Bonsoir,
J'ai récemment chiné cette carte photo montrant un groupe de marins français .
Sur l'ardoise est marqué "Lac Ochrida - au souvenir français - 1917-18".
Le lac Ochrida est un lac situé dans le secteur de l'Armée d'Orient aux confins de la grèce, de la serbie et de l'Albanie et des combats ont eu lieu en 1917/1918. Nous sommes en plein milieu des terres loins de la mer !!!!!
Ce qui est étonnant est la présence de marins ?
Connaissez vous ce détachement? S'agit-il de marins qui auraient été appelés en ce coin reculé pour naviguer sur ce lac ?
Merci d'avance.
Cordialement
Yann
http://i32.tinypic.com/2953c0n.jpg
Bonjour à tous,
Bonjour Yann,
En complément de ce qui a été écrit par Guy :
LES FLOTTILLES DES LACS D'ALBANIE (1916-1918)
Le 12 janvier 1916, le
Gaulois apportait à Salonique les deux canons de 10 centimètres qu'on avait pu rembarquer à Seddul Bahr, avec le personnel qui avait servi la batterie de marine de Gallipoli. En outre, on débarqua dix canons de 10 du
Gaulois et du
Charlemagne ; on constitua ainsi six batteries de deux pièces chacune, qui furent mises à la disposition du commandant en chef de l'armée d'Orient. Celui-ci avait en outre demandé en France deux pièces de 16 centimètres de marine qui arrivèrent le 20 février, et formèrent les batteries 7 et 8.
Ces canons furent répartis en deux groupes, comprenant chacun trois batteries de 10 et une de 16 ; le premier, affecté au front du Vardar, fut commandé par le lieutenant de vaisseau Brown de Colstoun ; le second, au front Nord, par le lieutenant de vaisseau Juge. Le 6 mars les pièces étaient à leurs postes, prêtes à tirer.
Au cours de l'année, cinq batteries de 10 et une de 16 furent envoyées au front de Guefgueli en vue d'opérations offensives. Mais, au début de 1917, la marine réclama son personnel, réduit, du reste, par le paludisme ; elle laissa cependant les canons dont les marins enseignèrent la manoeuvre aux artilleurs qui, par la suite, assurèrent leur utilisation.
En février 1917, sur la demande du commandant en chef de l'armée d'Orient, une flottille fut formée à Popli, sur le lac Presba, pour faciliter le ravitaillement des troupes alliées opérant dans le voisinage. Le lac Presba est bordé par trois pays — Albanie, Grèce, Serbie — et situé à 700 mètres d'altitude environ ; il était coupé en deux par la ligne du front de l'armée d'Orient après l'avance sur Monastir.
Un détachement d'une trentaine d'officiers mariniers et de marins, sous le commandement de l'enseigne de vaisseau Winckler, fut envoyé par la division navale de Salonique pour armer sur le lac douze bateaux plats dont quelques-uns étaient munis de motogodilles. Cette flottille rendit de fort bons services, souvent sous le feu de l'ennemi : peu de temps après son arrivée, l'enseigne Winckler fut tué en conduisant un ravitaillement de nuit, et plusieurs de ses hommes furent blessés.
Une autre flottille fut créée pour un service analogue sur le lac Ochrida, en Albanie, à 900 mètres d'altitude. Elle fut placée sous le commandement de l'enseigne Rousselin, puis de l'enseigne Perzo. Mais les deux flottilles périclitèrent, faute de personnel ; à l'automne de 1917 il n'y restait plus qu'un maître de manoeuvre et deux hommes, minés de paludisme.
En novembre 1917, la marine désigne l'enseigne de vaisseau Madelin pour remplacer l'enseigne Winckler. On reforme à Salonique un détachement de vingt hommes, qui peu à peu sera renforcé et porté à cinquante. On donne en outre à l'enseigne Madelin une section du génie pour construire un petit port et un atelier, une section de mitrailleurs de l'armée pour défendre ces installations. La flottille est devenue plus puissante : elle comprend deux grands canots à vapeur armés d'un canon de 47 et d'une mitrailleuse, une pinasse, une vedette, une chaloupe avec motogodille.
Le transport de ce matériel n'est pas facile. On l'envoie par chemin de fer de Salonique à Florina ; là les coques des canots, complètement vidées, sont renversées et mises sur une remorque automobile ; au sommet, sur la quille, on installe une petite passerelle d'où l'on commande, au moyen de longues tiges traversant la coque, la direction et le frein. Ainsi traînées, les embarcations escaladent le col Pisoderi (1 300 mètres d'altitude) et par des routes fort difficiles arrivent à Nivika, où on les équipe et on les lance sur le lac.
La mission principale de la flottille est toujours le ravitaillement, qui, avec les gros canots à vapeur, peut aller jusqu'à 40 tonnes par jour ; elle est souvent contrariée, soit par le mauvais temps qui agite les eaux du lac, soit par les glaces qui les recouvrent en hiver. Mais les marins débarquent aussi des
comitadjis serbes dans le Nord du lac Presba, derrière les lignes, ou effectuent des patrouilles de reconnaissance, délicates la nuit sur une côte marécageuse inconnue.
Sur la rive Nord du lac, les Allemands ont également installé des embarcations venues de Hambourg et commandées par un enseigne de vaisseau. Cette flottille est peu active. Sa plus belle vedette, le
Sturmvogel, est coulée par les
comitadjis serbes au milieu du lac, relevée par les Français, réparée et mise en service de notre côté. Elle transportera le prince Alexandre de Serbie, venu visiter les marins, et les généraux Franchet d'Esperey et Henrys qui passent une petite revue navale sur le lac. L'amiral Merveilleux du Vignaux, commandant la division navale de Salonique, qui a été le restaurateur de la flottille, la suit avec une attention toute particulière et vient aussi la voir sur place.
Avant l'offensive de septembre 1918, les canots débarquent de nuit derrière les lignes bulgares une soixantaine de
comitadjis serbes qui coupent les lignes de communication de l'ennemi, et gênent sa retraite. Les marins allemands, avant de se retirer, coulent leurs embarcations.
L'offensive ayant dégagé la région des lacs, la présence des flottilles y devient sans objet. L'enseigne Madelin reçoit l'ordre de laisser son matériel à Presba et de suivre avec son détachement l'armée en route vers le Danube. Les sacs et les hamacs sont mis sur des charrettes que traînent des boeufs conduits par les marins ; l'enseigne, monté sur un petit cheval albanais, conduit cette caravane pittoresque, mais lente, par Monastir, Prilep, Uskub, jusqu'à Nich où les marins prennent le train pour atteindre la rive bulgare du Danube à Vidin.
C'est là que les trouve l'armistice.
Ils se rendent ensuite à Belgrade où, en liaison avec les détachements anglais commandés par l'amiral Troubridge, ils coopèrent à l'organisation des transports fluviaux qui assurent le passage des troupes et leur ravitaillement en Hongrie. Ainsi la guerre mondiale les a conduits, par un détour imprévu, sur le fleuve où, 110 ans plus tôt, les Marins de la Garde avaient accompagné la Grande Armée.
Sources :
La Marine française dans la Grande Guerre.
Tome V
Les marins à terre
A l'armée d'Orient, les flottilles des lacs d'Albanie
CV A. Thomazi, Payot, 1933
Cordialement,
Franck