Bonjour à tous,
LA PEROUSE
Attaques par sous-marins. Juillet 1917. Rapport du capitaine
Quitté Le Havre le 17 Juillet 1917 à 20h30 à destination de New York avec un chargement de divers. Mouillé sur rade à 21h00 d’après les instructions du Front de Mer. Embarqué un pilote de la >Flotte et appareillé le 18 à 21h00 pour Cherbourg. Mouillé le 19 à 06h20 et appareillé à 09h30 en convoi spécial avec CHAMPLAIN et AMIRAL OLRY. Fait route suivant les instructions du pilote.
Le 19 Juillet à 22h10, à 2,5 milles au S23W du phare des Triagoz, aperçu le sillage d’une torpille par tribord, à 15° de l’arrière du travers, à 150m. Mis la barre toute à gauche et demander à la machine de monter au maximum. Le navire vient sur bâbord et augmente instantanément sa vitesse et la torpille passe à quelques mètres sur l’arrière. Les canonniers sont aux postes de combat, mais la fin du crépuscule ne permet pas de distinguer le périscope. Signalé aux navires du convoi de venir sur bâbord et hissé à mi-drisse le grand pavillon national. Envoyé les signaux TSF réglementaires. Les vapeurs qui nous suivent exécutent immédiatement la manœuvre, ce qui les met hors de portée du sous-marin.
Gouverné jusqu’à 22h30 selon mes instructions, puis selon les conseils du pilote pour se tenir aussi près que possible des roches. C’est le pilote de la Flotte LE ROHEC qui a vu le premier la torpille et m’a aussitôt prévenu car j’étais à ses côtés à la passerelle.
Mouillé à 07h20 le 20 Juillet sur rade de Berthaume. Appareillé à 17h00 et quitté le convoi de Belle Ile à 21h00 par le travers de Penmarch.
Le 21 Juillet à 08h25, la vigie signale un sillage de torpille par tribord à 10° sur l’arrière du travers, à 250m. Mis la barre toute à gauche et augmenté l’allure au maximum. Le navire vient aussitôt et la torpille passe à 2 mètres sur l’arrière. On aperçoit, parmi quelques débris d’épave, le périscope du sous-marin que l’on canonne. Le 4e obus est en bonne direction et tombe à 60 m sur l’avant du sous-marin sans ricocher. Le périscope disparaît, puis réapparaît à 20h40 à trois quarts sur bâbord arrière. Nouveau canonnage du sous-marin qui abandonne aussitôt la chasse. Gouverné jusqu’à 09h00 suivant mes instructions, puis revenu en route.
La position était 49°52 N et 07°21 W. Pas de navires en vue.
Pendant ces deux attaques, je n’ai eu qu’à me louer de mes officiers, des canonniers et de mon équipage. Ils ont été d’un calme parfait et d’une conduite admirable. Le personnel mécanicien a réagi avec une rapidité qui a fait échouer les deux attaques.
Fin de la traversée sans incident.
Beau temps jusqu’au 24 Juillet, puis mer grosse le 25, avec vent de NW et temps à grains. Roulis et tangage très durs. Nouveau coup de vent le 28 puis amélioration le 29.
Aperçu la terre de Long Island à 18h35 le 1er Août et pris le pilote d’Ambrose à minuit 10. Mouillé sur rade de quarantaine.
Rapport de l’officier AMBC
Armement du navire :
Deux canons de 14 cm matricule 81, mis en place à l’arrière à Dunkerque.
Officier de tir CHARRIER Ludovic
Pièce tribord n° 16
DAGORNE Hippolyte QM canonnier chef de pièce
LE COGNIO Albert Canonnier breveté servant de culasse
PELLET Henri servant
Pièce bâbord n° 24
GRALL Pierre QM Canonnier chef de pièce
BOUSSARD Joseph canonnier breveté servant de culasse
POTIER Henri Sans spécialité servant
1ère attaque
Seule la pièce tribord a tiré à 22h10, sur l’origine de la trajectoire de la torpille, sans point à viser. 1 seul coup, hausse 1400 m, faux guidon en place
2e attaque
Seule la pièce tribord a tiré à 08h27. 9 coups à raison de 3 par minute.
Hausse initiale 1000 m. Dérive 95. Périscope visible à 150° tribord. Chrono-télémétrie aussitôt déclenchée par l’officier de tir.
1. Hausse 1000 m. Court
2. Hausse 1000 m. Court
3. Hausse 1000 m. Court
4. Hausse 1000 m. Supposé au but. Le périscope disparaît. Les coups suivants ont été tirés avec la même hausse.
Le capitaine se plaint que les canons sont trop en retrait. Les deux pièces ne peuvent tirer en même temps sur un but exactement dans l’axe.
Rapport de la commission d’enquête
Le rapport de mer du capitaine Quimper est très complet et donne un historique très net des deux actions. La veille était faite avec grand soin et le capitaine s’attendait à une attaque du côté des Triagoz. Signaux de détresse TSF faits correctement avec le poste de secours assez puissant pour une portée de 150 milles.
Conclusions
La commission est heureuse de reconnaître que tout l’équipage était bien préparé pour le combat. La veille était extrêmement bien faite et très importante puisqu’il y avait 6 hommes en plus de l’officier de quart. Tout le monde a fait preuve de sang froid. La commission joint au présent rapport des TOS pour le capitaine et pour son second.
Elle attire toutefois l’attention des Autorités sur les désordres dont les Indigènes embarqués sur les navires de commerce sont généralement la cause. Le manque de bravoure et de sang froid causent parfois de troubles très graves, comme sur AMIRAL OLRY.
Ainsi, au 1er voyage du LA PEROUSE, le capitaine avait fait un exercice imprévu pour entraînement de l’équipage. Il avait donné le signal d’alerte, accompagné d’un coup de canon. Les Sénégalais, qui étaient alors une vingtaine dans le personnel de la chaufferie, se précipitèrent tous sur le pont et sautèrent dans les embarcations, abandonnant tous leurs outils aux officiers mécaniciens qui durent chauffer eux-mêmes pour augmenter la vitesse. Le capitaine dut montrer son revolver pour les faire redescendre.
Une telle panique lors d’une fausse alerte peut devenir tragique dans le cas d’une attaque réelle.
Récompenses
Citation à l’Ordre du Régiment
QUIMPER Louis Narcisse LV auxiliaire Paimpol 147
Son navire ayant été attaqué deux fois à la torpille, a fait preuve d’énergie et de qualités manœuvrières qui lui ont permis de conserver son bâtiment.
Témoignage Officiel de Satisfaction
BUGAULT Guillaume 2e capitaine Saint Malo 649
Pour l’énergie et l’entrain dont il a fait preuve en défendant son navire attaqué par un sous-marin.
Témoignage Officiel de Satisfaction et prime de 200 francs
LE ROHEC Pilote de la Flotte
COUSIN Marcel Matelot Le Havre 10641
Ont signalé une attaque à la torpille assez à temps pour permettre de manœuvrer et d’échapper à l’ennemi.
Les sous-marins attaquants
Pour l’attaque du 19 Juillet, il s’agissait de l’UC 48 de l’Oblt Kurt RAMIEN. Il patrouillait alors dans les parages de l’île de Batz et avait successivement coulé les jours précédents l’Américain FLORENCE CREADICK et les Anglais WEASTMEATH et HENRY JAMES. C’est sans doute la raison pour laquelle le capitaine Quimper se méfiait tout particulièrement de ces parages.
Pour l’attaque du 21 Juillet, le sous-marin est plus difficilement identifiable car plusieurs types U patrouillaient sur la zone située dans l’Ouest de la Cornouaille. Il y avait notamment U 45 d’Eric SITTENFELD, U 46 de Leo HILLEBRAND, U 96 d’Heinrich JESS. Mais la position très précise donnée par le capitaine Quimper, qui le met à 60 milles environ dans l’Ouest de Bishop Rock, pourrait faire penser à l’U 54 du Kptlt Kurt HEESELER. C’était peut-être le plus proche de cette position où il semble avoir eu l’habitude de stationner. Mais on ne trouve rien sur lui avant le 23 Juillet. Peut-être le KTB de ce sous-marin apporterait-il des éclaircissements
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Cdlt