Bonjour à tous,
□ La suite du récit de la visite du Président Armand Fallières au Havre, le 17 juillet 1909 (Le compte rendu de la matinée du 17 — inauguration du Quai des Escales — figure sous le sujet La Lorraine.
• Le Temps, n° 17.553, Lundi 19 juillet 1909, p. 2.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AU HAVRE
(Dépêches de notre envoyé spécial)
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Le Havre, 17 juillet, soir.
Cet après-midi, après le banquet qui lui avait été offert au palais de la bourse, le président de la République est allé visiter les docks-entrepôts, puis les diverses parties du port. Après quoi, le prési-dent et les ministres se sont embarqués sur le remorqueur Buffle pour passer en revue les escadres du Nord et de la Méditerranée réunies dans la rade. Le président de la République se tient sur la passe-relle, ayant à ses côtés l’amiral Bellue, préfet maritime ; l’amiral Jauréguiberry, commandant l’esca-dre du Nord, et l’amiral Fauque de Jonquières, commandant l’escadre de Méditerranée.
Des milliers de curieux sont groupés le long des quais du Havre et sur la plage de Sainte-Adresse, la nouvelle ville balnéaire créée par M. Dufayel, dans un site admirable, et pourvue du confort le plus moderne.
Le Buffle passe entre les deux lignes formées par les escadres, salué par les musiques, qui jouent la Marseillaise, et par les équipages debout sur la lisse, qui poussent les sept cris réglementaires de « Vi-ve la République ! » La mer étant un peu agitée, le président de la République, sur l’avis de l’amiral Fauque de Jonquières, renonce à monter à bord du croiseur cuirassé Léon-Gambetta, où devait avoir lieu la présentation des commandants de tous les bâtiments en rade. Pour la même raison, la visite du chef de l’État au contre-amiral Bush, à bord du cuirassé Jupiter de la Marine britannique, n’a pas lieu.
A l’issue de la revue navale, le président de la République a envoyé un télégramme au roi d’Angleterre pour lui renouveler ses remerciements et pour lui dire combien il avait admiré le beau bâtiment qu’il avait envoyé sur la rade du Havre pour le saluer.
M. Fallières a également adressé un télégramme à M. Alfred Picard, ministre de la Marine, pour lui dire qu’il venait de passer en revue les deux escadres du Nord et de la Méditerranée, et pour porter a sa connaissance la lettre de félicitations suivante, qu’il a prié l’amiral Jauréguiberry de faire figurer à l’ordre du jour des forces navales placées sous son haut commandement :
Le Havre, 17 juillet.
Mon cher amiral,
Les deux belles escadres qui sont réunies sous votre haut commandement et que je viens de passer en revue, offrent un ensemble saisissant de force et de grandeur dont la Marine a le droit d’être fière.
A voir de près leurs unités de combat, on sent quelle confiance on peut fonder sur notre armée de mer que le pays entoure de sa sollicitude et qu’il sait prête à tous les sacrifices pour la défense de la patrie et de l’honneur du pavillon.
J’adresse mes félicitations et celles du gouvernement de la République au vaillant personnel qui monte vos bâtiments, et dont la carrière, sans parler des périls qui en rehaussent l’éclat, est toute d’intré-pidité, de dévouement et de soumission au devoir.
Croyez, mon cher amiral, à mes meilleurs sentiments.
A. FALLIÈRES.
Le soir, le Président de la République a donné à la sous-préfecture un dîner auquel étaient invités les officiers des escadres françaises et du cuirassé anglais Jupiter.
Au dessert, s’adressant à l’amiral Bush, de la Marine britannique, M. Fallières porte le toast suivant :
Amiral, la très aimable pensée qu’a eue Sa Majesté le roi de vous envoyer à bord du Jupiter pour me saluer en son nom pendant mon séjour au Havre, m’a été vivement sensible.
Je vous prie d’être auprès de Sa Majesté l’interprète de mes remerciements les plus sincères. Le gou-vernement de la République est heureux de voir dans la démarche que vous accomplissez avec tant de distinction une preuve nouvelle des sentiments de cordiale entente qui unissent les deux pays, et au maintien desquels la France est si profondément attachée.
Je me félicite de l’occasion qui m’est donnée de porter la santé de S.M. le roi Edouard VII, de S.M. la reine et de la famille royale.
Je bois à la grandeur et à la prospérité de la nation britannique amie de la France et à sa puissante Marine.
Tous les convives français applaudissent. La musique joue le God save the King.
L’amiral Bush répond ainsi :
Veuillez bien m’autoriser, monsieur le Président, à vous remercier des paroles que vous venez de m’ adresser ; j’en suis profondément touché, et je ne manquerai pas de les rapporter fidèlement à mon au-guste souverain.
Permettez-moi de porter à votre santé et de boire à la France et à sa brillante Marine
Les convives applaudissent, et M. Fallières choque son verre contre celui de l’amiral anglais.
A dix heures, M. Fallières quitte la sous-préfecture pour aller en voiture à l’hôtel de ville, où la muni-cipalité offre un bal auquel assistent toutes les notabilités havraises. Le chef de l’État donnant le bras à Mme Genestal, femme du maire, fait le tour des salons, qui sont luxueusement décorés ; il se retire à dix heures et demie pour rentrer à la sous-préfecture.
La soirée se termine par une fête vénitienne sur la rade. Les bâtiments des escadres du Nord et de la Méditerranée sont tous illuminés, et les postes de la défense font des projections lumineuses.
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