LANGUEDOC SGTM

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francois-alexandre
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Re: LANGUEDOC SGTM

Message par francois-alexandre »

Je vous remercie Olivier d’avoir relevé cette boulette. Un lapsus intéressant en sachant que les deux fables furent contées à deux frères jumeaux sans cesse stigmatisés par leur père… ma mémoire a associée l'ogre (le père fouettard) au loup, et la fratrie du Petit Poucet (les deux jumeaux) à l'agneau... ce lapsus montre l'association que peu créer la violence éducative sur l'imaginaire d'un enfant de "padre-padrone" ... :roll:

Je reviens d’ailleurs tardivement sur le forum car j'ai été tenu de dresser et achever toute la généalogie chronologique précise de la vie de marin de François Alexandre RAVIS sur Généanet (3 années de travail avec sa filiation et parenté) pour comprendre cette cause https://gw.geneanet.org/bartle13?i=14&l ... +alexandre et cela lève plusieurs erreurs et répond à plusieurs questions énoncées dans mes précédant posts sur le sujet du LANGUEDOC.

J’ai retrouvé une lettre manuscrite de deux pages que mon grand-père écrivit en Corse pour son fils, entre 1971 et 1975, quand celui-ci, à sa demande insistante, fut investi de dresser un dossier de demande pour la pension que pouvait lui octroyer sa potentielle distinction de la Croix du Combattant Volontaire (il ne semble pas qu’il luit ait été décerné la Médaille Militaire en fait, mais cela reste encore à vérifier). On peux comprendre qu'il ait tenu à faire la demande de cette pension : en 2018, celle-ci octroyait encore 748 euros annuels au porteurs de la carte de Combattant Volontaire, et François Alexandre en 1975 n'avait qu'une maigre pension de retraite malgré ses 53 années de travail. Sa maîtresse femme Catherine ne lui laissant mensuellement que quelques dizaines de francs d'argent de poche, son bleu de chauffe avait toujours les poches vides. Cette demande de pension était destinée à pouvoir gâter ses enfants et petits enfants lors de leurs visites, car François Alexandre n'avait besoin de rien pour lui même. Il était très peu dépensier.

Dans cette lettre bienvenue, le jeune soutier du LANGUEDOC écrivit dans la première page quelques lignes résumant son engagement en 1914-1918 avec quelques phrases sur son aventure sur ce cargo dynamité. Sa lettre fut difficile à déchiffrer car elle était truffée de "fotes d’ortaugraffes", de conjugaison (mots barrés et corrigés) et d'oubli de verbes ou d'injonctions de coordination (rajoutés dans le texte en gras) car François Alexandre, déscolarisé par son oncle à 12 ans, avait peu appris à écrire à l'école primaire et avait été peu instruit (ce qui ne l'empêcha nullement d'avoir une très grande expérience de la vie, comme le montre sa page généalogique).

En 1914, mon grand-père n'avait plus d'autre famille que la marine qui l'avait recueilli autre que le foyer d’orphelinat de l’Avenue Maillol (des baraquements sanitaires dans une longue allée située à l'entrée de l'Hôpital Civil Mustapha d'Alger, au Champ de Manœuvres), adresse où il est domicilié le 18 juillet 1913 sur son fascicule de mobilisation maritime sur lequel est annoté "Inscrit provisoire le 18 juillet 1913, mobilisé fin octobre 1913, inscrit définitif le 7 octobre 1916". Comme il avait été émancipé par son oncle pour pouvoir être recueilli et embarqué comme mousse, il s'était engagé volontaire dès ses 15 ans, et comme beaucoup de jeunes pieds-noirs de Bab-el-Oued, il était, bien sûr, très patriote, et avait donc hâte de secourir la France, sa patrie. Avant-même le début du conflit, il resta avec son équipage, insistant à chaque débarquement pour rembarquer et être gardé comme mousse à bord du cargo S.S VULCANUS qui poursuivait ses cabotages, chargeant et livrant du phosphate, du liège, et des denrées, entre les ports des côtes d'Algérie et Tunisie. Sa lettre manuscrite indique que dès le 2 août 1914, à ses 16 ans et demi, il était sur ce cargo accosté au port de Bône où il devait rembarquer pour Port-Vendre pour 4 mois, et Le 4 août 1914, il y subit le bombardement du cuirassé allemand S.S GOEBEN. En 1975, il commença, en effet, sa lettre par cette phrase :

"L'avant Guerre 14-18" (titre) : "Depuis mon jeune âge j'ai été constamment sous le feu, comme mousse à bord d'un cargo et le 2 août 1914 dans le port de Bône, le cuirassé allemand GOEBEN est venu bombarder au large du port. Les éclats d'obus tombaient de tous les côtés."

En 1916-1917, il était toujours volontaire pour embarquer. Les Capitaines des cargos n’allaient pas laisser sur les quais de la Joliette un marin orphelin esseulé de 18 ans 1/2 dans la pleine force de l'âge, engagé volontaire et tatoué à l'ancre qui se montrait disposé à trimer à la chauffe sur leurs cargos ! ce jeune téméraire pour ces traversée sous les feu des sous-marins, c'était l'aubaine qui épargnerait l'embarquement d'un soutier père de famille, malgré qu'il n'ait pas été mobilisé en 14, alors bien sûr ils acceptèrent tous de le prendre à bord sur leurs cargos et convois de ravitaillement qui emmenaient aussi les troupes, les armes, et l'infirmerie sur les lignes du front des Dardanelles. A cet âge, François Alexandre avait certainement besoin de se valoriser au yeux des autres marins plus âgé que lui : il était totalement seul et avait grand besoin de la reconnaissance et estime de ses coéquipiers et des cadres de passerelle de la M.M. dont toute sa vie dépendait. C’est comme cela que de 1914 à 1917 il fut embarqué à bord des cargos VULCANUS puis EUGÉNIE, LANGUEDOC, et MOSSOUL. Hormis son récit oral en 1975, le même jour, voici ce qu'il écrivit dans la première page de sa lettre sur la lutte du cargo LANGUEDOC :

[...] "2 mai 1916, (1) nous avons pris le combat pendant 3 heures, de 4-5 h du matin, jusqu'à 8 h, et nous assurons le ravitaillement pour les troupes du front. Malgré que je n'avais pas l'âge d'être mobilisé, j'ai voulu rester. Nous nous sommes battus acharnés contre un canon de 67 que le sous-marins allemand avait, et nous avons un 47. Aussi, l'équipage allemand, qui était de l'Alsace, nous ont a félicité et dit que nous étions des braves et que les bateaux anglais de la marine marchande se rendaient au premier coup de canon. Sur 5 embarcations, 3 ont été démolies. Nous avons lutté en mer par du mauvais temps. Dans la nuit, un cargo hollandais nous a recueilli. Plusieurs de nous avons reçu des morceaux d'obus." [...]

(1) en réalité le 20 de ce mois, car il omis le 0 de la date dans sa lettre, ce qui pourrait laisser croire que le vieux marin de 77 ans se trompait de date mais François Alexandre avait une mémoire d'éléphant sur ses embarquements. Il avait juste du mal à écrire. ndlr.

… et les lignes de sa lettre qui suivent, sur la seconde page de son récit racontent brièvement sa blessure et son naufrage sur le cargo MOSSOUL :

[...] "J'ai embarqué encore comme volontaire sur un bateau de transport de troupes de Marseille aux Dardanelles. Les allemands nous tiraient dessus. Au fur et à mesure que les allemands nous tiraient dessus, les troupes diminuaient. Le combat était terrible. Les sous-marins cherchaient à nous torpiller et coulaient de nombreux bateaux. Quelques temps après la marine à Marseille m'embarqua sur un bateau, le Mossoul, transport pour les troupes du front. Nous sommes torpillés le 20 novembre 1917, je fus blessé à la tête et projeté à l'eau. une fois remis de suite embarqué que j'ai été blessé à la tête, j'embarque sur le front pour partir en campagne à l'œuvre jusqu'à la fin de la guerre. Nous avons été cité pour en être encouragé"[...]


Malgré quelques mots oubliés et des phrases indécises avec des répétitions, et sans être graphologue, je suis parvenu à reconstituer et comprendre son récit dont les éclaircissements m’imposent d'écrire ici deux rectificatifs :

1° - François Alexandre n'apparait pas sur la liste de l'équipage du cargo LANGUEDOC pour une raison simple : comme il l'écrivit (et cela s’est vérifié dans la chronologie de son livret de mobilisation) il ne pouvait pas être inscrit sur le rôle d'équipage par le Capitaine BATTESTI : il était bien trop jeune pour être appelé et ne fut jamais véritablement "mobilisé" en 1914, ni comme fusilier marin, ni comme soldat troupier d’infanterie. Né en 1898 et pupille de la marine embarqué comme "mousse de carré" en 1914 sur le VILLE DE TUNIS, puis repris à bord du cargo VULCANUS de la Cie Schiaffino à Alger juste avant la guerre par le Commandant corse (2) qui l’avait arraché à son oncle adoptif maltraitant, il était depuis 1913 pris en charge par la marine marchande comme mousse et en 1915 continua comme novice puis soutier en 1916 au rues de chauffe des cargos affrétés à la logistique de guerre. C’est pour cela que son fascicule de mobilisation maritime instruit à Alger le 18 juillet 1913 est resté totalement vide, et c'est aussi, très certainement pour cela qu'il eut du mal à obtenir le versement de la pension à laquelle il pensait pouvoir légitimement prétendre puisqu'il avait participé plusieurs fois à la défense des ravitaillements sur les lignes de front contre les allemands, notamment en s’étant retrouvé blessé et naufragé rescapé sur le cargo MOSSOUL.

(2) Antoine Marie NAVAROLI, http://monumentmort.corse.free.fr/fotol7e.php?aki=7473, un Capitaine au long-cours, inscrit à Bastia au n° 220, originaire du village de Rogliano où il était né en 1868, Fils d’Étienne et de Marie Angélique VIVALI, et qui, hélas, disparut précocement en mer le 3 juin 1917 à 48 ans <i>http://www.histomar.net/GSM/htm/vulcan.htm</i> à la barre de son cargo, le S.S VULCANUS lorsque celui-ci fut torpillé par le U-boat allemand U-47 du KL Heinrich METZGER <i>http://www.histomar.net/GSM/images/vulc5.jpg</I> Son nom figure sur le MAM de Rogliano, voir aussi son nom dans le Bulletin paroissial de Rogliano 1918 Année 12, N°142.

2° - La cicatrice de la blessure que François Alexandre avait sur son crâne ne provenait donc pas de l’obus qui avait éclaté dans la salle des machines du LANGUEDOC. Cela semblait étonnant que ça n'ait pas été notifié comme son enrôlement, et d’ailleurs, à la réflexion, je vois mal comment un éclat d’obus aux machines eut pu atteindre les rues de chauffe du cargo à travers le cloisonnement du cargo. Dans la seconde page de sa trop courte lettre (où la aussi les mots omis ont été rajoutés en gras) on trouve bien l'explication de sa blessure reçue par l'éclat d'obus sur le cargo MOSSOUL le 21 novembre 1917 qui le projeta à la mer, cargo qui figure bien aussi sur son livret d'embarquement. Il y avait embarqué le 29 mai 1916, soit une semaine après le dynamitage du LANGUEDOC à son retour à Marseille avec l'équipage du Commandant BATTESTI, et y navigua donc jusqu’à son naufrage, c’est pour cela que sur son carnet figure en face de son embarquement l’annotation "navire torpillé le 21 novembre 1917". D'ailleurs en consultant la page du cargo MOSSOUL je découvre dans le post du 14 septembre 2010 d' Olivier12 que François Alexandre fut annoté comme soutier parmi l'équipage sous le nom mal orthographie de RASIS au lieu de RAVIS : "RASIS - soutier - Alger" (à la 3 ème colonne des membre de l'équipage machines). viewtopic.php?f=29&t=43117&hilit=MOSSOUL. A 19 ans il avait tout de même cessé d'être le "soutier clandestin".

donc, pour résumer :

"Plusieurs de nous avons reçu des morceaux d'obus." : François Alexandre, soutier, fut indemne lors de l’arraisonnement du LANGUEDOC embarqué avec les rescapés épargnés par le Lt.Klnl Clauss RÜCKER sur la chaloupe ou sur le youyou du cargo dynamité et recueilli-ramené saint et sauf à Marseille

"je fus blessé à la tête et projeté à l'eau" : François Alexandre, soutier, fut blessé au crâne et projeté à la mer par l’éclat d’obus puis recueilli par ses camarades, sans doute à bord d’un des canots mis à l'eau par l’équipage naufragé lors de l'évacuation et du sauvetage des rescapés de leur cargo MOSSOUL immédiatement après son torpillage par le sous marin U 63 du KL. Otto SCHULTZE.

P.S. : j'ai relevé aussi que dans cette colonne figure un marin dénommé "Toussaint GIOVANI - 1er chauffeur - Bastia", et je pense qu'il y a de très fortes chances pour que cet homme soit en fait Toussaint GIORDANI https://gw.geneanet.org/bartle13_w?lang ... n=giordani, dont le patronyme, là aussi, aura été mal orthographié sur le rôle d'équipage, car ce futur beau-père cap-corsin de François Alexandre habitait alors, en 1916, à Marseille, au 3 rue Sainte-Françoise, au bas du quartier du Panier, et a effectivement été 1er chauffeur pour les Messageries Maritimes. Il était venu de son village cap-corsin de Morsiglia en 1887 à Marseille, et devint mousse pour cette compagnie dès cette année là (4 ans avant son contemporain Marius JACOB, le jeune anarchiste marseillais mousse du TIBET des MM en 1901 qui inspira à Maurice LEBLANC le personnage d'Arsène LUPIN). Je serais curieux de savoir si le 1er chauffeur du cargo MOSSOUL était bien Toussaint GIORDANI, car je n'ai pas encore retrouvé de Toussaint GIOVANI ou GIOVANNI qui ait été chauffeur ou mécanicien marin (hormis un capitaine cap-corsin GIOVANI Toussaint, originaire de la commune d'Ersa, présent à Bougie en 1921 et inscrit à Alger n°166 comme Patron du remorqueur Cary-Brothers le 12 novembre 1924, mais ce marin semble pas avoir pu être le 1er chauffeur du MOSSOUL, car il aurait alors été enregistré à Alger).

Si le 1er chauffeur du cargo MOSSOUL était bien Toussaint GIORDANI, alors cela signifie que le soutier François Alexandre le rencontra 5 ans avant ce que je pensais, ce qui est bien tout à fait possible. Je n'ai, hélas, pas connaissance du carnet de navigation de Toussaint GIORDANI, et il semblerait que la majeure partie des vieilles archives du personnel des MM de Marseille ont été brulées entre 1993 et 1998 par la CGM (si c'est vrai, c'est vraiment scandaleux). Si vous parvenez à retrouver des infos maritimes sur mon arrière-grand père Toussaint GIORDANI, merci beaucoup à vous, Olivier ou Daniel, de m'en faire part, pour pouvoir mieux retracer son vécu maritime sur sa page généalogique https://gw.geneanet.org/bartle13_w?lang ... n=giordani.


A bientôt j'espère, Olivier et Daniel, :hello: et merci encore beaucoup pour toutes vos informations sur le cargo MOSSOUL :jap: . N'hésitez pas à consulter la page Généanet de mes aïeux, richement nourries en iconographies et infos maritimes anciennes, et de deux récapitulatifs très étayés sur les causes du naufrage du paquebot LAMORICIÈRE et sur l'historique plus complète du paquebot GOUVERNEUR GÉNÉRAL CHANZY.

Bien amicalement,

Jean-Christophe
François Alexandre RAVIS, quartier-maître sur le paquebot THEOPHILE GAUTIER des Messageries Maritimes en 1928.jpg
François Alexandre RAVIS, quartier-maître sur le paquebot THEOPHILE GAUTIER des Messageries Maritimes en 1928.jpg (245.79 Kio) Consulté 468 fois
François Alexandre RAVIS soutier de cargos de ravitaillement des Dardanelles 1915-1917.jpg
François Alexandre RAVIS soutier de cargos de ravitaillement des Dardanelles 1915-1917.jpg (237 Kio) Consulté 469 fois
Intégrale de la vie de François Alexandre https://gw.geneanet.org/bartle13?lang=f ... ravis&oc=0 Amitié aux marins et leurs proches rappelant la vie de ceux qui trimèrent/laissèrent la peau dans les guerres impérialistes
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