SAINT ANTOINE DE PADOUE - Trois mats Goelette

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Terraillon Marc
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Re: SAINT ANTOINE DE PADOUE - Trois mats Goelette

Message par Terraillon Marc »

Bonsoir,

Voici l'histoire du trois mats goélette SAINT ANTOINE DE PADOUE :

Le « Saint-Antoine-de-Padoue ».

Le nom de Saint-Antoine-de-Padoue est assez commun dans la flotte de commerce française ; il est plusieurs navires de ce nom qui, au cours de la guerre sous-marine de 1914-1918, eurent à faire face aux sous-marins ennemis.

Aucun, en tout cas, n'eut la chance de leur homonyme fécampois, qui se tira toujours avec bonheur de ces rencontres peu désirables.

Construit à Saint-Malo en 1895 pour M. Tranquille Monnier, de Fécamp, ce petit navire avait été vendu par la suite à M. Ch. Leborgne, de la même ville, dont les bureaux étaient à Paris, 8, rue La Boétie, mais dont le siège d'exploitation se trouvait en Seine-Inférieure.

Cette maison possédait deux voiliers terre-neuvas : Saint-Ansberg et Saint-Antoine-de-Padoue; ce dernier, maté en trois-mâts-goélette, fut mis aux transports de charbon au cours de la guerre, et fut un des premiers à recevoir un canon de petit calibre destiné à la défense surtout.

Sorti de Fécamp en avril 1917 et naviguant de conserve avec un autre caboteur, le capitaine Richard, du Saint-Antoine-de-Padoue, bien que distancé par son compagnon au cours de la nuit précédente, le revit au petit jour, sous le Bill de Portland, au matin du 24 avril.

Il était attaqué par un grand sous-marin allemand en surface, sur lequel M. Richard gouverna sans hésiter et qu'il commença à canonner à deux milles de distance. Cette attaque, à laquelle il ne s'attendait sans doute pas, décida le commandant allemand à ordonner la plongée ; désireux sans doute de ne pas attirer sur lui toutes les vedettes de la côte et les patrouilleurs du large, il préféra abandonner un adversaire si peu redoutable, mais dont l'intervention avait néanmoins sauvé l'autre voilier.

Chargé rapidement à Briton Ferry, le capitaine du Saint-Antoine-de-Padoue avait descendu sans encombre le canal de Bristol, longeant la terre le plus près possible, et se trouvait le 8 mai suivant à l'ouvert de la grande baie de Saint-Yves, cherchant à doubler Land's End pour donner dans la Manche. C'est alors qu'il aperçut à petite distance un sous-marin en surface que d'autres voiliers, louvoyant comme lui, ne pouvaient sans doute pas apercevoir, et sur lequel il tira aussitôt, voulant ainsi alerter surtout ses voisins pour les faire se disperser.

A suivre ..

A bientot :hello:
Cordialement
Marc TERRAILLON

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Terraillon Marc
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Re: SAINT ANTOINE DE PADOUE - Trois mats Goelette

Message par Terraillon Marc »

Bonsoir,

Suite :

L'ennemi, qui n'avait pas grand-chose à craindre à cette distance, mais qui se savait à portée des batteries côtières qui allaient pouvoir le repérer, plongea aussitôt sans riposter.

Le navire continua ces voyages dangereux entre tous, et se trouvait à nouveau en route pour Fécamp, chargé de charbon, à 6 milles dans l'ouest de l'île Lundy (qui marque la sortie du canal de Bristol, à la hauteur de la ligne qui joint Milford Haven à Hartland Point) dans la nuit du 22 août 1917.

Il faisait presque calme, et le navire gouvernait à peine, par une obscurité profonde qui ne permettait même pas de distinguer sous le vent la noirceur de la terre, pourtant élevée. Une rafale de mitrailleuse, puis une autre, très espacées, et enfin des sifflements d'obus révélèrent qu'un sous-marin avait repéré le voilier et se trouvait très proche, puisque ses balles portaient.

Laissant arriver sur l'île Lundy, d'accès malsain, dont il pensait que son ennemi se garderait soigneusement, le capitaine fit tirer au jugé sur la lueur des bouches à feu de son adversaire qui, craignant de s'échouer ou d'être atteint gravement à si courte distance, cessa le combat.

Le voyage se continua sans incidents, puis d'autres se firent normalement ; entre-temps, un second canon de 47 mm avait été ajouté à la première pièce du Saint-Antoine-de-Padoue et il semblait, disait-on, que ce supplément d'artillerie effrayait sans doute les sous-marins, puisqu'il n'était plus attaqué.

Ce répit ne devait pas être de longue durée ; dans la matinée du 5 décembre 1917, le navire, se trouvant à 15 milles dans le N.-N.-E. de l'île Ronde des Sorlingues, fut attaqué au canon par un sous-marin, à peine émergé, qui venait d'apparaître à moins de 400 m dans l'ouest. Le capitaine Richard riposta aussitôt ; ses obus encadrèrent son adversaire, qui se mit en plongée pour recommencer le combat plus loin dans des conditions excellentes pour lui, car il pouvait tenir le voilier sous son feu, tout en restant hors de portée.

Pendant près d'une heure et demie, littéralement arrosé d'obus dont les éclats criblaient le pont et blessèrent gravement un homme, le petit navire se défendit vaillamment, empêchant son ennemi d'approcher. Un hydravion, attiré par le bruit, arriva heureusement sur les lieux et sa seule venue mit fin à ce combat inégal qui se serait mal terminé à la longue ; déposant son blessé grave sur un patrouilleur, le capitaine Richard doubla le Lizard dans la soirée. Bien que les instructions des sémaphores lui aient prescrit de relâcher à Falmouth, il préféra faire route pour Fécamp, les vents se trouvant favorables, et son navire faisant un peu d'eau à la suite du combat soutenu avec le sous-marin allemand.

A suivre ...
Cordialement
Marc TERRAILLON

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Terraillon Marc
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Re: SAINT ANTOINE DE PADOUE - Trois mats Goelette

Message par Terraillon Marc »

Bonsoir,

Suite et fin de l'histoire du navire :

Il arriva d'ailleurs à destination quelques heures plus tard, sans nouveaux incidents, et dut comparaître encore devant la commission d'enquête, dont les membres appréciaient parfois en terriens les événements de mer.

Le rapport établi, en ce qui concerne le Saint-Antoine-de-Padoue, précise d'abord que c'est « grâce à une chance persistante » et à l'énergie de ses hommes que le bâtiment a dû son salut, et que, « prise dans son ensemble », l'énergique défense de ce bateau est à mettre à l'honneur et ses auteurs à féliciter. Puis il se livre, comme dans beaucoup d'autres cas analogues, à des considérations qui ne furent pas toujours du goût des intéressés, lesquels ne se gênèrent pas pour le montrer, et le public marin les approuva sans réserve.

Il estimait qu'il ne convenait pas d'amoindrir, sous le couvert de « remarques », des actions de ce genre, et on critiquait surtout cette phrase du compte rendu de la commission : « On ne peut exiger évidemment des caboteurs ce que l'on demande à bord des bâtiments de l'Etat ; néanmoins, la guerre sous-marine nécessite une prévoyance, dont l'absence risquerait de rendre inutile « l'appoint » de vertus militaires, comme celles de l'équipage du Saint-Antoine-de-Padoue ! »

II était dit aussi que le capitaine, en manœuvrant en zigzag, alors que la brise était faible, avait contrevenu à l'article 30 des « Instructions aux bâtiments de commerce ». Or cet article était assez vague en ce qui concerne les voiliers, et le navire, ayant deux mâts goélettes, ne pouvait embarder beaucoup sans empanner. Quant au bénéfice de la justesse de tir, que la route brisée était susceptible de faire perdre aux pointeurs, le capitaine faisait observer que cette objection était sans valeur, car il combattait à 7 000 m, tandis que ses pièces portaient au maximum à 5 000 m. Son but ne pouvait être que de chercher à faire un tir de barrage efficace pour empêcher l'ennemi de se rapprocher, et non d'essayer d'atteindre un point déterminé. Celui-ci n'aurait pu être qu'un endroit quelconque de la mer, puisque tous les projectiles devaient tomber dans l'eau.

Parmi les différentes remarques faites, on notait également que le capitaine, s'il avait approfondi davantage les instructions officielles, aurait mieux analysé un ennemi resté en surface longtemps et aurait pu fournir ainsi d'utiles renseignements.

Les signataires oubliaient que le sous-marin était à 7 000 m de distance, à peine visible, que M. Richard n'avait pas de longue-vue spéciale à cet effet et qu'obligé d'aider à servir les pièces avec si peu de monde à bord il avait autre chose à faire que de relever des profils, etc

Tiré du livre "Les derniers voiliers caboteurs français" de L. LACROIX.

A bientot :hello:
Cordialement
Marc TERRAILLON

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Re: SAINT ANTOINE DE PADOUE - Trois mats Goelette

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Je replace le récit à la suite de celui de Marc. Il me semblait bien l'avoir déjà lu, mais je ne l'avais pas retrouvé.

Ce trois-mâts goélette appartenant à l'armement Charles Le Borgne, de Fécamp, avait pratiqué la pêche à Terre-Neuve jusqu'au début de la guerre.
Il fut ensuite affecté au transport de charbon entre la France et l'Angleterre. En 1917 il avait reçu un canon de 47 mm installé sur le gaillard.
Il était commandé par le capitaine Richard.

Appareille de Fécamp le 23 Avril 1917 en même temps que le SAINT JACQUES, autre trois-mâts fécampois, non armé, qu'il doit escorter jusqu'à Port Talbot.
Vers 07h00 le 24 Avril, par temps brumeux, à environ 18 milles de la pointe de Portland, un sous-marin venu du SSW est aperçu faisant route sur le SAINT JACQUES qu'il commence à canonner. Gravement touché à tribord, celui-ci est abandonné par son équipage qui descend dans les canots.
Le capitaine Richard manoeuvre alors de façon à se rapprocher sans donner l'éveil, et à faible distance ouvre le feu sur le sous-marin qui présente aussitôt son avant pour offrir moins de surface aux coups, puis plonge sans riposter.
Les marins du SAINT JACQUES remontent alors sur leur voilier qu'un patrouilleur anglais vient assister,tandis que le SAINT ANTOINE DE PADOUE fait route vers sa destination.

Ayant chargé du charbon à Briton-Ferry, il appareille à nouveau le 6 Mai. Le 8 Mai, étant à 4 milles de la côte anglaise, il aperçoit un grand sous-marin émergeant à 3 milles dans le NW. Six voiliers anglais sont à proximité, en danger d'être coulés. Malgré l'infériorité de son armement, le capitaine Richard fait aussitôt ouvrir le feu sur le sous-marin. Au bruit de la canonnade, un destroyer anglais accoure à grande vitesse et le sous-marin disparait en plongeant.

En quinze jours, le capitaine Richard a donc sauvé sept navires en plus du sien.

Le Ministre de la Marine lui a décerné la médaille militaire et la chambre de commerce de Fécamp a voté une prime de mille francs pour l'équipage.

(Source: L'Illustration Juillet 1917)

Voici le SAINT ANTOINE DE PADOUE

Image

A noter que l'on relève quelques petites différences entre le récit de Lacroix et celui du journaliste de l'Illustration (dates, positions...etc)
En ce qui concerne l'Illustration, il faut savoir que tout passait par la censure et que certains renseignements pouvaient être volontairement modifiés.

Cdlt

Olivier
olivier
Rutilius
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SAINT-ANTOINE-DE-PADOUE ― Trois-mâts goélette ― Armement Charles Le Borgne & Cie, Fécamp.

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,

L’engagement du 24 avril 1917


Le Journal de Rouen, n° 157, Mercredi 6 juin 1917, p. 2.

« Combat contre un sous-marin. — Fécamp, 5 juin. — Le capitaine Richard et l’équipage du voilier fécampois Saint-Antoine-de-Padoue, à MM. Charles Le Borgne et Cie vont recevoir deux dons de mille francs, de la part de leur armateur et de la Chambre de commerce de Fécamp, pour les faits suivants :
Alors que le Saint-Antoine, qui est armé d’un canon, naviguait de conserve avec un autre voilier fécam-pois, le Saint-Jacques,
[censuré] les deux bateaux se perdirent de vue pendant la nuit. Le lendemain, le Saint-Jacques fut attaqué et canonné par un sous-marin ennemi. Mais le Saint-Antoine manœuvra pour se rapprocher et canonna à son tour le sous-marin.
Malheureusement,
[censuré] le sous-marin plongea et disparut, sans avoir pu être détruit. L’équipage du Saint-Jacques, qui avait quitté son bord, le réintégra, après constatation que le navire, malgré ses ava-ries, pouvait naviguer, et le Saint-Antoine l’escorta jusqu’à la côte où il put s’échouer en de bonnes con-ditions.
A son retour, le Saint-Antoine rencontra de nouveau un sous-marin qu’il canonna et qui disparut rapi-dement en plongée.
La Chambre de commerce a décidé de demander pour lui la croix de chevalier de la Légion d’honneur. »


L’Ouest-Éclair ― éd. de Caen ―, n° 6.438, 22 juin 1917, p. 4.

« Un équipage récompensé. ― Le capitaine et l’équipage du voilier Saint-Antoine-de-Padoue, à la maison Charles Le Borgne, ont reçu dimanche les gratifications de 1.000 francs accordées par la Chambre de commerce de Fécamp et l’armateur, pour avoir canonné deux sous-marins allemands et avoir sauvé ainsi sept autres voiliers, dont le Saint-Jacques, de Fécamp, également. Cet exploit a fait l’objet d'un communiqué du Ministère de la Marine.
Voici les noms de ces braves gens : Albert Richard, capitaine ; Louis Ladire, second, de Fécamp ; les canonniers Pierre Leroy, de Granville, et Charles Bougon, de Fécamp ; les matelots Dupré, Millet, Duchemin, Hignot, Beaufour et Richard, de Fécamp, et Levionnais, de Saint-Martin-aux-Buneaux, et le mousse Charles Noël, de Saint-Valéry-en-Caux.
On sait que dans le même ordre d'idées, un journal parisien a ouvert une souscription pour les marins du commerce qui luttent contre les sous-marins ennemis. M. Charles Le Borgne a versé 5.000 francs à cette souscription et certains équipages ont reçu des récompenses de 25.000 et même de 30.000 francs. »


Edmond TRANIN : « Les rouliers de la mer (1914~1918) »,
éd. Payot, Paris, 1928, préface de M. Georges Leygue, p. 195.

« Le 24 avril 1917, le petit trois-mâts goélette, appartenant à MM. Leborgne, et commandé par le patron Richard, faisait route au jour levant vers Portland, qu’il pensait atteindre vers midi.
Meilleur marcheur, le Saint-Jacques, avec lequel il devait naviguer de conserve, l’avait distancé dans la nuit.
Mis en éveil par un cargo qui, à quelques milles, paraissait arrêté et lâchait précipitamment sa vapeur, le Saint-Antoine-de-Padoue s’approcha en curieux.
A moins de deux milles, masqué par la masse du gros navire, un sous-marin allemand était en train de régler son compte au Saint-Jacques.
Serrant le vent au plus près, la goélette courut au secours du camarade.
A la première décharge, le canon-revolver, dont l’équipage était si fier, se détraqua. Pendant la réparation, le sous-marin, qui se détachait, majestueusement, à 2.000 mètres, manœuvra pour se présen-ter de pointe, n’offrant ainsi qu’une cible réduite, en lame de couteau.
Semblant néanmoins impressionné par l’audace de ce petit voilier, il plongea promptement, pour ne plus reparaître. »
Dernière modification par Rutilius le dim. mai 23, 2021 1:45 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Michael Lowrey
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Re: SAINT ANTOINE DE PADOUE - Trois mats Goelette

Message par Michael Lowrey »

Bonjour à tous,

J'ai une copie du questionnaire pour le 6 Décembre, 1917 (oui, 6 Décembre, pas Décembre 5) incident. Le sous-marin allemand U 57 était en cause.

Best wishes,
Michael
Rutilius
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SAINT-ANTOINE-DE-PADOUE ― Trois-mâts goélette ― Armement Charles Le Borgne & Cie, Fécamp.

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,
Terraillon Marc a écrit : mer. avr. 30, 2008 12:24 am
« Construit à Saint-Malo en 1895 pour M. Tranquille Monnier, de Fécamp, ce petit navire avait été vendu par la suite à M. Ch. Leborgne, de la même ville, ... »
Il pourrait s'agir de cet armateur, ultérieurement associé au sieur Tubeuf .

Archives commerciales de la France, n° 91, Samedi 9 novembre 1901, p. 1.425.

Acte en date du 22 octobre 1901. ― Formation de la Société en nom collectif Monnier et Tubeuf. ― Objet social : « Armement de navire ». ― Siège social : 77, rue Théagène-Boufart, Fécamp. ― Durée : 3 ans. ― Capital social : 558.000 francs.
Dernière modification par Rutilius le dim. mai 23, 2021 1:55 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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SAINT-ANTOINE-DE-PADOUE ― Trois-mâts goélette ― Armement Charles Le Borgne & Cie, Fécamp.

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,


D’un auteur anonyme : « Des combats de corsaires à la guerre sous-marine ―
Histoire de la famille Le Borgne
», Imp. René Tancrède, Paris, 1921, p. 32 à 38.


« La maison Le Borgne a payé hélas ! son tribu à la guerre sous-marine : deux de ses bateaux, le Saint-Ansbert et le Marie-Louise ont été torpillés et coulés par des sous-marins allemands.
Mais, par contre, ses autres bateaux, le Saint-Antoine-de-Padoue, le Radium, le Charles-Le-Borgne, ont eu leur part de gloire.
[...]

Quant au trois-mâts goélette Saint-Antoine-de-Padoue, il a eu, plus que les autres encore, sa page glorieuse.
Cet humble voilier fécampois de 500 tonnes, affecté au transport du charbon et armé seulement en vue de la défensive, naviguait le 23 avril 1917 à destination de Port-Talbot (Angleterre) de conserve avec le Saint-Jacques, un autre trois-mâts fécampois qui, lui, n’était pas armé. Au cours de la nuit, les deux navires perdirent le contact et ne se retrouvèrent qu’à l’aube. Ils manœuvraient pour se rejoindre, quand soudain, à 18 milles environ de la pointe de Portland, un sous-marin allemand apparut et se mit à canonner le Saint-Jacques. Le Capitaine Richard qui commande le Saint-Antoine-de-Padoue, est dénué d'armement pour l’offensive, mais, fidèle au vieux sang des corsaires qui ne s’est pas refroidi dans les veines de nos marins normands, il ouvre le feu, crânement, sur l’agresseur qui se hâte d'envoyer encore deux obus au Saint-Jacques, puis disparaît sans même répondre au canon du Saint-Antoine. Les deux capitaines se rendent compte que, malgré ses avaries, le Saint-Jacques peut encore naviguer ; on fait remonter à bord l’équipage déjà descendu dans les embarcations et le Saint-Antoine escorte son camarade blessé, jusqu’à la côte anglaise, où, sous la protection des patrouilleurs britanniques, celui-ci peut s’échouer sans accident.
Cela se passait dans la matinée du 24 avril ; or, le 6 mai suivant, au lever du jour, le même capitaine Richard vient de quitter Briton-Ferry (Angleterre) sur le même Saint-Antoine-de-Padoue, chargé de charbon à destination de Fécamp. Il se trouve à 4 milles de terre, auprès de la baie de Saint-Yves, en compagnie de 6 voiliers anglais non armés. Soudain, le timonier découvre à la jumelle à 3 milles au N.-O., un sous-marin d’une longueur d’environ 100 mètres. Malgré l’infériorité de son armement le Capitaine Richard, pour sauver les 6 voiliers en donnant l’alarme aux patrouilleurs anglais qui ne sauraient être loin, ouvre le feu sur le monstre qui, au premier obus, disparaît. Un destroyer anglais arrive à toute vapeur ;
l’ennemi a échappé au châtiment, mais les 6 navires sont sauvés.
La
Chambre de Commerce de Fécamp, dans sa séance du 1er juin 1917, après avoir voté à l’équipage du Saint-Antoine une prime de 1.000 francs (aussitôt doublée par M. Charles Le Borgne), décida de demander au Gouvernement une distinction pour le Capitaine Richard qui, en moins de deux semaines venait de sauver d’une destruction quasi-certaine, 7 navires, des chargements attendus par nos usines de guerre et de nombreuses vies humaines.
Aux primes ci-dessus est venue s’ajouter une somme de 25.000 Fr. votée par le
Comité de Répartition des fonds de la souscription ouverte par le Journal, en faveur des héros de la Marine Marchande.
Effectivement le Capitaine Richard fut décoré de la Médaille Militaire et ses matelots reçurent la Croix de Guerre.
Le 3 juillet 1917, la remise de cette prime fut effectuée à bord du voilier Saint-Antoine-de-Padoue, amarré au quai Sadi-Carnot. La cérémonie fut à la fois solennelle, simple et touchante : solennelle par suite de la présence des autorités, simple, puisqu’elle se passait sur le pont même du vaillant bateau, et touchante, puisqu’elle glorifiait 13 braves marins qui ont défendu et sauvé, au péril de leur vie, plusieurs voiliers français et anglais.
Dans une autre circonstance, le 12 août 1917, vers minuit, le vaillant petit navire attaqué à la mitrailleuse et au canon par un sous-marin, manœuvra si habilement et riposta si rigoureusement que l’ennemi se retira. A cette occasion, le
Comité de Répartition des fonds de la souscription accorda au Saint-Antoine, une prime de 1.600 francs, et dans le compte-rendu de la séance du Comité (Le Journal, 2 décembre 1917) le Secrétaire Général, après avoir rappelé que le trois-mâts goélette Saint-Antoine-de-Padoue, est un " chevronné de la guerre contre les sous-marins allemands ", et avoir rendu hommage à " l’héroïque Capitaine Richard ", ajoutait : " le nom de ce bateau figurera en bonne place dans les Annales Maritimes de la grande guerre ".
Enfin, une troisième fois, le Saint-Antoine-de-Padoue eut à supporter l’attaque d'un sous-marin et s’en tira brillamment. Le journal L’Illustration en fit un récit enthousiaste dans son numéro du 28 juillet 1917, sous le titre : " UN VOILIER QUI A DU CRAN ", et M. Raymond Lestonnat en conta le détail aux lecteurs de L'Intransigeant, à la date du 14 février 1918, en un article à la fois émouvant et humoristique, que nous ne saurions mieux faire que de reproduire " :

LA GLOIRE ET LE FOYER
LE BEAU COMBAT DU SAINT-ANTOINE

Ceci n’est pas une fable, et c’est trop beau pour un conte.
Le Ministre de la Marine vient d’accorder un témoignage officiel de satisfaction au trois-mâts goélette Saint-Antoine-de-Padoue, de Fécamp, pour l’attitude énergique et disciplinée de son équipage, lors d’une attaque de sous-marin le 6 décembre 1917. Déjà le brave petit navire avait été l'objet de deux citations magnifiques en récompense de la bravoure de son équipage ; la première, après deux combats soutenus avec succès, pendant la même traversée, contre des sous-marins puissamment armés, pour porter secours à toute une flottille de caboteurs anglais sans défense, qui échappèrent ainsi aux pirates. A la suite de ce brillant fait d’armes, le Capitaine Richard fut décoré de la Médaille Militaire et ses matelots de la Croix de guerre.
Cette fois, le Saint-Antoine-de-Padoue était parti de Briton-Ferry avec un chargement pour Fécamp. Il ventait jolie brise de Sud-Est ; la mer était houleuse. Au petit jour, le lendemain, le vent fraîchit en hâlant le Sud. Vers neuf heures, au moment où les hommes changent le loc dont la ralingue s’est rompue, une forte détonation éclate à l’arrière et un obus, passant en sifflant à travers le gréement, tombe à deux cents mètres de l’avant du navire.
On ne s’émeut pas pour si peu sur ce bateau, vieux briscard de la Manche. En un clin d’œil, chacun est au poste de combat et les obus partent à « l’adresse » du sous-marin que l’on aperçoit à quatre mille mètres et qu’ils encadrent si bien qu’il juge prudent de plonger après un quart d’heure de canonnade. Peu de temps après, il apparaît de nouveau, plus loin sur l’arrière, et le combat recommence avec acharnement.
Le tir de l’ennemi est bien réglé ; les obus pleuvent autour du voilier qui louvoie, changeant fréquemment d’amures pour dérégler le tir tout en faisant feu de ses deux canons. Le pont est arrosé d’éclats. Le canon de l’arrière est avarié et, pendant qu’on le répare sous la mitraille, le bateau est obligé de se placer dans une position désavantageuse pour continuer de se défendre avec celui de l’avant.
A midi, un projectile traverse le pont et explose dans le poste d’équipage, occasionnant de graves avaries, et le matelot Verdier, qui s’y trouve occupé à passer les munitions, est grièvement blessé. La canonnade continue, précipitamment ; on dirait que l’ennemi est impatient de couler son héroïque adversaire, qui se défend farouchement. Tout à coup, le sous-marin plonge, ayant aperçu un avion naval accourant à tire-d’aile — si j’ose dire — au secours du voilier. Puis un patrouilleur britannique, attiré aussi par le bruit du canon, étant survenu, le sous-marin ne reparaît plus. Il est midi un quart. Pendant ce rude combat, quatre-vingts obus de 105 ont été tirés sur le voilier, qui a riposté par cent trente coups de canon.
Le Saint-Antoine-de-Padoue, profitant d'une belle brise du Sud-Ouest, mit le cap sur Fécamp, où il arriva sans autre incident. Après avoir débarqué sa cargaison, on entreprit les réparations des dégâts causés par les projectiles ennemis et ce fut, pour l’équipage, l’occasion de demeurer plus longtemps à terre et de s’occuper un peu de ses propres affaires.
Par un heureux hasard, cette « perm » inespérée coïncidait avec l’assemblée générale de la Ligue Maritime Française, au cours de laquelle des médailles devaient être remises aux marins s’étant distingués dans la lutte contre les sous-marins ennemis ; le Capitaine Richard était sur la liste des lauréats et son armateur M. Charles Le Borgne, en avait été avisé. Il pensa incontinent le faire venir à Paris et l’appela au téléphone.

— Allô ! C’est vous, Richard ?
— Oui, monsieur Le Borgne.
— Comment, ça va-t-il ?
— Ça pourrait aller mieux. Les travaux n’avancent pas vite. Les avaries sont plus fortes qu’on ne croyait. On est au sec pour longtemps.
— Voulez-vous venir ici dimanche ? Vous descendrez à la maison. La Ligue Maritime vous remettra une médaille en récompense de votre héroïque conduite.
— Je n’ai fait que mon devoir ; n’en parlons plus.
— Le Ministre de la Marine présidera.
— Il est bien aimable.
— Le Président de la République assistera à la séance.
— Alors il y aura beaucoup de monde.
— Vous en serez ?
— Non, non. Remerciez bien tous ces messieurs, mais je ne peux venir en ce moment.
— Qui vous en empêche ?
— Je fais mon cidre.

L’armateur, normand de race comme son capitaine, n’insista pas. Quand un Normand fait son cidre, rien ne peut le distraire, parce que, dans ce beau et plantureux pays, le cidre est de la famille et que le foyer passe avant tout.
Et, le dimanche, pendant qu’à la Sorbonne un monsieur prononçait un discours éloquent, qu’une sociétaire de la Comédie Française disait un émouvant poème et que la musique de la garde républicaine emballait la foule par une rafale de notes guerrières, le capitaine Richard, en bras de chemise, dans la cour de sa maison, faisait son cidre avec un plus grand soin que d’ordinaire, parce que ce sera, il n’en doute pas, le cidre de la Victoire."

RAYMOND LESTONNAT.

La revue mensuelle illustrée La France Maritime publie le tableau d'honneur des navires de commerce qui se sont distingués contre les sous-marins allemands, et elle leur décerne à chacun un diplôme. Voici en quels termes elle parlait, en juillet 1918, du Saint-Antoine-de-Padoue et de ses trois combats :

" 1°— Le 24 avril 1917, il force l’ennemi à plonger et sauve le voilier Saint-Jacques qui, sans armes et touché par des obus, avait été évacué par son équipage ;

2° — Le 12 août 1917, dans un combat de nuit, force, par son tir, un sous-marin à abandonner son attaque ;

3° — Le 6 décembre 1917, lutte au canon pendant plus d’une heure contre un sous-marin qui le couvre d’obus et blesse un homme. L’ennemi n'abandonne le combat qu’au moment où un hydravion anglais arrive sur les lieux. »

L’envoi du diplôme est accompagné de la note suivante :

" La revue mensuelle La France Maritime, est heureuse d’offrir le présent diplôme au vaillant voilier Saint-Antoine-de-Padoue, armateur M. Charles Le Borgne, de Fécamp, en souvenir de son héroïque conduite en mer." »
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Dernière modification par Rutilius le mar. oct. 11, 2022 8:14 am, modifié 2 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
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Terraillon Marc
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Re: SAINT ANTOINE DE PADOUE - Trois mats Goelette

Message par Terraillon Marc »

Bonjour

Le navire a l'indice (1) dans la base de données

A bientot
Cordialement
Marc TERRAILLON

A la recherche du 17e RIT, des 166/366e RI et du 12e Hussards.
alain13
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Re: SAINT ANTOINE DE PADOUE - Trois mats Goelette

Message par alain13 »

Bonjour à tous,

Le combat du 6 décembre 1916 évoqué par le capitaine Richard :

" ...Le mardi 4 décembre, j'avais quitté Britton-Ferry avec 300 tonnes de charbon à destination de Fécamp. Il vantait jolie brise de la partie Sued. Fait appareiller toutes voiles dessus. A peine avais-je quitté les balises que le vent passe au Sud. J'ai tout de même pu enlever de ma bordée la pointe des Mumbles. La mer était très houleuse, et le navire avait autant de dérive que de route.
Le même soir, je passai à 8 milles Ouest de Lundy.
Toute la nuit et la journée du 5, j'ai couru les mêmes amures, portant le cap au S.-O. 1/4 O et à l'O.-Suroît. Le soir, il calmit. A 20 heures, le vent change et prend à l'O.-S.-O. Je change d'amures, mais c'est à peine si le navire a gouverné dans la nuit. Le temps était brumeux.
Aperçu aucun navire au petit jour.
Le lendemain, le vent fraîchit, haland du Sud, portant le cap au S.1/4 S.E. et S.-Sued. A 9 heures du matin, je fais déverguer le clin-foc dont la ralingue s'était rompue la veille, et l'on dispose l'autre pour enverguer.
Un homme monté sur le bout-dehors aperçoit la terre. Il me prévient et je relève la Tour du Round Island, à 15 milles au S.-S.-O.
Les hommes commencent à enverguer le foc. Quatre envergures étant passées, on entend une détonation venant de tribord devant, à 200 mètres environ. Je fais rentrer les hommes et les place aux postes de combat.
Un deuxième coup éclate et j'aperçois un bloc de fumée en l'air, et en même temps le sous-marin à moitié en surface à environ 400 mètres. Je ne voyais que le capot et un avant massif comme une forme de gaillard.
Aussitôt on lui répond, à 10 heures 40.
Le combat dure un quart d'heure. Nos obus tombaient près de lui. Peut-être se trouvait-il mal; il a plongé pendant un quart d'heure.
Il reparait cette fois plus éloigné, toute sa coque hors de l'eau, et recommence le combat avec plus d'acharnement, toujours se tenant sur notre arrière. Nous autres, on le tenait le plus possible en zigzag pour déjouer son tir, mais pour nous il était hors de portée. Plus de trente obus sont tombés près du navire couvrant le pont d'éclats.
A 11 heures 50, un obus tombe sur le pont qu'il traverse et explose dans le poste AV. Verdières, qui était dans le logement pour passer les obus, est arrosé. Il se tord par terre, mais on n'a pas le temps de penser à lui. Le sous-marin ne cessait pas le combat et nous non plus. Son tir était bien réglé sans cependant arriver à nous toucher. A 12 heures 15 arrive un hydravion. Il était temps, car je crois qu'il aurait eu le dernier mot, sa pièce étant très grosse et ayant plus de portée du double que les nôtres, et celle de l'arrière hors de combat.
A Seven Stones, un patrouilleur a pris mon blessé. J'ai doublé Lisard à 20 heures. A 22 heures, j'ai reçu des instructions par le trvers de Falmouth, pour y arrêter. Mais ayant jolie brise du S.-O. avec beau temps et craignant pour le navire qui avait son avant disloqué, j'ai continué ma route vers ma destination où je suis arrivé sans rien d'anormal à signaler." ( Les Rouliers De La Mer, d'Edmond Tranin).

Ici c'est plutôt le 6 que le 5 !

Cordialement,
Alain
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