Bonjour à tous,
On trouve aux archives trois rapports concernant un incident assez inhabituel, survenu au navire hôpital ASIE en Avril 1918.
Ils émanent du commandant, du 1er lieutenant et du médecin.
Le récit suivant est un condensé des trois rapports.
Le 4 Avril 1918, par 38°50 N et 15°13E (nord du détroit de Messine) alors que l’Asie fait route de Marseille sur Salonique, un coup de canon est entendu. Le projectile tombe à 500 m sur Td avant. Les machines sont aussitôt stoppées. La nuit tombant, le sous-marin n’est pas aperçu tout de suite se tenant à environ 1500 m sur Bd avant.
Par signaux lumineux, il ordonne en anglais au paquebot d’envoyer un canot avec l’officier neutre espagnol qui se trouve à bord. Celui-ci, qui se nomme Llenera, refuse tout d’abord de quitter l’Asie, mais sur l’insistance du commandant Blazy, et un 2e coup de semonce ayant été tiré, il embarque finalement dans le youyou avec le 1er lieutenant, Mr d’Etat.
Le youyou accoste le sous-marin dont le pont est balayé par la houle et qui roule d’un bord sur l’autre. L’officier espagnol parvient à monter à bord, mais le lieutenant qui veut le suivre en est empêché. « Not necessary » lui dit un officier allemand.
Néanmoins il entend la conversation entre l’Espagnol et l’Allemand, qui se déroule en français. On demande des renseignements sur les ports et les dates de départ et d’arrivée, sur la nature du chargement (pas d’armes ou de munitions), et les Allemands veulent s’assurer que l’Espagnol reste toujours à bord et qu’il reviendra à Marseille avec le paquebot.
Soudain, on entend un bruit de chute et une certaine animation se déclenche sur le sous-marin ; des marins sortent du kiosque et se précipitent sur le pont. L’officier espagnol, croyant à une alerte, dégringole du kiosque et saute dans le youyou sans même prendre congé du commandant allemand.
Le youyou est à peine débordé que celui-ci crie en français « Un homme à la mer »
Le lieutenant lui répond aussitôt qu’il va à son secours. Le youyou contourne le sous-marin par l’arrière et vient du côté bâbord. Il voit le corps d’un marin, inerte, que ses camarades sont en train de hisser hors de l’eau et il entend prononcer le mot de « médecin ».
Il propose alors au commandant allemand d’aller chercher un médecin sur l’ASIE. Celui-ci accepte.
Le youyou revient accoster l’ASIE. L’officier espagnol remonte à bord tandis qu’un médecin, le docteur Marin, prend sa place dans le youyou. Revenus le long du sous-marin, le médecin et le lieutenant montent à bord. Tandis que le médecin descend dans le submersible accompagné d’un officier parlant français, le lieutenant reste avec le commandant dans le kiosque et la conversation s’engage en anglais car ce dernier ne maîtrise pas bien la langue de Molière.
L’Allemand remercie tout d’abord le lieutenant d’être allé chercher un médecin. Il lui demande si le paquebot ne serait pas par hasard un ancien paquebot allemand, combien de voyages ils font ainsi chaque mois pour transporter blessés ou malades. Il lui conseille de toujours garder illuminés la croix rouge et les croix vertes pendant la nuit.
Pendant ce temps le médecin ausculte le marin qui doit reprendre ses esprits… Mais dans son rapport il ne donne aucun renseignement d’ordre médical, seulement quelques renseignements sur le sous-marin.
Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas d’un grand intérêt, portant surtout sur la disposition des couchettes dans le poste équipage. Il n’y a pas de hamacs ce qui semble le surprendre.
Quand le médecin remonte, le commandant allemand renouvelle ses remerciements et prie le lieutenant de les transmettre au commandant de l’ASIE. Il lui indique qu’ils peuvent continuer leur route.
A 21h15, le youyou est remonté sous son bossoir et les deux navires s’éloignent, chacun de leur côté.
Aucun commentaire de l’amirauté n’est joint à ces trois rapports.
Il serait bien sûr intéressant d’identifier ce sous-marin, son commandant, voire le matelot maladroit tombé à la mer…;). A noter que la position est un peu incertaine car les chiffres sont pratiquement illisibles (5e ou 6e copie carbonée) J’ai déduit la latitude à partir de la longitude en essayant de ne pas mettre les navires sur la terre !
Voici la silhouette du sous-marin dessinée par les officiers français.
Cdlt