Liberté, comme d'autres navires coulés, quelle qu'en soit la cause, n'a pas été immédiatement relevé. Les raisons sont diverses et multiples.
un cas célèbre et comparable est celui du cuirassé Maine, coulé à la suite d'une explosion dans le port de La Havane le 15 février 1889. L'épave, examinée par les plongeurs, a été laissée en état. Lorsqu'il s'est agi de la faire disparaître en raison de l'accroissement de l'activité du port, en 1909, la découpe à l'explosif était la solution la plus simple. Cependant, il y avait une forte volonté de comprendre les causes de la perte: explosion interne ou externe, dans le contexte de la guerre américano-hispanique. Les dégats de la coque étaient trop importants pour envisager des réparations sous l'eau, le vidage des compartiments et la reflottaison de l'épave. C'est donc la solution, rare, du batardeau autour de l'épave qui a été choisie, menée par le corps des Ingénieurs de l'Armée, l'U.S. Navy ne disposant pas des moyens adéquats. Le batardeau a été construit pendant l'année 1911. L'épave était coupée en deux, en trop mauvais état pour être réparée. Chaque partie a été rendue étanche pour pouvoir flotter puis a été sabordée en eaux profondes. L'examen de la coque a conduit à la confirmation de la thèse de l'explosion externe, qui sera cependant remise en cause en 1976 par une étude de l'amiral Rickover.
En France, l'épave du cuirassé France, coulé sur une roche inconnue en 1922, n'a été démolie qu'à partir de 1935, et terminée en 1958. C'est la technique du découpage et du levage qui a été utilisée.
En Italie, à la suite d'incendie et d'explosion, le cuirassé de 24 000 t Léonardo Da Vinci a chaviré le 2 août 1916 en rade de Tarente. Le navire reposant quille en l'air, la coque émergeant partiellement, après obturation des orifices, a été soulevé à l'air comprimé, et avec des flotteurs, mis au bassin, toujours tête en bas. Il a été préparé pour le retournement, effectué en 1921 et réparé.L'opération a été conduite par le l'ingénieur général Ferranti des constructions navales italiennes, remplacé à sa mort par son adjoint, le major Gianelli.
Le sabordage de la flotte allemande à Scapa Flow, en 1919, a permis de mettre en oeuvre toutes sortes de techniques de renflouement et a assuré la célbrité d'Ernest Frank Guelph Cox qui avait racheté la flotte pour £ 24 000 (32 navires relevés, 170 000 t).
Sources : Captain C.A. Bartholomew, Mud, Muscle, and Miracles, Naval Historical Center, 1990.
L'envoi de cet ouvrage est savoureux : "A science of vague assumptions based on debatable figures taken from inconclusive experiments and performed with instruments of problematic accuracy by persons of doubtful reliability and questionnable mentality".
Raymond Lestonnat, Le renflouement du Léonardo da Vinci, n° 4001, L'Illustration du 8 novembre 1919.
Joseph N. Gores, Marine salvage, David & Charles, 1971.
Maine, Impératrice-Marie, Mirabeau et bien d'autres "manutentions" de grand volume ont fait l'actualité. Rares furent celles qui osèrent le batardeau. Les expériences allemandes de la WWI que vous citez mais aussi celles nécessaires pour le renflouement de la Flotte post sabordage de nov. 1942 font école (67 bâtiments de guerre, dont 6 auxiliaires étaient sabordés ; 205 000 tonnes envoyées par le fond + 6 bâtiments aux bassins + 26 remorqueurs + 3 gabares. 5 mois plus tard déjà 45 000 tonnes et 10 mois pour atteindre les 155 000 t. récupérées par des opérateurs allemands et italiens.) C'est souvent du relevage et du découpage ; rarement du redressement. Mais les conditions en pleine mer et celles à quai, sur des bâtiments sans problème de carène sont totalement différentes. Elles justifient en grande partie les délais de mise en oeuvre des dégagements d'épave.
Actuellement les pratiques ne sont pas bien différentes. Elles figurent résumées dans la Note FG III du 15 octobre 1943 qui semble toujours en référence sinon en vigueur dans les établissement industriels de la Marine.
Il en ressort : simplicité des moyens, essais systématiquement repris jusqu'au succès et le bon-sens !
Des conférences sont données régulièrement par Louis Turle, un ancien de la Navale qui a participé a des renflouements majeurs dans la seconde partie du XXème siècle. Elle sont basées sur des prises de vue in situ. Il a édité un ouvrage sur ces / ses pérégrinations de "renfloueur" en chef de la DCAN. Aux Presses du Midi, "De Diego-Suarez au Tuamoutu", 167 pages par un "releveur d'épaves". La prochaine conférence connue sera donnée au Musée national de la Marine de Toulon (je n'ai plus la date, elle sera en ligne http://www.aamm.fr/25_Agenda/Agenda.htm ).
L'épave que je suis va se maquiller pour basculer dans l'année nouvelle.
Merci pour vos infos sur le sujet. C'est toujours enrichissant. Je tâcherais de consulter vos références ignorées jusqu'alors ! Mais je pense avoir l'Illustration en stock ; question de gisement !
- Une image du Maine lors de son relevage (ici en 1911) que j'adore (prélevée sur le ouèb):