TORPILLEUR 131 — Torpilleur numéroté dit « Ventre à terre » (1890~1911), ultérieurement renommé SIFFLET (1911~1916).

Rutilius
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TORPILLEUR 131 — Torpilleur numéroté dit « Ventre à terre » (1890~1911), ultérieurement renommé SIFFLET (1911~1916).

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,

□ Il y a plus de cent ans, entre le 1er juin et le 1er novembre 1908, l'équipage du Torpilleur 131, non seu-lement assurait la surveillance de la pêche à la sardine, au maquereau et au thon dans la Baie de Douar-nenez, mais y pratiquait également la chasse aux delphinidés, au motif que ces mammifères marins com-promettaient les ressources halieutiques et détruisaient les filets.

Dans un rapport daté du 1er novembre 1908, le commandant de ce bâtiment — dont on ignore malheu-reusement et le nom et le grade —, relevait en effet ce qui suit :

« Les marsouins et bélugas n'ont pas cessé d'envahir la baie, quoique, en octobre, je les ai moins ren-contrés ; en revanche, il y avait beaucoup de gros bélugas gris. D'une façon générale, la chasse qui leur a été donnée a été très fructueuse et j'estime qu'en cinq mois, il en a été tué environ 230, non compris les blessés ; il est vrai que les bandes étaient très fournies et très nombreuses et j'ai pu compter jusqu'à 30 sujets dans les groupes. Les mousquetons ont un très bon résultat, le tir étant très juste ; les 37 mm ont, eux aussi, fait beaucoup de victimes, mais dont le nombre ne peut être apprécié, les obus ne laissant que des fragments de peau, chair et autres. Plusieurs sujets ont été capturés, tous atteints par les balles lorsque la mort n'était pas instantanée. »

[• « Chasse aux marsouins et surveillance de la pêche dans la Baie de Douarnenez pendant la saison d'été 1908 », Rapport du Commandant du Torpilleur 131, Douarnenez, 1er novembre 1908 : Revue maritime, Janvier~Mars 1909, T. 180, p. 458 à 460).]

Il faudra attendre un arrêté du 20 octobre 1970, pris au visa de l'article 3 du décret-loi du 9 janvier 1852 sur la pêche maritime, pour qu'il soit interdit à quiconque « de détruire, de poursuivre ou de capturer, par quelque procédé que ce soit, même sans intention de les tuer, les mammifères marins de la famille des delphinidés (dauphins et marsouins) » (J.O. 4 nov. 1970, p. 10.205).
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
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Ar Brav
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Re: TORPILLEUR 131, ultérieurement renommé SIFFLET.

Message par Ar Brav »

Bonjour à tous,
Bonjour Daniel,

TORPILLEUR 131 Torpilleur numéroté dit "Ventre-à-Terre" (1890-1916)

Chantier :

Chantiers Augustin Normand, Le Havre
Commencé : 1889
Mis à flot : 21.08.1890
Terminé : 1890
En service : 09.1890
Retiré : 1916
Caractéristiques : 53 t ; 720 cv ; 36 x 3,5 x 2,1 m
Symbole de coque : 131.
Armement : I TLT + Hp (hampe porte-torpille) + II de 37 mm.

Observations :

09.1891 : Toulon
12.1909 : Brest
05.11.1911 : renommé Sifflet, devient annexe à l’école des mécaniciens à Brest
1911-1914 : bâtiment-école
1914 : réutilisé comme but de tir
1916 : démoli à Brest.

Pour vous éclairer sur la chasse au marsouin, quitte à faire hurler :
C'était une pratique courante chez les pêcheurs de thon (les ligneurs, pas les fileyeurs) qui le capturait, souvent au harpon, jusqu'en 1970, date de l'interdiction.
Dans l'esprit des marins, cette pêche répondait à deux objectifs majeurs, et non pas par esprit de barbarie gratuite ni de cruauté malsaine, en tous cas, pas plus que de gaver des oies ou d'amener des animaux à l'abattoir dans des conditions parfois discutables (mais là, on en parle moins, le sujet est aussi moins porteur) :
- d'une part, la présence de marsouins sur les bancs de thons faisait fuir ces derniers. Auquel cas, le bateau rentrait les cales vides, et c'est la famille à terre qui crevait de faim
- à l'époque, les bateaux n'étaient pas équipés de machines frigorifiques. Ce qui veut dire, lorsqu'il a fallu aller chercher le poisson beaucoup plus loin, vers Les Açores, les marées duraient entre 25 à 40 jours, avec pour nourriture thon le matin, le midi et le soir. Dès lors que l'équipage pouvait améliorer l'ordinaire, il le faisait, sans cas de conscience (je fais bref).

Ceci étant, nous sommes là à des années-lumières des méthodes décrites dans le rapport transcrit dans votre message, et que je réprouve maintenant, cela va sans dire. Un siècle après, comme tout nous semble simple, et nous sommes tellement irréprochables...

Cordialement,
Franck
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Rutilius
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TORPILLEUR 131 — Torpilleur numéroté dit « Ventre à terre » (1890~1911), ultérieurement renommé SIFFLET (1911~1916).

Message par Rutilius »

Bonsoir Franck,
Bonsoir à tous,

Il s'avère que les griefs des pêcheurs à l’égard des dauphins sont fort anciens, mais, surtout, qu'ils étaient principalement formulés par ceux de Bretagne et ceux des rives de la Méditerranée.

I. — A la suites des récriminations des pêcheurs bretons et méditerranéens, qui se plaignaient notamment des dégâts occasionnés à leurs filets par les marsouins et les dauphins, M. Edmond Perrier, membre de l'Institut, adressât en 1889 au Ministre de la Marine un rapport circonstancié sur la destruction de ce que l'on appelait uniquement à l'époque les marsouins, rapport qui aurait été publié au Journal officiel du 22 mars 1889 (Rev. mar. et coll., Avr.-Juin 1893, T. 117, p. 417, note 1). A partir de ce rapport, l'adminis-tration de la Marine fit entreprendre de nombreuses expériences pour assurer cette destruction ; elles portèrent sur les trois méthodes suivantes :

1°— L'engin de M. Bellot, pêcheur de Douarnenez.

Cet engin était constitué d'un appât — sardine ou hareng —, dans lequel étaient dissimulées deux aiguilles d'acier de 8 à 10 cm de longueur, maintenues l'une contre l'autre au moyen d'une bandelette de baudruche ou de vessie, et qui, par détente, étaient supposées s'ouvrir en croix dans l'estomac même de l'animal, déterminant ainsi sa mort par perforation de l'intestin (Rev. mar. et coll., Avr.-Juin 1893, T. 117, p. 422 et 423 ~ Rev. mar. et coll., Juill.-Sept. 1893, T. 118, p. 242).

En 1894, 10.000 de ces engins furent répartis par la Marine entre les deux arrondissements maritimes de l'Océan et de la Méditerranée, depuis Saint-Servan jusqu'à Toulon, mais sans résultats convaincants, sauf peut-être dans le quartier de Noirmoutier (Rev. mar. et coll., Janv.-Mars 1895, T. 124, p. 196 et 197).

2°— Le procédé de M. Ocellus.

Ce procédé consistait à attirer les marsouins vers un filet rempli de poissons et à les foudroyer au moyen d'explosifs. Le long de la ralingue d'un filet dit « sardinal », d'une longueur de 400 m, était attaché un câble électrique supportant, tous les 15 m, des cartouches de dynamite ou de poudre noire. Une des extrémités de ce câble était reliée à un commutateur, placé à l'avant d'un bateau de pêche. Le filet était mouillé dans les parages fréquentés par les sardines qui venaient s'y mailler, tandis qu'elles étaient poursuivies par les marsouins. Au moment propice, un courant électrique provoquait l'explosion des cartouches ou de la charge de poudre (Rev. mar. et coll., Juill.-Sept. 1893, T. 118, p. 242).

Le procédé en question fut expérimenté à quatre reprises devant La Ciotat et dans le Golfe de Marseille, en Août 1893, puis en Mai, Août et Septembre 1894, par une Commission ad hoc, qui disposait même d'un torpilleur, momentanément distrait du service de la défense ! En dépit de ses efforts, la Commission ne parvint à tuer qu'un seul et unique marsouin. Ce résultat quasi-négatif ayant été jugé en haut lieu comme véritablement hors de proportion avec les moyens mis en œuvre et les dépenses engagées, l'expérimentation du procédé dû à l'imagination fertile du sieur Ocellus fut indéfiniment ajournée... (Rev. mar. et coll., Janv.-Mars 1895, T. 124, p. 197 et 198).

3°— La méthode de M. Delbreil, inventeur marseillais.

Cette méthode consistait à attirer les marsouins au moyen d'une lampe électrique immergée, puis à les capturer, ainsi groupés, dans un filet tournant manœuvré à distance par un navire à vapeur (Rev. mar. et coll., Avr.-Juin 1893, T. 117, p. 423). En vérité, cette méthode ne fut jamais expérimentée.

II. — Tandis que les pêcheurs de Bretagne et ceux des rivages méditerranéens considéraient le marsouin comme un animal essentiellement nuisible et faisaient appel à l'assistance de l'État pour les en débarrasser, les pêcheurs basques des côtes françaises l'utilisaient comme un utile auxiliaire, comme un rabatteur pour la pêche de la sardine et de l'anchois (Rev. mar. et coll., Juill.-Sept. 1893, T. 118, p. 443). Par conséquent, ils s'opposaient fermement à toutes les tentatives entreprises par l'autorité administrative pour détruire ce cétacé.

Cette pêche se faisait au moyen de filets dits « sardinières », constitués d'un fil très mince mais solide, dont les mailles avaient 8 à 10 mm de côté. Ayant la forme d'une grande senne flottante démunie de poche, ces rets avaient une longueur d'environ 50 m et une largeur de 10 m à leurs extrémités et de 11 m en leur milieu ; ils étaient lestés d'environ 300 plombs cylindriques de 150 à 200 g, fixés sur une ralingue et destinés à les maintenir parfaitement horizontaux ; ils étaient dotés, en leur partie supérieure, d'environ 1.000 rondelles de liège pour les soutenir en surface (ibid.).

Pour employer avec succès la sardinière, les pêcheurs du quartier de Bayonne utilisaient une embarcation d'un modèle spécial, connue sous le nom de « trainière » ; sa longueur était généralement de l'ordre de 10 à 12 m et sa largeur d'environ 2 m au maître bau, la hauteur de la lisse à la quille n'étant que de 70 cm ; son fond, très plat, s'effilait vers les extrémités, avec 5 à 6 cm de quille seulement. Ces bateaux étaient montés par 10 ou 12 hommes, ainsi qu'un patron gouvernant à l'aviron de queue ; ils avaient pour défaut de dériver facilement, mais c'était là une condition indispensable pour effectuer promptement la manœuvre du filet. En revanche, leur légèreté — due à leur construction en sapin avec membrure de chêne sciée en long — leur conférait une excellente tenue à la voile et une prodigieuse vitesse, malgré l'absence de lest (ibid.).

Lorsque les intrépides pêcheurs basques avaient repéré un banc de sardines ou d'anchois poursuivi par les marsouins, ils faisaient alors force rame pour s'en approcher. Pendant que leurs auxiliaires bénévoles « travaillaient » le banc par les côtés et le fond, ils déployaient rapidement autour la sardinière, et, au moyen d'une coulisse, la refermait d'un seul coup sur les poissons. On prétendait qu'une trainière de Saint-Jean-de-Luz avait pris de la sorte plus de 35.000 sardines en une seule manœuvre. Pour amener à bord le contenu du filet, l'équipage se servait d'épuisettes, nommées « salebardes » (ibid.).

Il faudra attendre la fin de l'année 1909 pour que les armateurs biarrots ou luziens expérimentent la pêche à la rogue et au filet flottant, telle qu'elle se pratiquait à Arcachon (Rev. mar., Juill.-Sept. 1910, T. 186, p. 248).

Il reste à signaler que la même technique originale de pêche était utilisée par les biscaïens, notamment par les pêcheurs de Saint-Sébastien (Rev. mar., Avr.-Juin 1901, T. 149, p. 966 à 970 : « Pêche de la sardine dans la province de Guiputzcoa (Espagne) », Rapport de M. Blanchard des Farges, Consul général de France à Saint-Sébastien).

III. — Pour conclure, on se bornera à citer un auteur halieutique de l'époque : « Jadis, on mangeait la chair et la graisse des dauphins, principalement pendant le carême : depuis, l'usage s'en est perdu. Chez les Romains, le foie de dauphin était considéré comme jouissant de propriétés médicales réputées ; avec l'huile exprimée de cet organe, on soignait les ulcères. Notre pharmacopée moderne n'utilise plus ce produit. » ( Rev. mar. et coll., Avr.-Juin 1893, T. 117, p. 419, note P.G.).

Autres temps, autres mœurs...
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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TORPILLEUR 131 — Torpilleur numéroté dit « Ventre à terre » (1890~1911), ultérieurement renommé SIFFLET (1911~1916).

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Bonsoir à tous,

■ Historique (complément).

― 29 août 1916 : Par décision du Ministre de la Marine de même date (Bull.off. Marine 1916, p. 206), radié de la Liste des bâtiments de la flotte.

― 25 octobre 1919 : Mis en vente aux fins de démolition par le Bureau des Domaines de Brest selon la procé-dure d’adjudication publique sur soumissions cachetées.

La Dépêche de Brest, n° 13.291, Vendredi 17 octobre 1919, p. 4.

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― 24 décembre 1919 : En raison vraisemblablement du caractère infructueux de la séance d’adjudication du 25 octobre 1919, à nouveau mis en vente selon la même procédure par le Bureau des Domaines de Brest.

La Dépêche de Brest, n° 13.342, Dimanche 7 décembre 1919, p. 4.

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Bien amicalement à vous,
Daniel.
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Bonsoir à tous,


Le Petit Parisien — Supplément littéraire illustré —, n° 1.067, Dimanche 18 juillet 1909.


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Bien amicalement à vous,
Daniel.
NIALA
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Re: TORPILLEUR 131 — Torpilleur numéroté dit « Ventre à terre » (1890~1911), ultérieurement renommé SIFFLET (1911~1916).

Message par NIALA »

Les torpilleurs N°130 à 144 construits chez Augustin Normand au Havre de 1889 à 1892 qui en a dessiné les plans ont été surnommés les "ventre à terre" ; voici une photo du prototype de cette série le torpilleur 130 à ses essais.
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T130 64c3ba23d82a5bf08d1734f39a143fb9.jpg (306.44 Kio) Consulté 650 fois
Le torpilleur 130 à ses essais

Alain
Cordialement

Alain
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