SURPRISE - Canonnière

Rutilius
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SURPRISE ― Canonnière, première du type (1896~1916).

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Bonsoir à tous,


• « Guerre 1914-1918. Tableau d’honneur. Morts pour la France. »,
Publications de La Fare Paris, 1921.



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(op. cit., p. 110)


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(op. cit., p. 113)


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(op. cit., p. 503)
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Daniel.
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IM Louis Jean
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Re: SURPRISE - Canonnière

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Bonjour à toutes et à tous,


Voici une traduction approximative du portugais d'un texte, non identifié, ressemblant à une chronique de Funchal, capitale de Madère :

<< Bombardement de Funchal :

La ville de Funchal fut bombardée deux fois par des sous-marins allemands, pendant l'état de guerre entre le Portugal et l'Allemagne, une première fois le 3 décembre 1916 et une deuxième fois le 12 décembre 1917.

Le premier bombardement fut précédé du torpillage de la canonnière La Surprise, de la marine de guerre française, du Kanguroo, vapeur de même nationalité, et du Dacia, vapeur marchand anglais, au service du gouvernement français. Ces navires qui étaient ancrés dans notre port, furent torpillés à proximité de la terre, le pirate ayant pu s'approcher d'eux, sans être vu des équipages respectifs.

Le yacht américain Eleanor A. Percy, qui se trouvait aussi dans les eaux de notre baie, fut épargné par le sous-marin, car l'Allemagne n'était pas en guerre contre les Etats-Unis d'Amérique à cette époque.

Le premier navire à être visé fut la canonnière La surprise, qui, après une explosion dans la soute à munitions, coula en moins de deux minutes, entraînant avec elle un chaland et son équipage madérien de la maison Blandy, qui l'approvisionnait en charbon. Des marins de la canonnière, 33 sont morts, dont le commandant Ladonne, 2 officiers et 7 officiers subalternes ; à bord du chaland sont décédés Manuel Rodrigues Teixera, Manuel Rodrigues Vieira, José Gomes Camacho, Augusto Garces, Manuel Rodrigues, Francisco Franco et Frederico Vieira. Manuel Rodrigues teixera, employé de la maison Blandy, était monté à bord de la canonnière pour superviser le chargement du charbon.

L'équipage des autres navires réussirent à se sauver en barque ou à la nage, pendant que Mr Bernard, commandant du Kanguroo, aidé de deux Français et d'un Madérien, réussissait à tirer 25 coups de canon sur le sous-marin. Les braves qui aidèrent Mr Bernard étaient le madérien José Alexandre Gomes, patron d'une barque à vapeur, le canonnier Tonnerre et le mousse Provenzalé, marins du Kanguroo.

L'explosion qui eut lieu à bord de La Surprise fit trembler les maisons de la ville et fut d'abord prise pour un simple incident, mais quand deux autres la suivirent et que les petits vapeurs des entreprises de charbonnage commencèrent à fuir précipitamment, tout le monde prit conscience de ce qui se passait. La population fut alors prise d'une véritable panique, panique qui s'accrût quand les obus tirés par les deux pièces du sous-marin commencèrent à tomber sur la ville.

Le navire des pirates, après avoir échappé au tir du Kanguroo et des batteries côtières, alla se positionner à près de 12 kilomètre de distance, sans courir aucun risque.

Le bombardement dura de 9 à 11 heures du matin, le torpillage de La Surprise ayant eut lieu vers 8 heures et demi. La batterie de la Vigie tira 34 coups et le fort de Sao Tiago 18, aucun n'atteignit le sous- marin, qui tira environ 50 obus sur la ville, explosant les uns en l'air les autres sur les points suivant : 2 dans la Rua Julio da Silva Carvalho, 1 dans la Rua das Queimadas de Cima, 1 dans la Rua do Bispo, 2 dans la Calçada de Santa Clara, 1 dans la Rua Direita, 1 dans l'usine de Pelourinho, 1 dans la Quinta Vigia, 1 dans le jardin municipal et 1 dans le cimetière Das Angustias.

Personne ne fut tué dans la ville et les dommages matériels causés par les obus ne furent pas importants. Les pertes en mort et en blessés n'eurent lieu qu'en mer, ces derniers étant conduits à l'hôpital civil par les personnels de la Croix Rouge de Funchal, qui rendirent d'excellents services.

Peu après la première explosion, Mrs Carlos Pio de França et Afonso Coelho mirent à l'eau deux embarcations qui recueillirent 15 survivants parmi lesquels certains étaient blessés. Le marin Joao de Gouveia, o Gordo (ndt : le Gros) membre d'équipage d'une de ces embarcations, se distingua en sauvant 8 marins de la canonnière et 2 ouvriers portugais.

Dans le cimetière Das Angustias se dresse un petit monument commandité par Mr Henrique Augusto Vieira de Castro, destiné à perpétuer la mémoire des marins français et des ouvriers portugais qui périrent dans la baie de Funchal en ce matin tragique du 3 décembre 1916. Ce monument qui est dû au ciseau du sculpteur lauréat Francisco Franco de Sousa, fut inauguré le 3 décembre 1917.

Le lieutenant Max Valentiner, le commandant du sous-marin qui eut la lâcheté de torpiller trois navires dans notre port et de bombarder notre ville hors de portée des batteries côtières, fut décoré par le Kaiser, et le Sondebourg, son pays natal, le nomma son fils chéri!!! >>
Source http://www.calameo.com/books/0000104921be68f467917

Cordialement
IM Louis Jean
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IM Louis Jean
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Re: SURPRISE - Canonnière

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Source Ouest Eclair du 3 novembre 1921

<< UN TRIPLE TORPILLAGE

Comment les marins de la Surprise trouvèrent la mort dans la baie de Funchal

En revenant de son voyage d'études en Afrique centrale, M. Albert Sarraut, ministre des colonies, a fait escale à Madère et déposé une couronne de fleurs au pied du monument élevé, dans le cimetière de Funchal, à la mémoire des marins français victimes du torpillage de la « Surprise ». Le « Jules-Michelet », ayant à son bord le général Mangin, jettera l'ancre d'ici peu dans la baie de cette île, pour recevoir à son bord et ramener en France les restes de ces marins engloutis si
loin du pays natal.

Ce torpillage, qui remonte au 2 décembre 1916, causa la plus vive émotion, car c'était la première fois que les sous-marins allemands opéraient à une si longue distance de leur base. Cependant, on n'a encore lu ni dans une revue ni dans un journal le détail de cette tragédie navale. Peut-être le récit d'un témoin, M. Paul Labordère, sera-t-il de quelque intérêt.

« Vers le milieu de novembre 1916, le « Kanguroo », de la maison Schneider, ayant essuyé une grosse tempête dans les eaux espagnoles, dut s'arrêter à Madère pour réparer de graves avaries. Ce bateau était spécialement construit pour le transport des sous-marins, qu'il logeait, si je puis dire, dans son ventre, à la façon dont le kanguroo loge ses petits dans le sien : de là son nom. Un des derniers soirs de novembre, M. Bernard, capitaine du navire, m'invita à dîner, en com-
pagnie de M. de Cunha, qui durant les hostilités a rendu bien des services à la marine française, où il compte de nombreux amis, et qui devait me remplacer plus tard au poste consulaire de France à Madère. Depuis quelque temps, la presse se faisait l'éçho de rumeurs selon lesquelles des sous-marins auraient été vus autour des îles espagnoles des Canaries. Je me souviens que pendant le dîner nous en plaisantâmes et qu'au Champagne l'un de nous dit : « Qui sait ? nous allons
peut-être sauter comme ce bouchon ! »
« En rentrant au consulat, tard dans la nuit, je trouvai un télégramme chiffré me prévenant que la canonnière française « Surprise » serait dans le port de Funchal le 2 décembre pour charbonner, La « Surprise » était une vieille amie ; elle avait plusieurs fois visité Funchal et j'avais eu le plaisir de recevoir à ma table son commandant, M. le lieutenant de vaisseau Ladonne, un Bordelais.
En effet, le matin du 2 décembre, vers 8 heures, un coup de téléphone m'avisait que la « Surprise » était là, escortant le « Dacia », navire appartenant à une compagnie anglaise de câbles sous-marins, et que le gouvernement français avait affrété pour repérer les câbles allemands, les couper et les relier à notre réseau. Je me disposai à me rendre à bord pour prendre le commandant Ladonne et l'accompagner dans ses visites aux autorités portugaises.
« Un peu avant la demie de huit heures, je demandai une automobile pour me conduire à l'embarcadère, quand une explosion d'une violence inouïe ébranlait tout Funchal. Je courus à ma fenêtre, d'où je dominais la baie, et je vis la « Surprise » s'abîmer dans les flots. Sans attendre l'auto, je me précipitai vers le quai par la route qui longe l'Atlantique. J'avais à marcher dix minutes environ pour arriver au quai. Une seconde détonation, celle-ci sourde et comme étouffée par les vagues, se fit entendre : le « Kanguroo », touché à son tour, s'enfonçait, mais lentement, et le capitaine Bernard, aidé du jeune Provinzalé, tirait, avec un petit canon de 45, sur le périscope de l'invisible ennemi, jusqu'à ce qu'ayant de l'eau jusqu'à la ceinture il se résignât à gagner le rivage dans une petite barque.
Des gens criaient et se sauvaient. Ils s'étaient crus bien à l'abri dans leur île calme et riante, à deux kilomètres (ndt : sic) du front le plus proche. Mais voilà que soudainement se dressait devant eux la face terrible de la guerre; affolés, éperdus, ils fuyaient le spectre épouvantable, pour se cacher ils ne savaient où, au creux de quelque ravin, dans quelque église accrochée au flanc de la montagne.
« Lorsque je fus au quai, les marins anglais du « Dacia », qui s'étaient dit : « Ça va être à nous », avaient posément quitté ce navire dans leurs embarcations et s'étaient mis en sûreté sur la terre ferme. Quelques minutes après, une troisième torpille mettait, en effet, le « Dacia » à pic. Le sous-marin, en une demi-heure avait fait coup triple !
« Ni le « Dacia » ni le « Kanguroo » ne comptaient de victimes. Hélas! la soute de la « Surprise » avait sauté et trente-trois marins avaient été tués, dont le commandant Ladonne, qui fut broyé dans sa cabine, où il était descendu pour revêtir son uniforme en vue des visites officielles. Ceux que l'explosion avait épargnés furent tous recueillis par les mariniers de Funchal, dont le courage et la promptitude furent au-dessus de l'éloge.
« Le sous-marin émergea au large et se mit à bombarder Funchal tandis que les forts de Madère répliquaient. Par un hasard presque incroyable, ses cinquante obus n'atteignirent personne et leurs éclats n'occasionnèrent que des dégâts matériels. Malheureusement, un sous-marin beaucoup plus grand prit une revanche cruelle juste un an après ; armé de canons de 180, il tua six Portugais et en blessa une quarantaine. >>

Cordialement
IM Louis Jean
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SURPRISE ― Canonnière, première du type (1896~1916).

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Bonsoir à tous,


Officier marinier et marins de la canonnière Surprise distingués par le Royaume-Uni


Edinburgh Gazette, Issue n° 12887, Tuesday, Dec. 28, 1915, p. 1943-1945.

« ADMIRALTY, S.W., December 23, 1915.

The KING has been graciously pleased to confer the undermentioned rewards on Officers and Men of the French Navy, with the approval of the President of the Republic, in recognition of their bravery and distinguished service in the Campaign : —

Awarded the Distinguished Service Medal.

Fernand René Guillod, Quartier-Maître Mécanicien réserviste, de la "Surprise."

Jean Louis Le Maux, Quartier-Maître Fourrier, de la " Surprise."

Clet Yves Perherin, 2e Maître Canonnier, de la " Surprise." (*)

[Extraits]
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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Re: SURPRISE - Canonnière

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Bonjour à tous,


■ Citations obtenues par des officiers de la canonnière Surprise à la suite de la prise de Coco-Beach (21 ~ 22 sept. 1914).


Journal officiel du 11 novembre 1918, p. 9.868.


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— LOHIER Jean Désiré Marie, né le 14 juillet 1891 à Germond (Deux-Sèvres) et décédé le 19 septembre 1956 à ... (...). Fils de Victor Léonard LOHIER, « professeur », et de Marie Joséphine CHENIER, son épouse, sans profession. Entré à l’École navale en 1910. Promu au grade de lieutenant de vaisseau par un décret en date du 14 avril 1919 (J.O. 16 avr. 1919, p. 3.985).

• Chevalier de la Légion d’honneur au titre du Ministère de la Marine (Arr. 10 juill. 1920, J.O. 11 juill. 1920). Alors lieutenant de vaisseau.

• Officier de la Légion d’honneur au titre du Ministère de la Marine (D. 28 juin 1934, J.O. 8 juill. 1934). Alors capitaine de frégate.

Espace Tradition de l’École navale —> http://ecole.nav.traditions.free.fr/off ... lohier.htm

Base Léonore —> http://www.culture.gouv.fr/LH/LH151/PG/ ... 603089.htm


— DAGUZAN Jean Joseph Marie Pierre, né le 25 octobre 1892 à Flamarens (Gers) et décédé le 20 juillet 1925 à Paris (IVe Arr.). Fils de Parfait Joseph DAGUZAN, juge de paix, et de Jeanne Louise Marie Josèphe Philomène Thérèse SALES, son épouse, sans profession. Entré à l’École navale en 1910. Breveté pilote de dirigeable (Déc. 26 févr. 1917, J.O. 28 févr. 1917, p. 1.675). Promu au grade de lieutenant de vaisseau par un décret en date du 14 avril 1919 (J.O. 16 avr. 1919, p. 3.985). Breveté canonnier (Déc. 29 janv. 1920, J.O. 4 févr. 1920, p. 1.831).


• Chevalier de la Légion d’honneur au titre du Ministère de la Marine (Arr. 10 juill. 1920 J.O. 11 juill. 1920). Alors lieutenant de vaisseau affecté au Centre d’aviation maritime de Saint-Raphaël.

Espace Tradition de l’École navale —> http://ecole.nav.traditions.free.fr/off ... aguzan.htm

Base Léonore —> http://www.culture.gouv.fr/LH/LH060/PG/ ... 11V001.htm

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Daniel.
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Re: SURPRISE - Canonnière

Message par marpie »

Bonjour à tous ,

Extrait du JO du 9 septembre 1915 (p 6392) :
Citation à l'Ordre de l'Armée

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Bien amicalement
Marpie
Rutilius
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Bonsoir à tous,


— Max VALENTINER, capitaine de corvette : « La terreur des mers. Mes aventures en sous-marin. 1914~ 1918 », traduction française de P. Teillac, capitaine de frégate de réserve, éd. Payot, Paris, Sept. 1931, 253 p.

« CHAPITRE XIV. — AU MILIEU DU PORT DE FUNCHAL.

Nous atteignîmes Funchal, la capitale de Madère, un dimanche matin.
Un grand vapeur se tenait devant l’entrée, attendant manifestement un pilote. Je restai à une distance convenable et je plongeai quand le jour se fit. Un bateau pilote sortait du port et amena le pilote au vapeur qui fit route droit dans l’ouverture du barrage de mines vers le port. Je le suivis dans son sillage. En fait, je ne savais pas s’il y avait des mines, mais je devais le supposer. En approchant, je regardai un peu le paysage. Je le connaissais depuis le temps où en 1902 comme cadet j’y avais passé des heures agréables et m’en souvenais fort bien : à ma gauche, le haut rocher à pic avec un fort au sommet, la ville de Funchal sur la pente rapide, de la mer à la crête des maisons nichées dans des jardins, beaucoup de verdure, un tableau charmant.
Mais je fus fort déçu de ce que je voyais dans le port : j’avais compté sur une escadre anglaise et je m’étais mentalement dépeint comment je torpillerais huit croiseurs, les envoyant au fond et accom-plissant un exploit qui ferait rentrer dans l’ombre Weddingen lui-même !
Mais dans le port il n’y avait qu’un grand six-mâts américain
(1) auquel je n’avais le droit de rien faire, car il était neutre et derrière lui un petit croiseur français, la Surprise, puis à côté d’elle le vapeur que j’avais vu devant l’entrée. Il jaugeait six mille tonnes et s’appelait Dalia [lire : Dacia]. Devant lui se trouvait le Kangeruh [lire : Kanguroo], un navire qui servait au transport des sous-marins en les prenant dans ses flancs. Ces quatre bâtiments étaient disposés de telle manière que si on les eût joints, ils eussent formé les quatre sommets d’un carré.
Mais avant d’arriver, je tombai dans un groupe de nombreux petits bateaux qui avaient mouillé devant le port pour pêcher. Ils me gênaient. Je craignis également de crocher en passant l’amarre de l’ancre de l’un d’eux et d’emmener le bateau.
Il me fallait sortir davantage mon périscope pour conserver la vue et manœuvrer dans ce fouillis. Ce fai-sant, je passai peut-être à deux mètres d’un des bateaux. Je regardai en face un Portugais au visage bruni. Au même moment, il vit le périscope. De terreur, il laissa tomber la mâchoire inférieure et fit une tête indescriptible que je n’oublierai jamais. Puis il cria et alarma ses nombreux collègues. Ceux-ci fi-lèrent leur amarre, saisirent leurs avirons et nagèrent de toutes leurs forces vers le port.
Pour moi, il était temps d’agir si je ne voulais pas être découvert au dernier moment. J’augmentai de vitesse et fis route derrière la poupe de l’américain. Ce bateau me cachait la Surprise. Toutes les tor-pilles furent disposées.
Arrivé à l’arrière de l’américain, je pus voir dans de bonnes conditions la Surprise. Elle était à environ cinq cents mètres de moi. Le long de son bord se trouvaient des chalands de charbon. Elle était occupée à embarquer des diamants noirs.
Je visai, tenant le cap exactement sur son milieu et je pressai sur un petit contact. Le navire vibra, la torpille était partie.
Alors je tournai vers le Dalia et voulus lui décocher obliquement une torpille par l’avant ; mais l’angle était trop pointu et la distance était trop faible pour faire la correction. Je continuai donc à tourner et vins cap pour cap.
Maintenant mon arrière était exactement sur le milieu du Dalia. Pendant cet évitage de cent quatre-vingts degrés, il se produisit une violente détonation qui résonna comme une musique à mes oreilles. La Surprise avait été touchée en plein milieu, vraisemblablement dans ses soutes car le navire tout entier avec ses chalands sauta en l’air et coula dans l’explosion.
Le spectacle était tellement impressionnant que j’en oubliai presque le Dalia.
Je pressai de nouveau le contact, nouvelle vibration.
Ma position par rapport au Kangeruh était au moment du deuxième lancement telle que j’étais obligé de tourner encore de cent quatre-vingts degrés. La torpille atteignit également la Dalia.
Pendant que ce vapeur coulait, son équipage se précipita à la pièce arrière et se mit à tirer sur mon périscope.
Mais cela ne servait à rien, mon avant était alors dirigé au milieu du Kangeruh ; je lançai donc ma troisième torpille. L’équipage du Kangeruh avait vu arriver le monstre ; il prit la fuite et se trouvait déjà dans les canots à l’eau lorsque ma torpille frappa le milieu du navire.
Le Kangeruh coula très rapidement comme les deux autres navires.
Après ces trois lancements, Wendlandt
(2) monta dans le kiosque et me demanda si vraiment les navires étaient assez gros et si cela aller continuer. Naturellement dans une attaque seul le commandant a l’œil au périscope ; c’est le seul qui voit quelque chose. Tous les autres exécutant ponctuellement les ordres du commandant attendent, de l’avant à l’arrière, des informations sur ce qui se passe dehors. Naturellement, pendant l’attaque, le commandant doit concentrer sa pensée et la plupart du temps ne peut qu’ensuite satisfaire la curiosité compréhensible de l’équipage. Malheureusement il ne restait plus d’objectifs, de sorte que je pus répondre aux questions venant du poste central.
Mais entre temps les forts portugais qui se trouvent autour de la ville se mirent à tirer à l’aveuglette dans l’eau. La Dalia elle-même était coulée à une profondeur telle que la plateforme de son canon émergeait et que sa pièce continuait à tirer. Mais je n’avais plus rien à faire dans le port ; je sortis donc par le chemin par lequel j’étais venu. Dehors je fis surface ; je me trouvais à environ sept mille mètres de la ville.
Tous les canons des forts recommencèrent à tirer, mais les Portugais n’avaient que de vieux canons. Un seul pouvait porter presque jusqu’à l’U-38 ; tous les autres tiraient trop court.
A Pola, l’U-38 avait reçu à la place de ses deux pièces de 88 une de 105. Je répondis alors au feu des forts, tirant alternativement des obus et des schrapnels en réglant les fusées de manière à les faire exploser court au-dessus des forts. Une grêle de balles s’abattait alors en forme de cône sur le fort, semant la destruction sur son passage.
Je n’avais tiré que peu de coups quand les forts cessèrent le feu. Je fis également taire ma pièce.
Cependant, tout là-haut dans le fort de gauche, se produisit une forte explosion. On vit de gros morceaux de rocher dévaler la pente et rouler vers la mer.
Ainsi l’U-38 avait soutenu victorieusement le combat.
Je rassemblai alors mes officiers. Nous réfléchîmes à la manière dont nous pourrions utiliser notre vic-toire. Nous voulions tout au moins recevoir du commandant de l’île un canot plein de bananes et d’autres vivres frais. Cependant, comment entrer en relations ? Je ne pouvais pas prendre une partie de mon per-sonnel et le débarquer à terre. Mais si je m’approchais avec mon bateau, je me retrouverais sous le feu des canons. Ils auraient certainement recommencé à tirer et chercher à détruire l’U-38. Nous essayâmes d’entrer en relation avec la station de T.S.F., mais elle ne réagit pas. Finalement, je demandai au capi-taine Gotthas
(3) qui était neutre s’il était prêt à aller à terre avec notre youyou pour remettre une lettre au gouverneur. Mais Gotthas n’en avait pas envie. Il était convaincu que les Portugais exter-mineraient tout ce qui viendrait du sous-marin et qu’ils ne croiraient pas qu’il était neutre.
Mais comme il n’y avait aucun avantage militaire à retirer d’une telle entrée en relations, je finis par abandonner cette tentative ; je considérai ma mission comme remplie et fis route sur Gibraltar.
A la pointe Ouest de l’île de Madère se trouve un phare élevé. Nous passâmes très près de lui. Le gardien devait croire que c’était son tour d’être pris au collet. Il hissa un énorme pavillon portugais.
Puis il l’abaissa dans un profond salut quand nous passâmes.
[...] » (op. cit., p. 116 à 120).

___________________________________________________________________________________________

(1) Schooner en bois Eleanor A. Percy (1900~1919), du port de New-York.

(2) Oberleutnant zur See Hans Hermann WENDLANDT, second, qui, par la suite, exerca le commandement du sous-marin U-38 du 5 août 1917 au 14 décembre 1917.

(3) Commandant du cargo norvégien Solwang retenu à bord depuis l’arraisonnement de ce bâtiment.
.
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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Re: SURPRISE - Canonnière

Message par Rutilius »


Bonjour à tous,


51 rescapés de la canonnière Surprise furent rapatriés à Bordeaux en Janvier 1917 par le cargo Le Gard, de la Compagnie générale transatlantique (L’Ouest-Éclair – éd. de Caen –, n° 6.289, Vendredi 19 janvier 1917, p. 4, en rubrique « Nouvelles maritimes »).
Bien amicalement à vous,
Daniel.
olivier 12
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Re: SURPRISE - Canonnière

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

SURPRISE

Rapport complet adressé au Ministre par l’EV1 JOUGLARD, officier en second de SURPRISE

SURPRISE et DACIA ont appareillé de Gibraltar le 28 Novembre à 18h00 et ont fait route sur Madère. A ma connaissance, les instructions du Commandant en Chef de la Division du Maroc étaient :
- Escorter DACIA jusqu’à Dakar et charbonner dans ce port
- Revenir ensuite à Agadir
- Se conformer aux instructions de l’Amirauté pour les routes à suivre.
SURPRISE ne pouvait suivre exactement les instructions de route données au DACIA par l’Amirauté anglaise. Cette route passait très au large de tout port de charbonnage et dépassait de 1000 milles la distance franchissable par SURPRISE.

Dans la nuit du 28 au 29, une fuite de vapeur au joint de robinet de purge du cylindre HP de SURPRISE a forcé les deux bâtiments à retourner au mouillage de Tanger où ils sont arrivés à 11h00 le 29. Avarie réparée, repris la mer à 16h00 le même jour, tous feux masqués la nuit, sauf les feux de côté à éclat atténué. Le 2 Décembre, après une traversée contrariée par de violents coups de vent de SW à NW, atterri sur Porto Santo et fait route à petite vitesse sur Funchal par le chenal entre les Desertas et Madère.

Je dois signaler, en insistant sur ce fait, que d 08h00 à 23h00 pendant la journée du 2, SURPRISE a attaqué le poste anglais de TSF de Madère dans les formes prescrites (Note secrète du Commandant de la 6e Division Légère) sans recevoir de réponse de ce poste. Pendant toute la traversée de Tanger à Madère, SURPRISE, dont la veille TSF était continue, n’a reçu aucun message signalant ou faisant craindre la présence de sous-marins dans les parages de Madère.
J’ajoute que le charbonnage à Funchal était obligatoire pour SURPRISE. Parti de Gibraltar avec 8 tonnes en plus du plein normal de ses soutes le bâtiment avait en arrivant à Funchal 35 tonnes de charbon, quantité insuffisante pour gagner un port voisin, et à fortiori pour continuer la mission qui lui était confiée avec le mauvais temps régnant. L’intention formelle du commandant était de ne rester au mouillage de Madère que le temps strictement nécessaire pour charbonner.

SURPRISE a mouillé à Funchal le 3 Décembre à 07h30, par 25 m de fond, relevant le débarcadère au Nord à 400 m. A 350 m dans le SSW était mouillé le voilier américain ELEANOR A. PERCY, de New York. A 300 m dans l’ENE le KANGUROO. Quelques minutes après SURPRISE, DACIA a mouillé à 300 m dans l’ESE de KANGUROO.
Vers 08h45, un chaland de charbon a accosté SURPRISE à bâbord.

Vers 08h50, plusieurs hommes à bord ont vu distinctement le sillage d’une torpille venant de 2 quarts sur l’arrière du travers bâbord, de la direction de l’arrière du voilier américain. Le bâtiment a été frappé dans le voisinage de la cloison du carré du poste des seconds maîtres mécaniciens. La violence des effets constatés me fait présumer que la torpille a passé sous le chaland de charbon qui, dans l’hypothèse contraire, aurait amorti le choc. Violente explosion, fumée bleue-noirâtre, odeur caractéristique du coton-poudre explosant.

Toute la partie comprise entre la cloison machine-chaufferie et la cloison carré-appartement du commandant semble avoir été détruite. Le mât d’artimon, arraché de son emplanture, a été projeté en l’air. Le chaland a coulé par l’arrière. La partie du bâtiment comprenant appartement du commandant et compartiment de la barre a flotté quelques instants, puis a coulé à pic. La partie située sur l’avant du panneau de la machine a coulé plus lentement, présentant une forte inclinaison sur tribord. Ensuite, le bâtiment s’est redressé transversalement en coulant. L’étrave et une partie de la quille ont émergé. Un temps appréciable après la première explosion, une deuxième explosion plus sourde s’est produte dans la partie arrière. Je l’attribue à la déflagration des munitions des soutes milieu.

Une minute et demie après l’explosion, le bout dehors de beaupré a disparu et la partie avant du bâtiment a coulé au fond. Le mât de flèche de misaine et le grand mât de flèche émergent seuls. Les débris du bâtiment reposent sur le fond et la houle qui règne depuis la perte les roule visiblement (oscillation des mâts) et continue la destruction.

Au moment d l’explosion, les hommes étaient approximativement répartis comme suit :

- Appartement du commandant : commandant (disparu) et 1 homme (sauvé)
- Carré : 2 officiers (disparus)
- Poste des SM mécaniciens : 1 SM et 3 hommes (disparus)
- Machine : 1 SM et 2 hommes (disparus) et 1 homme (sauvé)
- Chaufferie : 6 hommes (sauvés)
- Poste équipage : 16 hommes (sauvés)
- Poste des SM : 1 SM et 1 homme (sauvés)
- Dunette : 4 hommes (sauvés)
- Pont arrière : 1 PM, 1 SM et 6 hommes (sauvé) 4 SM et 7 hommes (disparus)
- Pont milieu : 14 hommes (sauvés) et 3 hommes (disparus)
- Pont avant : 6 hommes (sauvés) et 1 homme (disparu)
- Poulaines : 2 hommes (sauvés)
- + 8 hommes disparus dont la situation est inconnue.

En résumé, presque tous les hommes dans la machine, le poste des SM mécaniciens, le carré, le pont au dessus de ses tranches, ont disparu. Le commandant a sans doute été noyé dans son appartement. Une partie des hommes qui se sont jetés à la mer sur tribord avant ont disparu dans le remous causé par l’engloutissement de l’avant.
Huit ouvriers charbonniers qui étaient sur le chaland ont également disparu.

Tous les survivants ont été recueillis par les embarcations du KANGUROO et celles du port accourues immédiatement.

L’équipage de KANGUROO avait mis ses embarcations à l’eau vers 09h00 et se portait à notre secours. Le capitaine et le second étaient restés à leur bord. C’est alors qu’il a été à son tour torpillé et a commencé à couler. Le Capitaine au Long Cours BERNARD a alors rappelé à son bord le QM canonnier Laurent TONNERRE (Groix 1945) et le jeune soutier Michel PROVENZALE (inscrit provisoire à Bordeaux n° 293). Il a armé avec eux la pièce de 47 mm et a tiré 50 coups sur un périscope parfaitement visible à 1000 m. Le but a été encadré avec une grand précision et le feu n’a été interrompu que par la submersion de l’affût. KANGUROO a coulé à fond 45 minutes après l’explosion.

A 09h05, DACIA, à peine évacué par sont équipage est torpillé et coule.

De 09h30 à 11h00, le sous-marin, en surface à moins de 3 milles de terre, bombarde la ville avec des effets insignifiants.

J’avais quitté le bord vers 08h30, chargé par le commandant de me mettre en rapport avec l’agent consulaire de France. Monsieur Doré, médecin de 2e classe, était également à terre où il allait chercher la patente de santé du bâtiment. Après une tentative pour me rendre sur les lieux de l’explosion, tentative arrêtée par le capitaine du port qui avait pris la direction du sauvetage, et après m’être assuré que des embarcations stationnaient toujours au dessus des débris de SURPRISE, j’ai rassemblé les survivants valides sur le débarcadère et les ai dirigés sur l’hôpital où le personnel de la Croix Rouge dirigeait les blessés. Ces derniers ont été immédiatement soignés avec le concours du docteur Doré qui a fait preuve du plus grand dévouement et d’un haut sentiment du devoir.

L’appel des survivants a été fait sur le champ, leur logement et leur nourriture ont été assurés sans retard, sous le bombardement, par les soins de Mr le Consul LABORDERE accouru parmi les premiers et dont le dévouement inlassable ne s’est pas démenti un instant depuis lors. Je tiens à signaler la belle conduite de Mr De CUNHA, gendre du consul, qui s’est porté avec lui sur les débris de SURPRISE quelques instants après le désastre. Depuis, il n’a pas cessé de se prodiguer sans compter pour assurer jusque dans les détails l’entretien des survivants.

J’attire votre attention sur la conduite des hommes suivants :

- ABIVEN, 1er maître mécanicien, dès les premiers instants m’a secondé dans la direction et l’organisation du détachement des survivants avec un zèle intelligent et une grande autorité.
- LE DOUAIRON, second maître canonnier, à peine arrivé à terre, s’est occupé avec sang froid de rassembler les survivants et d’en faire l’appel. Depuis lors, il seconde efficacement le premier maître Abiven dans le commandement du détachement.
- POULMARCH, second maître de timonerie, après l’explosion, a quitté le dernier le poste d’équipage après s’être assuré qu’il était complètement évacué. A terre, seconde efficacement le premier maître.
- BERGER, QM canonnier, accouru à son poste de combat, a dirigé efficacement l’évacuation d l’avant.
- GUILLOU, canonnier breveté, projeté à la mer par l’explosion, a cédé l’espar qui le soutenait à un de ses camarades plus en danger que lui.
- THOMAS, QM de manœuvre, étant lui-même en danger de se noyer, a aidé un de ses camarades à se dégager des agrès qui l’entraînaient.
- DERRIEN, QM fusilier, CHOTARD, canonnier breveté, POZEC, canonnier breveté, recueillis par une embarcation, ont exigé qu’elle revienne sur les lieux et ont ainsi sauvé plusieurs hommes.

La plus grande partie du matériel doit être considérée comme perdue. Les effets retrouvés ont été répartis entre les survivants.
Au sujet des documents secrets je ne puis que vous répéter les termes de mon télégramme chiffré du 5 Décembre. Les principaux documents ont coulé dans un coffret en fer. Au moment où j’ai quitté le bord, n’étaient pas dans ce coffret la table CS 15, le dictionnaire télégraphique, les circulaires secrètes du Ministre, de l’Armée navale et de la Division navale du Maroc. Je n’ai jusqu’à ce jour reconnu aucun de ces documents parmi les objets recueillis. Les livres de la Tactique ont été pendant plusieurs jours aux mains des autorités portugaises. Rien n’a été retrouvé de la comptabilité.
Le rôle de notes de l’équipage, retrouvé à la surface m’a permis d’établir avec exactitude la composition de l’effectif au moment de la perte du bâtiment. Je joins ce document au présent rapport.

Le corps du second maître Guichoux a été retrouvé le 3 Décembre, identifié et inhumé avec les honneurs militaires dans le cimetière de Funchal.

Voici la signature de l’EV1 Jouglard

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(à suivre)

Cdlt
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Re: SURPRISE - Canonnière

Message par NIALA »

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Canonnière La Surprise
Cordialement

Alain
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