Bonjour à tous,
JULES HAUZEUR
Un petit complément sur le JULES HAUZEUR.
Vapeur de 728 tx JN (probablement 814 tx JB )
Immatriculé à Tonnay-Charente
Propriétaire en 1917 : Compagnie Royale Asturienne des Mines
50 ter rue de Malte
Paris
Armateur : Monsieur LECOEUVRE
Peut-être cet armateur était-il de Tonnay-Charente et non de Marseille.
Effectue une traversée Barry Dock (Cardiff) – Huelva avec un plein chargement de charbon sous le commandement du CLC Louis HERVE. 29 hommes d’équipage en tout.
Rapport de mer du capitaine
Le 30 Septembre 1917 à 07h30, j’ai subi une attaque très violente de la part d’un sous-marin ennemi sur la côte sud du Portugal.
Je venais de passer à 12 milles au sud par le travers du cap Santa Maria et faisait route au N63E à 10 nœuds.
Beau temps, bonne visibilité.
Aperçu un grand sous-marin de couleur gris clair, portant une petite voile sur l’arrière du kiosque, dissimulé au milieu d’un groupe de pêcheurs à voiles. Il possède deux canons d’environ 100 mm placés à 4 ou 5 m sur l’avant et l’arrière du kiosque.
Mis aussitôt à gauche toute, sous une avalanche d’obus, afin de lui présenter l’arrière, et appelé aux postes de combat.
Navigué en zigzags afin de dérégler son tir. Le sous-marin est une cible superbe, restant toujours en travers à 6000 m. Le tir est plongeant, bien dirigé mais trop long, et d’une rapidité exceptionnelle. Pour un coup de canon de notre part, il en tire deux dont je vois les éclairs de départ. Cinq secondes plus tard, les obus passent au dessus de nous. Tir merveilleux (sic) et d’une rapidité inouïe.
A 08h15, il cesse brusquement son tir et je vois l’arrière très immergé et l’avant très relevé. Le canon avant est abandonné. Un de nos obus a du le toucher. Il fait très rapidement route vers la terre et je le perds de vue.
J’aperçois alors un petit patrouilleur portugais, armé d’une mitrailleuse sur l’avant, qui approche, stoppe et hisse le signal « Permettez-moi de vous féliciter ». Je stoppe. Son équipage pousse des hourras en agitant leurs casquettes et le commandant, qui parle bien français, me dit qu’il a assisté à toutes les phases de la lutte.
Je lui demande de m’escorter jusqu’à Huelva. Après beaucoup d’hésitations, il accepte, mais seulement jusqu’à Ladrillos (nota : non trouvé sur la carte ; le capitaine a sans doute mal compris le nom et il pourrait s’agir du phare de Las Piedras près de la frontière Portugal-Espagne). Le navire reprend sa route vers Huelva, suivi à ½ mille par le patrouilleur qui n’ose pas s’approcher plus.
Ayant repassé Santa Maria à 09h20, j’aperçois à nouveau le sous-marin à 4 milles sur l’avant, dans les eaux portugaises, immobile. M’apercevant, il remet en route, sans doute au moteur électrique car je ne vois aucune fumée. Je fais demi-tour, hisse le pavillon B et reprends aussitôt le feu. Le sous-marin ne riposte pas. Je stoppe alors et continue à tirer en prenant tout mon temps pour bien viser. Un obus tombe si près de lui qu’il est couvert de bout en bout par la gerbe d’eau. Il accule de plus en plus sur l’arrière et l’avant est complètement hors de l’eau, mais il continue sa marche en avant. On distingue l’équipage qui s’accroche aux batayoles du kiosque.
Je mets alors le cap sur lui et il vient route plein Est. Dix minutes plus tard, je lui lance une nouvelle bordée et un obus tombe sur son arrière.
Il s’enfonce alors et disparaît subitement en moins d’une seconde.
Je pense l’avoir coulé car il est inexplicable qu’il soit resté en surface sans riposter à mon tir. Mais, craignant aussi une traîtrise de sa part, je remets en route et me dirige à toute vitesse sur Huelva.
J’aperçois un contre-torpilleur à trois cheminées, sans doute anglais, qui stoppe à l’endroit où le sous-marin a disparu et y reste un bon moment.
Nous avons tiré 77 obus.
J’attire l’attention de l’autorité supérieure sur la conduite et la bravoure du quartier maître canonnier Le Rallec et des servants d’artillerie Le Huby et Henriot qui l’ont admirablement secondé, ainsi que du radio Gautier qui a fait preuve d’un grand sang-froid.
J’attire aussi tout particulièrement son attention sur le petit mousse Veysset, âgé de 15 ans, qui s’est tenu constamment sur la plateforme du canon et a vaillamment secondé les militaires.
Conclusions de la Commission d’enquête
Après interrogatoire du capitaine et des principaux de l’équipage, la commission d’enquête reprend le rapport du capitaine qu’elle complète et s’interroge pour savoir s’il y avait un ou deux sous-marins.
Elle remarque que les canonniers étaient à leur poste avec le mousse Veysset, que le 2e capitaine Laurenti faisait office d’officier de tir. Elle note qu’il y a eu un petit flottement lorsque les premiers obus sont tombés tout près et que les hommes se sont réfugiés au milieu du navire. Ils ont été aussitôt ramenés par le second et le lieutenant qui n’avaient pas quitté leurs postes, non plus que le mousse Veysset dont le calme et le courage tranquille ont grandement impressionné les matelots plus âgés.
Elle note qu’un vapeur espagnol, le ISLA DE MINORCA, a mis le cap au NW en voyant tomber les obus, puis a repris sa route vers Huelva à la fin du combat. Elle note aussi qu’un patrouilleur portugais a prodigué force compliments au JULES HAUZEUR, s’est décidé difficilement à l’escorter, puis l’a abandonné avec précipitation lors du 2e combat.
Elle note que le 2e combat a eu lieu vers 09h20 et que le sous-marin s’est contenté de faire route en surface, sans doute sur ses batteries, sans riposter, et qu’il a disparu subitement, le JULES HAUZEUR continuant alors sa route sur Huelva.
Tout l’équipage semble confirmer que le premier sous-marin semblait du type U52-62. Pour le second, certains indiquent plutôt un sous-marin du type UC 52.
Mais il faut admettre qu’il s’agit en fait d’un seul et même sous-marin qui a sans doute été avarié lors du premier combat. Le second a été vu à peu près à la même position que le premier. De plus, il est incompréhensible qu’il n’ait pas riposté lors du 2e combat, se contentant de fuir. Il a peut-être été coulé, mais personne n’est capable de dire s’il y avait des hommes sur le pont lorsqu’il a disparu.
En revanche, l’officier anglais de liaison au consulat de ce pays à Huelva a téléphoné à Gibraltar. Il a confirmé au capitaine et aux autorités espagnoles que le contre-torpilleur à trois cheminées était bien anglais et qu’il aurait repêché deux cadavres sur les lieux. Il y a donc lieu d’obtenir des renseignements plus précis de la part des Anglais.
La Commission estime que le capitaine Hervé aurait du hisser le pavillon français dès le début du premier combat. Elle estime cependant qu’il a fait preuve de présence d’esprit dans ses manœuvres, d’un esprit d’offensive tempéré par le désir d’amener son navire à bon port, et qu’il y a eu un vrai déploiement de courage de la part de tous.
Les nombreux éclats d’obus tombés sur le navire démontrent amplement la chaleur de l’action.
Récompenses
Citation à l’ordre de l’Armée
Louis Marie HERVE, capitaine
« A fait preuve pendant deux combats soutenus contre des sous-marins des plus grandes qualités d’esprit d’offensive en exécutant des manœuvres judicieuses »
Louis Hippolyte VEYSSET, mousse
« A montré, sous le feu d’un sous-marin, un complet mépris du danger et, par son attitude, a fait l’admiration de tout l’équipage de son navire en continuant à passer les munitions »
Citation à l’ordre de la Division
LE RALLEC François, quartier maître canonnier
LE HUBY Francis, servant
HENRIOT Louis Marie, servant
« Ont servi avec calme, précision et courage leur pièce pendant deux combats successifs contre sous-marins »
GAUTIER Emile, TSF
« A exécuté avec sang-froid et courage les signaux d’appel et a servi d’observateur pendant le combat »
LAURENTI Vincent Jean, second capitaine
«A ramené, par son énergie et son sang-froid le calme dans un équipage émotionné par les tirs précis de l’ennemi »
Citation à l’ordre de la brigade
MICHEL Ernest Joseph, lieutenant
« A fait preuve du plus grand sang-froid pendant la surveillance de la pièce pendant deux combats contre sous-marins »
Citation à l’ordre du Régiment
BERSIHAND François Félix, chef mécanicien
BERTRAND Antoine Noble, maître d’équipage
« Ont assisté le capitaine et servi d’observateurs pendant le combat contre un sous-marin, montrant le plus grand courage et une belle résolution "
Enfin tout l'équipage reçoit un Témoignage Officiel de Satisfaction.
Voici une mauvaise photo de l’équipage de JULES HAUZEUR
Tous les hommes n’y figurent pas et tous ne sont pas identifiés.
Les militaires sont (en uniforme de la Royale) au 3e rang debout de gauche à droite : Le Huby, Le Rallec et Henriot. Assis à gauche du capitaine, Gautier.
Au 2e rang le capitaine Hervé est assis au centre et le chef mécanicien Bersihand à l’extrême droite.
Les autres hommes doivent être des officiers pont et machine.
Enfin au 1er rang, en veste sombre, le petit mousse Veysset qui recevra la Croix de Guerre avec citation à l’ordre de l’Armée (rarissime pour un mousse de 15 ans).
Le sous-marin attaquant
Le navire n’ayant pas été coulé, le sous-marin n’est pas identifié dans la base uboat.net.
Néanmoins, la position du combat (vers 36°45 N et 07°48 W), la date et l’heure ainsi que la description du sous-marin doivent permettre de l’identifier s’il n’a pas été coulé.
S’il a réellement été coulé, je ne peux m’empêcher de penser à l’UC 21 du KL Werner von Zerboni di Sposetti, disparu sans laisser de traces après le 22 Septembre 1917. Nous l’avons déjà rencontré à propos du PHOEBE et de quelques autres. Il devait être dans la zone du golfe de Gascogne, mais cette zone est fort vaste et peut-être avait-il poussé jusqu’aux côtes du Portugal.
Encore une recherche pour nos spécialistes.
Voici enfin la photo d’un cargo baptisé SAVA, mais non datée.
Il pourrait peut-être s’agir de l’ancien JULES HAUZEUR car, d’après le listing Miramar, le seul autre navire baptisé SAVA entre 1917 et aujourd’hui fut un cargo de plus de 3000 tonnes lancé en 1910 et coulé en 1943. Ce ne peut être ce petit navire.
La photo aurait pu avoir été prise après son renflouement et sa remise en état de 1952.
Correction à ce message : Ce navire n'est pas de l'ex JULES HAUZEUR, vu les photos des posts suivants
09.10.2018 - 18h00 Correction annulée. Voir plus loin
Cdlt