Bonsoir Franck,
Bonsoir à tous,
Il s'avère que les griefs des pêcheurs à l’égard des dauphins sont fort anciens, mais, surtout, qu'ils étaient principalement formulés par ceux de Bretagne et ceux des rives de la Méditerranée.
I. — A la suites des récriminations des pêcheurs bretons et méditerranéens, qui se plaignaient notamment des dégâts occasionnés à leurs filets par les marsouins et les dauphins, M. Edmond Perrier, membre de l'Institut, adressât en 1889 au Ministre de la Marine un rapport circonstancié sur la destruction de ce que l'on appelait uniquement à l'époque les marsouins, rapport qui aurait été publié au Journal officiel du 22 mars 1889 (Rev. mar. et coll., Avr.-Juin 1893, T. 117, p. 417, note 1). A partir de ce rapport, l'adminis-tration de la Marine fit entreprendre de nombreuses expériences pour assurer cette destruction ; elles portèrent sur les trois méthodes suivantes :
1°— L'engin de M. Bellot, pêcheur de Douarnenez.
Cet engin était constitué d'un appât — sardine ou hareng —, dans lequel étaient dissimulées deux aiguilles d'acier de 8 à 10 cm de longueur, maintenues l'une contre l'autre au moyen d'une bandelette de baudruche ou de vessie, et qui, par détente, étaient supposées s'ouvrir en croix dans l'estomac même de l'animal, déterminant ainsi sa mort par perforation de l'intestin (Rev. mar. et coll., Avr.-Juin 1893, T. 117, p. 422 et 423 ~ Rev. mar. et coll., Juill.-Sept. 1893, T. 118, p. 242).
En 1894, 10.000 de ces engins furent répartis par la Marine entre les deux arrondissements maritimes de l'Océan et de la Méditerranée, depuis Saint-Servan jusqu'à Toulon, mais sans résultats convaincants, sauf peut-être dans le quartier de Noirmoutier (Rev. mar. et coll., Janv.-Mars 1895, T. 124, p. 196 et 197).
2°— Le procédé de M. Ocellus.
Ce procédé consistait à attirer les marsouins vers un filet rempli de poissons et à les foudroyer au moyen d'explosifs. Le long de la ralingue d'un filet dit « sardinal », d'une longueur de 400 m, était attaché un câble électrique supportant, tous les 15 m, des cartouches de dynamite ou de poudre noire. Une des extrémités de ce câble était reliée à un commutateur, placé à l'avant d'un bateau de pêche. Le filet était mouillé dans les parages fréquentés par les sardines qui venaient s'y mailler, tandis qu'elles étaient poursuivies par les marsouins. Au moment propice, un courant électrique provoquait l'explosion des cartouches ou de la charge de poudre (Rev. mar. et coll., Juill.-Sept. 1893, T. 118, p. 242).
Le procédé en question fut expérimenté à quatre reprises devant La Ciotat et dans le Golfe de Marseille, en Août 1893, puis en Mai, Août et Septembre 1894, par une Commission ad hoc, qui disposait même d'un torpilleur, momentanément distrait du service de la défense ! En dépit de ses efforts, la Commission ne parvint à tuer qu'un seul et unique marsouin. Ce résultat quasi-négatif ayant été jugé en haut lieu comme véritablement hors de proportion avec les moyens mis en œuvre et les dépenses engagées, l'expérimentation du procédé dû à l'imagination fertile du sieur Ocellus fut indéfiniment ajournée... (Rev. mar. et coll., Janv.-Mars 1895, T. 124, p. 197 et 198).
3°— La méthode de M. Delbreil, inventeur marseillais.
Cette méthode consistait à attirer les marsouins au moyen d'une lampe électrique immergée, puis à les capturer, ainsi groupés, dans un filet tournant manœuvré à distance par un navire à vapeur (Rev. mar. et coll., Avr.-Juin 1893, T. 117, p. 423). En vérité, cette méthode ne fut jamais expérimentée.
II. — Tandis que les pêcheurs de Bretagne et ceux des rivages méditerranéens considéraient le marsouin comme un animal essentiellement nuisible et faisaient appel à l'assistance de l'État pour les en débarrasser, les pêcheurs basques des côtes françaises l'utilisaient comme un utile auxiliaire, comme un rabatteur pour la pêche de la sardine et de l'anchois (Rev. mar. et coll., Juill.-Sept. 1893, T. 118, p. 443). Par conséquent, ils s'opposaient fermement à toutes les tentatives entreprises par l'autorité administrative pour détruire ce cétacé.
Cette pêche se faisait au moyen de filets dits « sardinières », constitués d'un fil très mince mais solide, dont les mailles avaient 8 à 10 mm de côté. Ayant la forme d'une grande senne flottante démunie de poche, ces rets avaient une longueur d'environ 50 m et une largeur de 10 m à leurs extrémités et de 11 m en leur milieu ; ils étaient lestés d'environ 300 plombs cylindriques de 150 à 200 g, fixés sur une ralingue et destinés à les maintenir parfaitement horizontaux ; ils étaient dotés, en leur partie supérieure, d'environ 1.000 rondelles de liège pour les soutenir en surface (ibid.).
Pour employer avec succès la sardinière, les pêcheurs du quartier de Bayonne utilisaient une embarcation d'un modèle spécial, connue sous le nom de « trainière » ; sa longueur était généralement de l'ordre de 10 à 12 m et sa largeur d'environ 2 m au maître bau, la hauteur de la lisse à la quille n'étant que de 70 cm ; son fond, très plat, s'effilait vers les extrémités, avec 5 à 6 cm de quille seulement. Ces bateaux étaient montés par 10 ou 12 hommes, ainsi qu'un patron gouvernant à l'aviron de queue ; ils avaient pour défaut de dériver facilement, mais c'était là une condition indispensable pour effectuer promptement la manœuvre du filet. En revanche, leur légèreté — due à leur construction en sapin avec membrure de chêne sciée en long — leur conférait une excellente tenue à la voile et une prodigieuse vitesse, malgré l'absence de lest (ibid.).
Lorsque les intrépides pêcheurs basques avaient repéré un banc de sardines ou d'anchois poursuivi par les marsouins, ils faisaient alors force rame pour s'en approcher. Pendant que leurs auxiliaires bénévoles « travaillaient » le banc par les côtés et le fond, ils déployaient rapidement autour la sardinière, et, au moyen d'une coulisse, la refermait d'un seul coup sur les poissons. On prétendait qu'une trainière de Saint-Jean-de-Luz avait pris de la sorte plus de 35.000 sardines en une seule manœuvre. Pour amener à bord le contenu du filet, l'équipage se servait d'épuisettes, nommées « salebardes » (ibid.).
Il faudra attendre la fin de l'année 1909 pour que les armateurs biarrots ou luziens expérimentent la pêche à la rogue et au filet flottant, telle qu'elle se pratiquait à Arcachon (Rev. mar., Juill.-Sept. 1910, T. 186, p. 248).
Il reste à signaler que la même technique originale de pêche était utilisée par les biscaïens, notamment par les pêcheurs de Saint-Sébastien (Rev. mar., Avr.-Juin 1901, T. 149, p. 966 à 970 : « Pêche de la sardine dans la province de Guiputzcoa (Espagne) », Rapport de M. Blanchard des Farges, Consul général de France à Saint-Sébastien).
III. — Pour conclure, on se bornera à citer un auteur halieutique de l'époque : « Jadis, on mangeait la chair et la graisse des dauphins, principalement pendant le carême : depuis, l'usage s'en est perdu. Chez les Romains, le foie de dauphin était considéré comme jouissant de propriétés médicales réputées ; avec l'huile exprimée de cet organe, on soignait les ulcères. Notre pharmacopée moderne n'utilise plus ce produit. » ( Rev. mar. et coll., Avr.-Juin 1893, T. 117, p. 419, note P.G.).
Autres temps, autres mœurs...