Le sauvetage des naufragés de l'Amiral-Magon par le torpilleur d'escadre Arc
I. — Torpilleur d’escadre Arc — alors commandé par le lieutenant de vaisseau Jean Michel Arthur TARDIEU —, Journal de navigation n° 1/1917 — 10 janvier ~ 3 mars 1917 — : Service historique de la Défense, S.G.A. « Mémoire des hommes » –, Cote SS Y 34, p. num. 491 à 498.
— 18 janvier 1917 : Appareille de Toulon pour Malte, afin d’escorter l’Empress-Ekatherina II.
— 21 janvier : Quitte le convoi. Fait route sur le mouillage de La Valette.
— 23 janvier : Appareille du port de La Valette pour la baie de Saint-Paul.
• 16 h. 40 – Mouille dans cette baie.
— 24 janvier :
• 4 h. 30 – Appareille de la baie de Saint-Paul pour rechercher le convoi constitué par l’Amiral-Magon et la Pampa.
• 12 h. 00 – En route devant le convoi.
• Vers 17 h. 00 – Prend poste pour la nuit derrière le convoi.
— 25 janvier.
• 0 h. 00 – Derrière le convoi.
• 5 h. 00 – Route au S. 86 E. derrière le convoi.
• 7 h. 00 – Prend poste derrière le convoi.
• 8 h. 00 – En route devant le convoi ; aperçoit à 8 h. 25 un navire de guerre. Croise à 9 h. 00 les vapeurs français Ionie et Médie, route à l’Ouest.
• 9 h. 35 – Fait le tour de la Pampa pour interpréter un signal de point.
• 11 h. 12 – Vient sur la gauche à l’alerte donnée par l'Amiral-Magon ; met à toute vitesse.
• 11 h. 15. – Par radio : « Amiral-Magon torpillé. ».
• 11 h. 24 – L’Amiral-Magon coule par l’arrière. Manœuvre pour rechercher le sous-marin. Organise les secours ; amène ses embarcations et ses radeaux.
• 12 h. 00 – Effectue le sauvetage des naufragés.
• 12 h. 05 - Aperçoit le périscope du sous-marin à 30 m à ¼ bâbord. Tire un coup de canon de 65 et un autre de 47. Remet alors en route en route et patrouille un quart d’heure sans rien voir. Puis reprend le sauvetage des survivants.
• 15 h. 00 – Immerge le cadavres du chef mécanicien de l’Amiral-Magon, ainsi que ceux de quatre soldats, après avoir récupéré leurs médailles d’identité. Puis poursuit les opérations de sauvetage.
• 17 h. 00 – Arrivée sur les lieux du torpilleur d’escadre Bombarde.
Sauve au total 471 hommes, ainsi que deux canots ; en remet une partie à 18 h. 00 à la Bombarde.
• 18 h. 30 – Met en marche, route pour Argostoli.
— 26 janvier.
• 7 h. 50 – Passe le 1er barrage d’ Argostoli.
• 8 h. 00 – Remet aux cuirassés Mirabeau et Condorcet les naufragés demeurés à son bord.
• 9 h. 15 – Mouille en baie d’Argostoli.
— 18 janvier 1917 : Appareille de Toulon pour Malte, afin d’escorter l’Empress-Ekatherina II.
— 21 janvier : Quitte le convoi. Fait route sur le mouillage de La Valette.
— 23 janvier : Appareille du port de La Valette pour la baie de Saint-Paul.
• 16 h. 40 – Mouille dans cette baie.
— 24 janvier :
• 4 h. 30 – Appareille de la baie de Saint-Paul pour rechercher le convoi constitué par l’Amiral-Magon et la Pampa.
• 12 h. 00 – En route devant le convoi.
• Vers 17 h. 00 – Prend poste pour la nuit derrière le convoi.
— 25 janvier.
• 0 h. 00 – Derrière le convoi.
• 5 h. 00 – Route au S. 86 E. derrière le convoi.
• 7 h. 00 – Prend poste derrière le convoi.
• 8 h. 00 – En route devant le convoi ; aperçoit à 8 h. 25 un navire de guerre. Croise à 9 h. 00 les vapeurs français Ionie et Médie, route à l’Ouest.
• 9 h. 35 – Fait le tour de la Pampa pour interpréter un signal de point.
• 11 h. 12 – Vient sur la gauche à l’alerte donnée par l'Amiral-Magon ; met à toute vitesse.
• 11 h. 15. – Par radio : « Amiral-Magon torpillé. ».
• 11 h. 24 – L’Amiral-Magon coule par l’arrière. Manœuvre pour rechercher le sous-marin. Organise les secours ; amène ses embarcations et ses radeaux.
• 12 h. 00 – Effectue le sauvetage des naufragés.
• 12 h. 05 - Aperçoit le périscope du sous-marin à 30 m à ¼ bâbord. Tire un coup de canon de 65 et un autre de 47. Remet alors en route en route et patrouille un quart d’heure sans rien voir. Puis reprend le sauvetage des survivants.
• 15 h. 00 – Immerge le cadavres du chef mécanicien de l’Amiral-Magon, ainsi que ceux de quatre soldats, après avoir récupéré leurs médailles d’identité. Puis poursuit les opérations de sauvetage.
• 17 h. 00 – Arrivée sur les lieux du torpilleur d’escadre Bombarde.
Sauve au total 471 hommes, ainsi que deux canots ; en remet une partie à 18 h. 00 à la Bombarde.
• 18 h. 30 – Met en marche, route pour Argostoli.
— 26 janvier.
• 7 h. 50 – Passe le 1er barrage d’ Argostoli.
• 8 h. 00 – Remet aux cuirassés Mirabeau et Condorcet les naufragés demeurés à son bord.
• 9 h. 15 – Mouille en baie d’Argostoli.
____________________________________________________________________________________________
II. — Torpilleur d’escadre Arc — alors commandé par le lieutenant de vaisseau Jean Michel Arthur TARDIEU —, Registre historique de la correspondance, Service historique de la Défense, S.G.A. « Mémoire des hommes », Cote SS Y 34, p. num. 889 à 892.
« RAPPORT DE MER DU COMMANDANT DE L’ARC,
LE LIEUTENANT DE VAISSEAU TARDIEU
LE LIEUTENANT DE VAISSEAU TARDIEU
Ce rapport de mer est la copie presque textuelle de l’original, établi dans les deux heures qui ont suivi l’arrivée de l’Arc à Argostolli et remis immédiatement, sur sa demande, à M. le contre-amiral, commandant la 2e division de la 2e escadre.
N’ayant qu’un brouillon pour reconstituer mon rapport, il a pu s’y glisser quelques très légères différences, mais elles sont sûrement insignifiantes ; je me suis attaché à reproduire tel quel le texte remis immédiatement au commandant supérieur de la rade.
N’ayant qu’un brouillon pour reconstituer mon rapport, il a pu s’y glisser quelques très légères différences, mais elles sont sûrement insignifiantes ; je me suis attaché à reproduire tel quel le texte remis immédiatement au commandant supérieur de la rade.
RAPPORT DE MER DE LA TRAVERSÉE DU 23 AU 26 JANVIER 1917
Appareillé de La Valette le 23 janvier, à 14 h. 30, avec mission d’escorter le convoi Amiral-Magon – Pampa , qui devait franchir le lendemain matin, à 8 heures, le point de la route située à 11 milles Sud de …elimara.
Appareillé le 24, à 4 h. 30, de la baie de Saint-Paul pour rejoindre le convoi au point fixé.
L’escorte de la Méditerranée occidentale ayant quitté le convoi plus tôt que le supposait le C.V.D., le télégramme de rendez-vous n’avait pas été reçu et le convoi passé 2 h; ½ avant l’heure prévue.
Grâce à un horizon extraordinairement clair, la vigie put me signaler deux fumées dans le S.-E., à 20 milles environ. Je fis route pour les rejoindre ; c’était bien le convoi que nous prîmes à 10 heures.
Jolie brise de N.-O., grosse houle de S.-E. A 14 h. 45, dépassé la Sylvie, même route.
Le 25, la brise est du N.-O. ; ayant molli la nuit, elle reprend avec le jour et souffle " jolie brise " ; la houle d’Est persiste.
A 8 h. 25, croisé un bâtiment, route Ouest, à 10 milles environ dans le Sud, silhouette de sloop.
A 9 h. 00, croisé les vapeurs Iénie et Médie naviguant de conserve, route Ouest.
A 11 h. 14, l’Amiral-Magon, derrière nous à 800 m environ, actionne sa sirène et vient à droite toute.
Alerte !
Venu à gauche toute, lancé les machines à toute vitesse. On aperçoit vaguement un sillage qui, étant donné l’état de la mer, disparaît aussitôt.
L’Amiral-Magon est torpillé par bâbord milieu.
Explosion moyenne ; la gerbe dépasse de peu le haut de la cheminée.
A 11 h. 24, le bâtiment coule par l’arrière.
Pendant environ ¼ d’heure, manœuvré pour rechercher le sous-marin, routes en crochets à grande vitesse.
Rien vu.
La mer est couverte de débris, d’embarcations, de radeaux et de naufragés appelant à l’aide.
Malgré le danger couru d’être torpillé à mon tour, il me paraît dès lors difficile de ne pas tenter de venir au secours de ces malheureux qui commencent à couler sous nos yeux.
Amené les embarcations en évoluant, jeté à l’eau nos trois radeaux près des groupes les plus nombreux (ils sauvèrent une quinzaine d’hommes).
Manœuvré pour repêcher pour ainsi dire un à un les naufragés.
Je cherchais à rester le moins longtemps possible à la même place et au même cap, mais les stations étaient souvent fort longues, beaucoup trop à mon gré. Il était en effet extrêmement difficile de hisser ces malheureux, incapables de faire un mouvement ; plusieurs à moitié morts.
Nous roulions bord à bord.
C’est alors que quelques hommes du bord se jetèrent à l’eau à maintes reprises pour aller élinguer les naufragés sur les épaves et les ramener avec eux.
L’embarquement du personnel sauveté par les embarcations était presque aussi pénible. Notre youyou chavire par suite de la précipitation maladroite des rescapés ; un de nos berthons mis à l’eau remplit au large. Les deux embarcations durent être abandonnées.
A 11 h. 55, lors de la première station que je fus amené à faire pour embarquer le personnel ramené par les embarcations, toutes deux le long du bord, un homme de l’armement du 65 signala : " Sous-marin par bâbord, à nous toucher ! "
Je vis en effet le périscope (très mince) sortant d’environ 60 cm de l’eau, et à quelques 20° par bâbord, à 30 mètres de nous, et marchand à 6 nœuds. Il plongea aussitôt, passant à une vingtaine de mètres sur notre avant, presque normalement à notre cap.
Nous étions au milieu des débris.
Mon premier mouvement fut de mettre en avant à toute vitesse, mais je réfléchis aussitôt que c’eut été un geste inutile et dangereux. D’une part, en effet, les machines ne seraient pas encore parties que le sous-marin nous aurait déjà largement dépassé, et, d’autre part, c’eut été presque faire chavirer nos embarcations chargées, sans compter les naufragés nous entourant que les remous auraient fait couler.
Je pensais à lui lancer une torpille mais sa route était on ne peu plus défavorable et, en tout cas, étant donné le temps très appréciable nécessaire pour pointer le tube dans les conditions de roulis et d’encombrement du bâtiment, il ne restait aucune chance pour l’atteindre par la torpille.
On eut juste le temps de lui envoyer un projectile de 65 (obus A.) et un de 47.
Je fis rapidement dégager les embarcations et patrouillais quelque temps, dans la direction où il avait disparu.
Le sauvetage homme par homme dura presque vers 14 h 00. Nous sauvâmes ainsi 150, peut-être 200 hommes, qui n’avaient pas trouvé place dans les embarcations du transport ou sur les radeaux.
Vers 14 heures, il n’y avait plus de survivants dans l’eau.
Je m’occupais alors du personnel des radeaux, commençant par les plus petits et ceux qui étaient les plus éloignés du groupe central.
Entre temps, l’arrivée de la Bombarde nous avait été signalée. Pour faciliter le ralliement, je fis hisser en tête de mât notre grand pavillon national et donné ordre aux chauffeurs de faire le plus de fumée possible.
La brise mollissait peu à peu et, au coucher du soleil, elle était presque tombée.
A ce moment, tout le personnel des radeaux avait été sauvé, dont quelques uns par la Bombarde, survenue peu avant le coucher du soleil.
Ne restaient plus que les embarcations. Je pris les deux plus éloignées à la remorque et les conduisit du côté de la Bombarde. Je sentais en effet qu’il m’eût été difficile de prendre plus de monde à mon bord.
Nous croyons n’avoir que près de 400 rescapés ; en réalité, nous en avons près de 500.
Cinq naufragés étant morts de congestion vers 15 heures, nous les immergeâmes (la place nous était indispensable pour les survivants).
La nuit faite, nous fîmes une ronde ; puis la Bombarde ayant pris la direction ses opérations, nous signala de retourner à Argostoli.
Début de nuit calme, puis brise de S.-O, passant à l’Ouest en fraîchissant.
Dans le canal de Zante, trouvé une mer de travers pour nous faire donner quelques roulis d’allure un peu inquiétante, indiquant bien notre chargement anormal. Modifié la route en conséquence.
A 8 h. 00, entré à Argostoli.
Je crois pouvoir affirmer que, dans cette circonstance, tout le monde a fait pleinement son devoir.
La mise à l’eau des moyens de sauvetage de l’Amiral-Magon et l’embarquement du personnel se sont faits avec un ordre parfait, ainsi que l’ont montré les résultats, étant donné la rapidité de la catastrophe. Le bâtiment était certainement bien entraîné et bien commandé.
L’équipage de l’Arc s’est montré ce qu’il est, c’est-à-dire un équipage de " braves gens ".
La bordée de veille resta jusqu’au bout de son poste de combat, tandis que tout le personnel disponible coopérait au sauvetage avec un entrain admirable.
Bien entendu, il ne fut question pour personne de manger ni, la nuit suivante, de dormir.
Je ne saurais trop louanger la conduite des hommes qui, par une mer très agitée, se sont jetés à l’eau, peut-être 10 fois chacun, pour amener le long du bord, par des roulis violents, les naufragés exténués, et qui l’ont fait, sachant qu’à la moindre alerte, j’étais obligé de les abandonner.
Ces hommes sont : le quartier-maître de timonerie Malausse, le quartier-maître mécanicien Galiay, les chauffeurs brevetés Gastaud et Merlin, et le mécanicien breveté Laurent.
Je dois citer le gabier Dubosq, patron du youyou, extrêmement dévoué et adroit ; a sauvé beaucoup de monde dans sa petite embarcation ; a soutenu plusieurs soldats quand cette embarcation a chaviré le long du bord.
Le patron de la baleinière, quartier-maître de manœuvre Fouqueu-Sarasin, et le quartier-maître électricien Mart : d’un dévouement inlassable, ont rendu de très grands services par leur sang-froid et leur adresse.
Le quartier-maître mécanicien Antignac : s’est proposé spontanément pour armer le berthon, a fait plusieurs voyages et a fini par couler, recueilli dans la suite par la baleinière.
Le fusilier breveté Lasquellec, le quartier-maître canonnier Allès, le canonnier breveté Eychart, le torpilleur breveté Lhelgoualch, le matelot sans spécialité Médeleck et l’électricien breveté Thomas : ont pris part très activement au sauvetage dans diverses embarcations, faisant preuve d’une grande énergie.
Le torpilleur breveté Bagilet, le chauffeur Domas, le matelot clairon Le Mézet : se sont distingués à bord par leur entrain, leur dévouement et leur intelligentes initiatives dans le sauvetage des survivants.
Le canonnier breveté Girard, dont la veille attentive a permis d’apercevoir le périscope dès son émersion.
Le quartier-maître infirmier Cap : très zélé et d’un dévouement sans pareil, a multiplié ses soins et fait bon nombre de pansements dans des circonstances particulièrement difficiles (32 blessés et une dizaine d’asphyxiés).
Parmi les maîtres, je citerai le premier maître Guillou, qui m’a secondé sur la passerelle avec son zèle et sa capacité technique coutumiers.
Les deuxièmes maîtres canonnier Farcy, mécanicien Guivarch, de timonerie Savignac : se sont dévoués au sauvetage avec un zèle inlassable.
Enfin, l’état-major, et tout spécialement l’enseigne de vaisseau Roustan, officier en second, qui a dirigé les opérations de sauvetage de l’arrière, le tassement systématique du personnel sauveté dans toutes les parties du bâtiment, le ravitaillement et la police avec une énergie et un sang-froid tout à fait remarquables.
Le mécanicien principal Gicquel et l’enseigne de vaisseau de 2e classe Blazer, qui ont donné la main aux opérations de sauvetage avec le plus grand zèle et un réel dévouement.
Le lieutenant de vaisseau, commandant,
Signé : Tardieu.
Bord, Argostoli, le 26 janvier 1917. »
Appareillé le 24, à 4 h. 30, de la baie de Saint-Paul pour rejoindre le convoi au point fixé.
L’escorte de la Méditerranée occidentale ayant quitté le convoi plus tôt que le supposait le C.V.D., le télégramme de rendez-vous n’avait pas été reçu et le convoi passé 2 h; ½ avant l’heure prévue.
Grâce à un horizon extraordinairement clair, la vigie put me signaler deux fumées dans le S.-E., à 20 milles environ. Je fis route pour les rejoindre ; c’était bien le convoi que nous prîmes à 10 heures.
Jolie brise de N.-O., grosse houle de S.-E. A 14 h. 45, dépassé la Sylvie, même route.
Le 25, la brise est du N.-O. ; ayant molli la nuit, elle reprend avec le jour et souffle " jolie brise " ; la houle d’Est persiste.
A 8 h. 25, croisé un bâtiment, route Ouest, à 10 milles environ dans le Sud, silhouette de sloop.
A 9 h. 00, croisé les vapeurs Iénie et Médie naviguant de conserve, route Ouest.
A 11 h. 14, l’Amiral-Magon, derrière nous à 800 m environ, actionne sa sirène et vient à droite toute.
Alerte !
Venu à gauche toute, lancé les machines à toute vitesse. On aperçoit vaguement un sillage qui, étant donné l’état de la mer, disparaît aussitôt.
L’Amiral-Magon est torpillé par bâbord milieu.
Explosion moyenne ; la gerbe dépasse de peu le haut de la cheminée.
A 11 h. 24, le bâtiment coule par l’arrière.
Pendant environ ¼ d’heure, manœuvré pour rechercher le sous-marin, routes en crochets à grande vitesse.
Rien vu.
La mer est couverte de débris, d’embarcations, de radeaux et de naufragés appelant à l’aide.
Malgré le danger couru d’être torpillé à mon tour, il me paraît dès lors difficile de ne pas tenter de venir au secours de ces malheureux qui commencent à couler sous nos yeux.
Amené les embarcations en évoluant, jeté à l’eau nos trois radeaux près des groupes les plus nombreux (ils sauvèrent une quinzaine d’hommes).
Manœuvré pour repêcher pour ainsi dire un à un les naufragés.
Je cherchais à rester le moins longtemps possible à la même place et au même cap, mais les stations étaient souvent fort longues, beaucoup trop à mon gré. Il était en effet extrêmement difficile de hisser ces malheureux, incapables de faire un mouvement ; plusieurs à moitié morts.
Nous roulions bord à bord.
C’est alors que quelques hommes du bord se jetèrent à l’eau à maintes reprises pour aller élinguer les naufragés sur les épaves et les ramener avec eux.
L’embarquement du personnel sauveté par les embarcations était presque aussi pénible. Notre youyou chavire par suite de la précipitation maladroite des rescapés ; un de nos berthons mis à l’eau remplit au large. Les deux embarcations durent être abandonnées.
A 11 h. 55, lors de la première station que je fus amené à faire pour embarquer le personnel ramené par les embarcations, toutes deux le long du bord, un homme de l’armement du 65 signala : " Sous-marin par bâbord, à nous toucher ! "
Je vis en effet le périscope (très mince) sortant d’environ 60 cm de l’eau, et à quelques 20° par bâbord, à 30 mètres de nous, et marchand à 6 nœuds. Il plongea aussitôt, passant à une vingtaine de mètres sur notre avant, presque normalement à notre cap.
Nous étions au milieu des débris.
Mon premier mouvement fut de mettre en avant à toute vitesse, mais je réfléchis aussitôt que c’eut été un geste inutile et dangereux. D’une part, en effet, les machines ne seraient pas encore parties que le sous-marin nous aurait déjà largement dépassé, et, d’autre part, c’eut été presque faire chavirer nos embarcations chargées, sans compter les naufragés nous entourant que les remous auraient fait couler.
Je pensais à lui lancer une torpille mais sa route était on ne peu plus défavorable et, en tout cas, étant donné le temps très appréciable nécessaire pour pointer le tube dans les conditions de roulis et d’encombrement du bâtiment, il ne restait aucune chance pour l’atteindre par la torpille.
On eut juste le temps de lui envoyer un projectile de 65 (obus A.) et un de 47.
Je fis rapidement dégager les embarcations et patrouillais quelque temps, dans la direction où il avait disparu.
Le sauvetage homme par homme dura presque vers 14 h 00. Nous sauvâmes ainsi 150, peut-être 200 hommes, qui n’avaient pas trouvé place dans les embarcations du transport ou sur les radeaux.
Vers 14 heures, il n’y avait plus de survivants dans l’eau.
Je m’occupais alors du personnel des radeaux, commençant par les plus petits et ceux qui étaient les plus éloignés du groupe central.
Entre temps, l’arrivée de la Bombarde nous avait été signalée. Pour faciliter le ralliement, je fis hisser en tête de mât notre grand pavillon national et donné ordre aux chauffeurs de faire le plus de fumée possible.
La brise mollissait peu à peu et, au coucher du soleil, elle était presque tombée.
A ce moment, tout le personnel des radeaux avait été sauvé, dont quelques uns par la Bombarde, survenue peu avant le coucher du soleil.
Ne restaient plus que les embarcations. Je pris les deux plus éloignées à la remorque et les conduisit du côté de la Bombarde. Je sentais en effet qu’il m’eût été difficile de prendre plus de monde à mon bord.
Nous croyons n’avoir que près de 400 rescapés ; en réalité, nous en avons près de 500.
Cinq naufragés étant morts de congestion vers 15 heures, nous les immergeâmes (la place nous était indispensable pour les survivants).
La nuit faite, nous fîmes une ronde ; puis la Bombarde ayant pris la direction ses opérations, nous signala de retourner à Argostoli.
Début de nuit calme, puis brise de S.-O, passant à l’Ouest en fraîchissant.
Dans le canal de Zante, trouvé une mer de travers pour nous faire donner quelques roulis d’allure un peu inquiétante, indiquant bien notre chargement anormal. Modifié la route en conséquence.
A 8 h. 00, entré à Argostoli.
Je crois pouvoir affirmer que, dans cette circonstance, tout le monde a fait pleinement son devoir.
La mise à l’eau des moyens de sauvetage de l’Amiral-Magon et l’embarquement du personnel se sont faits avec un ordre parfait, ainsi que l’ont montré les résultats, étant donné la rapidité de la catastrophe. Le bâtiment était certainement bien entraîné et bien commandé.
L’équipage de l’Arc s’est montré ce qu’il est, c’est-à-dire un équipage de " braves gens ".
La bordée de veille resta jusqu’au bout de son poste de combat, tandis que tout le personnel disponible coopérait au sauvetage avec un entrain admirable.
Bien entendu, il ne fut question pour personne de manger ni, la nuit suivante, de dormir.
Je ne saurais trop louanger la conduite des hommes qui, par une mer très agitée, se sont jetés à l’eau, peut-être 10 fois chacun, pour amener le long du bord, par des roulis violents, les naufragés exténués, et qui l’ont fait, sachant qu’à la moindre alerte, j’étais obligé de les abandonner.
Ces hommes sont : le quartier-maître de timonerie Malausse, le quartier-maître mécanicien Galiay, les chauffeurs brevetés Gastaud et Merlin, et le mécanicien breveté Laurent.
Je dois citer le gabier Dubosq, patron du youyou, extrêmement dévoué et adroit ; a sauvé beaucoup de monde dans sa petite embarcation ; a soutenu plusieurs soldats quand cette embarcation a chaviré le long du bord.
Le patron de la baleinière, quartier-maître de manœuvre Fouqueu-Sarasin, et le quartier-maître électricien Mart : d’un dévouement inlassable, ont rendu de très grands services par leur sang-froid et leur adresse.
Le quartier-maître mécanicien Antignac : s’est proposé spontanément pour armer le berthon, a fait plusieurs voyages et a fini par couler, recueilli dans la suite par la baleinière.
Le fusilier breveté Lasquellec, le quartier-maître canonnier Allès, le canonnier breveté Eychart, le torpilleur breveté Lhelgoualch, le matelot sans spécialité Médeleck et l’électricien breveté Thomas : ont pris part très activement au sauvetage dans diverses embarcations, faisant preuve d’une grande énergie.
Le torpilleur breveté Bagilet, le chauffeur Domas, le matelot clairon Le Mézet : se sont distingués à bord par leur entrain, leur dévouement et leur intelligentes initiatives dans le sauvetage des survivants.
Le canonnier breveté Girard, dont la veille attentive a permis d’apercevoir le périscope dès son émersion.
Le quartier-maître infirmier Cap : très zélé et d’un dévouement sans pareil, a multiplié ses soins et fait bon nombre de pansements dans des circonstances particulièrement difficiles (32 blessés et une dizaine d’asphyxiés).
Parmi les maîtres, je citerai le premier maître Guillou, qui m’a secondé sur la passerelle avec son zèle et sa capacité technique coutumiers.
Les deuxièmes maîtres canonnier Farcy, mécanicien Guivarch, de timonerie Savignac : se sont dévoués au sauvetage avec un zèle inlassable.
Enfin, l’état-major, et tout spécialement l’enseigne de vaisseau Roustan, officier en second, qui a dirigé les opérations de sauvetage de l’arrière, le tassement systématique du personnel sauveté dans toutes les parties du bâtiment, le ravitaillement et la police avec une énergie et un sang-froid tout à fait remarquables.
Le mécanicien principal Gicquel et l’enseigne de vaisseau de 2e classe Blazer, qui ont donné la main aux opérations de sauvetage avec le plus grand zèle et un réel dévouement.
Le lieutenant de vaisseau, commandant,
Signé : Tardieu.
Bord, Argostoli, le 26 janvier 1917. »
___________________________________________________________________________________________
III. — Torpilleur d’escadre Arc — alors commandé par le lieutenant de vaisseau Jean Michel Arthur TARDIEU —, Registre historique de la correspondance : Service historique de la Défense, S.G.A. « Mémoire des hommes », Cote SS Y 34, pages num. 894 et 895.
Le Lieutenant de vaisseau, commandant l’Arc,
à monsieur le Capitaine de frégate, commandant la 8e Escadrille.
à monsieur le Capitaine de frégate, commandant la 8e Escadrille.
Commandant,
En arrivant à Argostoli après les opérations de sauvetage des rescapés de l'Amiral-Magon, le contre-amiral commandant la 2e Division de la 2e Escadre me demanda de lui établir d’urgence mon rapport de mer et de lui citer les hommes dont la conduite avait été particulièrement remarquable. 2 heures après, je lui remettais ce document dans lequel j’attirais un peu brièvement sa bienveillante attention sur un certain nombre d’hommes s’étant spécialement distingués.
A part quelques détails sans importance, en particulier sur la durée présumée de quelques uns des événements qui y sont relatés, un peu plus de précision s’étant faite depuis dans mon esprit, je ne vois rien à modifier dans mon rapport lui-même, mais je ne voudrais point que la sécheresse qui convient à un document de cette sorte et la hâte avec laquelle je fus amené à l’établir puissent être cause que les braves gens que j’y cite ne soient point récompensés comme il convient de leur dévouement qui, pour quelques uns, fut véritablement héroïque. Aussi je me permets, Commandant, de revenir sur ces faits.
Il convient d’abord d’établir les circonstances de temps dans lesquels se sont passés ce que j’appellerai les sauvetages individuels, sauvetage des naufragés n’étant ni sur les radeaux ni dans les embarcations, d’environ 11 h. 45 à 15 h. 30, et plus particulièrement de midi 15 à environ 14 heures.
Il ventait " jolie " brise de N.-O. ; la mer et le vent, se combinant avec une assez forte houle d’Est, rendait la mer très agitée ; quelque fut la position du torpilleur, nous roulions bord sur bord. Dans ces conditions, le sauvetage de gens n’ayant aucune espèce d’éducation maritime, transis de froid, souvent à moitié asphyxiés, incapables de faire un mouvement les rapprochant du bord, ni même de prendre les bouts qu’on leur lançait presque dans la main, ce sauvetage, dis-je, était particulièrement difficile. Il aurait été infiniment plus long et infiniment moins fructueux si des hommes du bord ne s’étaient courageusement jetés à l’eau pour amener à portée les malheureux rescapés. Pendant plus de 3 heures, les 5 hommes dont j’ai cité les noms, et qui sont le quartier-maître Malausse, le quartier-maître Galiay, les chauffeurs Gastaud et Merlin, le mécanicien Laurent, ont fait pour ainsi dire le va-et-vient entre le bord et les malheureux, cramponnés aux épaves et surnageant à 10, 20, 30 mètres du bord. Ils les prenaient à la remorque, les soutenaient au risque d’être entraînés avec eux et ne revenaient à bord que pour repartir quelques instants après. J’ai vu le quartier-maître Galiay obligé de lutter dans l’eau avec un mulet qui, poussé par l’instinct de conservation, s’embarrassait dans le filin avec lequel Galiay avait amarré un naufragé. Un quart d’heure plus tard, le même Galiay, pour ne pas perdre de temps (quelques minutes de gagnées, c’était probablement quelques sauvetés de plus) en amarrant le bout qu’il serrait entre ses dents à un petit radeau de 2 ou 5 hommes qu’il voulait amener le long du bord, se faisait remorquer par la mâchoire, entraînant le radeau avec lui. Je cite ces deux faits, entre bien d’autres que j’ai vus et encore davantage que je n’ai pas vus. Et ces hommes ont fait cela sachant parfaitement qu’à la moindre alerte, j’étais obligé de les abandonner pour venir les rechercher Dieu sait quand !
J’ai cité le patron du youyou Dubosq, gabier breveté, qui dans une mer très dure pour cette embarcation, a amené beaucoup de naufragés. A l’un de ces voyages, ayant été obligé par humanité à prendre le chargement exagéré de 10 rescapés, le youyou chavira le long du bord par suite de la hâte maladroite des rescapés. Dubosq resta dans l’eau, soutenant, encourageant les soldats, et ne remonta à bord que lorsque le dernier de ses naufragés y eût été hissé.
J’ai cité le quartier-maître mécanicien Antignac qui, armant spontanément le berthon, ramena quelques naufragés, puis coula au large où il fut sauvé par la suite par la baleinière.
J’ai cité l’armement de nos deux embarcations qui ont pris au sauvetage la part que l’on devine, dans les conditions que j’ai essayé de retracer.
Ce sont les quartiers-maîtres Fouqueu, Mart, les brevetés Lasquellec, Allès, Eychart, Lhelgoualch, Thomas, et le matelot sans spécialité Médéleck.
J’ai cité un certain nombre d’hommes, Bagilet, Domas, Le Mézet, comme s’étant particulièrement distingués à bord. Eux et bien d’autres, officiers, sous-officiers et marins agrippés le long du bord, plongés dans l’eau, parfois jusqu’à la ceinture, saisissaient les naufragés et hissaient ces pauvres loques raidies et inertes.
Voilà, Commandant, ce qu’a fait l’équipage de l’Arc et ce dévouement a eu sa récompense puisque, renseignements pris, j’estime à près de 200 le nombre des sauvetages individuels effectués.
J’ai cité le quartier-maître Cap qui a pansé 32 blessés dans les conditions que l’on peut imaginer facilement d’un [sic] torpilleur de 300 tonnes ayant 475 rescapés à bord. A part le canonnier Girard, dont la veille particulièrement fructueuse a permis de voir et de canonner le périscope du sous-marin émergeant le long du bord, au milieu des épaves, je n’ai pu citer l’armement des pièces : ils ont fait leur devoir ingrat et obscur mais indispensable au salut de tous.
Le lieutenant-colonel, commandant d’armes, et le capitaine de l’Amiral-Magon, tous deux rescapés dans ces conditions, m’ont à maintes reprises, exprimé leur admiration émue pour le dévouement héroïque de l’équipage.
Vous comprendrez facilement, Commandant, que j’ai le droit d’être fier de commander à de tels hommes et vous estimerez sans doute avec moi que la Marine peut s’enorgueillir d’avoir de pareils marins.
Signé : Tardieu.
P.S. : Je n’ai rien à retrancher aux citations élogieuses que je fais dans mon rapport de mer du 1er maître Guillou, des 2e maîtres Farcy, Guivarc'h et Savignac, du mécanicien principal Gicquel, de l’enseigne de vaisseau de 2e classe Blazer et surtout de l’enseigne de vaisseau de 1re classe Roustan qui a assuré la direction des sauvetages de l’arrière et toutes les corvées intérieures du bâtiment, entassement méthodique des hommes, soins, ravitaillement, avec une énergie, un calme et un sang-froid dignes des plus grands éloges.
En mer, le 28 janvier 1917.
.
En arrivant à Argostoli après les opérations de sauvetage des rescapés de l'Amiral-Magon, le contre-amiral commandant la 2e Division de la 2e Escadre me demanda de lui établir d’urgence mon rapport de mer et de lui citer les hommes dont la conduite avait été particulièrement remarquable. 2 heures après, je lui remettais ce document dans lequel j’attirais un peu brièvement sa bienveillante attention sur un certain nombre d’hommes s’étant spécialement distingués.
A part quelques détails sans importance, en particulier sur la durée présumée de quelques uns des événements qui y sont relatés, un peu plus de précision s’étant faite depuis dans mon esprit, je ne vois rien à modifier dans mon rapport lui-même, mais je ne voudrais point que la sécheresse qui convient à un document de cette sorte et la hâte avec laquelle je fus amené à l’établir puissent être cause que les braves gens que j’y cite ne soient point récompensés comme il convient de leur dévouement qui, pour quelques uns, fut véritablement héroïque. Aussi je me permets, Commandant, de revenir sur ces faits.
Il convient d’abord d’établir les circonstances de temps dans lesquels se sont passés ce que j’appellerai les sauvetages individuels, sauvetage des naufragés n’étant ni sur les radeaux ni dans les embarcations, d’environ 11 h. 45 à 15 h. 30, et plus particulièrement de midi 15 à environ 14 heures.
Il ventait " jolie " brise de N.-O. ; la mer et le vent, se combinant avec une assez forte houle d’Est, rendait la mer très agitée ; quelque fut la position du torpilleur, nous roulions bord sur bord. Dans ces conditions, le sauvetage de gens n’ayant aucune espèce d’éducation maritime, transis de froid, souvent à moitié asphyxiés, incapables de faire un mouvement les rapprochant du bord, ni même de prendre les bouts qu’on leur lançait presque dans la main, ce sauvetage, dis-je, était particulièrement difficile. Il aurait été infiniment plus long et infiniment moins fructueux si des hommes du bord ne s’étaient courageusement jetés à l’eau pour amener à portée les malheureux rescapés. Pendant plus de 3 heures, les 5 hommes dont j’ai cité les noms, et qui sont le quartier-maître Malausse, le quartier-maître Galiay, les chauffeurs Gastaud et Merlin, le mécanicien Laurent, ont fait pour ainsi dire le va-et-vient entre le bord et les malheureux, cramponnés aux épaves et surnageant à 10, 20, 30 mètres du bord. Ils les prenaient à la remorque, les soutenaient au risque d’être entraînés avec eux et ne revenaient à bord que pour repartir quelques instants après. J’ai vu le quartier-maître Galiay obligé de lutter dans l’eau avec un mulet qui, poussé par l’instinct de conservation, s’embarrassait dans le filin avec lequel Galiay avait amarré un naufragé. Un quart d’heure plus tard, le même Galiay, pour ne pas perdre de temps (quelques minutes de gagnées, c’était probablement quelques sauvetés de plus) en amarrant le bout qu’il serrait entre ses dents à un petit radeau de 2 ou 5 hommes qu’il voulait amener le long du bord, se faisait remorquer par la mâchoire, entraînant le radeau avec lui. Je cite ces deux faits, entre bien d’autres que j’ai vus et encore davantage que je n’ai pas vus. Et ces hommes ont fait cela sachant parfaitement qu’à la moindre alerte, j’étais obligé de les abandonner pour venir les rechercher Dieu sait quand !
J’ai cité le patron du youyou Dubosq, gabier breveté, qui dans une mer très dure pour cette embarcation, a amené beaucoup de naufragés. A l’un de ces voyages, ayant été obligé par humanité à prendre le chargement exagéré de 10 rescapés, le youyou chavira le long du bord par suite de la hâte maladroite des rescapés. Dubosq resta dans l’eau, soutenant, encourageant les soldats, et ne remonta à bord que lorsque le dernier de ses naufragés y eût été hissé.
J’ai cité le quartier-maître mécanicien Antignac qui, armant spontanément le berthon, ramena quelques naufragés, puis coula au large où il fut sauvé par la suite par la baleinière.
J’ai cité l’armement de nos deux embarcations qui ont pris au sauvetage la part que l’on devine, dans les conditions que j’ai essayé de retracer.
Ce sont les quartiers-maîtres Fouqueu, Mart, les brevetés Lasquellec, Allès, Eychart, Lhelgoualch, Thomas, et le matelot sans spécialité Médéleck.
J’ai cité un certain nombre d’hommes, Bagilet, Domas, Le Mézet, comme s’étant particulièrement distingués à bord. Eux et bien d’autres, officiers, sous-officiers et marins agrippés le long du bord, plongés dans l’eau, parfois jusqu’à la ceinture, saisissaient les naufragés et hissaient ces pauvres loques raidies et inertes.
Voilà, Commandant, ce qu’a fait l’équipage de l’Arc et ce dévouement a eu sa récompense puisque, renseignements pris, j’estime à près de 200 le nombre des sauvetages individuels effectués.
J’ai cité le quartier-maître Cap qui a pansé 32 blessés dans les conditions que l’on peut imaginer facilement d’un [sic] torpilleur de 300 tonnes ayant 475 rescapés à bord. A part le canonnier Girard, dont la veille particulièrement fructueuse a permis de voir et de canonner le périscope du sous-marin émergeant le long du bord, au milieu des épaves, je n’ai pu citer l’armement des pièces : ils ont fait leur devoir ingrat et obscur mais indispensable au salut de tous.
Le lieutenant-colonel, commandant d’armes, et le capitaine de l’Amiral-Magon, tous deux rescapés dans ces conditions, m’ont à maintes reprises, exprimé leur admiration émue pour le dévouement héroïque de l’équipage.
Vous comprendrez facilement, Commandant, que j’ai le droit d’être fier de commander à de tels hommes et vous estimerez sans doute avec moi que la Marine peut s’enorgueillir d’avoir de pareils marins.
Signé : Tardieu.
P.S. : Je n’ai rien à retrancher aux citations élogieuses que je fais dans mon rapport de mer du 1er maître Guillou, des 2e maîtres Farcy, Guivarc'h et Savignac, du mécanicien principal Gicquel, de l’enseigne de vaisseau de 2e classe Blazer et surtout de l’enseigne de vaisseau de 1re classe Roustan qui a assuré la direction des sauvetages de l’arrière et toutes les corvées intérieures du bâtiment, entassement méthodique des hommes, soins, ravitaillement, avec une énergie, un calme et un sang-froid dignes des plus grands éloges.
En mer, le 28 janvier 1917.
.