BRETAGNE Trois-mâts Armement Louis Girard
Publié : mar. mai 15, 2018 8:09 am
Bonjour à tous,
BRETAGNE
Trois-mâts de 205,27 tx armé pour la grande pêche
Armateur Louis GIRARD
Capitaine François BAUSIRE
31 hommes d’équipage
Armé de 2 canons de 57 mm à l’arrière
La perte de BRETAGNE 15 Octobre 1918
Liste d’équipage établie le 23 Octobre 1918
On notera qu’un doris monté par 3 hommes, dont le lieutenant LE ROUX sera récupéré le 23 Octobre, après 12 jours de navigation dans des conditions épouvantables. Les noms des 2 autres rescapés ne sont pas connus. Ce sont donc en réalité 6 victimes qui sont à déplorer et non 9. (Correction à apporter au site uboat.net)
Télégramme du 22/10 envoyé par l’Administrateur des Affaires Maritimes du Havre à Marine Paris.
Arrivé ce jour 22 hommes d’équipage terre-neuvier BRETAGNE canonné et coulé par un sous-marin le 15 Octobre 1918 dont 2 canonniers. Stop. 3 disparus dont familles prévenues par mes soins. Stop. 2 embarcations avec 3 hommes chacune sans nouvelles.
Télégramme du 23/10 Marine Brest à Marine Paris
A) Le 15 Octobre à 14h30 par 48°30 N et 14°30 W le trois-mâts goélette français BRETAGNE a été canonné et coulé.
B) Revenait de Terre Neuve à Brest chargé de 260 tonnes de morues parti en convoi disloqué par suite mauvais temps. Se trouvait isolé, temps couvert, petite houle, brise de Nord, vitesse 3,5 nœuds
C) Trois matelots noyés
- JEHAN Joseph Patron de doris Saint Brieuc 6253
- LANDOIS Olivier Patron de doris Binic 2053
- RENAULT Raphaël Novice Cancale 351
D) 6 hommes manquants
- LE ROUX François Lieutenant Cancale 1595
- LE FEVRE Yves Marie Canonnier Binic 2781
- LEBOURDAIS Théogène Canonnier Dinan 8462
- GOURIOU Charles Patron de doris Cancale 1303
- LEHOERFF Emmanuel Patron de doris Cancale 6248
- FAVREL Francis Novice Saint Brieuc 20558
Cinq doris recueillis, un chaviré, deux manquants
Télégramme Préfet Maritime Brest à Marine Paris. 23/10 21h30
Sur 41 bâtiments de Terre Neuve faisant partie du 2e convoi, 30 bâtiments sont arrivés à Brest, CARIOCA à Quiberon, MINERVE et MAGICIENNE au Verdon, BRETAGNE a été coulé par un sous-marin, GLYCERINE n’est pas encore arrivé.
Rapport de mer du capitaine. 19 Octobre 1918
Parti de Saint Pierre et Miquelon le 12 Juillet à 08h00 à l’aide du pilote. Fait route pour le banc Saint Pierre et pêché sur ce banc jusqu’au 27 Juillet, jour où j’ai fait route pour le Grand Banc. Mouillé sur le Grand Banc le 30 Juillet et continué ma pêche dans divers parages jusqu‘au 30 Septembre.
Reçu les ordres du patrouilleur DIXMUDE de me tenir prêt pour le 1er Octobre aux abords Est du platier pour prendre le convoi et recevoir les ordres de route. Le 2 Octobre, communiqué avec le patrouilleur ARRAS qui me donne l’ordre de rester au mouillage. Le 3 Octobre, ARRAS signale appareillage à 18h00. A midi la brise fraîchit de SSW et plusieurs navires mettent les voiles. A 13h00 viré l’ancre et suivi le patrouilleur pour prendre mon poste indiqué. Je suis resté avec le patrouilleur ARRAS jusqu’au 7 Octobre après avoir reçu plusieurs signaux de ne pas le dépasser. Le même jour à 17h00, forte brise de SSW et temps brumeux. ARRAS envoie un signal qu’on ne peut interpréter et voyant plusieurs navires à ses côtés prendre la cape, je continue 3 milles au Sud pour m’écarter. Je prends la cape à 18h00 et toute la nuit c’est un fort coup de vent avec grosse pluie. Le 8 Octobre à 08h00 les vents sautent au WNW. Temps clair et aperçu plusieurs navires faisant route vers l’Est. Attendu le patrouilleur jusqu’à midi. Ne voyant rien et tous les bateaux faisant route, je relève la cape et continue la route indiquée. Pendant ma traversée j’ai aperçu plusieurs navires qui marchaient plus vite que nous. La traversée s’est effectuée avec des vents variables de Nord à Ouest, avec jolie brise et temps brumeux. Nous avons suivi la route et les rendez-vous indiqués par ARRAS.
Le 15 Octobre, l’homme de vigie dans la mâture, Jean-Marie OLIVIER, signale un navire à voile par bâbord à environ 8 milles. Nous étions bâbord amures, par vent de Nord, cap à l’Est, faible brise, voiles hautes et vitesse 3,5 nœuds. Le trois-mâts français CARIOCA était à environ 4 milles devant. Aussitôt le signalement, 3 coups de canon. Les obus tombent à 30 m seulement, encadrant le navire. Fait amener les latines et laissé porter pour présenter l’arrière au sous-marin. Hissé le pavillon français. Les canonniers, au poste de combat, ne pouvaient pas tirer ne voyant pas le but. Disposé les fumigènes. Trois minutes plus tard les obus commencent à tomber à nouveau. Les éclats nous touchent dans le phare de l’avant, immobilisant perroquet et volant. Ne voyant toujours pas le but, je fais évacuer l’équipage et reste à bord avec les canonniers et le second. Jeté à la mer les deux fumigènes qui ne fonctionnent pas. Les obus tombant par intervalle et par groupes, le navire est encore touché sur l’avant. Ne pouvant répondre, je décide d’évacuer avec le reste de l’équipage pour me mettre hors du champ de tir. Avant de quitter le bord, j’ai jeté à la mer tous les documents confidentiels, cartes et journaux de bord dans un sac plombé.
A 16h00, le sous-marin continuait toujours son tir et à 17h30 le navire saute et disparaît. Le sous-marin se dirige vers nous et me fait monter à son bord. Il me demande quelques renseignements, mais les connaissait déjà lui-même et savait mon chargement. Je réponds aux questions, puis il me fait rembarquer dans le canot et je fais route vers la France.
Navigué pendant 3 jours avec forte brise de NNW sur 200 milles. N’ai rencontré aucune embarcation sur les 7 qui étaient parties avant moi. Le 18 Octobre à 14h00 aperçu un destroyer anglais avec un convoi faisant route vers l’Est. Fait des signaux et il nous a recueillis trente minutes plus tard. Une autre embarcation a été signalée et récoltée avec 4 hommes. Entré à Plymouth le 19 au matin et débarqué à 08h00 aux ordres du consul.
Mon chargement avait été signalé au patrouilleur ARRAS le 1er Octobre sur le Grand Banc : 20000 morues pour 5200 quintaux.
3 hommes se sont noyés lorsqu’un doris a chaviré. 2 doris contenant 6 hommes ont disparu.
Voici le patrouilleur ARRAS (Canadien, ne pas confondre avec l’aviso français entré en service en 1919)
Rapport d’un officier enquêteur daté du 24 Octobre 1918
BRETAGNE avait appareillé du Grand Banc le 3 Octobre 1918 avec un convoi de morutiers. Bientôt la tempête le sépara du convoi.
Le 15 Octobre à 15h00 l’homme de vigie dans la mâture signale un canot à voile par le travers bâbord. Quelques instants après, un projectile arrivant très près du navire révèle l’erreur. Le bateau aperçu était un sous-marin.
De suite le capitaine laisse arriver de façon à prendre le sous-marin dans le champ de tir des deux canons arrière, mais il est impossible de commencer le feu car le sous-marin est si éloigné que les hommes du pont ne l’aperçoivent pas. Dix projectiles encadrent BRETAGNE à très petite distance. Devant la précision du tir et l’impossibilité de la défense, le capitaine décide l’évacuation. L’équipage embarque dans 8 doris et reste jusqu’à la nuit à proximité du navire qui n’était pas encore coulé à ce moment. Il y avait 4 hommes de prévus par doris, sauf dans celui du lieutenant dans lequel ils étaient 3.
Les 3 hommes du doris que j’ai interrogés ne savent si le capitaine a jeté à la mer les documents confidentiels. Ils pensent que BRETAGNE a été coulé au moyen de bombes car ils ont entendu deux explosions dans la nuit. Ils n’ont pas aperçu le sous-marin, sauf le lieutenant LE ROUX qui l’a vu en montant dans la mâture.
L’évacuation est excusable. Il semble que les canons n’aient pas été rendus inutilisables avant l’abandon. On constate d’ailleurs à plusieurs reprises qu’il existe chez les capitaines et les canonniers une insuffisante compréhension de l’importance de cette mesure.
Dès la 1ère nuit, le doris a perdu de vue les autres doris et a navigué pendant 12 jours et 13 nuits vers l’Est essuyant plusieurs coups de vent et se tenant sur une ancre flottante. Il n’avait plus ni vivres, ni eau au bout du 5e jour. Les 3 hommes ont souffert de la faim et surtout de la soif, buvant leur urine et le peu d’eau récoltée lorsqu’il pleuvait. Ils ont lutté contre le mauvais temps, se sont ingéniés à remplacer par des avirons la mâture perdue, combattant le froid qui les envahissait en se mettant aux avirons malgré leur état de fatigue. Ils sont arrivés à la limite des forces humaines. Cependant, cette situation angoissante n’a amené aucune parole de désespoir ou de découragement chez ces hommes qui ont lutté avec un courage calme et tenace pendant 12 jours. Ils ont été sauvés le 27 Octobre à 02h00 par le chalutier PHOQUE II, à 40 milles au large d’Arcachon. Ils ont été débarqués à Arcachon.
Nous proposons pour ces trois hommes un témoignage de satisfaction.
Conclusions de la commission d’enquête
Le capitaine a bien été témoin de la disparition de son navire. Equipage discipliné, a évacué avec ordre et conformément au rôle. BRETAGNE était un bâtiment bien armé et bien commandé. La commission demande une citation à l’Ordre de la Brigade pour le capitaine Bausire et un témoignage de satisfaction pour l’équipage.
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Brigade
BAUSIRE François Capitaine
Lors de l’attaque de son bâtiment par un sous-marin ennemi, a montré les plus belles qualités de commandement, de sang froid et d’énergie. N’a abandonné son navire qu’après avoir épuisé tous les moyens de défense.
Témoignage Officiel de Satisfaction
Equipage de BRETAGNE
A fait preuve de qualités de sang froid et d’énergie lors de l’attaque de son bâtiment par un sous-marin et de l’évacuation très pénible qui a suivi.
Le sous-marin attaquant
C’était l’U 43 du Kptlt Johannes KIRCHNER.
On notera que ce sous-marin avait été identifié par le capitaine Bausire lorsqu’il était monté à bord.
Les questions posées par le commandant allemand furent :
- « Combien de poissons » ?
- « Y a-t-il d’autres bateaux dans le voisinage » ?
- « Avez-vous de meilleures embarcations » ?
- « Rembarquez et faites route. Bon voyage. »
Puis le commandant a donné un seau afin que l’équipage puisse vider le doris. Ce seau portait le n° U 43. Il a été remis au destroyer qui a récupéré les 4 hommes du doris.
Le sous-marin était décrit comme portant un canon de 120 mm sur l’avant du kiosque, des voiles de couleur cachou et noire, des antennes TSF.
Le commandant était jeune, bien rasé, environ 30 ans. Tout le monde à bord du sous-marin paraissait jeune.
Voici l’U 43
Lettre du capitaine BAUSIRE du 24 Octobre 1918
La faculté de commander sera maintenue pour le Capitaine au Cabotage François Bausire.
Cdlt
BRETAGNE
Trois-mâts de 205,27 tx armé pour la grande pêche
Armateur Louis GIRARD
Capitaine François BAUSIRE
31 hommes d’équipage
Armé de 2 canons de 57 mm à l’arrière
La perte de BRETAGNE 15 Octobre 1918
Liste d’équipage établie le 23 Octobre 1918
On notera qu’un doris monté par 3 hommes, dont le lieutenant LE ROUX sera récupéré le 23 Octobre, après 12 jours de navigation dans des conditions épouvantables. Les noms des 2 autres rescapés ne sont pas connus. Ce sont donc en réalité 6 victimes qui sont à déplorer et non 9. (Correction à apporter au site uboat.net)
Télégramme du 22/10 envoyé par l’Administrateur des Affaires Maritimes du Havre à Marine Paris.
Arrivé ce jour 22 hommes d’équipage terre-neuvier BRETAGNE canonné et coulé par un sous-marin le 15 Octobre 1918 dont 2 canonniers. Stop. 3 disparus dont familles prévenues par mes soins. Stop. 2 embarcations avec 3 hommes chacune sans nouvelles.
Télégramme du 23/10 Marine Brest à Marine Paris
A) Le 15 Octobre à 14h30 par 48°30 N et 14°30 W le trois-mâts goélette français BRETAGNE a été canonné et coulé.
B) Revenait de Terre Neuve à Brest chargé de 260 tonnes de morues parti en convoi disloqué par suite mauvais temps. Se trouvait isolé, temps couvert, petite houle, brise de Nord, vitesse 3,5 nœuds
C) Trois matelots noyés
- JEHAN Joseph Patron de doris Saint Brieuc 6253
- LANDOIS Olivier Patron de doris Binic 2053
- RENAULT Raphaël Novice Cancale 351
D) 6 hommes manquants
- LE ROUX François Lieutenant Cancale 1595
- LE FEVRE Yves Marie Canonnier Binic 2781
- LEBOURDAIS Théogène Canonnier Dinan 8462
- GOURIOU Charles Patron de doris Cancale 1303
- LEHOERFF Emmanuel Patron de doris Cancale 6248
- FAVREL Francis Novice Saint Brieuc 20558
Cinq doris recueillis, un chaviré, deux manquants
Télégramme Préfet Maritime Brest à Marine Paris. 23/10 21h30
Sur 41 bâtiments de Terre Neuve faisant partie du 2e convoi, 30 bâtiments sont arrivés à Brest, CARIOCA à Quiberon, MINERVE et MAGICIENNE au Verdon, BRETAGNE a été coulé par un sous-marin, GLYCERINE n’est pas encore arrivé.
Rapport de mer du capitaine. 19 Octobre 1918
Parti de Saint Pierre et Miquelon le 12 Juillet à 08h00 à l’aide du pilote. Fait route pour le banc Saint Pierre et pêché sur ce banc jusqu’au 27 Juillet, jour où j’ai fait route pour le Grand Banc. Mouillé sur le Grand Banc le 30 Juillet et continué ma pêche dans divers parages jusqu‘au 30 Septembre.
Reçu les ordres du patrouilleur DIXMUDE de me tenir prêt pour le 1er Octobre aux abords Est du platier pour prendre le convoi et recevoir les ordres de route. Le 2 Octobre, communiqué avec le patrouilleur ARRAS qui me donne l’ordre de rester au mouillage. Le 3 Octobre, ARRAS signale appareillage à 18h00. A midi la brise fraîchit de SSW et plusieurs navires mettent les voiles. A 13h00 viré l’ancre et suivi le patrouilleur pour prendre mon poste indiqué. Je suis resté avec le patrouilleur ARRAS jusqu’au 7 Octobre après avoir reçu plusieurs signaux de ne pas le dépasser. Le même jour à 17h00, forte brise de SSW et temps brumeux. ARRAS envoie un signal qu’on ne peut interpréter et voyant plusieurs navires à ses côtés prendre la cape, je continue 3 milles au Sud pour m’écarter. Je prends la cape à 18h00 et toute la nuit c’est un fort coup de vent avec grosse pluie. Le 8 Octobre à 08h00 les vents sautent au WNW. Temps clair et aperçu plusieurs navires faisant route vers l’Est. Attendu le patrouilleur jusqu’à midi. Ne voyant rien et tous les bateaux faisant route, je relève la cape et continue la route indiquée. Pendant ma traversée j’ai aperçu plusieurs navires qui marchaient plus vite que nous. La traversée s’est effectuée avec des vents variables de Nord à Ouest, avec jolie brise et temps brumeux. Nous avons suivi la route et les rendez-vous indiqués par ARRAS.
Le 15 Octobre, l’homme de vigie dans la mâture, Jean-Marie OLIVIER, signale un navire à voile par bâbord à environ 8 milles. Nous étions bâbord amures, par vent de Nord, cap à l’Est, faible brise, voiles hautes et vitesse 3,5 nœuds. Le trois-mâts français CARIOCA était à environ 4 milles devant. Aussitôt le signalement, 3 coups de canon. Les obus tombent à 30 m seulement, encadrant le navire. Fait amener les latines et laissé porter pour présenter l’arrière au sous-marin. Hissé le pavillon français. Les canonniers, au poste de combat, ne pouvaient pas tirer ne voyant pas le but. Disposé les fumigènes. Trois minutes plus tard les obus commencent à tomber à nouveau. Les éclats nous touchent dans le phare de l’avant, immobilisant perroquet et volant. Ne voyant toujours pas le but, je fais évacuer l’équipage et reste à bord avec les canonniers et le second. Jeté à la mer les deux fumigènes qui ne fonctionnent pas. Les obus tombant par intervalle et par groupes, le navire est encore touché sur l’avant. Ne pouvant répondre, je décide d’évacuer avec le reste de l’équipage pour me mettre hors du champ de tir. Avant de quitter le bord, j’ai jeté à la mer tous les documents confidentiels, cartes et journaux de bord dans un sac plombé.
A 16h00, le sous-marin continuait toujours son tir et à 17h30 le navire saute et disparaît. Le sous-marin se dirige vers nous et me fait monter à son bord. Il me demande quelques renseignements, mais les connaissait déjà lui-même et savait mon chargement. Je réponds aux questions, puis il me fait rembarquer dans le canot et je fais route vers la France.
Navigué pendant 3 jours avec forte brise de NNW sur 200 milles. N’ai rencontré aucune embarcation sur les 7 qui étaient parties avant moi. Le 18 Octobre à 14h00 aperçu un destroyer anglais avec un convoi faisant route vers l’Est. Fait des signaux et il nous a recueillis trente minutes plus tard. Une autre embarcation a été signalée et récoltée avec 4 hommes. Entré à Plymouth le 19 au matin et débarqué à 08h00 aux ordres du consul.
Mon chargement avait été signalé au patrouilleur ARRAS le 1er Octobre sur le Grand Banc : 20000 morues pour 5200 quintaux.
3 hommes se sont noyés lorsqu’un doris a chaviré. 2 doris contenant 6 hommes ont disparu.
Voici le patrouilleur ARRAS (Canadien, ne pas confondre avec l’aviso français entré en service en 1919)
Rapport d’un officier enquêteur daté du 24 Octobre 1918
BRETAGNE avait appareillé du Grand Banc le 3 Octobre 1918 avec un convoi de morutiers. Bientôt la tempête le sépara du convoi.
Le 15 Octobre à 15h00 l’homme de vigie dans la mâture signale un canot à voile par le travers bâbord. Quelques instants après, un projectile arrivant très près du navire révèle l’erreur. Le bateau aperçu était un sous-marin.
De suite le capitaine laisse arriver de façon à prendre le sous-marin dans le champ de tir des deux canons arrière, mais il est impossible de commencer le feu car le sous-marin est si éloigné que les hommes du pont ne l’aperçoivent pas. Dix projectiles encadrent BRETAGNE à très petite distance. Devant la précision du tir et l’impossibilité de la défense, le capitaine décide l’évacuation. L’équipage embarque dans 8 doris et reste jusqu’à la nuit à proximité du navire qui n’était pas encore coulé à ce moment. Il y avait 4 hommes de prévus par doris, sauf dans celui du lieutenant dans lequel ils étaient 3.
Les 3 hommes du doris que j’ai interrogés ne savent si le capitaine a jeté à la mer les documents confidentiels. Ils pensent que BRETAGNE a été coulé au moyen de bombes car ils ont entendu deux explosions dans la nuit. Ils n’ont pas aperçu le sous-marin, sauf le lieutenant LE ROUX qui l’a vu en montant dans la mâture.
L’évacuation est excusable. Il semble que les canons n’aient pas été rendus inutilisables avant l’abandon. On constate d’ailleurs à plusieurs reprises qu’il existe chez les capitaines et les canonniers une insuffisante compréhension de l’importance de cette mesure.
Dès la 1ère nuit, le doris a perdu de vue les autres doris et a navigué pendant 12 jours et 13 nuits vers l’Est essuyant plusieurs coups de vent et se tenant sur une ancre flottante. Il n’avait plus ni vivres, ni eau au bout du 5e jour. Les 3 hommes ont souffert de la faim et surtout de la soif, buvant leur urine et le peu d’eau récoltée lorsqu’il pleuvait. Ils ont lutté contre le mauvais temps, se sont ingéniés à remplacer par des avirons la mâture perdue, combattant le froid qui les envahissait en se mettant aux avirons malgré leur état de fatigue. Ils sont arrivés à la limite des forces humaines. Cependant, cette situation angoissante n’a amené aucune parole de désespoir ou de découragement chez ces hommes qui ont lutté avec un courage calme et tenace pendant 12 jours. Ils ont été sauvés le 27 Octobre à 02h00 par le chalutier PHOQUE II, à 40 milles au large d’Arcachon. Ils ont été débarqués à Arcachon.
Nous proposons pour ces trois hommes un témoignage de satisfaction.
Conclusions de la commission d’enquête
Le capitaine a bien été témoin de la disparition de son navire. Equipage discipliné, a évacué avec ordre et conformément au rôle. BRETAGNE était un bâtiment bien armé et bien commandé. La commission demande une citation à l’Ordre de la Brigade pour le capitaine Bausire et un témoignage de satisfaction pour l’équipage.
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Brigade
BAUSIRE François Capitaine
Lors de l’attaque de son bâtiment par un sous-marin ennemi, a montré les plus belles qualités de commandement, de sang froid et d’énergie. N’a abandonné son navire qu’après avoir épuisé tous les moyens de défense.
Témoignage Officiel de Satisfaction
Equipage de BRETAGNE
A fait preuve de qualités de sang froid et d’énergie lors de l’attaque de son bâtiment par un sous-marin et de l’évacuation très pénible qui a suivi.
Le sous-marin attaquant
C’était l’U 43 du Kptlt Johannes KIRCHNER.
On notera que ce sous-marin avait été identifié par le capitaine Bausire lorsqu’il était monté à bord.
Les questions posées par le commandant allemand furent :
- « Combien de poissons » ?
- « Y a-t-il d’autres bateaux dans le voisinage » ?
- « Avez-vous de meilleures embarcations » ?
- « Rembarquez et faites route. Bon voyage. »
Puis le commandant a donné un seau afin que l’équipage puisse vider le doris. Ce seau portait le n° U 43. Il a été remis au destroyer qui a récupéré les 4 hommes du doris.
Le sous-marin était décrit comme portant un canon de 120 mm sur l’avant du kiosque, des voiles de couleur cachou et noire, des antennes TSF.
Le commandant était jeune, bien rasé, environ 30 ans. Tout le monde à bord du sous-marin paraissait jeune.
Voici l’U 43
Lettre du capitaine BAUSIRE du 24 Octobre 1918
La faculté de commander sera maintenue pour le Capitaine au Cabotage François Bausire.
Cdlt