KLEBER - Trois-mâts goélette

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Ar Brav
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Re: KLEBER - Trois-mâts goélette

Message par Ar Brav »

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Ar Brav
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Re: KLEBER - Trois-mâts goélette

Message par Ar Brav »

Bonjour à tous,

LA SOUSCRIPTION NATIONALE DU " JOURNAL " : 601 900 francs ont été répartis entre les héros de la mer.

Le comité de répartition des fonds de la souscription nationale ouverte pour encourager les équipages des navires marchands français à se défendre contre les sous-marins ennemis et récompenser ceux d' entre eux qui se distinguent dans cette lutte vient de se réunir, au Journal, sous la présidence de M. le vice-amiral Fournier.
Il a voté, tout d'abord, un supplément de primes de 1 600 francs, à attribuer au vapeur Amiral-Ponty, de la Société des Chargeurs Réunis, dont l'effectif de l'équipage est supérieur à celui qui avait été originairement indiqué et d'après lequel les primes avaient été calculées. Le comité, ensuite, a pris connaissance des rapports établis d'après les enquêtes faites par l'état-major général de la Marine, sur les rencontres de navires marchands et de sous-marins ennemis, et il a voté des primes en faveur d'officier et hommes d'équipage embarqués sur les navires suivants :

Vapeur Flandre : 1 500 francs
Vapeur Guéthary : 1 900 francs
Vapeur Suzanne-et-Marie : 400 francs
Pétrolier Radioléine : 11 100 francs
Chalutier Saint Mathieu : 4 600 francs
Vapeur Thérèse-et-Marie : 200 francs
Vapeur Dives : 3 400 francs
Vapeur Sahara : 500 francs
Trois-mâts-goélette Kléber : 23 000 francs
Vapeur Léopold-Dor : 400 francs
Vapeur Circé : 1 800 francs
Quatre-mâts Marthe : 13 600 francs
Trois-mâts Madeleine II : 32 000 francs

Sous-total : 96 400 francs

Vapeur Amiral Ponty (supplém.) : 1 600 francs

Total : 98 000 francs.

Le vapeur Flandre, de la Société Générale de Transports Maritimes à Vapeur, rencontrant, le 3 juillet 1917, un sous-marin qui le canonna à grande distance, riposta avec succès.
Le vapeur Guéthary, de la Société des Chargeurs Français, attaqué par un sous-marin, le 5 août, le contraignit à plonger et à abandonner la poursuite.
Le vapeur Suzanne-et-Marie, à MM. Worms et Cie, le 6 août, parvint, grâce à son artillerie, à empêcher un sous-marin d'émerger.
Le pétrolier Radioléine, de la Société Pétrole-Transports, fut, le 23 juillet, torpillé à la tombée de la nuit. L’inclinaison augmentant très vite, le capitaine fit procéder à l'évacuation et maintint ses embarcations autour de l'épave dérivante. Au jour, constatant que son navire flottait encore, il fit remonter son équipage à bord et parvint à rallier Queenstown.
Le chalutier Saint Mathieu, à MM. Caillé et Cie. Armé d'un seul canon de 47 mm, se rendant sur les lieux de pêche, le 12 juillet, entendit le bruit du canon et fit route dans sa direction. Il aperçut un grand cargo ayant le feu à l'arrière et que son équipage était en train d'abandonner. A ce moment, le chalutier vit apparaître le sous-marin, l’attaqua et le mit en fuite.
Le vapeur Thérèse-et-Marie, à MM. Worms et Cie., le 26 juillet, naviguant en tête d'un convoi, aperçut un sous-marin et le força à plonger. Le vapeur Dives, de la Compagnie Générale Transatlantique, attaqué à grande distance, le 1er août, par un sous-marin, riposta énergiquement et parvint à se faire abandonner.
Le vapeur Sahara, de la Société des Affréteurs Réunis, attaqué, le 17 juin 1917, par un sous-marin maquillé en chalutier, contraignit l'ennemi à s'immerger.
Le trois-mâts-goélette Kléber, à M. Chevalier, attaqué, le 7 septembre, par un sous-marin à 8 000 mètres, eut son capitaine et son second tués au début de l'action, mais celle-ci, conçue par le second, se déroula sous le commandement du maitre d'équipage. Quatre hommes simulent l'abandon du navire, de façon que l'ennemi s'en rapproche ; alors, le Kléber attaque hardiment. Le sous-marin plonge si rapidement qu'il abandonne un de ses canonniers avec les quatre hommes du Kléber qu'il avait embarqués sur son pont. Ceux-ci rallient leur embarcation et sauvent le marin allemand. Pendant ce temps, le voilier avait fait route avec ses héroïques défenseurs et gagné Groix. Lorsque le sous-marin émergea dans la nuit, il accosta l'embarcation, reprit son canonnier et s'éloigna.
Le vapeur Léopold-Dor, de la Société des Affréteurs Réunis, réussit, le 6 août, à se faire abandonner par un sous-marin qui le poursuivait.
Le vapeur Circé, à MM. Gaston Lamy et Cie., se défendit habilement contre un sous-marin, le 13 juillet.
Le quatre-mâts Marthe, à MM. Ant. Dom. Bordes et Fils, le 2 août, était attaqué par un sous-marin ; il riposta et le combat dura près d'une heure. Le voilier, atteint une trentaine de fois dans sa coque et son gréement, dut être évacué.
Le trois-mâts Madeleine II, à MM. Ant. Dom. Bordes et Fils, fut attaqué au canon, le 31 juillet, par un sous-marin. Le combat commença à 8 000 mètres et 200 obus furent tirés par le voilier, qui, pris par le calme étant sous voiles, offrait une cible facile à l'ennemi, qui tira plus de 300 obus, dont l'un, après une heure et demie de lutte, détermina explosion des armoires à munitions, tuant et blessant plusieurs hommes. L'évacuation se fit à l'aide d'un radeau et de la seconde baleinière.
Les primes sont payées aux ayants droit par MM. les administrateurs de l'Inscription Maritime, dans le port d'armement de chaque navire.
A ce jour, le montant des primes allouées aux héros de la mer s'élève à 601 900 francs.
Le total de la souscription, y compris les sommes reçues depuis la dernière publication, s’élève à 1 175 927 fr.75
Le montant des primes allouées étant de 601 900 fr 00
Il reste disponible à ce jour 574 027 fr 75.

Remerciements :
M. Christian Labellie, de Pléneuf, pour la transmission de ces documents
M. Michel Grimaud, chercheur et passionné d'histoire régionale à Pléneuf, pour la rédaction et la mise à disposition de ses recherches.


Cordialement,
Franck
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olivier 12
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Re: KLEBER - Trois-mâts goélette

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Voici les caractéristiques du trois-mâts goélette KLEBER, relevées sur son rôle de 1914-15

Image

Cdlt
olivier
Memgam
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Re: KLEBER - Trois-mâts goélette

Message par Memgam »

Bonjour,

Complément iconographique pour remplacer les photos disparues du sujet.

Source : Ceux du voilier Kléber, Louwick, L'Illustration n° 3893 du 13 octobre 1917, pages 359 à 364.

Cordialement.

ImageImageImage
Memgam
chrisgui
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Re: KLEBER - Trois-mâts goélette

Message par chrisgui »

bonjour, je suis l'arrière petit fils de paul Monnier, lhistoire raconté sur le sous marin allemand coulé n'est pas toute a fait exact, mon arriere grand père a reçu la légion d'honneur pour cette térrible bataille. je dispose de tout les éléments relatif a cette bataille (les fait réel) ainssi que la légion d'honneur et les médailles de mon arriere grand père. Pour information il est entérer au cimetiere de "toute aides" a St Nazaire en loire atlantique, sa tombe represente le pont du bateau incliné et en guise de crois c'est le mat du bateau qui a était brisée pendant la bataille qui a était représenté, dessus a était gravé le nom des membres de l'équipage et la reproduction en bronze de ces médaille qui depuis ont était volé. je serai heureus de vous fournir de plus ample renseignement si ça vous intéresse. bonne soirée a vous tous.
Rutilius
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KLÉBER ― Trois-mâts goélette ― Armement Joseph Chevalier, Cancale.

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,


Distinctions honorifiques conférées consécutivement
à l’engagement du 7 septembre 1917


Citations à l’ordre de l’armée

Journal officiel du 5 octobre 1917, p. 7.915.

J.O. 5-X-1917 - 1 -  - .jpg
J.O. 5-X-1917 - 1 - - .jpg (91.7 Kio) Consulté 1691 fois

Inscriptions aux tableaux spéciaux de la Légion d'honneur
et de la Médaille militaire

Journal officiel du 5 octobre 1917, p. 7.915.

J.O. 5-X-1917 - 2 -  - .jpg
J.O. 5-X-1917 - 2 - - .jpg (116.63 Kio) Consulté 1691 fois

□ Par arrêté du Ministre de la Marine en date 28 juillet 1921 (J.O. 10 août 1921, p. 9.408), le matelot Prosper Joseph LETOUZÉ fut inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire dans les termes suivants : « Letouzé (Prosper-Joseph), Granville 10609, matelot : très belle conduite lors du combat du voilier Kléber contre un sous-marin. Une citation. »

Nominations à titre posthume au grade de chevalier
dans l’Ordre de la Légion d’honneur

□ Par décret du Président de la République en date du 16 avril 1919 (J.O. 19 avr. 1919, p. 4.115), pris sur le rapport du Ministre de la Marine, le capitaine Ernest LEFAUVE et le second capitaine Théophile PLESSIX furent conjointement nommés à titre posthume au grade de chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur dans les termes suivants : « Ont donné l’exemple du courage à leur équipage en acceptant la lutte avec un sous-marin supérieu-rement armé. Tués à leur poste (Journal officiel du 3 octobre 1917). »

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Dernière modification par Rutilius le dim. janv. 07, 2024 9:51 am, modifié 4 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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KLÉBER ― Trois-mâts goélette ― Armement Joseph Chevalier, Cancale.

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,


Récompenses particulières décernées consécutivement
à l’engagement du 7 septembre 1917



Société centrale de sauvetage des naufragés

Société centrale de sauvetage des naufragés ~ Annales du sauvetage maritime,
Année 1917, 3e et 4e trim., p. 138 et s., en rubrique « Sorties des canots de sauvetage ».


« ÎLE DE GROIX (Morbihan).

9 septembre 1917.

J’ai l’honneur de vous soumettre le rapport que m’adresse le sous-patron Bihan (Gildas) patron du canot en l’absence du titulaire sur la sortie effectuée par lui le 8 septembre courant.

Le 8 septembre 1917, l’Administrateur de la Marine à Groix me faisait parvenir le télégramme suivant du Sémaphore de Fort-Lacroix :
" Un trois mâts goélette français mouillé près du poste demande secours im-médiat. — Prière aviser canot de sauvetage. — Préfecture prévenue."
Le canot fut aussitôt mis à la mer et à 8 h. ½ du matin arrivait dans les parages signalés. J’accostai le trois-mâts qui demandait du secours et montai à son bord. C’était le Kléber du port de Cancale avec un chargement de charbon, il venait d’Angleterre et se rendait à La Rochelle. Un bien triste spectacle s’offrit à ma vue : le Capitaine et le second étaient étendus sur le pont tués net à leur poste par des éclats d’obus. Dans la soirée du 8, à 6 h. 35 du soir, le Kléber avait été attaqué par un sous-marin ennemi et avait engagé le combat avec lui. Durant deux heures il avait bravement combattu. Les deux servants de la pièce étant grièvement blessés, les deux seuls matelots qui restaient continuèrent courageusement la lutte. Les deux canonniers revenus de leur évanouissement revinrent ensuite à leur pièce et continuèrent à tirer jusqu'à la dernière extrémité pendant que les deux matelots manœuvraient le navire.
Deux patrouilleurs du port de Lorient arrivaient près du Kléber peu de temps après nous. Le Capitaine de l’un d’eux me pria d’en prendre le commandement. J’acceptai avec empressement et je montai à bord avec 8 de mes canotiers ; trois autres restèrent dans le canot que je fis amarrer à l’arrière du Kléber.
Nous avons viré l’ancre et avons été pris à la remorque par les patrouilleurs jusqu’en rade du Port-Louis.
Le Commandant du front de mer vint alors m’informer qu’il fallait mouiller le trois-mâts en rade du Port-Louis et mettre immédiatement à terre les deux blessés pour qu’ils soient hospitalisés à l’hôpital maritime de cette dernière ville. En cours de route, j’avais fait déposer le pavillon national sur les dépouilles des deux officiers du bord voulant rendre ainsi au nom de la Société un hommage de respect et d’admiration pour le courage qu’ils avaient déployé dans ce combat inégal.
J’avais précédemment pris soin des deux canonniers blessés et les avais réconfortés par tous les moyens en mon pouvoir.
Après avoir mis un peu d’ordre sur le pont et considérant ma mission comme terminée, je fis voile sur Groix et j’arrivai à Port-Tudy à une heure de l’après-midi.

Le Président du Comité de Sauvetage,
Bihan,
Capitaine au Cabotage.


Quelque temps après, le Président de la République, accompagné de M. Chaumet, ministre de la marine, s’est rendu à Lorient où il a remis la croix de la Légion d’honneur au maître d’équipage Monnier, de la goélette Kléber, et des médailles militaires à plusieurs matelots.
A l'occasion de cette cérémonie, il a félicité en ces termes l’armée navale et la marine de commerce :


" Messieurs,

L’un des devoirs les plus doux et les plus sacrés qui puissent incomber au Président de la République est d’exprimer à tous les défenseurs du pays la reconnaissance nationale. Depuis que l’Allemagne impériale a entrepris contre des peuples innocents et pacifiques cette horrible guerre de conquête et de domination, je me suis rendu le plus souvent possible, trop rarement encore à mon gré, au milieu de nos vaillantes armées de terre ; j'ai visité leurs cantonnements et leurs tranchées, j’ai vécu familièrement auprès des troupes, et je leur ai ainsi donné un témoignage presque permanent de la sollicitude et de l’admiration des pouvoirs publics.
Combien de fois n’ai-je pas regretté de ne pas trouver aussi facilement l’occasion d’offrir à notre armée navale et à notre marine de commerce le tribut d’hommages qu’elles n’ont cessé de mériter !
Si j’ai envoyé de loin à nos escadres les félicitations de la France et de ses alliés ; si j’ai vu à l’œuvre, dans les dunes de Belgique, l’héroïque phalange des fusiliers marins, j’ai eu la tristesse de n’avoir pas, depuis le début des hostilités, partagé la vie de nos équipages. Le dernier souvenir que m’ait laissé la fréquentation de nos marins remonte à la veille de la guerre. J’étais sur la Baltique, à bord d'un cuirassé, lorsque l’Autriche remettait son ultimatum à la Serbie, et que les empires du centre nouaient les suprêmes intrigues pour faire avorter, dans les chancelleries européennes, tous les efforts de conciliation. Aux vagues échos que la télégraphie sans fil nous apportait de la terre, j’ai senti, en ces heures mortelles, vibrer le cœur des Officiers et des matelots.
Depuis lors, l’espace nous a séparés ; mais ma pensée est restée constamment auprès d’eux.
Comment, en effet, ne pas songer sans cesse à la tâche ingrate et sublime que, sur les petites comme sur les grandes unités, sur les navires marchands comme sur les navires de guerre, ils accomplissent tous au service de la France ? Noble impatience des grands bâtiments à qui pèse l’immobilité des stations prolongées et qui réclament vainement, jusqu’ici, l’honneur des combats ; attention perpétuellement tendue des torpilleurs, des chalutiers, des patrouilleurs de toutes sortes, qui protègent contre les écumeurs de la mer les transports de nos troupes et le ravitaillement des nations alliées ; audace de nos sous-marins qui vont chercher, au fond de ses rades, l’ennemi qui s’y dérobe ; magnifique courage de tant de braves gens qui exposent leur vie à tout instant sans savoir à espérer la consolation de la gloire, ni même le repos de la tombe : quel mépris du danger, quelle force de dévouement, quel esprit de sacrifice n’exige pas chez nos marins cette lutte de tous les jours et de toutes les nuits contre les pirates de la Méditerranée et de l’Océan !
Un splendide exemple de ces hautes vertus a été donné, le 7 septembre dernier, par l’équipage du trois-mâts Kléber, de Cancale. Les braves qui montaient cette goélette bretonne se sont montrés dignes du grand général alsacien, dont elle porte le nom glorieux. Le capitaine Le Faure, et le second Plessix, tués par les projectiles ennemis, les servants de la pièce de 47 qui armait le navire, le maître Monnier, qui, ayant ordonné une évacuation simulée, est resté à bord avec un seul homme valide, deux blessés et deux morts, pour attendre le sous-marin et ouvrir le feu sur lui, tous se sont conduits en valeureux enfants de la France. J’envoie un pieux souvenir à ceux qui ont payé de leur vie ce bel exploit maritime ; j’adresse aux survivants mes félicitations chaleureuses.
La Bretagne peut être fière de ses fils. Une fois de plus, ils ont bien mérité de la patrie. En leur apportant aujourd’hui l’assurance de la gratitude du pays, je ne les sépare pas de leurs camarades. C’est toute la marine de guerre, c’est toute la marine de commerce que j’ai tenu, Messieurs, à venir saluer en vous. Honneur à vous et à tous les marins français ! "


Société centrale de sauvetage des naufragés ~ Annales du sauvetage maritime,
Année 1917, 3e et 4e trim., p. 141 et 142, en rubrique « Sorties des canots de sauvetage ».


« LA DÉFENSE DU "KLÉBER"

Voici d’émouvants détails sur l’héroïque combat soutenu par le voilier Kléber, de 277 tonnes, et qui, avec ses 12 hommes d’équipage, parti d’Angleterre pour la Rochelle avec un chargement de charbon, rencontra, le 7 septembre dernier, un sous-marin allemand au large du Morbihan.
Le sous-marin ouvrit le feu presque aussitôt. Le capitaine du voilier, le maître au cabotage Le Fauve, manœuvre pour se rapprocher de terre et riposte. Le sous-marin plonge, reparaît vingt minutes plus tard, tire de nouveau. Le Fauve est tué, mais le chef de pièce Jain, âgé de dix-neuf ans, reste à son poste quoique blessé.
Le second du Kléber, Plessix, décide de ne garder avec lui que les hommes, nécessaires au tir et ordonne aux six autres de descendre dans le canot et le doris, qu’il a fait mettre à la mer.
Il est mortellement blessé à son tour.
Le maître d’équipage Monnier prend alors le commandement et assure l’exécution du projet de son chef. Quatre hommes, dont un blessé, prennent place dans le canot et deux dans le doris. Les embarcations se séparent du navire.
Le feu cesse de part et d’autre. Le sous-marin se dirige vers le canot, l’accoste et fait passer sur son pont les quatre matelots qui l’occupent, puis, en demi-plongée et remorquant le canot vide, il court sur le Kléber où il croit ne trouver que des morts et des blessés, sinon les prisonniers auraient-ils cette contenance fermé et tranquille devant la double menace d’un obus du Kléber ou du revolver des Allemands ?
A bord du navire français, un seul homme, Monnier, est valide ; Bazile, blessé, est toujours à sa pièce, bientôt rejoint par Jain, qui vient de panser l’autre blessé.
Ils voient venir le sous-marin, ils voient ses canonniers et à côté d’eux les otages. Frémissants, ils attendent le moment tragique où toute hésitation s’évanouira devant l’espoir d’anéantir à tout prix le redoutable ennemi.
En se rapprochant, le sous-marin fait feu. A 300 mètres, le Kléber répond, mais le pointeur reçoit une nouvelle blessure, et c’est le maître d’équipage qui tire les derniers des 180 ou 200 coups de canon échangés au cours de cette lutte inégale de trois heures. Elle s’acheva par une immersion si brusque du sous-marin qu’un des Allemands fut précipité à la mer avec les quatre Français et recueilli par eux dans leur canot.
Pendant ce temps, le Kléber, disparaissant dans l’obscurité, faisait voile vers Groix, où il arrivait le 8, à 1 heure du matin. Ses embarcations le ralliaient à l’aviron six heures plus
tard ; elles avaient été rattrapées dans la nuit par le sous-marin à la recherche de son homme, qu’il avait repris.
En face de ceux qui avaient failli causer la perte de son navire, le commandant allemand, conscient sans doute de l’héroïque esprit de sacrifice qui avait inspiré leur conduite, se borna à leur intimer l’ordre de s’éloigner de sa route.
Les marins du Kléber, ayant réussi par leur vaillance à sauver leur bâtiment, en soutenant contre un adversaire d’une force supérieure un combat dont toute la marine française sera fière, le ministre de la Marine cite ce voilier à l’ordre de l’armée, ainsi que les douze braves qui le montaient. Il décerne la médaille militaire à sept matelots et la croix de chevalier de la Légion d’honneur au maître d’équipage Pierre Monnier. »

Académie des sports

Prix Deutsch de la Meurthe

L’Ouest-Éclair — éd. de Rennes —, n° 5.699, Samedi 2 mars 1918, p. 2.

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Dernière modification par Rutilius le dim. janv. 07, 2024 10:07 am, modifié 2 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
olivier 12
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Re: KLEBER - Trois-mâts goélette

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

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Voici deux clichés d'une maquette du KLEBER, publiés avec l'aimable autorisation de l' ASPA (Association de Sauvegarde du Patrimoine Arzonnais). Le propriétaire de la maquette est le département du Morbihan et les associations qui la gèrent affirment que c'est le KLEBER qui combattit contre un sous-marin allemand en 1917.
C'est bien sûr possible mais on peut avoir quelques doutes en voyant la différence d'immatriculation (Saint-Malo au lieu de Cancale), la différence du plan de pont entre la maquette et les photos de l'Illustration, la décoration fantaisiste "à batterie" ainsi que le bastingage de la dunette qui n'existait pas sur le KLEBER.
Il est néanmoins possible que le maquettiste se soit un peu éloigné de la réalité.
Il y a eu aussi d'autres KLEBER, notamment un caboteur charbonnier coulé par un sous-marin en 1917, et un autre KLEBER de 95 tx Jb de l'armateur Rousseau, coulé par l'UC 17 de Ralph Wenninger à 4 milles au NE de Saint Martin de Ré, le 25 Février 1917.

On sait que le KLEBER, renommé GIOVANNI MARIA par les Italiens, traversa sans encombre la 2e guerre mondiale et coula après l'armistice dans le port de Milazzo, en Sicile. Renfloué et réparé, il transporta 680 émigrants de Corse jusqu'en Palestine en Décembre 1947. (Voir post de KGVM). Il finit ses jours comme dancing sur la côte d'Azur.

Tous mes remerciement à Alain Foulonneau pour les renseignements qu'il m'a communiqués concernant cette maquette à l'identification incertaine.

Cdlt
olivier
Memgam
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Re: KLEBER - Trois-mâts goélette

Message par Memgam »

Bonjour,

Une maquette comme celle présentée du supposé Kléber à fort peu de chance d'être la reproduction du navire réel. Il y a beaucoup trop d'anomalies dans le dessin de la coque, la réalisation des superstructures et dans la mâture, même s'il y a un peu de ressemblance.
Le plus souvent, il s'agit de navires fictifs dont le nom est souvent fantaisiste.
Ainsi, on pourrait dire, il y a de faux sabords peints sur la coque, donc c'est un navire de chez Bordes, sauf que cet armement n'était pas le seul à utiliser cette pratique, sans compter qu'il n'a jamais eu de navire de ce nom ni avec ce type de gréement.
Vouloir rechercher un navire réel sur la base d'un nom attribué à une maquette est souvent vain, car il y a rarement un rapport exact entre les deux.
Il n'y a que les maquettes de chantiers ou d'armateurs qui peuvent être assez sûres.
N'importe qui peut réaliser une maquette de navire et lui attribuer le nom qu'il veut.
L'évènement du Kléber a été l'objet d'une très grande publicité et a engendré toute une série de représentations en tous genres, dont des maquettes qui ne recherchaient pas l'exactitude.

Cordialement.
Memgam
olivier 12
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Re: KLEBER - Trois-mâts goélette

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Voici deux photos, déjà sur le forum, mais un peu retouchées, du navire et de son équipage.

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Il existe un important dossier sur le KLEBER aux archives de Vincennes. Il reprend tous les éléments déjà mis sur le forum, notamment en ce qui concerne les diverses récompenses décernées. Je me contenterai donc du rapport officiel établi d’après les divers interrogatoires des survivants.

Rapport de la commission d’enquête

Le 7 Septembre vers 17h35, le trois-mâts goélette KLEBER, avec 12 hommes d’équipage se trouve à une quarantaine de milles dans le SW de Groix, filant 7 nœuds vent arrière. Il aperçoit droit devant un grand sous-marin qui cinq minutes plus tard ouvre le feu à 8000 m environ. A bord du KLEBER, pas d’affolement. On vient au lof de 4 quarts bâbord amures de façon à mettre le cap sur la terre. En même temps que KLEBER a loffé, le sous-marin a changé de route et se place par la hanche bâbord du voilier, juste sous le soleil. Il tire 5 coups longs qui passent dans la mâture. Les deux bâtiments se sont rapprochés rapidement et KLEBER ouvre le feu à son tour. Le sous-marin plonge.
Vingt minutes après, il émerge à nouveau et le combat recommence. A 18h30, un obus explose sur le pavois tribord arrière et ses éclats tuent le capitaine et blessent deux hommes. Son souffle renverse tous les hommes rassemblés à l’arrière pour monter les munitions. Le chef de pièce est renversé et se relève sourd, perdant du sang par les oreilles. Il continue cependant son tir.
Il y a une interruption de combat de 5 minutes environ. Le second, qui remplace le capitaine, donne l’ordre de mettre le canot et les doris à la mer et d’y faire embarquer les deux blessés et 4 hommes pour signaler l’évacuation du navire et inciter le sous-marin à se rapprocher. Lui reste à bord avec l’armement de la pièce pour continuer le combat à bout portant. Le mouvement commence à peine, qu’il est tué. Le maître d’équipage, qui se préparait à embarquer dans le canot, prend sa place et continue l’exécution du plan du second. Les embarcations, qui risquent d’être submergées par la vitesse, sont larguées et KLEBER continue à faire route.

Le sous-marin s’approche d’abord du canot et fait monter à son bord les 4 hommes qui l’occupent. Il leur demande si KLEBER est bien évacué en les prévenant qu’ils sont pris en otages et qu’ils auront la cervelle brûlée s’ils mentent. « Il n’y a plus personne à bord » répondent-ils sans hésiter.
Le sous-marin se dirige sur le KLEBER en les gardant sur le pont. Sur le KLEBER, il ne reste plus que le maître d’équipage Monnier, les canonniers Jain (19 ans) et Bazile, et le matelot De Maffart, blessé. Bazile a pris la place de Jain qui panse Maffart quand le sous-marin s’approche à 300 m et recommence le feu. Quelques instants après, il tombe, blessé lui aussi pour la 2e fois. Le maître d’équipage prend sa place et tire quelques coups. Il voit le sous-marin plonger et le combat se termine suite à la fuite de l’ennemi.

Le sous-marin s’est immergé si précipitamment qu’un de ses canonniers n’a pas eu le temps de rentrer et s’est retrouvé à l’eau comme les 4 Français. Ceux-ci regagnent leur embarcation et sauvent le marin allemand qu’ils ne veulent pas abandonner.
KLEBER s’éloigne dans la nuit qui tombe, conduit par ses quatre héroïques défenseurs. Il arrive à Groix où il mouille vers 01h00 du matin le 8. Le sous-marin, quant à lui, a émergé à nouveau quelque temps après, est revenu vers les embarcations et leur a demandé si elles avaient son homme. Il a repris son marin et leur a dit en anglais de s’éloigner de lui. Conscient de l’héroïsme de ces quatre marins français, il ne leur fait aucun mal. En surface, il a fait route sur Penmarch. Les embarcations du KLEBER ont nagé toute la nuit et sont arrivées à Groix le lendemain à 08h00.

La commission estime que la conduite de l’équipage mérite les plus grands éloges pour avoir, dans une lutte disproportionnée, réussi à se faire abandonner par l’ennemi. Le combat du KLEBER constitue un fait d’armes glorieux qui peut être cité en exemple. Les gestes accomplis par cet équipage honorent la Marine Française.

Description du sous-marin

Blockhaus avec passerelle dessus.
Cabestan sur l’avant.
Télémètre vertical sortant du kiosque
Deux ballasts ( ?) de chaque bord sur l’avant
Vannes tout le long du bord
Filière rambarde de chaque bord sur l’avant du kiosque
Canon sans doute de 105 mm portant la marque 1854K53 fixé à demeure sur l’avant du kiosque
Chaîne portant des couteaux établie entre l’étrave et un bâti porté par un chevalet sur l’arrière du gaillard. Le tambour d’enroulement était visible à fleur de pont près de l’étrave. Ce système était en action quand les Français étaient à bord. Mais quand on a vu qu’ils le remarquaient, on les a fait passer sur l’arrière.
Périscope sortant du kiosque, peint en gris avec sommet noir. Peut-être un 2e, plus petit servant de télémètre. L’officier au télémètre regardait dedans et donnait des ordres au canon.
Pas de mât, mais deux espars d’une dizaine de mètres saisis sur le pont arrière.
Antenne allant de l’avant à l’arrière et passant au dessus du kiosque.
Kiosque peint en gris clair, coque en gris verdâtre très foncé, couleur de vase.
3 puits ovales verticaux emplis d’eau entre le kiosque et le gaillard.

Le commandant : bel homme, grand, blond, rasé mais portant une barbe de 8 jours au moins, 30 à 35 ans. Parlait bien anglais et, sans doute aussi italien et espagnol selon un matelot qui connaît ces langues. Portait un jersey blanc, un pantalon gris et des bottes en caoutchouc. Casquette de marine avec écusson.
L’officier en second : 35 ans environ, taille moyenne, avec moustache et assez gros.
Un officier au télémètre, à peine 20 ans, mince et imberbe. En uniforme de drap tout neuf avec galons d’or sur les manches et sur la casquette.
4 hommes sur le kiosque dont un portant des jumelles à prisme, en chemise de laine et coiffé d’un bonnet avec ruban légendé. Les autres vêtus de cuir et de suroits.
2 hommes au canon.

Le sous-marin manœuvrait très bien, en demi-plongée, pont à fleur d’eau, ouvrait le feu instantanément à chaque émersion, plongeait avec sa pièce toute chargée.

Tous les matelots sont unanimes à reconnaître un sous-marin du type UC 52, dont la photo leur a été présentée.

Voici la silhouette qu’ils ont dessinée.

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Le sous-marin attaquant

C’était donc l’UC 71 de Rheinhold Saltzwedel, effectivement un type UC II, comme l’UC 52. Voici d’ailleurs la photo d’un type UC II qui est probablement l’UC 71 lui-même.

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Cette autre photo, qui est celle de l’UC 74, type UC II lui aussi, correspond bien à la longue description faite par les hommes de KLEBER.

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UC 74, qui en Novembre 1918 s’était réfugié à Barcelone, fut remis à la France le 26 Mars 1919 (d’où le pavillon français qui surmonte le kiosque).
Quant à l’UC 71, il coula au large du Danemark le 20 Février 1919, alors qu’il faisait route vers un port allié après sa reddition.

Résumé des récompenses

Citation à l’Ordre de l’Armée

LE FAUVE Ernest Maître au cabotage Granville 187
PLESSIX Théophile Second capitaine Saint Malo 5957

Ont donné l’exemple du courage à leur équipage en acceptant la lutte avec un sous-marin supérieurement armé. Tués à leur poste.

NOURY Pierre Dinan 4701
LE TOUZE Prosper Granville 10559

Très belle attitude lors du combat de leur voilier contre un sous-marin

Voilier KLEBER

Pour la vaillance dont son équipage a fait preuve en repoussant, à armes inégales, une attaque de sous-marin et en sauvant le bâtiment.

Chevalier de la Légion d’Honneur

MONNIER Paul Maître d’équipage Noirmoutier 1132

A fait preuve d’une énergie et d’un courage hors du commun dans la défense de son navire contre un sous-marin. A sauvé son bâtiment.

Médaille militaire

JAIN Jean Fusilier breveté 111097.2
BAZILE PAUL Matelot La Hougue 1757
MAFFART Eugène Saint Malo 277

Ont fait preuve d’une grande bravoure en luttant à armes inégales contre un sous-marin et ont vaillamment contribué à sauver leur bâtiment. Blessés au cours de l’engagement. (Croix de Guerre).

GUILTO Augustin Binic 4851
TRAVERS Henri Cherbourg 251
SICARDIN Eugène Dinan 35041
CHAPELAIN Paul Tréguier 2037

Ont contribué à assurer le succès de leur bâtiment dans sa lutte contre un sous-marin par le véritable héroïsme dont ils ont fait preuve. (Croix de Guerre).

Cdlt
olivier
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