Journal d'un fusilier marin : Fortuné Dalbera.

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IM Louis Jean
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Re: Journal d'un fusilier marin : Fortuné Dalbera.

Message par IM Louis Jean »

Ces positions restèrent dans les mains des Français jusqu'à fin juin 1917, ainsi que la grande dune.

[Pendant leur séjour en Belgique les deux bataillons du 163e RI perdront 2 officiers tués, 5 blessés, 109 hommes tués, 657 blessés et quelques disparus -sic-. Le JMO du 163e RI pour cette période belge se trouve ici : https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... 8f1eb8b1cd]

Les Anglais qui les remplacèrent furent attaqués le 10 juillet 1917 et, après de durs combats, forcés de leur abandonner et de repasser l'Yser, empêchant néanmoins l'ennemi de rentrer dans les ruines de Nieuport. 15 mois après, le 16 octobre 1918, l'armée belge qui, à son tour, avait remplacé les Anglais prit à son tour l'offensive et chassa les Boches jusqu'à Ostende.

Cette malheureuse attaque faisait partie d'un plan d'attaque général. Sous les ordres du général de Mitry on avait attaqué dans tout le secteur mais sans grand succès, cela dura jusqu'au 15 ou 20 janvier.

Saint Georges fut attaqué en même temps que Lombaertzyde mais on n'y pénétra pas. À la fin décembre (nous n'étions plus là) la brigade Marocaine atteint la Grande Dune. Le 7 janvier le 4e Zouaves enlève le mamelon vert, à gauche de Lombaertzyde. Quelques jours après les marins, venant de Steenstraat, des tirailleurs et des cavaliers à pied attaquent de nouveau Lombaertzyde et la Grande dune. La Grande dune fut enfin enlevée.

Pendant mon séjour à l'entrée de Lombaertzyde je reçus un colis de mes parents contenant, entre autres choses, des bâtons de "zan" et un vêtement en toile, pour mettre directement sur le corps, que mes parents avaient mis à macérer dans de l'huile de lin pour le rendre imperméable. Je reçus aussi un colis de ma grand-mère portant comme adresse, de l'écriture de ma tante Pauline, Mr F. Dalbéra - Cie de Mitrailleuses - Fusilier Marin - dans les tranchées devant Dixmude. Comme adresse c'était un peu vague! N'empêche que je le reçus, dans les tranchées, mais pas devant Dixmude, devant Nieuport.

Image
source http://bvemagenta20.blogspot.com
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IM Louis Jean
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Re: Journal d'un fusilier marin : Fortuné Dalbera.

Message par IM Louis Jean »

Le 22/12/14 au soir nous fûmes relevés, mais pas pour aller bien loin. À la suite des différents combats qui venaient d'avoir lieu il n'y avait aucune ligne fortifiée d'établie. Les hommes avaient creusé des embryons de tranchées sur l'emplacement où notre attaque s'était arrêtée. Il fallait organiser la défense. Nous fûmes désignés pour aller établir un poste à mitrailleuses sur notre droite (voir croquis page 102) [croquis visible post 23 mars 2017 22:04 page 6 - point 5 de la légende]. Devant le poste de secours il y avait un dépôt de madriers, tôles, outils etc... chacun prit quelque chose et en route.

Il faisait nuit noire, froid mais sec. Après quelques instants de marche nous arrivâmes et nous mîmes au travail, cela dura toute la nuit. Il n'y avait absolument rien entre l'ennemi et nous. Notre premier soin fut de mettre les pièces en batterie et d'installer un service de guetteurs. Quoique non gradé je pris le commandement de l'échelon et on se mit carrément à l'ouvrage, sauf Roumbeau qu'il me fallu secouer d'importance car il n'y avait pas moyen d'en rien tirer, courage absent. Au matin tout était installé et nous fûmes relevés du secteur le 23/12/14 au soir.

Quelques temps plus tard la 1ère section obtint une citation collective "pour avoir établi une position de mitrailleuses sous le feu ennemi". Il est de fait qu'il y avait du danger et que ce que nous avions fait était assez audacieux mais ça ne valait pas une citation.

Notre retour s'effectua par les cinq ponts, où se trouvaient les écluses, le coin était assez endommagé car l'ennemi le bombardait assez fréquemment avec des 420.Pour cacher le passage on avait établi un écran avec des toiles. Nous fîmes une halte au bois triangulaire et arrivâmes à Oost-Duinkerque vers 11 heures. On nous cantonna dans le théâtre en remplacement de cavaliers (des Hussards) qui étaient montés en ligne. L'un d'eux avait laissé une gamelle individuelle pleine de nouilles, elles étaient froides naturellement mais j'avais faim et rien à mettre sous la dent aussi firent-elles mon bonheur.
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IM Louis Jean
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Re: Journal d'un fusilier marin : Fortuné Dalbera.

Message par IM Louis Jean »

Le lendemain, 24/12, nous restâmes à Oost-Dunkerque. Le soir avec trois copains nous réussîmes à nous procurer, dans un estaminet, deux bouteilles de vin, un camembert et quelques petits pains, sans sel suivant la coutume belge, cela fit notre réveillon. Nous étions au chaud, hors de danger pour l'instant ; à boire et à manger, aussi étions nous parfaitement heureux. Comme quoi tout est relatif!

Le 25 au matin, départ à pied pour Furnes. Nous fîmes halte et formâmes les faisceaux devant la gare et liberté de manoeuvre en attendant le petit tacot qui devait nous emmener à Oostvleteren au repos et en réserve en même temps car ça donnait dur dans ce coin-là ; la veille, le 24, les marins avaient attaqué et avaient renouvelé là-bas le coup du 163e à Lombaertzyde. À Bischotte les marins qui prirent part à l'attaque restèrent alignés, en tirailleurs devant les tranchées ennemies, leur capitaine en tête, le lieutenant de vaisseau Barthal, mais ne se relevèrent pas car ils étaient alignés pour toujours, sauf quelques uns que les boches firent prisonniers. Ils renvoyèrent l'un d'entre eux, Linden Louis, prendre les papiers de Barthal. Le frère à ce Linden, Albert, était avec moi, par la suite, à bord du "D'Entrecasteaux", un croiseur cuirassé, c'est lui qui me fit faire connaissance avec son frère qui me donna ces détails sur la mort du Cne Barthal ; son père avait été tué à la Marne (voir page 24) [voir LV Barthal] et il était parti pour le venger!

Notre halte à Furnes fut encore pour moi l'occasion d'avoir une prise de bec avec Gofny car il me colla de garde aux faisceaux, cela ne m'allait pas du tout car il y avait en face de nous des bistros qui ne demandaient pas mieux que de nous ravitailler et des marchands de cartes postales, chose dont j'avais un grand besoin. Aussi ce fut vite fait, je plaquais tout et laissais les faisceaux se garder tout seul. Au point de vue discipline ce n'était peut-être pas très régulier mais pour le moment cela était bien le dernier de mes soucis, une fois de plus cela se passa bien.

À Oostvleterren nous cantonnâmes dans des fermes, les gens étaient résignés (les civils), ni joyeux ni renfrognés, nous, de notre côté, on ne les embêtait pas. On occupa notre temps à nettoyer les cantonnements, enlever les tas de fumier, écrire, boire et manger, dormir. Les jours passaient, lourds, gris, nous n'avions pas le sentiment de l'heure qui passait, c'était le parfait abrutissement. Dans des cantonnements à côté il y avait des "Joyeux", infanterie légère d'Afrique, ils avaient donné dur eux aussi dans un coin dénommé la "maison du passeur" sur le canal d'Ypres.
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