Bonjour à tous,
Torpillage du 31 Janvier 1918.
Rapport du 1er maître pilote GUERIN. Traversée Cherbourg – Roscanvel
Le 30 Janvier, embarqué sur rade de Cherbourg sur le vapeur anglais STARLING, armé d’un canon et possédant la TSF, allant de Londres à Bordeaux avec un chargement de divers.
A 09h30, appareillé et pris la tête du convoi composé de STARLING, de 2 vapeurs espagnols et de 2 vapeurs allant l’un à Saint Malo et l’autre à Guernesey, convoyé par ELEPHANT et PHENIX.
A minuit, à 15 milles au Nord de l’île de Batz, fait route au S62W pour passer à 10 milles au Nord de l’île Vierge.
A 02h25 le 31, à 14 milles au N30E de l’île Vierge, aperçu le sillage d’un sous-marin à 600 m par le travers tribord. Fait venir rapidement sur la gauche et fait des routes en zigzags, puis crié d’ouvrir le feu. Un homme seulement était de veille à la pièce et il fut impossible de tirer.
ELEPHANT continuait sa route et à 02h30 entendu une explosion. Je voyais toujours ELEPHANT et j’ai pensé que ses deux pièces avaient tiré à la fois, son arrière étant enveloppé d’un nuage de fumée. Après, je ne l’ai plus vu et j’ai pensé qu’il avait reçu une torpille.
A 02h35, aperçu de nouveau le sillage du sous-marin. STARLING a tiré deux coups de canon dont l’obus du deuxième a explosé. Ensuite, je n’ai plus rien vu du sous-marin. Continué la route en zigzag, ne voyant plus rien du convoi. Passé à 3,5 milles au Nord de l’île Vierge, passé sur la grande basse de Portsall, rentré par le chenal du Four à 06h00 ayant trouvé les feux allumés. A 09h00, mouillé à Roscanvel.
Voici le dessin du convoi fait par le 1er maître Guérin.
Et voici la vapeur STARLING. Notons que ce vapeur fera naufrage au voyage suivant, le 7 Mars 1918, suite à une collision avec le TINTO à 6 milles dans l’Ouest du Tréport alors qu’il effectuait une nouvelle traversée Londres – Bordeaux avec du divers.
Rapport du 1er maître pilote RIOU, patron du patrouilleur PHENIX
Appareillé de Cherbourg le 30 Janvier à 09h15 avec le patrouilleur ELEPHANT pour convoyer les bâtiments allant vers l’Ouest, en tout 7 bâtiments, avec ordre de surveiller particulièrement un bâtiment espagnol considéré comme suspect. Trois bâtiments sont pour Saint Malo et un pour Guernesey. Ce dernier quitte le convoi à l’entrée du Petit RusselL Les trois pour Saint Malo sont remis à BARBUE (nota : ex espagnol ZENOBIA) à la sortie du Grand Russel.
Les trois bâtiments à destination de Brest, un anglais et deux espagnols restent avec ELEPHANT et PHENIX, le bâtiment anglais chef de file. ELEPHANT est à tribord du bâtiment de tête et PHENIX à bâbord par le travers du bâtiment de queue. A 19h40, PHENIX passe à tribord du bâtiment de queue, qui est le bâtiment espagnol visé plus haut, pour s’assurer qu’il n’a pas de feux apparents ou de signaux suspects, puis reprend son poste à bâbord du convoi.
15h30 sortie du Grand Russel, 19h20 N/S des Roches Douvres, 21h50 N/S des Sept Iles, 22h30 N/S des Triagoz, minuit N/S Ile de Batz, route au S75W.
31 Janvier à 02h20 N/S île Vierge et entendu un coup de canon paraissant être tiré par un des bâtiments de tête du convoi. Mis aussitôt aux postes de combat et augmenté la vitesse pour se rapprocher le plus rapidement possible. Les bâtiments de tête viennent sur la gauche et mettent cap au Sud. A 02h30, le bâtiment de tête tire trois coups de canon et signale « SOS ». PHENIX continue sa route, passe derrière les bâtiments et les dépasse de quelques centaines de mètres, puis vire sur la droite avec un peu de barre, faisant un grand cercle de giration, mais ne voit rien. Les bâtiments du convoi gagnent de vitesse vers le Sud et s’écartent, surtout celui de tête. Nous faisons route comme eux vers le Sud en les gardant par bâbord.
Pendant un certain temps, nous avons cru le convoi au complet, mais au bout d’un moment, en les mettant dans l’éclairage de la lune, nous nous sommes persuadés qu’il manquait un bâtiment. Viré aussitôt de bord et fait route au Nord pendant 25 minutes jusqu’à ce que nous soyons certains d’avoir dépassé l’endroit où nous avions entendu le premier coup de canon. Viré de bord et fait route au Sud pendant 35 minutes pour repasser dans les mêmes parages. Exploré dans toutes les directions et rien vu. Le convoi était déjà loin et ne le voyant plus fait route au SW pour reprendre notre poste, persuadé de retrouver au jour ELEPHANT et le convoi.
A la pointe du jour, ne voyant toujours rien et pas même le convoi, attaqué ELEPHANT pour lui demander « Où êtes-vous ? » Pas de réponse. Continué à faire route sur le Four et, arrivé à la pointe de Corsen demandé au sémaphore s’il avait vu passer ELEPHANT et trois bâtiments. Il répond qu’il a vu passer les trois bâtiments mais pas ELEPHANT. Signalons au sémaphore : « Retournons à la recherche d’ELEPHANT ». Arrivé à 13h00 sur les lieux exploré la mer dans toutes les directions jusqu’au SE de l’île Vierge. Pas aperçu la moindre épave, sauf quelques morceaux de bois paraissant avoir séjourné longtemps dans l’eau. A 15h15 demandé des ordres pour continuer les recherches ou pour rentrer.
A 16h30, aperçu un sous-marin par 48°44 N et 04°40 W. La vigie signale d’abord une embarcation, mais au moment où il disparaît nous sommes persuadés qu’il s’agit bien d’un sous-marin. Envoyé un Allo.
A 17h20, aperçu sur notre arrière sans doute le même sous-marin. Ouvert le feu sur lui. Il disparaît au 2e coup de canon. A 19h40, reçu l’ordre de rentrer à Brest.
A 19h35, à l’entrée du chenal du Four, aperçu sur l’avant une forme noire et avant qu’on ait pu se rendre compte exactement de quoi il s’agit, le chef de la pièce avant fait feu sans ordre. On s’aperçoit alors que c’est un petit cargo. L’obus est tombé sur son avant, un peu éloigné de lui.
Mouillé sur rade de Brest à Roscanvel à minuit.
Note de Marine Cherbourg à Marine Paris. 2 Février 1918
Le préfet Maritime du 2e arrondissement me prévient que les recherches effectuées pour retrouver traces d’ELEPHANT et des survivants sont demeurées infructueuses. Il y a lieu de considérer le navire perdu corps et biens. Effectif 24 hommes commandés par l’EV1 de réserve ROULET. Les familles sont prévenues télégraphiquement ce matin.
Le sous-marin attaquant
C'était donc l'UC 79 de l'Oblt Werner LÖWE
Note de l’Attaché Naval à l’Amirauté de Londres, à Marine Paris. 27 Février 1918
Amirauté demande quelles sont vos instructions au sujet du corps de l’Enseigne de Vaisseau ROULET, recueilli à la côte près de Portland. Le consul de France à Southampton a pris en charge les papiers et les objets de valeur trouvés sur le cadavre.
Cdlt