Bonjour à tous,
MARIE BLANCHE
Trois-mâts goélette de Terre Neuve 350 tx JN
Armateur Gérôme Malandain et Fils Fécamp
Allant aux bancs de Terre Neuve
Capitaine GUIGNERY Charles Louis Capitaine au cabotage brevet supérieur
Inscrit à Fécamp n° 209
34 hommes d’équipage tous Français
Rapport du capitaine
Quitté Fécamp le 23 Avril 1917 pour les bancs.
Le 24 Avril à 05h00 du matin MARIE BLANCHE se trouve par 50°08 N et 01°37 W Greenwich, route WSW à 4 nœuds, quand un sous-marin est aperçu à environ 2,5 milles par le travers tribord, venant du NNW. Très beau temps, mer très belle, horizon légèrement brumeux. Il tire aussitôt une dizaine de coups de canon. Pas de pavillon, pas de signaux. Je fais monter tout le monde sur le pont pour la manœuvre, met en panne et fait mettre les embarcations à la mer. Cargué les voiles hautes. Au bout de 5 minutes, le sous-marin recommence à tirer à raison d’un coup toutes les 2 ou 3 minutes. Fait monter l’équipage dans les 8 doris, aux places désignées avant le départ du bâtiment. Quitté le bord en dernier, dix minutes après que les autres doris aient quitté le bord. Au dernier moment, le matelot Créquy est allé prendre un sac d’effets dans le poste et n’a vu personne. Embarqué dans le dernier doris.
Le sous-marin s’est approché à 200 m, a stoppé et a fait signe de venir à bord. Monté à bord avec les 4 hommes du doris. Le sous-marin avait cessé de tirer. Les deux derniers coups de canon avaient été tirés alors que j’étais entre le navire et le sous-marin. Le mât d’artimon est tombé à ce moment là, puis je n’ai plus vu le grand mât. Les coups avaient porté dans la coque, dans la cuisine, dans la voilure et dans la mâture.
En accostant, l’officier du sous-marin nous a demandé : « Avez-vous des pistolets ? » Répondu « Non ». –« Où allez-vous ? » « A Terre Neuve » a répondu un de mes hommes. « La pêche ! » a dit l’officier. « Oui ». L’Allemand a repris : « Que voulez-vous, c’est la guerre. Après, nous serons camarades… »
Puis ils nous ont fait embarquer dans un autre doris et ont gardé celui dans lequel j’étais venu à bord. Il contenait ma boite à rôle avec tous les papiers du bord. Ils nous ont fait signe de nous éloigner. L’ennemi s’est servi de notre doris pour aller à bord. J’ai perdu de vue le voilier vers 09h00.
Un homme a disparu, mais on ne s’est pas aperçu qu’il manquait. On s’en est rendu compte lors de l’appel fait au 1er dépôt de Cherbourg. Les hommes ont fait la manœuvre des voiles et des embarcations avec calme et sans confusion. Embarquement dans les doris rapide et sans panique.
L’officier allemand a posé les questions en français.
Longueur du sous-marin environ 40 m.
Pare-filets s’étendant de l’avant à l’arrière.
Blockhaus à 2 m au dessus du pont
Un canon d’environ 100 mm et une mitrailleuse
Pas de projecteur, pas de mât, pas de périscope, pas d’antenne TSF, pas d’embarcation
Peint en gris couleur toile mouillée, très sale, avait du séjourner longtemps à la mer
Vu un officier avec casquette à écusson et 7 ou 8 hommes en bleu de drap
Le sous-marin était émergé quand on l’a vu et est resté émergé.
30 hommes dont le capitaine ont été recueillis dans 6 doris à 14h00 par les torpilleurs 352 et 308 de la section des torpilleurs de Cherbourg à 5 milles au Nord du cap Lévy.
Un 7e doris a atterri du côté de Barfleur avec 3 hommes seulement.
Voici la signature du capitaine Guignery
Conclusion de l’officier enquêteur
Le capitaine n’avait aucun moyen de fuir, ni de se défendre. Il paraît avoir maintenu l’ordre jusqu’au moment où il a du abandonner le navire le dernier après avoir vu partir ses hommes dans les canots. Il a fait son devoir et la commission propose de lui conserver la faculté de commander.
L’officier enquêteur écrit quand même : « Il semble qu’une certaine panique ait régné à bord aux premiers coups de canon. » Il ajoute « Le matelot qui a parlé avec l’officier allemand n’a pas voulu se faire reconnaître… ».
Note du 28 Avril 1917 du CV chef d’Etat Major
Ont été interrogés : le capitaine, le second (qui était de quart au moment de l’évènement), les matelots de quart et de bossoir et le matelot Le Boucher.
J’estime qu’une certaine panique a du régner à bord au moment de l’abandon puisque personne n’a pu dire ce qu’était devenu le matelot disparu. S’il a été tué par un obus, il est probable que son corps est resté à bord. Mais dans la précipitation de l’abandon, le capitaine n’a pas du le rechercher bien longtemps.
On peut reprocher au capitaine de n’être pas resté en vue de son bâtiment après l’abandon, bien que le commandant allemand lui ait enjoint de s’éloigner. Il aurait du le faire, mais lentement pour ne pas perdre son navire de vue. Ces réserves sont suffisantes pour que j’émette un avis différent de celui de la commission. Son rapport a d’ailleurs été long à me parvenir et j’invite son président à mener ses opérations avec plus de célérité.
(Nota : on ne peut que constater combien il est facile d’écrire l’histoire loin du champ de bataille … et avec des suppositions !)
Le sous-marin attaquant
C’était l’UB 32 de l’Oblt z See Max VIEBEG
Max Viebeg sera élevé au grade de Kapitänleutnant zur See (Lieutenant de Vaisseau) le 26 Avril 1917, soit deux jours après avoir coulé MARIE BLANCHE.
Né en 1887, il est décédé le 9 Novembre 1961.
Cdlt