Bonjour à tous,
Suite du récit du novice
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Me trouvant trop jeune pour être appelé durant la dernière guerre, j’ai néanmoins vécu quelques heures éprouvantes qu’elle m’a procurées.
En 1915, au mois de Juin, ma vocation d’être marin agissant, je m’embarquai. 1916 vint, n’apportant aucun fait saillant dans la vie excessivement monotone, quoi qu’on en dise, qu’est celle de marin.
Pays vus, gens et bêtes s’effacent assez rapidement de la mémoire, ou du moins perdent tout contour ou physionomie ben précise.
1916 m’amena à partir pour un voyage des mers du Sud sur un voilier de la maison Bordes, l’Antonin, beau 4-mâts barque.
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La fin de cette année me trouva au Chili d’où nous repartîmes quelques jours après notre arrivée à Iquique.
1er Janvier 1917. C’est au large des Malouines que nous le passons. Beau temps gris de l’été austral. Journée triste où le navire, poussé par une faible brise variable, court doucement vers le Nord. Midi, calme, brassé carré partout et fouets de basses voiles cargués pour rallier le vent. C’est une accalmie après les jours rudes de la mer tourmentée du Cap Horn. Ce passage au large des Malouines nous amènent sous le gaillard, à causer de la fin des croiseurs allemands envoyés par le fond dans les parages. C’est avec
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propos, les souvenirs de captivité de notre second maître qui fut prisonnier d’un croiseur corsaire allemand et rapatrié à Buenos Ayres. En écoutant ce récit déjà connu, nous ne pensions point qu’un mois plus tard notre mémoire s’enrichirait d’un souvenir vécu de ce genre là.
L’Antonin, bon marcheur et favorisé, gagnait rapidement vers la ligne que nous devions passer en fin Janvier, si toutefois sur un navire à voile il peut être permis de fixer une date d’arrivée en un lieu. Les alizés de SE frais nous faisaient faire de beaux points. Déjà, marin de long courrier, chacun supputait ce qu’il pourrait
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bien faire à l’arrivée.
Le xx Janvier vers xx , (nom probable d'un matelot mais illisible), au bossoir, signa deux coups de cloche : navire par bâbord. Cinq minutes après, la cloche retentit deux fois à nouveau pour un nouveau navire signalé aperçu du même bâbord.
C’était après le travail. Les navires en vue étant la seule chose venant rompre la monotonie de notre vie, nous nous précipitâmes tous sur la lisse bâbord. Faiblement éclairés par le crépuscule, deux vapeurs faisaient route sur nous. C’étaient deux coques grises impossibles à identifier à la distance à laquelle elles étaient. La nuit tombant rapidement, nous n’allions bientôt plus
(A suivre)
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