Bonjour à tous,
Quelques renseignements sur la navigation du cinq mâts FRANCE II pendant la guerre 14-18.
Construit en 23 mois aux chantiers de la Gironde, ce navire fit ses essais en Août 1913 à La Pallice (photo ci-dessus) et fut livré à son armateur en Octobre.
L’équipage ne comportait que 45 hommes, ce qui est remarquable pour un aussi grand clipper. Ses qualités nautiques étaient exceptionnelles. Il se manoeuvrait facilement et virait de bord aisément dès que la vitesse était suffisante. Les treuils à brasser, fort bien conçus, permettaient de brasser un phare carré tout entier avec quatre hommes seulement sur chaque manivelle, tandis que des winchs spéciaux permettaient à un homme seul de peser les cargues points des huniers et perroquets fixes (voiles lourdes) tandis que le reste de l’équipage pesait les cargues des boulines et des fonds.
Seule précaution concernant les treuils : il fallait serrer les freins au moment opportun si l’appareil venait à s’emballer…
Le premier voyage sur la Nouvelle Calédonie eût lieu début 14. Il fallut huit mois seulement, dont 194 jours de mer pour faire un tour du monde complet Glasgow – Thio - Glasgow. Le seul incident survint de nuit aux atterrages de l’île des Pins. Par temps bouché à grains, à 22h00, la vigie à poste dans les barres de perroquets signala tout à coup : « Brisants droit devant ».
Le capitaine Lagnel réussit une manœuvre éblouissante, loffant pour masquer ses voiles carrées, puis culant, il vira de bord en quelques minutes et passa à cinq encablures du récif de Nokanhui…
Le 2e voyage débuta le 29 Octobre 1914 et FRANCE II arriva à Thio le 23 Février 1915. Il avait échappé au croiseur allemand KARLSRUHE du capitaine de vaisseau Köhler, qui écumait les mer entre le Brésil et l’Afrique. Il était de retour à La Pallice le 28 Juillet 1915. Il y débarqua une partie de son équipage, atteint du béri-béri avant de continuer sur Glasgow.
Le capitaine Victor Lagnel débarqua alors pour aller en permission. EV1 auxiliaire, il trouva la mort le 18 Mars 1918, commandant du patrouilleur UTRECHT, canonné au large de la Sardaigne par le sous-marin UB 49 de l’OL Hans von Mellethin. Son corps fut retrouvé le 4 Avril suivant sur la côte italienne.
Le 3e voyage se fit sous les ordres du capitaine Gaudé avec 2e capitaine Caplain et 1er lieutenant Dagorne. Départ de Glasgow 4 Février 1916, escale à Thio du 16 Mai au 9 Juillet, passage du Horn le 11 Août et retour à Glasgow le 5 Octobre après plus de sept mois de campagne.
Mr Prentout étant décédé, le cinq mâts fut repris fin 1916 par la Compagnie Française de Marine et de Commerce .
Deux canons de 90 mm furent installés sur la dunette et le navire repartit avec le capitaine Gaudé, le second Caplain et un nouveau chef mécanicien, Mr Mathurin Calvès, de Brest. Cette fois, il quitta Glasgow le 21 Février 1917 avec du charbon pour Montevideo.
Le 28 Février à 17h00, il est attaqué au canon par un sous-marin (non identifié) à 150 milles dans l’WNW du cap Finisterre. Forçant la toile et mettant ses moteurs en marche, il parvient à s’échapper.
Le 6 Mars, par mer énorme et grain violent, la potence de suspension de la vergue du grand hunier fixe arrière casse. Celle-ci, apiquée sous le vent, reste suspendue par ses cargues, menaçant de défoncer la coque sous les coups de roulis. Il faudra des heures de travail périlleux pour écarter tout danger. Il mouille le 15 Avril à Montevideo.
Après escales à Rosario, Buenos Aires et Santos, il entre à New York le 5 Août 1917. Quittant New York le 2 Octobre, il atteint Adélaïde en 86 jours, avec un dangereux chargement de munitions et d’essence en fûts. Il touche ensuite Melbourne et Brisbane, puis fait route sur lest vers Sydney lorsqu’il est surpris par un cyclone. Son lest ayant ripé, il reste engagé avec 35° de gite pendant 48 heures. Un travail acharné de l’équipage, en plein ouragan, permet de le redresser. Il charge alors 3000 t de farine à Sydney pour Thio, puis du nickel à Thio et revient sur Dakar. On a en effet pris la décision de décharger les grands voiliers au Sénégal pour leur éviter de devenir la proie des corsaires allemands dans l’Atlantique nord. France II ne mettra que 55 jours entre Thio et Dakar, mais devra rester trois mois au Sénégal, son équipage étant décimé par la grippe espagnole. Il appareillera finalement de Gorée le 2 Janvier 1919 avec des billes d’acajou et des arachides et arrivera sous voiles sur rade du Verdon le 17 Février, par un coup de vent de NW qui fit sensation. Ce 4e voyage avait duré deux ans, et le second capitaine Caplain, qui était embarqué sans discontinuer depuis 6 ans en prit le commandement pour le conduire jusqu’au Havre où il fut momentanément désarmé. Caplain put alors prendre des congés…mérités.
Voici une vue du pont du cinq mâts avec son impressionnant édifice de vergues et de gréements
Sources diverses dont "Hommes et navires au cap Horn" de Randier et "Les derniers cap-horniers" de Lacroix.
Nota : les rencontres mentionnées avec les sous-marins sont à vérifier avec des documents côté allemand. Dans l'affaire UTRECHT-UB 49, Lacroix parle d'engagement au canon, alors que la fiche de Lagnel parle de torpillage...? Quant à la rencontre du 28/02/17 à 150 milles de Finisterre, peut-être y-a-t-il moyen d'identifier le sous-marin ? Avis aux spécialistes
Cdlt
Olivier