DUQUESNE Compagnie Maritime Française

olivier 12
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DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

DUQUESNE

Trois mâts carré, de type E, lancé aux chantiers de la Loire le 15 Juin 1901 pour la Compagnie Maritime Française dont il est la 7e unité.
2174 tx JB
Identique à HOCHE, FAIDHERBE …etc

Premier capitaine Edouard Rozé qui y restera 10 ans avec quelques interruptions.
Voyage 1 : Nantes – Portland – San Francisco – Limerick (10 mois 11 jours)
Voyage 2 : Limerick – Philadelphie – Hobart – Kobe – Portland – Ipswich
Voyage 3 (Capitaine J.F. Lemaître)
Ipswich – Dunkerque –Philadelphie – Kobe – Saigon – Sainte Hélène – Ascension – Nantes
Voyage 4 : Nantes – New York – Sydney – Tsing Tau – Shanghai (Avril 1906) – Hawai – Tacoma – Pitcairn – Hull - Nantes
Voyage 5 : Nantes – Hull – Rochester – Hobart – San Francisco - Liverpool

1912 : San Francisco Europe en 150 jours
1914 – 1918 Capitaine Constant Ménier. Voyages sur Australie, San Francisco et Bahia Blanca. Canons embarqués à Bordeaux avec matelots AMBC
Traverse la Grande Guerre sans dommage.
1919 Capitaine Constant Ménier
1919 -1921 Capitaine François Bernot. Deux voyages de blé sur Buenos Aires puis Adélaïde. Revient à Bordeaux le 25 Mai 1921 et désarme dans le canal de La Martinière.
Réarmé en 1923 Capitaine Constant Ménier, Second De La Monneraye, Lieutenant Geoffroy.
1924 Capitaine Allain. Voyage de bois sur la Guyane
1925 Voyage de bois avec GENERAL DE NEGRIER et EUGENE SCHNEIDER sur le Cameroun.
Désarmé le 26.05.25 et remorqué par TOURBILLON vers La Martinière
27 Juin 1927 devient ponton à charbon à Arcachon jusqu’à fin 1928.
Démoli en 1948 à Bayonne

(Source Laurent Gloaguen. Alan C. Green. http://vergue.com/post/98/Trois-mats-carre-Duquesne )
(2e source Picard)


Voici deux vues du DUQUESNE

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olivier
Memgam
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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par Memgam »

Bonjour,

Il existe un tableau de Duquesne en sortie du Havre.
Il existe une photo de l'équipage de Duquesne avec le CLC Edouard Rozé.
Il existe un texte du CLC Edouard Rozé sur sa carrière maritime.
Pierre Edouard Rozé, né le 5 octobre 1874 à Saint-Briac, inscrit à Saint-Malo n°617.

Ces trois éléments se trouvent en pages 44 à 51 de l'ouvrage collectif:

Comité du patrimoine de Saint-Briac,
Le Cap Horn, une épopée briacine,
Editions Cristel, Saint-Malo, 2011.
ISBN 978-2-84421-088-3.
192 pages, Illustrations N&B et couleurs. Annexes.

Cordialement.
olivier 12
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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Pour l'instant je n'ai plus sous la main cet ouvrage que voici (et à l'élaboration duquel j'ai d'ailleurs participé). Je ne peux que conseiller de le lire :)

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Mais en attendant, voici un autre cliché du DUQUESNE (parmi de nombreux autres)

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Je mettrai prochainement sur le forum une histoire intéressante d'un marin du DUQUESNE. A suivre...

Cdlt
olivier
Memgam
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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par Memgam »

Bonjour,

Contrairement à ce qui a été écrit par Olivier 12 ci-dessus, le capitaine Edouard Rozé n'a pas commandé le trois-mâts carré Duquesne en 14-18, mais c'est le capitaine au long cours Constant Menier qui en a été le maître à bord couvrant largement la Grande guerre puisqu'il a été à bord du 17 janvier 1914 au 22 octobre 1919, effectuant trois voyages de 15 mois et 3 jours, de 7 mois et 28 jours, puis de 30 mois et 6 jours.

Constant Marie Menier, né le 30 mars 1878 à Saint Lunaire (Ille et Vilaine), inscrit à Saint-Malo, n° 691

Source, AD de Loire-Atlantique, Marine, rôle de bord 7R4/781-787, 7R6/256.

Cordialement.
Memgam
olivier 12
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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Une autre vue de DUQUESNE en ponton à charbon

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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Histoire d’un jeune marin du DUQUESNE

Lors du voyage n° 4, DUQUESNE fit une escale à Shanghai. Deux jeunes marins de 18 et 20 ans désertèrent alors le bord. Ils se nommaient René Barré et Armand Jobard.
Voici une brève histoire du matelot léger René Barré et des aventures qu’il a alors vécues.

René Barré était né à Chantenay, section de Nantes, le 17 février 1886, fils de Charles Barré et Anne Porhiel. Il était domicilié à Nantes, rue de la Hautière, tout près de la Butte Sainte Anne qui domine la Loire.
A 15 ans, il embarque comme mousse successivement sur GLOIRE DE MARIE et NOTRE DAME DE FRANCE, deux petits voiliers caboteurs de Nantes et des Sables d’Olonne. Embarquements très courts de quelques jours. En 1904, il est novice sur BREIZH IZEL, puis matelot léger sur PRESIDENT ARMAND, voilier armé au long cours, et sur ADOLPHE NAUX, goélette de 73 tx de l’armement Naux et Fils de Nantes, capitaine Querric.
En 1905, il passe deux mois sur le vapeur VILLE DE BAYONNE petit vapeur de la Compagnie l'Armoricaine et embarque enfin comme matelot léger sur DUQUESNE. Mais en Mars 1906, après 10 mois et 9 jours de bord, incompatibilité d’humeur avec le capitaine ou autre raison, il déserte à Shanghai en même temps qu’un camarade de 18 ans, Armand Jobard.

Les deux garçons vont errer dans Shanghai, ville réputée dangereuse, à la recherche d’un autre embarquement. Se rendant au Consulat de France, ils sont arrêtés, jugés par un Tribunal Maritime Commercial réuni sur la canonnière DECIDEE, commandant LV Armand Le Blanc, second EV Louis de Carné, et condamnés à 1 mois de prison avec sursis pour désertion à l’étranger. Remis en liberté, ils errent à nouveau, dans une grande misère, dans Shanghai. Le 27 Avril, ils tentent d’embarquer clandestinement sur le vapeur des Messageries Maritimes ERNEST SIMONS. Reconnus comme clandestins à bord, ils sont débarqués à Hong Kong et ramenés à Shanghai par le paquebot CALEDONIEN de la même compagnie. Ils comparaissent alors devant le Tribunal Consulaire de Shanghai, dont voici des extraits du jugement (Source : archives du Ministère des Affaires Etrangères de Nantes)

Tribunal consulaire de Shanghai
25 Mai 1906

Au nom du peuple français le tribunal consulaire de France à Shanghai siégeant en correctionnel et composé de Monsieur Batard, Consul Général de France à Shanghai, Président, Messieurs Gaillard et Tillot, assesseurs, Monsieur Berk-Desmoulières, Vice Consul, greffier a rendu le jugement suivant concernant :
- René Barré, 20 ans, né à Chantenay le 17 Février 1886, matelot léger
- Armand Jobard, 18 ans, né à Besançon le 12 Février 1888, matelot léger
Sur plainte du capitaine Grégory, commandant le paquebot des Messageries Maritimes CALEDONIEN.

Les sieurs Barré et Jobard sont accusés d’avoir dans la journée du 27 Avril 1906 réussi par des manœuvres frauduleuses à embarquer clandestinement sans être munis d’un billet de passage, sachant qu’ils n’en pouvaient payer le prix, sur la rade de Woosung, sur le paquebot des Messageries Maritimes ERNEST SIMONS se rendant à Marseille via Hong Kong et escales habituelles. Ils ont, au moyen des dites manœuvres et d’embarquement clandestin, mis le capitaine de l’ERNEST SIMONS dans la nécessité de leur fournir non seulement leur transport gratuit, mais aussi la nourriture suffisante pendant le transport de Woosung à Hong Kong.

L’instruction de cette affaire a été confiée au Consul suppléant du Consulat Général de Shanghai. Audience le 25 Mai 1906 à 09h00, les inculpés étant en état d’arrestation et défendus par Maître Bourgras, avocat à Shanghai.

Le sieur Thevez, témoin dûment cité, second capitaine du CALEDONIEN ne s’étant pas présenté a été excusé suivant les explications du capitaine Gregory, commandant le dit vapeur, le CALEDONIEN étant sous pression en grande rade et prêt à partir. La présence du témoin à bord était absolument nécessaire pour assurer la sécurité du dit navire. Après appel, les autres témoins ont été renvoyés de la salle d’audience pour être interrogés ensuite séparément. Lecture des procès-verbaux et rapports par les greffiers. Interrogatoire des témoins à charge. Aucun témoin à décharge.
Interrogatoire des prévenus. Puis exposé de leur défense par l’avocat.

Prononcé du jugement

De leur aveu même, Barré et Jobard ont embarqué subrepticement et sans billet de passage sur la chaloupe des Messageries Maritimes WHAMPOA, et ont embarqué clandestinement, sans billet, sur le paquebot ERNEST SIMONS sur rade de Woosung. Ils se sont dissimulés parmi les autres passagers du navire et n’ont révélé leur présence à bord que lorsque le bateau était loin de terre et qu’il était impossible de les débarquer. (Témoignage du capitaine du CALEDONIEN, du sieur Parez, capitaine d’armes, auquel le commandant a confié les prévenus à l’arrivée sur rade de Hong Kong pour qu’ils soient ramenés à Shanghai.)
- Attendu que les manœuvres pour obtenir des aliments qu’ils savaient pertinemment ne pouvoir payer constituent un délit d’escroquerie
- Attendu qu’il est certain que pendant leur séjour à Shanghai les sieurs Barré et Jobard ont fait tout leur possible pour trouver un embarquement, qu’ils se sont adressés dans ce but à plusieurs reprises au Consulat Général de France, mais que ne parlant pas anglais leurs recherches sont restées vaines
- Attendu que Barré a même voulu contracter un engagement militaire sur le bâtiment de guerre français présent sur rade (nota : la canonnière DECIDEE)
- Attendu que malgré leur triste état aucune plainte n’a jamais été portée contre eux au Consulat Général et que cette bonne conduite leur mérite des circonstances atténuantes pour le fait, répréhensible il est vrai, qu’ils ont commis mais auquel ils ont été poussés par la misère
- Attendu qu’au terme d’un jugement du Tribunal Maritime Commercial dressé à bord de DECIDEE le 11 Avril 1906 les sieurs Barré et Jobard, auparavant matelots sur le voilier français DUQUESNE avaient déserté ce bâtiment dans le port de Shanghai et ont été condamnés à 1 mois de prison pour désertion à l’étranger
- Attendu qu’en cas de nouvelle condamnation la première peine sera exécutée sans être confondue avec la nouvelle
- Vu l’article 405 du code pénal
- Vu le $ 9 de l’article 463 du code pénal
- Vu l’article 3 de a loi du 26 Mars 1898 (tous ces articles sont longuement énoncés)

Pour ces motifs déclare Jobard et Barré coupables, en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader de l’existence d’un crédit imaginaire, de s’être fait délivrer gratuitement un passage sur le paquebot ERNEST SIMONS. Sachant qu’ils étaient dans l’impossibilité de le payer, ils ont escroqué la fortune d’autrui.

Ils sont condamnés à

- Deux mois de prison, sans imputation de la détention préventive
- Aux frais de la poursuite engendrée, soit 52 francs
- A l’exécution préalable de la peine d’un mois de prison infligée par le tribunal maritime commercial de Shanghai qui ne peut être confondue avec celle du présent jugement.

Suite de l’aventure de René Barré

En étudiant les dates du jugement de Mai 1906, on constate que les deux matelots devaient être internés à Shanghai pendant 3 mois, soit jusqu’au 26 Août 1906. Or René Barré arrivera à Aberdeen à bord de KOHALA le 15 Septembre 1906 soit moins de 3 semaines après la fin de sa peine. Il est donc très probable que son avocat lui aura trouvé un embarquement sur ce navire, qu’il obtiendra peut-être une libération anticipée de quelques jours et lui fera quitter Shanghai au plus vite. Peut-être son jeune camarade, le sieur Jobard a-t-il aussi embarqué sur le KOHALA, mais rien ne vient le confirmer. Une traversée Shanghai – Aberdeen à 10 nœuds doit prendre entre 28 et 30 jours.

Toujours est-il qu’il arrive à Aberdeen, au Nord de la Rivière Columbia, dans l’Etat de Washington, à bord du KOHALA mi-Septembre 1906. KOHALA était un schooner à 4 mâts (barkentine disent les Américains) lancé en 1901 et qui naviguait surtout le long de la côte Ouest des USA, transportant du bois, du divers ou du charbon. Mais il dut aussi traverser le Pacifique à plusieurs reprises car le 2 Novembre 1903 il est signalé comme ayant fait escale à l’île de Pitcairn, l’île des mutins du BOUNTY, sous les ordres du capitaine F.H. Dedrick. En Février 1905 il avait passé une visite de sécurité à San Francisco.
En 1906 c’était toujours le même capitaine qui le commandait d’après l’American Bureau of Shipping.
Une autre aventure lui était arrivée sans doute avant 1906. Il se trouva immobilisé à Grays Harbor (rade d’Aberdeen) avec un plein chargement de divers pour San Francisco. Le capitaine ne trouvait pas à recruter un équipage à moins de 10$ /jour/homme. Plutôt que d’avoir à payer des salaires exorbitants, le capitaine appareilla avec la seule assistance de son épouse, de deux lieutenants et d’un cuisinier japonais. Il arriva sans encombre à San Francisco alors qu’il aurait fallu un équipage de 11 hommes pour conduire le navire. On peut donc penser que s’il a bien embarqué à Shanghai sur ce navire, le salaire du matelot français René Barré ne dut pas être très élevé et ne lui permit pas de financer son retour au pays ! Sacré capitaine qui faisait travailler gratuitement son épouse… !

Voici deux images du KOHALA.

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Le fichier matricule de René Barré ne mentionne d’ailleurs pas cet embarquement sur le KOHALA. René Barré va alors s’installer à Cosmopolis, petite agglomération faisant face à Aberdeen, au Sud de la rivière Chehalis. Les deux ports de la rivière sont Aberdeen sur la rive Nord et Grays Habor sur la rive Sud. Voici une carte de la région.

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Ne pouvant pas rentrer dans son pays natal, René Barré va faire une demande de naturalisation américaine. Voici cette demande, « Declaration of Intention », datée de Septembre 1907.

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René Barré ne reviendra jamais en France et ne reverra jamais sa famille. A Aberdeen il va rencontrer des Bretons du Finistère, originaires de Léchiagat (près de Le Guilvinec). Parmi eux, André Le Roy, marin, dont l’épouse Marie Corentine, née Queffelec, vient le rejoindre à Cosmopolis. Elle est accompagnée de sa sœur Marie Jeanne Queffelec, célibataire, qui épousera René Barré le 26 Octobre 1909 à Aberdeen.

Elles avaient embarqué à Cherbourg sur le paquebot PHILADELPHIA et étaient arrivées au poste d’immigration d’Ellis Island, New York, le 28 Août 1909.
Voici le paquebot PHILADELPHIA, ex PARIS, le navire le plus rapide de l’époque.

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(A suivre)
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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par olivier 12 »

Suite de l'histoire de René Barré

Elles vont traverser les Etats-Unis et s’installer à Cosmopolis. Voici Marie Corentine avec son époux et leurs 5 enfants

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Et leur maison de Cosmopolis. Elle symbolise le « rêve américain ».

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Sur cette côte Nord-Ouest des Etats-Unis les hommes pratiquent la pêche au saumon ou travaillent dans les exploitations forestières qui manquent de bras. Les marins et les pêcheurs sont très recherchés dans cette région, d’où une forte immigration scandinave, basque et bigoudène.
René et Marie Jeanne, née en 1885, auront 4 adorables enfants dont voici la photo prise en 1916.

Ce sont
- Charles 1910-1996
- Bernard 1912-1991
- Francis 1913-2000
- Delphine 1915-2007

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La branche américaine des Barré s’est bien développée car ses enfants lui donneront de nombreux petits enfants et arrières petits enfants. Malheureusement, René Barré ne les connaîtra jamais car, très malade, il décèdera au Western State Hospital Fort Steilacoom-Lakewood en 1916, quelques semaines seulement après la prise de cette photo. Cet établissement fut un fort militaire de 1849 à 1868, avant de devenir un hôpital en 1871. Voici cet hôpital tel qu’il existe aujourd’hui.

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Est-on autorisé à penser que le fait de ne pouvoir rentrer en France, que l’annonce de la mort « Pour la France » de son frère cadet en 1915 lors de la Grande Guerre, que la dureté et « l’urgence » de vie éprouvées aient pu influer quant à son décès à seulement 30 ans… ?

Voici sa tombe (avec une erreur sur la date de sa naissance). Tous ses enfants ont aussi été inhumés à Cosmopolis.

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Ainsi se termine la brève histoire de ce jeune marin nantais qui aura connu, dans sa courte carrière maritime, plusieurs navires de la Grande Guerre :

- DECIDEE
viewtopic.php?t=44472

- ERNEST SIMONS (coulé)
viewtopic.php?t=43129

- CALEDONIEN (coulé)
viewtopic.php?t=43100

- DUQUESNE (qui se sortit sans dommage du conflit.)

Il mérite donc de figurer sur le forum.

Mais son histoire révèle beaucoup sur la vie des marins de cette époque. Les jeunes, surtout, qui ne connaissaient pas encore bien le métier, étaient parfois vite dégoutés par la dureté d’un tel apprentissage. Il leur arrivait aussi de subir la hargne, voire les vexations ou même les violences des capitaines ou des seconds s’ils ne se montraient pas assez performants ou, pire, un peu rebelles. Certains ne le supportaient que très difficilement (Voir sur le forum l’histoire du jeune pilotin Fernand Lemerle, 18 ans, qui reçut un coup de pied au visage de l’irascible capitaine du BELEM, pourtant son propre père, et préféra débarquer en cours de voyage tant l’atmosphère du navire était devenue pénible).
Bien sûr, on ne connait pas le motif de la désertion des deux matelots légers à Shanghai, mais il devait être sérieux car on ne se retrouve pas sans raison perdu à Shanghai et sans aucune ressource.

Aujourd’hui, les branches françaises et américaines de la famille Barré ont renoué des relations et se fréquentent très chaleureusement, conscientes en permanence d’être ralliées par René et Marie-Jeanne, tous deux originaires du Finistère. En effet, Charles Barré, le père de notre matelot, et Anne Porhiel, sa mère, étaient nés à Briec de l’Odet et étaient venus à Chantenay à la fin du 19e siècle pour y trouver du travail. La plus grande partie de la branche américaine demeure dans l’Etat de Washington, et la branche française dans la région nantaise, vers Pornic.


Tous mes remerciements à Monique et Daniel PENEAU pour les renseignements et documents qu’ils m’ont communiqués et qui ont permis de retracer dans les grandes lignes l’histoire de ce marin.

Cdlt
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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Pour compléter l’histoire de René Barré, voici tous les éléments concernant son jugement pour désertion prononcé le 4 Avril 1906 sur rade de Shanghaï. Ces éléments proviennent des archives de la Marine de Vincennes.

Rapport de l’officier en second de DUQUESNE à son capitaine

Trois-mâts DUQUESNE de Nantes

Capitaine,

Aujourd’hui, 6 Mars 1906, nous, second, ayant eu connaissance que les nommés Barré René inscrit à Nantes n° 806, et Jobard Armand né au Havre et non inscrit, remplissant à bord les fonctions de matelots, se sont rendus coupables de dégradation d’objets à l’usage du bord, à savoir bris du cadenas de justice, et de désertion, nous avons constaté ce délit conformément à l’article 24 de la loi du 24 Mars 1852 et nous avons dressé la présente pour servir aux poursuites que de droit.

Lettre du capitaine de DUQUESNE au Consul de France à Shanghaï

En rivière de Shanghaï, 7 Mars 1906

Monsieur le Consul Général,

J’ai l’honneur de vous adresser le procès-verbal de l’information sommaire à laquelle je me suis livré à l’égard des délits de dégradation d’objets à l’usage du bord et de désertion dont se sont rendus coupables les nommés Barré René et Jobard Armand.
Veuillez, je vous prie, Monsieur le Consul, faire poursuivre les matelots Barré René et Jobard Armand pour qu’application soit faite des peines qu’ils ont encourues.
Veuillez agréer, Monsieur le Consul Général, mes respectueuses salutations.

Note du chef de la Police de la Concession française de Shanghaï au Consul Général

Shanghaï, 8 Mars 1906

Je porte à votre connaissance que les marins du trois-mâts français DUQUESNE qui ont été conduits à leur bord le 6 Mars dans la matinée et remis au capitaine contre reçu sont parvenus à s’esquiver à nouveau quelques heures plus tard et se sont présentés hier 7 Mars au poste central à 11h45 du matin.
Leur navire avait quitté le port vers 08h00. Je les ai considérés comme déserteurs et mis en état d’arrestation après vous en avoir référé.

Voici les renseignements fournis par les interrogatoires :

Barré René, né le 17 Février 1886 à Chantenay, inscrit à Nantes n° 806, embarqué en qualité de matelot léger sur le trois-mâts français DUQUESNE à Nantes le 26 Avril 1905, solde 50 francs par mois.
Ramené à bord par nos agents le 6 Mars à 08h00 a été assez mal reçu par le capitaine et, comme il lui manifestait son intention de quitter le navire, il fut enfermé dans la voilerie et mis aux fers avec son camarade. Vers midi, profitant du manque de surveillance, ils parvinrent à briser le cadenas et à s’échapper. Ne trouvant pas de sampan pour passer le fleuve, ils le traversèrent seulement le 7 Mars au matin.
Barré se plaint des mauvais traitements qu’il aurait eu à subir à bord. Appelé à les préciser, il ne peut que récriminer contre l’insuffisance de nourriture.

Jobard Armand, né le 18 Février 1888 à Besançon, n’est pas inscrit maritime. Ses parents habiteraient à l’heure actuelle 252 Ouest 43e rue à New York. Il navigue depuis l’âge de 12 ans et demi. Il a embarqué sur plusieurs bâtiments, tous étrangers, et ne se rappelle pas tous les noms ni toutes les nationalités. Il peut cependant citer YORK CASTLE, anglais, ST LOUIS, tantôt belge, tantôt américain, qui allait d’Anvers à New York, MADONNA, anglais et DUQUESNE. Il a embarqué sur ce dernier navire le 15 Juillet 1905 à New York et a signé son engagement au consulat de France dans cette ville, mais n’en a pas pris connaissance. Il recevait 75 francs par mois.
Jobard n’a pas quitté Barré depuis leur premier départ le 28 Février et son odyssée est la même. Il avait demandé à être débarqué ici pour prendre engagement sur un autre navire partant pour l’Amérique. Ce navire était HYDRA, vapeur anglais dont l’itinéraire était le suivant : Moji-Kô, Vladivostok, Odessa puis l’Amérique. Le capitaine avait refusé de le débarquer, d’autant qu’il faisait route lui-même directement sur l’Amérique. Sur ce refus, il s’était décidé à quitter le navire.
Jobard ne se plaint pas du service du bord. Il se trouvait bien et le travail était très doux. Mais la nourriture était insuffisante.
Il y a tout lieu de croire que ces deux marins ont quitté leur navire pour embarquer sur HYDRA. Ils espéraient y toucher 4 livres sterling de solde et c’est un point que je fais vérifier.

N.B Renseignements pris à bord de l’HYDRA, les deux marins arrêtés n’auraient jamais demandé officiellement à y être embarqués.

Lettre du Consul Général au commandant de la canonnière DECIDEE. 27 Mars 1906

Commandant,

J’ai l’honneur de vous transmettre les dossiers des nommés Barré et Jobard, matelots du voilier DUQUESNE qui a quitté ce port le 6 mars pour Honolulu.
Ces deux individus sont coupables du délit de désertion et de dégradation d’objets à l’usage du bord.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir réunir le tribunal de votre bord pour entendre et juger ces deux coupables.
Veuillez agréer, Commandant, l’assurance de ma considération distinguée.

(Nota : on remarque que ce consul ne s’embarrasse pas de la présomption d’innocence et avant tout jugement désigne les deux marins sous le vocable de « coupables »)

Note du Lieutenant de Vaisseau LE BLANC, commandant la canonnière DECIDEE, au Contre Amiral commandant l’Escadre de l’Extrême Orient. 28 Mars 1906

Amiral,

Je vous transmets ci-joint deux dossiers concernant les marins Barré et Jobard, du voilier français DUQUESNE, coupables du délit de désertion et de dégradation d’objets à l’usage du bord, transmis par le Consul Général de France à Shanghaï. Je prends vos ordres pour la suite à donner.

Note du Contre-Amiral BOISSE, commandant la 2e Division de l’Escadre d’Extrême Orient au Commandant de DECIDEE. 30 Mars 1906

A bord du GUICHEN

Le tribunal maritime commercial de DECIDEE est seul compétent et il appartient au commandant de DECIDEE de le constituer et de le convoquer, sous réserve toutefois du commandant de la rade.
En ce qui concerne les matelots Barré et Jobard du voilier français DUQUESNE, je vous autorise à constituer ce tribunal.


Tribunal Maritime à bord de DECIDEE

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Le lieutenant de Vaisseau Le Blanc va donc constituer et réunir le 4 Avril 1906 à 09h00 ce tribunal avec les officiers et officiers mariniers nommés sur les documents ci-dessus. Le rapporteur est l’Enseigne de Vaisseau Welfelé.

(à suivre)
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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

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Histoire de René Barré (suite)

Le Président, LV Le Blanc, interroge tout d’abord les deux prévenus sur leur identité. Ils répondent :

1) BARRE René, né le 17 Février 1886 à Chantenay, fils de Charles et Anne Porhiel, inscrit à Nantes n° 806, embarqué comme matelot léger sur le trois-mâts français DUQUESNE.

2) JOBARD Armand, né le 18 Février 1888 à Besançon, fils d’Etienne et Marie Chambert, marin non inscrit, domicilié à New York, 252 Ouest 43e rue, embarqué comme matelot sur le trois-mâts français DUQUESNE.

Puis il interroge René Barré sur le déroulement de faits et lui demande s’il reconnait la désertion. Celui-ci répond :

« DUQUESNE se trouvait dans le port de Shanghaï depuis le 18 Janvier 1906. Au départ de France, l’armateur m’avait promis verbalement de me prendre comme matelot si en cours de campagne une place devenait vacante. J’aurais ainsi eu 75 francs par mois, au lieu de 50 francs qui m’étaient donnés comme matelot léger. Or précisément, à New York, un matelot mourut. Au lieu de me prendre comme matelot, on embarqua Jobard le 15 Juillet 1905. (Nota : de 2 ans plus jeune que lui).
Pendant notre séjour à Shanghaï, je fis connaissance d’un matelot français de l’HYDRA qui me dit gagner 5 livres par mois. Il m’engagea à me cacher à son bord et à laisser partir DUQUESNE. Puis je me montrerais à la mer et je serais alors pris comme matelot par le capitaine d’HYDRA.
Le 28 Février, je ne rentrai pas à bord du DUQUESNE et j’allai me cacher à bord d’HYDRA à l’insu du capitaine de ce vapeur. Le capitaine de DUQUESNE devait appareiller dans une huitaine de jours et, ne me voyant pas rentrer demanda à la police de faire des recherches. Le maître d’équipage de DUQUESNE connaissait aussi le Français de l’HYDRA et il m’avait vu en pourparler avec lui. Il dit à son capitaine que je devais être à bord d’HYDRA. Le 2 Mars, la police y vint faire une perquisition mais ne me trouva pas. Après le départ de la police, le Français de l’HYDRA m’exprima ses craintes et me conseilla de rentrer à mon bord, ce que je fis à 10h00 du soir.
Le 3 au matin, mon capitaine me fit appeler et me demanda d’où je venais. Je lui répondis que je venais de terre. Il me demanda alors pourquoi j’avais emporté mon sac à bord de l’HYDRA. Il me fit alors me changer et m’envoya au consulat où je fus arrêté et enfermé jusqu’au 6 Mars au matin. A 06h00 le 6 Mars, deux agents m’amenèrent à bord du DUQUESNE. Je demandai au capitaine ce qu’il comptait faire de moi et à quelle heure le bâtiment appareillait. Il refusa de me répondre sur la date de l’appareillage et me déclara que de gré ou de force je suivrai le bâtiment. Je lui reprochai alors la façon dont nous étions nourris et après cette discussion il donna l’ordre de me mettre aux fers sans me laisser le temps de me changer.
A midi, je quittai la voilerie, poste où l’on m’avait enfermé. Le cadenas de la barre de justice était un petit cadenas qui ne fermait pas bien. Aussitôt mis aux fers, dès 07h00 du matin, je l’avais ouvert pour pouvoir me réchauffer les pieds. Je n’eus d’ailleurs pas besoin de le briser.
Après avoir quitté la voilerie à midi, je me cachai sous l’archi-pompe. Le capitaine n’était pas à bord, mais le second s’aperçut de ma disparition et le fit prévenir à terre. Il engagea alors un autre matelot pour me remplacer. J’appris cela le soir à 19h00 en rentrant au poste d’équipage. Apprenant que j’étais remplacé, je pris un sampan et à 20h00 je descendis à terre. Mes camarades m’avaient dit que l’on appareillerait le lendemain, mais sans préciser d’heure.
Je ne me plains pas de mauvais traitements de la part du capitaine, mais la nourriture était insuffisante à bord. »

Le Président lui demande alors : « N’avez-vous rien à ajouter ? Je vous préviens que vous avez le droit de prendre un avocat ou de présenter vous-même votre défense. »

« Je ne prendrai pas d’avocat. Mes réponses contiennent la vérité. Je persiste et signe » répond René Barré.

Puis le LV Le Blanc interroge de la même façon Armand Jobard qui répond :

« J’ai embarqué sur DUQUESNE le 15 Juillet 1905 à New York avec un salaire de 75 francs par mois. J’ai signé mon engagement devant le Consul de France à New York, mais je n’en ai pas compris les clauses. J’ai toujours été bien traité à bord du DUQUESNE, mais la nourriture était insuffisante. Comme j’espérais obtenir 5 livres à bord de l’HYDRA, je cherchai à quitter mon bord. J’avais demandé mon débarquement au capitaine du DUQUESNE, mais celui-ci refusa et me dit d’attendre notre retour en Amérique.
Le 28 Février, je suis allé me cacher à bord de l’HYDRA en compagnie de Barré. Après la perquisition, je suis rentré sur le DUQUESNE le 2 Mars au soir. Le 3 au matin, je fus emmené au consulat par mon capitaine et enfermé jusqu’au 6 Mars au matin. Puis, je fus mis aux fers avec Barré dans la voilerie. Le cadenas de la barre de justice fermait mal et nous avons pu aussitôt l’ouvrir sans le briser. Le 6 Mars au soir, nous sommes descendus à terre avec Barré, et avons été arrêtés le lendemain par la police, comme déserteurs.

J’avais déjà navigué sur YORK CASTLE, ST LOUIS, MADONNA et une drague de New York. Tous ces navires étaient anglais ou américains mais les certificats d’embarquement ont été pris par les marchands d’hommes et ne m’ont jamais été remis.

Je ne prendrai pas d’avocat. Toutes mes déclarations contiennent la vérité et je signe."

Délibération et sentence du Tribunal
4 Avril 1906

Le tribunal doit répondre à 6 questions :
- Barré René est-il coupable de désertion à l’étranger ?
- Y a-t-il des circonstances atténuantes ?
- Barré est-il coupable de dégradation d’objets à l’usage du bord ?
- Jobard Armand est-il coupable de désertion à l’étranger ?
- Y a-t-il des circonstances atténuantes ?
- Jobard est-il coupable de dégradation d’objets à l’usage du bord ?

Réponses

La désertion ne fait aucun doute, tandis
- qu’il n’y a aucun moyen de juger en connaissance de cause le fait de la dégradation, connecté du reste avec celui de la désertion,
- que l’absence du plaignant et de tout témoin et le rapport trop succinct de l’officier en second du DUQUESNE, rendent difficile l’approche de l’exacte vérité,
- que Barré possède d’excellents certificats

Le tribunal maritime commercial condamne le matelot léger René Barré à la peine de un mois d’emprisonnement avec l’application de la loi de sursis et le matelot Armand Jobard à la peine de un mois de prison avec la loi du sursis.

La loi du 24 Mars 1852, modifiée le 15 Avril 1898, stipule : « Sont exactement réputés déserteurs et punis d’un mois à un an de prison les gens de mer, mécaniciens, chauffeurs et médecins français ou étrangers qui, dans les colonies françaises, dans une rade étrangère ou dans un port étranger, s’absentent sans permission pendant deux fois vingt quatre heures de leur navire ou du poste auquel ils ont été placés, ou laisse partir le navire sans se rendre à bord.
Les déserteurs de moins de vingt ans seront condamnés à un emprisonnement de un à trois mois. Dans le cas où il déclare les circonstances atténuantes, le tribunal maritime commercial pourra réduire la peine jusqu’à la moitié du minimum. »
La loi du 26 Mars 1891 sur le sursis à l’exécution de la peine est applicable. Cette loi stipule que si l’inculpé n’a pas subi de condamnation antérieure à la prison pour crime ou délit de droit commun, le tribunal peut ordonner par le même jugement qu’il sera sursis à l’exécution de la peine.

Le tribunal n’ayant aucun renseignement sur les antécédents judiciaires des inculpés et prenant en considération leur jeune âge, les fait bénéficier de cette dernière loi.


Les officiers concernés par cette affaire

Contre Amiral Emile BOISSE

Né le 14 Janvier 1848 à Blaye (Tarn) Décédé le 28 Avril 1926 à Bozouls (Aveyron)
Entré à l’Ecole Navale en 1865.
A fait le tour du monde sur la frégate SIBYLLE en 1870.
Contre Amiral en 1904
1905-1906 Commande la 2e Division de l’Escadre d’Extrême Orient
1906-1908 Commandant en chef de l’Escadre d’Extrême Orient
Quitte la Marine en 1910.

Lieutenant de Vaisseau Armand LE BLANC

Né le 10 Février 1865 à Auray. Décédé le 3 Juin 1924 à Vannes.
Commande DECIDEE du 7 Janvier 1906 jusqu’en 1908.
Avait été en instruction sur ALGESIRAS (Ecole des torpilles) en 1896.
Avait navigué ensuite sur SUCHET, VAUCLUSE et DUPLEIX.
Quitte la marine en 1916.

Enseigne de Vaisseau Edouard ODENT

Né le 27 Juillet 1879.
Décédé le 26 Septembre 1928 à Chongqing alors qu’il commandait la canonnière BALNY.
Entré à l’école navale en 1897.
1906-1908 EV sur canonnière DECIDEE.
Capitaine de Corvette en 1920.

Enseigne de Vaisseau Léon WELFELE

Né le 1er Avril 1881.
Entre à l’école navale en 1898
Officier fusilier marin en 1904
1906-1908 sur canonnière DECIDEE
1910. Lieutenant de Vaisseau breveté canonnier.
Capitaine de Vaisseau en 1928.

Enseigne de Vaisseau Stanislas FOURNERY

Né le 17 Août 1881 à Lorient. Décédé le 18 Novembre 1967 à Nice
Entre à l’école navale en 1899
Navigue sur AMIRAL TREHOUART et BOUVINES.
Enseigne de Vaisseau en 1904.
1906 est porté comme étant à Cherbourg. En fait est embarqué sur DECIDEE, escadre d’Extrême Orient.
Capitaine de Vaisseau en 1931. Adjoint au Major Général de la 3e Région Maritime de Toulon.

Cdlt

(à suivre)
Dernière modification par olivier 12 le mar. avr. 30, 2019 11:18 am, modifié 1 fois.
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Re: DUQUESNE Compagnie Maritime Française

Message par olivier 12 »

Histoire de René Barré (suite)

Commentaires

On ne peut que constater que cette histoire de désertion après dégradation d’objet à l’usage du bord est une tempête dans un verre d’eau. Certes les désertions survenaient parfois sur certains navires, mais demeuraient toutefois relativement limitées. Or on va découvrir que tel ne fut pas le cas pour ce voyage de DUQUESNE.

Tout d’abord, l’enquête soit disant faite par le second du DUQUESNE est une mascarade et le rapport fait à son capitaine est d’une telle indigence que le Lieutenant de Vaisseau Le Blanc, président du tribunal, le déclare inexploitable. Le second ne se renseigne même pas sur Jobard et déclare qu’il est né au Havre, ce qui est inexact.

Le rapport de l’officier de police de la concession française de Shanghai n’est pas exempt de bizarreries. Quand il déclare que le vapeur HYDRA doit gagner Moji-Kô (à l’époque l’un des plus importants ports du Japon avec Yokohama et Kobe) puis Vladisvostok, et enfin Odessa et l’Amérique, on peut douter d’un tel itinéraire car passer par Odessa pour aller de Vladivostok en Amérique n’est pas le chemin le plus court. Peut-être a-t-il confondu avec Osaka, ou Hakodate … ! Imprécision ou manque de rigueur?

La lettre du capitaine au consul général est d’une brièveté qui en dit long sur son caractère. Il reconnait une « information sommaire » sur les délits.
En fait, ce capitaine et son second semblent avoir un certain mépris pour les hommes placés sous leurs ordres et se soucient fort peu de leur sort.

Heureusement, le tribunal réuni à la hâte sur DECIDEE se montrera particulièrement clément. Les peines seront fixées au minimum et il sera accordé un sursis à leur exécution.

Mais les deux matelots vont alors errer, sans ressources, dans Shanghaï ce qui les conduira à tenter d’embarquer comme clandestins sur ERNEST SIMONS et leur vaudra un nouveau procès et une nouvelle condamnation.

Histoire du voyage n° 4 du DUQUESNE Avril 1905 – Novembre 1906

L’armement s’est effectué à Nantes le 22 Avril 1905 et le désarmement à Nantes le 13 Novembre 1906.

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Itinéraire du voyage

NANTES 26/04/05
NEW YORK 06/07/05 - 15/07/05
SYDNEY 11/11/05 - 13/11/05
TSING TAU
SHANGHAÏ 23/01/06 - 06/03/06
HONOLULU 06/04/06 - 07/04/06
TACOMA 14/05/06 - 25/05/06
PITCAIRN
FALMOUTH 26/10/06 - 08/11/06
NANTES 12/11/06

Incidents en cours de voyage

15 Juillet 1905 New York
Le matelot Jean LOISEL est débarqué malade et laissé à l’hôpital de Brooklyn. On embarque alors comme remplaçant le matelot Armand Jobard à 75 francs par mois.

13 Novembre 1905 Sydney

Le matelot léger César GODEFROY déserte juste avant l’appareillage. Non payé.

Note de la compagnie concernant le matelot César GODEFROY envoyée à l’Administrateur de l’Inscription Maritime de Nantes. 29 Août 1907

« Nous avons l’honneur de vous accuser réception de votre note du 26 courant relative au nommé GODEFROY César, matelot léger à bord du DUQUESNE.
Les renseignements qui nous ont été fournis au sujet de cet homme sont en complète contradiction avec ceux qu’il a donnés, personne n’étant là pour lui montrer l’inexactitude de ses allégations.
Il est fort probable que la décision du tribunal de Saint Malo eut été tout autre si le capitaine ou le second du DUQUESNE avaient assisté aux débats.
Ce matelot a déserté sans motif, et avait déjà déclaré qu’il déserterait bien avant son arrivée à Sydney.
Nous supposons que c’est une erreur de plume qui vous a fait mettre le nom DUPLEIX à la place de DUQUESNE. S’il en était autrement, cela démontrerait que ce marin est coutumier de la désertion. Son point pleurétique a parfaitement pu être contracté entre le moment de la désertion et celui où il a été visité par le médecin. C’est même probablement le motif qui l’a décidé à faire sa soumission, car pourquoi n’est-il pas allé directement du bord au consulat, s’il avait été réellement malade à ce moment.
Ce sont toutes les raisons qui nous font refuser de verser le solde des gages à ce matelot déserteur ».

Quelques informations sur César GODEFROY

César Antoine GODEFROY, né le 29 Avril 1886 à Saint Briac était domicilié 14 rue Saint Similien à Nantes. Il était blond. Il avait embarqué à 14 ans comme mousse sur FORT LOUIS en 1902, SAINT GERMAIN en 1903, à la pêche sur SOUVENIR QUE CA TE FAIT de Fouras en 1903, au cabotage sur SAINT JOSEPH du Croisic la même année, au long cours sur le trois-mâts BEAUMANOIR en 1904, et enfin comme matelot léger sur DUQUESNE en 1905. Il désertera donc à Sydney et fera sa soumission au consulat général de France à Sydney le 17 Novembre 1905. Jugé le 16 Mai 1906 pour désertion par le tribunal maritime de Saint Malo, il sera acquitté, d’où la note ci-dessus de son armateur fort dépité.
Il embarquera alors sur les grands voiliers ERNEST LEGOUVE, JEANNE CORDONNIER et MAX. Nouvelle désertion du MAX le 5 Juin 1910 à Vancouver. Nouveau jugement pour désertion à Dunkerque le 10 Mai 1911 et nouvel acquittement.
Embarquements suivants sur NOTRE DAME D’ARVOR, BOURBAKI et AMIRAL TROUDE.
Le 9 Décembre 1914, condamnation à 25 jours de prison pour désobéissance et refus formel d’obéir.
Il quitte alors le long cours et navigue au cabotage sur CAPRICIEUSE, AURELIEN SCHOLL (Cie Scholl de Bordeaux), MISSISSIPI (long cours à la Transat) et CORNIL BART (voiliers dunkerquois) où il est condamné par le tribunal maritime de Marseille à 3 jours de prison pour refus d’obéissance.
Embarquements suivants comme second de la goélette MADELEINE, de Marans, puis comme maître d’équipage sur SAMMY, EROS, GEORGES PIERRE et POUYER TROUZ. Le 11 Juin 1924, il passe au quartier de Saint Malo.

Manifestement, ce marin était quand même une forte tête ! Cela ne l’empêcha pas de devenir maître d’équipage.

6 Mars 1906 Shanghaï
Les matelots Armand JOBARD et René BARRE (de Chantenay) désertent juste avant l’appareillage. La veille, Barré aurait été emprisonné au consulat et condamné à une amende de 17 francs.

Sont alors embarqués pour les remplacer :
- Joseph ROSE Natif du Cap Vert 26 ans
- Edouard STOVART Natif de la Jamaïque 48 ans
qui débarqueront tous deux à Falmouth.

20 Mai 1906 Tacoma
Le mécanicien Arthur DOUGHE, les matelots Joseph LE BIVIC, Louis TREDOU, Jérôme LE BRIS et le mousse Joseph BERNARD (17 ans) désertent en emportant leurs effets.

Sont embarqués le 27 Mai 1906 pour les remplacer :
- Georges URLICH Etranger
- Pansy FLORIO Etranger
- Patrick CROME Etranger

Les salaires des déserteurs, à verser à la caisse des gens de mer se montent à 841,64 francs.

Conclusion

On peut penser que huit désertions survenant au cours d’une seule campagne (1 à Sydney, 2 à Shanghai et 5 à Tacoma), dont celle d’un mousse de 17 ans, semblent indiquer que l’ambiance n’était pas excellente à bord de ce navire.
Le cas de Jobard, non inscrit maritime et ignoré dans les archives de Nantes demeure une énigme. On ne sait ce qu’il est devenu par la suite.

(à suivre)

Cdlt
Dernière modification par olivier 12 le sam. sept. 07, 2019 11:42 am, modifié 1 fois.
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