Bonjour à tous,
ANNE ANTOINETTE
Attaque par un sous-marin. 16 Septembre 1917
Armateur DESMARAIS Frères
Traversée Le Havre – Britton Ferry, lesté avec des tournures de fer.
Pas de TSF. 4 appareils fumigènes non utilisés.
208 tx JB
Rapport du capitaine
Quitté Le Havre le 6 Septembre 1917 et resté mouillé sur rade de ce port 3 jours n’ayant pas d’escorteur pour traverser la Manche. Le 7, suis allé à terre et l’officier de route m’a donné l’autorisation de traverser la Manche seul.
Appareillé le 10 de la rade du Havre et mouillé le 12 sur rade de Penzance. Le 15 le temps devient beau et appareillé de cette rade. Franchi le barrage à midi.
Le 16 à 06h00, par 49°57 N et 07°50 W Paris, par temps brumeux, suis attaqué par un sous-marin qui ouvre le feu à la mitrailleuse, puis au canon en se plaçant sur bâbord arrière de moi, croyant que je ne pouvais tirer sur lui. Il avait vu mon canon en passant par le travers. Dès que j’ai pu, j’ai ouvert le feu en changeant ma route pour l’attirer dans mon champ de tir. A mon 2e coup, il a disparu subitement, alors qu’il était seulement à 300 m. Tout porte à croire qu’il a été atteint, mais sans pouvoir l’affirmer.
Pendant ce combat, mon mousse a été tué dans le poste équipage par une balle de mitrailleuse. Il a eu le temps de sortir du poste et est tombé mort sur le pont. Le navire a en effet reçu plusieurs balles de mitrailleuse, en particulier dans le poste équipage, le grand mât, le gréement et les voiles. J’ai tiré 4 obus, mais n’ai pas revu le sous-marin après le 2e. Mon équipage et mes canonniers ont combattu vaillamment.
Une heure plus tard, j’ai rencontré le vapeur de pêche anglais WATCH DAISY, 271 BF, qui allait à Falmouth. Je lui ai demandé de prendre le cadavre de mon mousse pour le déposer à terre et le faire enterrer aux bons soins du Consul de France. Il a accepté et je lui ai donné le corps qui avait perdu tout son sang sur le pont.
J’ai ensuite continué ma route et suis entré à Britton Ferry le 17 Septembre à 06h00. Tel est mon rapport que j’affirme sincère et véritable et dont la véracité sera attestée par mon équipage.
Description du sous-marin
La brume assez épaisse déformait les objets, ce qui peut rendre incertains les témoignages.
Environ 60 m de long
Avant arrondi
Kiosque semblant très haut et sans gradins, semblant de forme rectangulaire.
La ligne de l’avant à l’arrière n’est brisée par aucune dépression.
Pas vu le canon, bien que le sous-marin soit passé à contre bord.
Rapport de l’officier AMBC
Pas d’officier de tir. Hausse de 400 m
Veille faite par toute une bordée : officier de quart, homme de barre, 2 hommes aux bossoirs dont 1 canonnier.
ANNE ANTOINETTE était encalminé à 10 milles dans le SW de Longship quand un sous-marin est sorti de la brume très épaisse. Il l’a pris pour un torpilleur. L’équipage a toutefois été mis aussitôt au poste de combat et la pièce armée. Le sous-marin a défilé par le travers à toute vitesse et a commencé à mitrailler ANNE ANTOINETTE à 400 m environ. Le capitaine a donné l’ordre d’ouvrir le feu et au 2e coup le sous-marin a disparu, s’enfonçant comme une pierre. Vitesse de tir : 4 coups en 30 secondes. Point de chute du 1er coup non observé. Tous sont unanimes à dire que le 2e coup a touché le sous-marin, mais ne peuvent fonder cette affirmation sur aucun fait précis. Il est probable que la plongée du sous-marin est dûe au fait qu’il ne pensait pas voir un armement de ce calibre sur un voilier du tonnage d’ANNE ANTOINETTE.
Armement militaire à son poste dès le branle-bas de combat. C’est grâce à la conduite de la riposte qu’on ne déplore la perte que d’une seule vie humaine.
Rapport de la commission d’enquête
Elle reprend les éléments du rapport du capitaine et souligne que le tir de mitrailleuse a eu le malheur de tuer le mousse.
Elle reconnaît que la riposte du voilier a été heureuse et que le capitaine a fait preuve de sang froid en venant sur bâbord pour pouvoir faire tirer sa pièce. Elle se demande pourquoi le capitaine n’a pas tiré immédiatement quand le sous-marin est passé à contre bord à une centaine de mètres. Le capitaine a répondu qu’il craignait que ce sous-marin ne fut pas un ennemi et de plus n’était pas sûr qu’il s’agisse bien d’un sous-marin. Il a ajouté : « Nous avons une arme assez dangereuse pour que l’on ne s’en serve qu’à bon escient. »
La commission d’enquête estime que le capitaine Le Pivert a fait preuve d’une certaine timidité dans l’engagement de sa pièce.
Note du Contre Amiral DIDELOT Commandant la Marine
Je ne partage pas l’avis de la commission d’enquête en ce qui concerne le retard apporté par le capitaine dans l’ouverture du feu puisqu’il n’était pas certain d’être en présence d’un sous-marin.
Si l’on peut donner comme ordre ferme aux capitaines des navires de commerce l’ordre de tirer sur tout sous-marin aperçu, il serait dangereux d’aller trop loin dans cette voie et de leur prescrire d’ouvrir le feu même quand ils ne sont pas certains du genre de bâtiment qu’ils ont inopinément en face d’eux.
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Brigade
LE PIVERT Guillaume Capitaine au cabotage Paimpol 424
Pour l’énergie avec laquelle il a riposté à une attaque de sous-marin qui a du abandonner la poursuite.
Citation à l’Ordre du régiment
MOLLIER Marcel Fusilier breveté 13622.4
Pour les qualités de tireur et l’énergie dont il a fait preuve en ripostant à une attaque de sous-marin.
Le sous-marin attaquant
N’est pas identifié.
Cdlt