdu sa superbe et, visiblement, ses onze compagnons étaient impressionnés et soucieux ; et, sous le choc dont ils avaient peine à se remettre, les douze aéronautes regagnèrent en silence leurs cellules au collège de filles.

Le 7 mai, au matin, les interrogatoires reprirent […] la nuit avait porté conseil et ils se déroulèrent dans une atmosphère modifiée du tout au tout, avec une facilité déconcertante. De l’un à l’autre, ce ne fut qu’une suite d’assertions détaillées et concordantes. Sur un seul point de détail, nos prisonniers avaient essayé de nous abuser par une dénégation que les constatations de nos observateurs avaient réfutée par avance et par laquelle, avec un scrupule dont je ne les ai point blâmés, ils avaient tâché de soustraire à nos investigations les complicités dont ils avaient bénéficié de la part des royalistes grecs et de leurs signaux lumineux. Dans l’en¬semble, leurs déclarations furent si rapides et complètes que, le 8 mai à midi, l’instruction était close et que, le 9 au matin, je pouvais remettre […]la somme des renseignements que nous avions réunis ; et, le soir même, après avoir lu et signé ce rapport, le chef d’état-major l’expédiait à Paris et à Chantilly sous le timbre du 2e bureau de l’Armée d’Orient.

A la seule exception du lieutenant réserviste Thelen, qui avait différé jusqu’à cette miteuse croisière son baptême de l’air, nos prisonniers appartenaient à l’équipage volant du Luftschiff 87, les uns depuis son lancement, les autres depuis plusieurs mois, tous assez longtemps pour être solidairement responsables de ses entreprises sur Salonique. A l’avant de la nacelle avait été apposée une inscription dont le texte, en lettres de bronze, rappelait que sur un effectif total de quinze aéronautes qualifiés pour l’envol, le nombre n’en devait pas dépasser dix dans les raids à longue portée. Ainsi donc, outrepassant son droit réglemen¬taire, le commandant avait pris sur lui de l’élever à douze, lors de ses expéditions. Aucun de nos agresseurs ne s’était évadé, et si, dans nos dossiers, nous avions relevé le nom d’un simple « marin » de l’air — Luftschiffer —, c’était celui d’un absent laissé à terre avec deux de ses compagnons.

La certitude nous étant acquise de détenir la composition intégrale de l’équipage, il convenait de déterminer les places respectives de ses membres et de définir leurs fonctions. La besogne était simple et aisée grâce à leurs aveux confrontés avec notre documentation. Ils ne cherchèrent pas à l’entraver, et nous apprîmes bientôt tout ce que nous désirions savoir.
Il s’agissait d’une équipe de gradés : 4 officiers, 8 sous- officiers. A leur chef aucune spécialité n’avait été assignée. Il était censé les posséder toutes : il commandait. C’était l’Oberleutnant Ernst Scherzer, un Silésien de vingt-huit ans, issu d’une famille de militaires ; deux de ses frères étaient également officiers, l’un dans la marine, l’autre dans l’armée de terre où il avait été tué, cinq mois auparavant. Patriote de cœur et de tradition, il avait jusque-là servi avec bonheur et il avait été décoré de la croix de fer de 1ère classe, après un bombardement de son zeppelin sur le front russe.
Des trois camarades placés sous ses ordres, le premier, du même âge et du même grade que lui, faisait partie, comme lui, de l’ « active ». C’était un habitué, lui aussi, de la conduite du Luftschiff 87 et il avait été récompensé à son tour par la croix de fer en février 1916... après le bombardement de Salonique. Intimement lié avec son chef, il était préposé à la garde des projectiles, au réglage des tirs, aux émissions et aux réceptions de la T.S.F.
Le second était un réserviste de Rhénanie de 34 ans ; gros industriel de Cologne, où il fabriquait du chocolat, il avait été mobilisé comme lieutenant dans un régiment de uhlans, puis muté, certainement par faveur, dans un des services à terre de l’aéronautique. Il avait, pour son malheur, reçu le baptême de l’air, dans sa première expédition aérienne, le 4 mai 1916. On lui avait destiné, comme à un ancien cavalier dressé aux reconnaissances, le rôle modeste d’orienteur.
Le troisième était un lieutenant territorial de 36 ans, originaire de Prusse, qui, dans une usine d’automobiles, avait acquis la réputation d’un excellent mécanicien, et qui, passionné de moteurs et de machines, s’était inscrit bien avant la guerre, comme volontaire de l’aéronau-tique militaire. Après un stage dans un atelier de réparations pour aéronefs stationnés à Francfort, il avait été désigné pour entretenir et diriger la machinerie du Luftschiff 87, à Temesvar.
Des huit sous-officiers, ceux de l’active avaient fait leur apprentissage d’aéronautes dès le temps de paix. La majorité d’entre eux avait servi sur le Luftschiff II avant affectation au Luftschiff 87. Parmi ceux de la réserve, les uns étaient des mécaniciens de profession, les autres avaient été éduqués, soit dans les dépôts-écoles d’aéronefs, soit à l’Ecole de télégraphie de Spandau.
Les uns et les autres étaient conscients de la supériorité de leur élite, et ils étaient animés d’une même prédilection pour leur métier, d’un même orgueil pour le dirigeable qu’ils avaient plusieurs fois conduit à ce que, in petto, ils appelaient leur victoire, et c’est à leur commune fierté que j’attribue l’abondance des informations, qu’as¬surés d’avoir la vie sauve, ils n’hésitèrent pas à fournir.

Ils ne songèrent plus à se disculper du bombardement sous lequel, le 1er février, ils avaient fait trembler Salonique. Sans doute, ils insistaient sur le fait que, confor¬mément à leurs instructions, ils n’avaient jamais visé que des objectifs militaires et rejetaient sur leur malchance les coups qui en avaient atteint d’autres. Ils jalonnèrent avec complaisance le long itinéraire qui, sans le moindre incident, les avait amenés d’une traite à leur but, depuis le hangar de Temesvar, par Nich et les vallées de la Morava et du Vardar et qui, avec la même aisance, les avait ramenés à leur port d’attache. Ils n’hésitèrent pas à évoquer la bonne fortune qui leur était échue, moins d’une semaine après leur installation à Temesvar, la veille du 27 janvier où ils avaient célébré l’anniversaire de leur Kaiser, d’avoir pu effectuer sans avaries d’aussi longs parcours : partis de Temesvar le 31 janvier à 17 heures, ils avaient volé à vive allure et aperçu la grande lueur dont Salonique, insouciante, était illuminée, un peu avant une heure du matin, le 1er février. Ils ne se cachaient point d’avoir pu déverser sur la ville leur chargement qu’ils évaluaient à 18 bombes. Le commandant avait soutenu, comme si les incendies s’étaient allumés spontanément, que le lot ne comprenait aucun projectile incendiaire. Mais plus satisfait de l’effet qu’elles avaient produit que désireux de dégager sa part de responsabilité, un sous-officier convint que le zeppelin avait à bord des bombes incendiaires, qu’elles avaient été lancées comme les autres et qu’en forme de poires, elles pesaient onze kilos chacune. Confronté avec le témoin, l’Oberleutnant Scherzer fut désarçonné et garda le silence, honteux comme le renard qu’une poule aurait pris. Ce fut la seule fausse note d’interrogatoires où, sur tous les autres points, les témoignages, en plein accord les uns avec les autres, méritaient créance, y compris celui que notre chasse n’avait nulle part endommagé le dirigeable et que, sans plus d’avaries de machines au retour qu’à l’aller, il avait paisiblement réintégré Temesvar.
Comme on s’étonnait qu’encouragés par le résultat qu’ils avaient obtenu les aéronautes ne soient revenus à la charge que deux mois plus tard, ils se défendirent du reproche qui perçait sous la question, et le commandant nous révéla que, dans la nuit du 8 au 9 février, il avait pensé recommencer l’opération. Mais le mauvais temps avait contrarié sa tentative. Le vent faisait rage, ralentissant l’aéronef. Un déluge de pluie en avait alourdi l’enveloppe. Mieux valait atterrir jusqu’à l’embellie. Ce que l’Oberleutnant Scherzer n’avait pas voulu dire, un autre officier, plutôt que d’encourir le blâme d’avoir manqué de courage, l’expliqua sans ambages. L’atterrissage forcé n’était pas allé sans dommages. Les poutrelles d’aluminium qui soutenaient la nacelle avaient subi de graves avaries. Saisis par le froid, les passagers étaient fiévreux, malades et l’un d’entre eux devait succomber à la pneumonie qu’il avait contractée en cette triste équipée qui devait imposer au Luftschiff 87 près de trois semaines de réparations et d’indisponibilité.

J’étais naturellement très curieux des détails du repli dont j’avais été l’instrument automatique dans la nuit du 15 au 16 mars 1916. Je fus tout de suite renseigné. Ce n’est point de son plein gré que le zeppelin avait fait demi- tour. Avant qu’il eût abordé la banlieue de Salonique, il avait été pris en chasse par nos avions, assailli par un feu nourri de nos canons. Il avait donc renoncé à un projet condamné d’avance et dont l’issue pouvait lui être mortelle. Pour alléger son poids et accroître d’autant la vitesse de sa fuite, il s’était délesté de ses bombes dans la campagne qui s’étend au nord de Salonique sur un parcours qui côtoya les villages de Vatsluk Bunandja et Hares. Selon l’Oberleutnant Scherzer, le zeppelin n’avait pas été touché. Mais sa mémoire était courte. Au lieu de suivre son itinéraire habituel, il avait dû faire escale à l’aérodrome de Sofia où il était parvenu à huit heures du matin, non seulement par la crainte d’une panne d’essence, mais par la nécessité de se débarrasser d’une hélice d’un poids de 160 kilos qu’un éclat de nos obus avait rendue inutilisable.
Bien entendu, c’est sur le raid final de la nuit du 4 au 5 mai qu’il fut aisé au 2e bureau de réunir les infor¬mations les plus nombreuses et les plus sûres ; celles à nous parvenues par les soldats et les marins alliés, celles incluses dans la documentation qu’ils avaient récupérée dans les débris du zeppelin.

Toutefois, il subsistait, dans l’odyssée du Luftschiff 87, quelques détails encore obscurs que j’aurais voulu élucider. Pourquoi, par exemple, survolant Salonique, le zeppelin l’avait-il épargnée ? Son commandant, sur un ton avan¬tageux, mais avec toutes les apparences de la vérité, nous exposa les raisons qui avaient entravé son action. Lié par des instructions formelles, il ne devait s’en prendre qu’à des objectifs militaires, et, avant de tirer, il voulait être sûr de ne point se tromper. Or, depuis une demi-heure, il avait été contrarié par un vent du nord assez fort pour dévier sa marche. De plus et surtout, lorsqu’il toucha à son but, celui-ci était devenu invisible, dans le black out total dont le capitaine Montagne l’avait opportunément enveloppé. Il visait nos camps qui étaient situés à l’est de l’agglomération et s’évertuait à découvrir les repères qui l’auraient guidé. Quand il crut les avoir découverts, il était trop tard. Il était aveuglé maintenant par nos projecteurs et, simultanément, son aéronef était littéralement criblé par la mitraille de notre aviation et les obus de nos canonniers. Son devoir était de ne point s’entêter et de rebrousser chemin, dans la direction de l’ouest. Mais sa manœuvre était dépassée : son cher zeppelin était blessé à mort. Ses subordonnés, dont l’amour-propre n’avait pu souffrir le soupçon d’avoir faibli et failli, furent unanimes à dénoncer la vio¬lence des coups que nous avions portés. « Nous n’avions pas compté sur une pareille attaque », déclara l’un d’eux, et un autre s’inclina, avec un respect de professionnel, devant la puissance et l’efficacité de nos moyens.
Ce n’est pas seulement l’enveloppe de l’aéronef qui avait été touchée. Dans la nacelle, les aéronautes ne respi¬raient plus que l’air embrasé d’une fournaise, et ils virent, en quelques minutes, leur gigantesque vaisseau succomber.
Les ballonnets qui en soutenaient l’arrière avaient été troués et il en était résulté une rupture d’équilibre, à la suite de quoi le zeppelin, comme un cheval rétif, se cabra. Pis encore : les moteurs s’arrêtèrent, faute de l’essence que ne pouvait plus leur apporter une tuyauterie démolie. En vain, l’Oberleutnant Scherzer cria-t-il à son chef mécanicien l’ordre des situations désespérées : « A toutes forces ! » Il n’y avait plus qu’à laisser le zeppelin dériver au gré du vent et, après qu’il eut été délesté dans la campagne de toutes ses bombes, sauf une, s’aplatir dans un marécage, sur la rive droite du Vardar, entre le fleuve et le Kara Asnak, à seulement deux kilomètres de la mer.
La sortie de l’équipage n’alla point toute seule. Si les aéronautes de l’arrière purent sans trop de mal descendre de la nacelle, ceux du milieu durent sauter dans le vide et ceux de l’avant se servir d’une corde.

Autant l’Oberleutnant Scherzer s’était montré prodigue en confidences qui le flattaient, autant il refusa la moindre indication sur les circonstances de la destruction de son dirigeable. A l’en croire, il y aurait eu là un secret inté¬ressant la défense nationale qu’il n’avait pas le droit de livrer. Ses compagnons ne furent guère plus loquaces.

Si les aéronautes avaient répugné à s’expliquer sur une catastrophe dont la vision leur était odieuse et le souvenir continuerait longtemps de les accabler, en revanche, ils s’empressèrent à satisfaire notre curiosité et parfois même à devancer nos questions.
Ils ne se lassaient pas de vanter les supériorités qu’ils lui attribuaient : sa carrure de transatlantique, ses 171 mètres de longueur, sa capacité de onze tonnes dont 3 000 kilos d’essence et 1 500 kilos de bombes qu’il convoyait sans ralentir son allure, sa vitesse moyenne de 70 km/heure qui paraîtrait dérisoire à nos aviateurs super¬soniques, mais qui leur semblait battre un record ; l’ordre suivant lequel, d’après le barème imposé à tous les diri-geables allemands, il était capable, par une escalade graduelle de l’espace, de s’élever, heure par heure, jusqu’aux altitudes de 2 000 et 3 000 mètres, les mieux appropriées à l’efficacité du tir ; et ils vantaient jusqu’à leur hangar de Temesvar qui avait été élevé en quinze jours par une compagnie privée et dont ils appréciaient l’ampleur et les commodités, sans avoir à se soucier ni de sa garde ni de son entretien, remis à une compagnie de fantassins aux ordres de leur comman¬dant, sans craindre la comparaison avec les hangars qu’ils avaient pu voir, au cours de leurs déplacements, notamment près de Maestricht, près de Bruxelles et près de Namur.
Manifestement ainsi, ils s’enorgueillissaient de leur arme d’élite, constituée indépendamment de tous les groupes d’armées sous l’autorité d’un seul chef qui résidait à Friedrichshafen ; ils se rengorgeaient d’avoir mérité le diplôme qui consacrait leur spécialité et qui les qualifiait pour devenir rapidement sous-officiers, et toucher une solde mensuelle de 850 marks, équivalant alors au traitement de nos professeurs en Sorbonne.

Sans doute ils souffraient de leur échec, mais au fond d’eux-mêmes, leur conscience ne leur imposait ni remords ni inquiétude. Ils se réjouissaient d’avoir la vie sauve sans avoir manqué à leur devoir de soldats, puisque l’aéronef qu’ils avaient perdu était inutilisable pour l’ennemi.
[…] On comprend qu’ils aient estimé enviable leur sort de prisonniers. Mais c’est surtout le 2e bureau de l’Armée d’Orient qui devait se féliciter puisque, grâce à la masse de renseignements qu’il avait pu obtenir de leur capture, il avait au mieux rempli sa mission qui, à mon avis, consiste, non pas à détruire, mais à instruire.
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