Bonjour à tous, bonjour Michael,
Torpilleur 368
Rencontre avec un sous-marin le 8 Août 1916
Télégramme au CV Chef d’Etat Major de la 3e escadre intercepté par HELENE 8 Août 1916
« Passe Sud à SHAMROCK. Commandant torpilleur 368 a attaqué sous-marin suivant MIQUELON à la torpille automobile et à la grenade à 7,5 milles dans le S38W de Sybota vers 11h00. Supposé remontant surface 1 heure après l’attaque. Recherché. Rien vu. »
Télégramme du 8 Août intercepté par VERITE
VERITE a intercepté le même télégramme mais l’’a déchiffré d’une façon un peu différente. Voici le texte tel que nous l’avons lu.
« Passe Sud à SHAMROCK. Commandant torpilleur 368 à commandant base Corfou. Torpilleur 368 a attaqué sous-marin suivant MIQUELON à la torpille automobile et à la grenade à 7 milles S38W de Sybota vers 11h30. Suppose sous-marin touché, huile et air remontant à la surface une heure après l’attaque. Après 3 heures de recherche, rien vu. »
Note du CF FAURE, Commandant base navale de Corfou au VA commandant la 1ère Armée Navale
J’ai l’honneur de vous adresser les rapports des commandants du TORPILLEUR 368 et du MIQUELON, sur la rencontre d’un sous-marin à l’entrée des chenaux de Corfou.
Il semble certain, d’après les rapports écrits et verbaux qu’un sous-marin a été vu. Il est moins sûr qu’il ait été touché et détruit, bien que les rapports soient très affirmatifs. Je compte aller demain matin sur les lieux et voir si les déjections de mazout continuent, ce qui serait une preuve.
Deux avions sont sortis dès l’annonce de l’évènement à 18h05. Le C3 a exploré jusqu’à 30 milles dans le SW du cap Bianco sans rien apercevoir. Le C6 a été obligé de descendre à 18h25 entre les barrages et a été remorqué à Corfou.
J’ai donné aux dragueurs des instructions pour faire un dragage méticuleux des passes Sud, bien que les points donnés par MIQUELON et TORPILLEUR 368, évidemment approximatifs, mettent le sous-marin hors du chenal jusqu’à la limite des fonds de 100 m. De même, les avions ont mission de faire des reconnaissances soigneuses dans les passes Sud et leurs abords.
J’ai l’intention, si vous n’y voyez pas d’inconvénients, de faire pour le personnel du TORPILLEUR 368 les citations demandées par le commandant de groupe au titre de la Base. Si la perte du sous-marin devenait un fait acquis, cette citation pourrait être transformée en Citation à l’ordre de l’Armée Navale.
Note de l’EV STILL, Commandant des torpilleurs détachés à Corfou au CV FAURE
J’ai l’honneur de vous transmettre le rapport du 1er maître BISMES, commandant le torpilleur 368, relatif à son action contre un sous-marin le 8 Août 1916.
D’après cette relation, il y a tout lieu de croire que le sous-marin a été touché et coulé. Les gros échappements d’air constatés en paraissent une preuve très convaincante en raison de leur longue durée.
La manœuvre du torpilleur 368 a été parfaite de décision et de promptitude. Une grosse part du succès revient aussi au maître mécanicien qui, dès l’alerte est descendu dans la machine et a fait exécuter avec sang froid les ordres de la passerelle. Le commandant a fait usage de toutes les armes possibles, torpille d’étrave et grenades dont le bon fonctionnement prouve un entretien excellent de son matériel militaire.
En récompense de ces faits et des longs services rendus par le Torpilleur 368, déjà cité à l’Ordre du jour de la Division française de Brindisi, je vous demande une citation pour :
- Le torpilleur 368
- Le Premier maître pilote BISMES
- Le maître mécanicien ROPERS
- Le second maître patron LE GALL
- Le timonier réserviste FRANQUI (du WALDECK ROUSSEAU)
- Le quartier maître canonnier réserviste BERANGUIER
Je vous signale tout particulièrement le 1er maître Bismes, 26 ans de services, médaille militaire depuis 5 ans, titulaire de 4 propositions pour la Légion d’Honneur et je vous demande de vouloir bien proposer son inscription d’office au tableau de Chevalier de la Légion d’Honneur.
Rapport de 1er maître BISMES, commandant du torpilleur 368
J’ai l’honneur de venir rendre compte de l’attaque qu’a effectué le torpilleur 368 contre un sous-marin ennemi dans la journée du 8 Août.
Vers 11h00, le torpilleur se trouvait aux environs de l’intersection des deux alignements du chenal de sécurité. A ce moment, un vapeur venant de l’Ouest et faisant route vers la passe est aperçu à l’horizon. Augmenté la vitesse à 16 nœuds pour aller à sa rencontre et le piloter.
En approchant, reconnu le MIQUELON. Sa route le fait passer au Nord du premier alignement du chenal en venant du large. Hissé signal NGS et venu de 90° environ sur la gauche pour aller prendre l’alignement. Le MIQUELON vient sur la droite pour se placer dans nos eaux. Il est 11h20.
A peine la manœuvre terminée, le MIQUELON nous attaque à bras. Avant que le signal ne soit commencé, le timonier du bord qui fait l’aperçu à l’attaque, me signale un sous-marin à tribord derrière le MIQUELON.
Me tournant vivement, je suis assez heureux pour voir le périscope émergeant d’environ 1 m dans une assez forte houle d’Ouest.
Le MIQUELON manœuvre et tire sur le sous-marin. Les deux chaudières étant allumées, les feux en pleine activité, pris la vitesse maximum. Venu sur la droite le plus rapidement possible sans perdre de vue l’endroit où se trouve le sous-marin. La torpille avant, toujours prête à être lancée, est parée, capot ouvert et l’homme chargé des mines est à son poste.
Une minute s’est à peine écoulée, le temps d’abattre de 180° à toute vitesse, que je vois nettement le sillage du sous-marin. Quoique la position ne soit pas très favorable, je ne veux pas prendre du champ, de peur de perdre de vue le sous-marin et son sillage. Lorsque mon cap arrive sur le sillage du sous-marin, et quoique je ne voie plus le périscope, je lance la torpille avant réglée à 9 m et vitesse maximum. Lancement sans résultat. Je continue à courir à cette route et dans le sillage même très visible du sous-marin qui faisait route au NW. Lorsque je l’ai légèrement dépassé, 15 minutes après le lancement de la torpille, je fais mouiller la grenade qui a bien fonctionné. Viré de bord après l’explosion, pour me trouver en position d’attaque dans le cas où le sous-marin viendrait en surface.
Les hommes ayant leur poste de combat à l’arrière et le patron m’affirment qu’ils ont vu le sous-marin dans les remous de l’explosion. Ne voyant plus rien, fait des ronds à toute vitesse autour du lieu de l’explosion, afin de pouvoir attaquer une deuxième fois si le cas se présente.
Après 20 minutes de recherche environ, revenu au point de départ à l’endroit marqué par de l’huile qui est à la surface pour recommencer l’exploration. Ces taches d’huile épaisses, qui pouvaient être du mazout, s’étendent sur une circonférence de 200 m de diamètre. Aux environs du centre, de gros échappements d’air viennent crever à la surface pendant plus d’une heure. Ceci m’amène à croire que le sous-marin a été touché et coulé. Le point est à 7,5 milles dans le S38W du phare de Sivota.
Fait avec le MIQUELON une recherche minutieuse jusqu’à 3 ou 4 milles du lieu de l’explosion sans rien apercevoir.
Le MIQUELON faisait route pour rentrer. Fait route pour venir rendre compte au commandant de la base par l’intermédiaire du chalutier arraisonneur. Repris aussitôt les recherches jusqu’à la nuit sans plus de résultat.
Vers 18h45, l’avion est venu explorer, mais ne m’a rien signalé.
Je suis heureux, Commandant, de vous signaler le dévouement de tout l’équipage, en particulier celui du maître mécanicien Ropers et du patron Le Gall qui a lui-même lancé la grenade.
Grâce à eux, toutes les manœuvres ont pu être exécutées rapidement.
Ci-joint le croquis représentant la position respective de chaque bâtiment quand le sous-marin a été aperçu.
Rapport du 1ermaître de manœuvre FREDENUCCI commandant le MIQUELON au CF FAURE
Le MIQUELON, parti d’Argostoli le 7 Août à 18h00 se trouvait le 8 Août à 10h12 à 3,3 milles dans le Sud du cap Arkodilla et allait s’engager dans le chenal de sécurité qui mène à Corfou.
Le torpilleur 368 chargé de la surveillance de ce chenal fait route sur nous et nous signale de le suivre par signal NGS du code. Quelques secondes plus tard, je crois apercevoir un périscope à 1 mille environ par le travers tribord, mais l’apparition est si courte et l’esprit tendu croit si souvent à la vue d’un périscope que je me contente de redoubler d’attention. Le même fait aussi rapide se reproduit quelques minutes après alors que nous sommes à 3 milles du cap Sivota. Je mets au poste de combat et fait signaler à bras au torpilleur que nous avons quelque chose de suspect par tribord.
Le timonier est occupé à transmettre le signal lorsque le périscope se montre cette fois plus longuement à ½ mille de nous. Son sillage est très net.
Je fais ouvrir le feu et mettre le cap sur lui, machine en avant le plus rapidement possible à 8 nœuds.
Mais le sous-marin a vu la manœuvre. Le périscope disparaît et ne se montre que quelque temps après par tribord arrière. Nous nous dirigeons à nouveau sur lui et recommençons à tirer.
Le torpilleur, aussitôt le signal reçu, fait demi tour à toute vitesse et s’élance dans les traces du sous-marin qui ne se montre que très rarement et dont il est par suite très difficile de suivre les déplacements. Néanmoins, notre tir donne de bonnes indications au 368 qui lance une de ses grenades Guiraud. On perd toute trace du sous-marin, mais un corps brillant est aperçu à ½ mille de nous. Je fais ouvrir le feu, pensant que cet objet n’est autre chose que la partie supérieure du kiosque du sous-marin, et me dirige sur lui.
Le 368 nous signale : « Prenez garde. Vous avez une torpille en surface par bâbord. » Cette torpille, je ne l’ai vu lancer ni par le sous-marin, ni par le torpilleur et c’est précisément l’objet vers lequel je me dirigeais. Je pense qu’un de nos obus l’a touchée. En tous cas, on ne la revoit plus.
A 11h00, le 368 nous signale à bras qu’il croit le sous-marin coulé. Des bulles d’air et de l’huile montent en surface.
A 11h10, il demande à bras : « Voulez-vous qu’on vous pilote pour rentrer ? » Je réponds : « Ce n’est pas utile » puis fais le signal : « Ne vaudrait-il pas mieux que nous restions encore quelque temps sur les lieux ? » Je pense en effet que les bulles d’air et l’huile ne sont pas des preuves suffisantes pour attester du naufrage du sous-marin.
Le 368 répond : « Oui, moi je reste. Nous irons ensuite au chalutier. »
Jusqu’à midi nous croisons sans rien apercevoir. Je décide alors de rentrer dans Corfou où nous mouillons à 16h15.
Le torpilleur a eu une conduite admirable tant au point de vue du courage qu’au point de vue de l’habileté. L’équipage du MIQUELON s’est une fois de plus montré digne du grand honneur que lui a accordé Monsieur le Ministre de la Marine en le citant à l’Ordre de l’Armée.
Le sous-marin attaqué
N’est pas, semble-t-il, véritablement identifié.
Mais on note qu’un sous-marin allemand a disparu sans laisser de traces après le 4 Août 1916 alors qu’il allait de Cattaro à Constantinople. Il s’agit de l’UB 44 de l’Oblt z/s Franz WÄGER. Il n’avait coulé qu’un seul navire, le vapeur anglais MOERIS, le 30 Juin 1916, au large de la Crète.
Parti donc de Kotor le 4 Août, il pouvait fort bien se trouver le 8 en reconnaissance aux abords de Corfou, juste au Nord de la petite île de Paxos.
C’est très certainement ce sous-marin qui a croisé la route du torpilleur 368 et du MIQUELON et n’a pas survécu à la rencontre. Selon la position donnée, il aurait coulé par des fonds de 50 à 100 m.
C’est en tous cas l’avis d’un officier de marine non identifié qui, sans doute quelques années plus tard, a inscrit manuellement sur la couverture du dossier concernant cette affaire
(Détruisent le sous-marin, probablement UB 44)
Toutefois, le site uboat.net signale simplement la disparition du sous-marin avec ses 19 hommes d’équipage, sans relier aucunement cette disparition à l’attaque rapportée par le torpilleur et le vapeur français.
Cdlt