Re: PERSEVERANCE Quatre mâts barque
Publié : jeu. août 07, 2008 1:27 pm
Bonjour à tous,
PERSEVERANCE Quatre-mâts barque
Construit aux chantiers FCM de La Seyne en 1896 pour la compagnie Bordes et nommé PERSEVERANCE (3e du nom). Persévérance et Union étaient la règle de conduite donnée par l’armateur A.D. Bordes à ses fils quand il les associa à ses affaires et c’est pour la rappeler que des navires portèrent ces noms.
Il succédait au PERSEVERANCE (1) , clipper à trois-mâts carré, en chêne et orme, construit au chantier Bichon frères de Lormont en 1855. Le 6 Avril 1877, allant de Bordeaux à Pascagoula, il fut pris dans la tempête au sortir de la Gironde. Tentant de trouver un abri dans le pertuis breton, entre l’île de Ré et la côte, il fit naufrage sur la pointe de Lizay, au lieu-dit Le Petit Marché.
Puis au PERSEVERANCE (2) , quatre-mâts carré en fer de 4140 tpl, construit en 1886 par le chantier Thomson de Glasgow. Ce quatre-mâts était équipé de cinq water-ballasts séparés par des cloisons étanches. Il disposait de deux jeux de pompes : un pour le remplissage ou la vidange des ballasts et un pour l’assèchement des cales. Le 21 Janvier 1891, pour son 6e voyage, il appareilla de Cardiff avec 4000 tonnes de charbon et réalisa sa plus rapide traversée : Cardiff – Rio de Janeiro en 38 jours. Il quitta le Brésil avec 600 t de lest liquide le 7 Juillet pour Antofagasta et…ne donna plus jamais de ses nouvelles. Il fut considéré comme perdu corps et biens et cette perte fut attribuée à un mauvais fonctionnement des vannes de ces fameux ballasts. Par la suite, on revint aux lests solides.
Il avait disparu avec 32 hommes d’équipage sous les ordres du capitaine Jean-Marie Le Querhic, de Ploubazlanec.
Caractéristiques du PERSEVERANCE (3)
Quatre-mâts barque en acier type 4ba
4050 tpl 2873 tx JB
Longueur 97,87 m largeur 13,70 m Creux 8,28 m TE 6,78 m
Dunette et gaillard courts (15 m et 16 m)
Voici le plan de pont de ce type de voilier construit à dix sept exemplaires parmi lesquels sept furent victimes de la guerre : MARTHE, ALEXANDRE, VALENTINE, ANTONIN, MADELEINE, JACQUELINE et PERSEVERANCE
Et un tableau représentant le quatre-mâts
La perte du PERSEVERANCE
Capitaine François BEQUET CLC né le 08/02/1875 à Perros-Guirec inscrit à Lannion
Second capitaine Yves DANIC inscrit à Paimpol
PERSEVERANCE est le premier voilier Bordes à recevoir des canons, en Février 1917. Le travail, commencé à La Pallice, ne sera achevé qu’à Saint Nazaire. Mais il est réalisé avec difficulté, comme l’atteste un télégramme de la Direction centrale de l’Artillerie Navale :
« Suis informé que canons du voilier PERSEVERANCE sont en cours d’installation sur l’avant des haubans d’artimon, contrairement aux instructions de mon télégramme n° 3262 qui prescrit de les installer sur l’arrière afin de permettre un champ de tir maximum. Veuillez faire effort pour rectifier emplacement des canons avant le départ du voilier fixé au 1er Mars. Si un seul canon est déjà monté, placez au moins le deuxième à l’arrière des haubans. »
En fait, que ce soit le matériel, son emplacement, la procédure de son installation à laquelle ni commandant, ni hommes qui vont le servir ne sont associés, rien n’est fait selon les règles et tout en dépit du bon sens. Les deux pièces de 90 seront montées en avant des haubans d’artimon ce qui limite gravement le champ de tir.
Quand PERSEVERANCE sera pris sous le tir d’un sous-marin allemand, il sera dans l’impossibilité de riposter.
Effectuant un voyage du Chili, PERSEVERANCE charge 4000 tonnes de nitrate de soude à Iquique qu’il quitte le 30 Juin 1917 pour Saint Nazaire. Le 24 Septembre, faisant route sur Belle Ile, il arrive au point 44°22N 11°30W. La veille attentive est assurée et rien n’est en vue.
Récit du capitaine Bequet
« A 13h15, on entendit un coup de canon. L’obus tomba à par le travers bâbord, à 300 m des flancs du navire. On aperçoit alors, tout à fait à l’horizon, par le travers, un point noir. Aucun doute, c’était un sous-marin qui nous canonnait. Je donne l’ordre au canonnier de pointer la pièce de bâbord sur le sous-marin ; mais avant que le coup ne parte, on fait trois ratés d’étoupille.
Le canon est pointé pour 7000 m, mais avec cette hausse, l’obus tombe bien en deçà du sous-marin. Je donne l’ordre de continuer le feu en mettant la hausse à bloc. Après plusieurs essais, le quartier-maitre canonnier Le Gars me dit qu’il ne peut tirer avec le canon dans cette position.
Toujours hors de notre portée, le sous-marin continue de nous canonner, réglant son tir avec une précision de plus en plus grande.
Ne pouvant riposter et n’ayant aucun autre moyen de défense, je décide la mise à l’eau des baleinières de sauvetage pour que l’équipage puisse s’y réfugier. Privés de moyens de défense nous avons abandonné le navire à 14h15.
Les Allemands ont coulé le voilier avec des charges explosives à 17h45 le 24 Septembre. Il a disparu en deux minutes.
Nous avons navigué toute la nuit dans les baleinières. Au jour, nous avons aperçu un vapeur. Nous lui avons fait des signaux et il s’est dirigé sur nous. C’était le vapeur anglais VICTORIA de la Pacific Steam Navigation Company. Il nous a recueilli le 25 Septembre à 07h00 et nous a déposés le 29 à Ponta Delgada, dans l’île de Sao Miguel (Açores). »
Le sous-marin attaquant
C’était le sous-marin UC 63 de l’OL Karsten von HEYDEBRECK. Le matin même il avait coulé le quatre-mâts EUROPE et le 3-mâts norvégien LOUIS BOSSERT. Cela faisait beaucoup de baleinières de sauvetage sur la même zone.. !
La position donnée pour le naufrage est 46°22 N 11°30 W
(nota pour Yves : ta dbase donne le 23/09 pour l’attaque de PERSEVERANCE, sans doute une erreur au vu de ton post d’hier)
Epilogue
Le capitaine Bequet s’apprêtait à rembarquer sur un voilier se trouvant à Alger lorsqu’il découvre que la commission d’enquête a décider de renvoyer tout son équipage à leurs autorités militaires respectives (ce qui signifie l’envoi au front pour la plupart) et lui interdit de commander pendant toute la guerre.
Bequet n’est plus un novice. Il a 42 ans. Il était déjà lieutenant chez Bordes à 18 ans, sur l’ANTONIN. Il sait qu’il n’a rien à se reprocher. De plus, les marins de son équipage avaient pour la plupart déjà vécu cette dure expérience d’être coulés sans pouvoir rien faire. Ils venaient en grande partie du CHANARAL, coulé le 24 Octobre 1916 et de l’ACONCAGUA, coulé le 2 Janvier 1917. Ils avaient aussitôt rembarqué, montrant un courage sans faille.
Il va alors écrire au Ministre de la Marine Chaumet :
"Monsieur le Ministre,
Je viens solliciter de votre grande bienveillance l’autorisation de commander.
Le 4-mâts PERSEVERANCE que je commandais depuis 1915 a été coulé le 24 Septembre dernier par un sous-marin ennemi. L’enquête relative à cette perte, faite à Bayonne le 6 Novembre, a donné un avis défavorable sur moi.
J’ignore en quoi cette enquête m’est défavorable. Ni moi, ni les officiers, ni l’équipage n’ont été entendus sur les circonstances de l’abandon du navire.
Dans l’impossibilité de me justifier, je viens vous exposer les raisons pour lesquelles je n’ai rien à me reprocher.
Le navire était armé de deux pièces de 90 mm placées de telle sorte qu’elles ne laissaient de chaque côté qu’un angle de tir de 100°.La perte de 80° était due à la mauvaise position qu’elles occupaient par rapport au gréement…..
Le personnel embarqué à Saint Nazaire a déclaré devant moi au Commandant du Front de mer de Bayonne n’avoir jamais vu ce genre de canon et n’avoir reçu aucun entrainement le rendant apte à s’en servir. Etant incompétent dans ce domaine, je ne peux lui apprendre ce que j’ignore complètement.
Lors de l’attaque, le quartier-maitre de la pièce bâbord, après avoir eu trois ratés d’étoupille, m’a déclaré ne pouvoir se servir de cette pièce. Je lui ai dit de faire son possible pour continuer le tir.
Celle de tribord était inutilisable vu la position du sous-marin et les vents régnant. (Brise très légère et mer calme.)
Avec des canonniers expérimentés, nous aurions pu faire une résistance plus longue, mais le résultat eût été le même quant à la perte du navire. L’artillerie du sous-marin avait une plus grande portée que la nôtre et il se tenait en permanence hors de notre champ de tir. Il lui était facile de venir nous torpiller en plongée.
J’attends l’autorisation de commandement pour prendre un navire qui se trouve actuellement à Alger.
Je vous prie, Monsieur le Ministre, d’examiner ma requête avec bienveillance…"
Le capitaine Bequet n'était pas un "planqué". Il était prêt à reprendre la mer malgré tous les risques encourus. Mais rien n’y fait ; l’autorité militaire se montrera inflexible et ne voudra entendre ni le capitaine, ni son état-major. Chaque marin sera remis aux autorités militaires dont il dépend. L’interdiction de commander ne sera pas levée par le Ministre. Toutefois, sa durée sera ramenée à six mois.
Pourtant, ce n’est pas parce que son navire est armé pour sa défense que l’officier de la Marine Marchande dispose d’un navire de guerre. Il est évident que l’armement des voiliers de charge n’est pas à la hauteur de celui de l’ennemi. Les armes s’enrayent et personne ne sait les dépanner. La portée est trop courte. Chargés, ces grands quatre-mâts ou trois-mâts sont fort peu manoeuvrants, surtout par temps calme. Rien ne permet d’envisager une issue victorieuse face à ces professionnels que sont les sous-mariniers allemands.
En fait, chaque capitaine agit selon sa conscience, avec un sens élevé de ses responsabilités. Héros d’une grande modestie, ils ne font que leur devoir.
Quand le capitaine Yves LEFF, du MARTHE (voir fiche de ce navire), voit l’un de ses hommes tué et son mousse grièvement blessé, il décide l’abandon en expliquant « Je crus de mon devoir de ne pas exposer le personnel à un massacre inutile ». C’était tout à son honneur.
Cdlt
Olivier
PERSEVERANCE Quatre-mâts barque
Construit aux chantiers FCM de La Seyne en 1896 pour la compagnie Bordes et nommé PERSEVERANCE (3e du nom). Persévérance et Union étaient la règle de conduite donnée par l’armateur A.D. Bordes à ses fils quand il les associa à ses affaires et c’est pour la rappeler que des navires portèrent ces noms.
Il succédait au PERSEVERANCE (1) , clipper à trois-mâts carré, en chêne et orme, construit au chantier Bichon frères de Lormont en 1855. Le 6 Avril 1877, allant de Bordeaux à Pascagoula, il fut pris dans la tempête au sortir de la Gironde. Tentant de trouver un abri dans le pertuis breton, entre l’île de Ré et la côte, il fit naufrage sur la pointe de Lizay, au lieu-dit Le Petit Marché.
Puis au PERSEVERANCE (2) , quatre-mâts carré en fer de 4140 tpl, construit en 1886 par le chantier Thomson de Glasgow. Ce quatre-mâts était équipé de cinq water-ballasts séparés par des cloisons étanches. Il disposait de deux jeux de pompes : un pour le remplissage ou la vidange des ballasts et un pour l’assèchement des cales. Le 21 Janvier 1891, pour son 6e voyage, il appareilla de Cardiff avec 4000 tonnes de charbon et réalisa sa plus rapide traversée : Cardiff – Rio de Janeiro en 38 jours. Il quitta le Brésil avec 600 t de lest liquide le 7 Juillet pour Antofagasta et…ne donna plus jamais de ses nouvelles. Il fut considéré comme perdu corps et biens et cette perte fut attribuée à un mauvais fonctionnement des vannes de ces fameux ballasts. Par la suite, on revint aux lests solides.
Il avait disparu avec 32 hommes d’équipage sous les ordres du capitaine Jean-Marie Le Querhic, de Ploubazlanec.
Caractéristiques du PERSEVERANCE (3)
Quatre-mâts barque en acier type 4ba
4050 tpl 2873 tx JB
Longueur 97,87 m largeur 13,70 m Creux 8,28 m TE 6,78 m
Dunette et gaillard courts (15 m et 16 m)
Voici le plan de pont de ce type de voilier construit à dix sept exemplaires parmi lesquels sept furent victimes de la guerre : MARTHE, ALEXANDRE, VALENTINE, ANTONIN, MADELEINE, JACQUELINE et PERSEVERANCE
Et un tableau représentant le quatre-mâts
La perte du PERSEVERANCE
Capitaine François BEQUET CLC né le 08/02/1875 à Perros-Guirec inscrit à Lannion
Second capitaine Yves DANIC inscrit à Paimpol
PERSEVERANCE est le premier voilier Bordes à recevoir des canons, en Février 1917. Le travail, commencé à La Pallice, ne sera achevé qu’à Saint Nazaire. Mais il est réalisé avec difficulté, comme l’atteste un télégramme de la Direction centrale de l’Artillerie Navale :
« Suis informé que canons du voilier PERSEVERANCE sont en cours d’installation sur l’avant des haubans d’artimon, contrairement aux instructions de mon télégramme n° 3262 qui prescrit de les installer sur l’arrière afin de permettre un champ de tir maximum. Veuillez faire effort pour rectifier emplacement des canons avant le départ du voilier fixé au 1er Mars. Si un seul canon est déjà monté, placez au moins le deuxième à l’arrière des haubans. »
En fait, que ce soit le matériel, son emplacement, la procédure de son installation à laquelle ni commandant, ni hommes qui vont le servir ne sont associés, rien n’est fait selon les règles et tout en dépit du bon sens. Les deux pièces de 90 seront montées en avant des haubans d’artimon ce qui limite gravement le champ de tir.
Quand PERSEVERANCE sera pris sous le tir d’un sous-marin allemand, il sera dans l’impossibilité de riposter.
Effectuant un voyage du Chili, PERSEVERANCE charge 4000 tonnes de nitrate de soude à Iquique qu’il quitte le 30 Juin 1917 pour Saint Nazaire. Le 24 Septembre, faisant route sur Belle Ile, il arrive au point 44°22N 11°30W. La veille attentive est assurée et rien n’est en vue.
Récit du capitaine Bequet
« A 13h15, on entendit un coup de canon. L’obus tomba à par le travers bâbord, à 300 m des flancs du navire. On aperçoit alors, tout à fait à l’horizon, par le travers, un point noir. Aucun doute, c’était un sous-marin qui nous canonnait. Je donne l’ordre au canonnier de pointer la pièce de bâbord sur le sous-marin ; mais avant que le coup ne parte, on fait trois ratés d’étoupille.
Le canon est pointé pour 7000 m, mais avec cette hausse, l’obus tombe bien en deçà du sous-marin. Je donne l’ordre de continuer le feu en mettant la hausse à bloc. Après plusieurs essais, le quartier-maitre canonnier Le Gars me dit qu’il ne peut tirer avec le canon dans cette position.
Toujours hors de notre portée, le sous-marin continue de nous canonner, réglant son tir avec une précision de plus en plus grande.
Ne pouvant riposter et n’ayant aucun autre moyen de défense, je décide la mise à l’eau des baleinières de sauvetage pour que l’équipage puisse s’y réfugier. Privés de moyens de défense nous avons abandonné le navire à 14h15.
Les Allemands ont coulé le voilier avec des charges explosives à 17h45 le 24 Septembre. Il a disparu en deux minutes.
Nous avons navigué toute la nuit dans les baleinières. Au jour, nous avons aperçu un vapeur. Nous lui avons fait des signaux et il s’est dirigé sur nous. C’était le vapeur anglais VICTORIA de la Pacific Steam Navigation Company. Il nous a recueilli le 25 Septembre à 07h00 et nous a déposés le 29 à Ponta Delgada, dans l’île de Sao Miguel (Açores). »
Le sous-marin attaquant
C’était le sous-marin UC 63 de l’OL Karsten von HEYDEBRECK. Le matin même il avait coulé le quatre-mâts EUROPE et le 3-mâts norvégien LOUIS BOSSERT. Cela faisait beaucoup de baleinières de sauvetage sur la même zone.. !
La position donnée pour le naufrage est 46°22 N 11°30 W
(nota pour Yves : ta dbase donne le 23/09 pour l’attaque de PERSEVERANCE, sans doute une erreur au vu de ton post d’hier)
Epilogue
Le capitaine Bequet s’apprêtait à rembarquer sur un voilier se trouvant à Alger lorsqu’il découvre que la commission d’enquête a décider de renvoyer tout son équipage à leurs autorités militaires respectives (ce qui signifie l’envoi au front pour la plupart) et lui interdit de commander pendant toute la guerre.
Bequet n’est plus un novice. Il a 42 ans. Il était déjà lieutenant chez Bordes à 18 ans, sur l’ANTONIN. Il sait qu’il n’a rien à se reprocher. De plus, les marins de son équipage avaient pour la plupart déjà vécu cette dure expérience d’être coulés sans pouvoir rien faire. Ils venaient en grande partie du CHANARAL, coulé le 24 Octobre 1916 et de l’ACONCAGUA, coulé le 2 Janvier 1917. Ils avaient aussitôt rembarqué, montrant un courage sans faille.
Il va alors écrire au Ministre de la Marine Chaumet :
"Monsieur le Ministre,
Je viens solliciter de votre grande bienveillance l’autorisation de commander.
Le 4-mâts PERSEVERANCE que je commandais depuis 1915 a été coulé le 24 Septembre dernier par un sous-marin ennemi. L’enquête relative à cette perte, faite à Bayonne le 6 Novembre, a donné un avis défavorable sur moi.
J’ignore en quoi cette enquête m’est défavorable. Ni moi, ni les officiers, ni l’équipage n’ont été entendus sur les circonstances de l’abandon du navire.
Dans l’impossibilité de me justifier, je viens vous exposer les raisons pour lesquelles je n’ai rien à me reprocher.
Le navire était armé de deux pièces de 90 mm placées de telle sorte qu’elles ne laissaient de chaque côté qu’un angle de tir de 100°.La perte de 80° était due à la mauvaise position qu’elles occupaient par rapport au gréement…..
Le personnel embarqué à Saint Nazaire a déclaré devant moi au Commandant du Front de mer de Bayonne n’avoir jamais vu ce genre de canon et n’avoir reçu aucun entrainement le rendant apte à s’en servir. Etant incompétent dans ce domaine, je ne peux lui apprendre ce que j’ignore complètement.
Lors de l’attaque, le quartier-maitre de la pièce bâbord, après avoir eu trois ratés d’étoupille, m’a déclaré ne pouvoir se servir de cette pièce. Je lui ai dit de faire son possible pour continuer le tir.
Celle de tribord était inutilisable vu la position du sous-marin et les vents régnant. (Brise très légère et mer calme.)
Avec des canonniers expérimentés, nous aurions pu faire une résistance plus longue, mais le résultat eût été le même quant à la perte du navire. L’artillerie du sous-marin avait une plus grande portée que la nôtre et il se tenait en permanence hors de notre champ de tir. Il lui était facile de venir nous torpiller en plongée.
J’attends l’autorisation de commandement pour prendre un navire qui se trouve actuellement à Alger.
Je vous prie, Monsieur le Ministre, d’examiner ma requête avec bienveillance…"
Le capitaine Bequet n'était pas un "planqué". Il était prêt à reprendre la mer malgré tous les risques encourus. Mais rien n’y fait ; l’autorité militaire se montrera inflexible et ne voudra entendre ni le capitaine, ni son état-major. Chaque marin sera remis aux autorités militaires dont il dépend. L’interdiction de commander ne sera pas levée par le Ministre. Toutefois, sa durée sera ramenée à six mois.
Pourtant, ce n’est pas parce que son navire est armé pour sa défense que l’officier de la Marine Marchande dispose d’un navire de guerre. Il est évident que l’armement des voiliers de charge n’est pas à la hauteur de celui de l’ennemi. Les armes s’enrayent et personne ne sait les dépanner. La portée est trop courte. Chargés, ces grands quatre-mâts ou trois-mâts sont fort peu manoeuvrants, surtout par temps calme. Rien ne permet d’envisager une issue victorieuse face à ces professionnels que sont les sous-mariniers allemands.
En fait, chaque capitaine agit selon sa conscience, avec un sens élevé de ses responsabilités. Héros d’une grande modestie, ils ne font que leur devoir.
Quand le capitaine Yves LEFF, du MARTHE (voir fiche de ce navire), voit l’un de ses hommes tué et son mousse grièvement blessé, il décide l’abandon en expliquant « Je crus de mon devoir de ne pas exposer le personnel à un massacre inutile ». C’était tout à son honneur.
Cdlt
Olivier