HIRONDELLE IV - Bateau-piège

olivier 12
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Re: HIRONDELLE IV - Bateau-piège

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

HIRONDELLE IV
Bateau piège


Engagement avec un sous-marin le 15 Septembre 1917

Appareillé le 12 Septembre 1917 de Sétié Mériem à 07h00. Franchi le canal au moteur et sorti de la jetée à 08h00. Etabli la voilure par petite brise de SW passant à l’Ouest puis au NW. Vent fraîchissant. A midi, nous nous trouvions entre Cani et Sesis, courant à l’Est.
Jeudi 13 au matin, N/S du cap Blanc. Couru grand largue sous voiles basses. A 15h30, aperçu la terre de Sicile. La mer devient grosse. Mis les voiles majeures au ris et serré le grand foc. Dans la nuit, coup de vent de SW et pris les dispositions de mauvais temps. Grand voile et dundee déchirent. Remplacé le dundee par une trinquette hissée en voile de cape. Le navire est balayé par les paquets de mer et fatigue beaucoup.

Le Vendredi 14 aperçu le feu de Pantellaria dans le SW. La brise mollit dans la journée, mais la mer reste grosse. Le temps devient plus maniable dans la nuit. Le navire roule et tangue violemment et la mer embarque des deux bords.

Jeudi 15, jolie brise d’Ouest et mer houleuse. A 07h00, à12 milles dans l’ENE de l’île Kuriat, aperçu une voilure suspecte qui disparaît, puis réapparaît à 07h30 à 3000 m sur l’avant. On ne voit ni coque, ni capot, mais je pense être en présence d’un sous-marin.
A 08h15 aperçu phare de Kuriat quand un sous-marin gréé d’une voile aurique émerge derrière nous et commence à nous canonner. Je n’ai qu’une voilure réduite et ne peux serrer de la toile, ni mettre en panne sans tomber en travers de la lame et risquer de ne pas pouvoir tirer. Je ne peux non plus faire le simulacre de quitter le navire car la mer est trop agitée et houleuse. Je continue la même route à 2 – 3 nœuds. Le sous-marin est stoppé et continue à tirer très posément. Son tir est un peu long et pour présenter une cible faible, je le garde dans mon sillage. Tous ses coups tombent à 50 m sur notre avant. Je ne réponds pas, espérant qu’il se rapproche. En effet, il se met en demi-plongée et réapparaît 20 minutes plus tard à 2500 m en arrière et en travers de nous. Il nous envoie 3 coups de canon, espacés d’une minute chacun. Le 1er coup passe à nous ranger à tribord, le 2e dans la mâture haute et le 3e dans la voilure à bâbord. Nous étions tribord amures et tous les coups tombent à 20 m sur l’avant.

Comme il présente son travers, formant une très bonne cible, j’ordonne d’ouvrir le feu. Le rabattement se fait rapidement et notre 1er coup tombe tout près de lui, le 2e est un peu court et le 3e paraît au but. Il a encore le temps de tirer un coup un peu court, puis commence à disparaître. Nous avons le temps de lui tirer 7 coups qui tombent tout près, surtout le 5e qui semble toucher son kiosque et provoque une gerbe noire, très différente des autres gerbes. On voit parfaitement les points de chute depuis la mâture où j’ai placé un observateur. S’il n’a pas été atteint, les coups sont tombés dans son voisinage immédiat. En tous cas, il ne reparaît pas. Le combat a duré 45 minutes.

Ce sous-marin avait un seul canon, de moyen calibre, 77 ou 88. C’était probablement un mouilleur de mines. J’avais lancé un appel TSF et je vois deux torpilleurs quitter le mouillage, attirés probablement par le bruit de la canonnade. Je fais alors route, aidé du moteur, sur la Grande Kuriat où je mouille à 11h15. A 14h00, appareillé de Kuriat où je n’ai eu aucun contact avec la terre et fait route sous voile de fortune sur Monastir où j’ai pris le mouillage de la Douane à 17h45.

Je signale le sang froid de tout l’équipage qui est resté calme à son poste pendant la canonnade ennemie et m’a donné satisfaction en tous points pendant le combat. Je signale tout particulièrement le QM canonnier COCHARD, Dinan 2658, chef de pièce qui s’est montré au dessus de tout éloge et a fait un remarquable pointeur.
Dimanche 16, communiqué avec les torpilleurs 325 et 362 venus de Bizerte.
Lundi 17 à 07h30, le chalutier FRIEDLAND mouille sur rade et nous prenons sa remorque. Appareillé à 08h15 avec mer belle. A 20h50,N/S du cap Bon. Passé la jetée Mardi 18 à 09h00 et amarré à 10h00 à Sétié Mériem.

Voici le tracé de cette croisière

Image

Signé AUBRY

Note du CF BROQUET, commandant l’escadrille de sous-marins de l’Armée Navale au CV chef de division des patrouilles

Le commandant d’HIRONDELLE IV, l’EV Aubry, a très bien conduit sa croisière pendant le coup de vent de NW. Il a fort bien manœuvré lors du combat soutenu le 15 Septembre contre un sous-marin ennemi. Cet officier, qui a une très grande pratique des voiliers, a une énergie rare et un sang froid remarquable.
Ses qualités auraient avantageusement été utilisées sur un voilier spécial plus important qu’HIRONDELLE IV s’il s’en trouvait un de disponible.

Je le cite à l’Ordre de l’Escadrille, ainsi que chacun des hommes de la goélette qui ont fait preuve pendant le combat et au cours de différentes croisières souvent pénibles, des meilleures qualités d’endurance et de discipline. Je vous demande si vous jugez opportun de citer à l’Ordre du Jour de la Division, l’Enseigne Aubry et le QM Cochard, dont le tir a été très précis. Il semble bien que le sous-marin ait été touché.
HIRONDELLE IV est revenu à Bizerte le 18 et je l’envoie à Sidi Abdallah pour réparations et pour recevoir un canon de 75 mm qui sera placé sur l’avant de son mât de misaine.

L’engagement d’HIRONDELLE confirme les enseignements déjà fournis par l’engagement antérieur de MADELEINE. Un sous-marin aurait bien fait…Malheureusement, la liaison voilier – sous-marin, bute sur des difficultés de nombre et de ravitaillement qui ne sont pas petites et ne relèvent pas de l’improvisation. Toutes les questions de détails mentionnées dans le rapport de l’Enseigne Aubry retiennent mon attention.

Le sous-marin attaquant

C’était donc UC 54 commandé par le Kplt Heinrich XXXVII Prinz Reuß zu Köstritz qui regagna sa base de Cattaro le 24 septembre. (Voir post Yves ci-dessus)

Cdlt
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Re: HIRONDELLE IV - Bateau-piège

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Complément concernant HIRONDELLE IV

Note du CA FATOU, Commandant supérieur des Patrouilles de Méditerranée au VA Commandant la 1ère armée navale. 31 Octobre 1917

Le voilier spécial HIRONDELLE IV s’est perdu le 16 Octobre en baie de Bizerte au cours d’un violent grain de NW qui lui a fait perdre de vue la terre. Drossé vers la côte Sud de la baie, cette goélette a mouillé ses deux ancres par 10 m de fond. Elle a chassé au moment où elle relevait sa première ancre pour essayer d’appareiller et de gagner le large et a talonné par l’arrière.
La goélette s’est ouverte dès les premiers chocs et a été rapidement disloquée par les coups de mer.

Cdlt
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