Bonjour à tous,
Attaque du 15 Juin 1917. Rapport du capitaine LEONELLI au CV commandant LAVOISIER, Commandant Supérieur des bâtiments français à Gibraltar
Ayant quitté Marseille pour Tanger, suivi depuis la frontière de France les eaux territoriales espagnoles conformément aux ordres reçus. Le 15 Juin 1917 à 11h33 CIRCASSIE était à 2,5 milles de Velez Malaga, faisant route au S85W. Vers 11h45 aperçu un sous-marin à hauteur de la ligne d’horizon, à 20° sur la gauche de la route, faisant route à l’ESE à 6 nœuds. La radio de Gibraltar avait signalé à 10h00 un sous-marin à 10 milles de Calaburras. La possibilité d’une rencontre avait été envisagée et les précautions de veille et de combat renforcées en conséquence.
Les conditions paraissant favorables, j’ai décidé d’attaquer l’ennemi tout en me mettant en règles avec les lois internationales et sauvegardant scrupuleusement l’honneur de notre pays. Fait route au S47W pour sortir de la zone neutre et me rapprocher du sous-marin. Notre canon de 75 était masqué par les canots et les radeaux et le sous-marin, nous croyant sans doute non armés, n’a pris aucune disposition offensive. J’ai pu l’attaquer au moment favorable que j’avais choisi.
A 12h08, CIRCASSIE arbore le pavillon national et je vire de bord à droite pour mettre le but dans le champ de tir. Evolution terminée à 12h10.Ouvert le feu et stoppé pour faciliter le réglage du tir. 1er et 2e coups courts. 3e à droite sur l’avant du but. Dès qu’il a vu nos couleurs, le sous-marin a pris ses dispositions pour nous canonner. Un homme s’est précipité vers sa pièce et l’a pointée vers nous. Mais notre tir a été si vite réglé que le sous-marin, jugeant sa situation dangereuse a viré de bord et a plongé. Notre 4e coup a explosé sur le kiosque avant son immersion et les deux suivants sont tombés au même endroit, provoquant des fumées noires. Le sous-marin, qui avait viré sur la droite de 180° pendant sa plongée a complètement disparu. Il a reparu une minute après, montrant l’extrémité de son étrave et une partie de l’avant de son kiosque passerelle.
Il n’est pas possible d’assurer de façon certaine que le sous-marin touché par nos projectiles ait été coulé bien que ma conviction, partagée par l’équipage et les passagers, fondée sur la précision du tir et l’inclinaison anormale du sous-marin pendant sa disparition laisse supposer qu’il a été englouti par l’arrière.
En plus de la satisfaction que j’ai eue d’attaquer l’ennemi, j’ai eu celle de constater que chacun à bord a fait son devoir de Français. En cette circonstance, j’ai eu l’impression émue que les hommes me faisaient toute confiance dans ces voyages que nous accomplissons pour le transport des troupes vers Maroc, Sénégal, Guinée ou Arkhangelsk, et où le souci constant de leur conservation est ma préoccupation continuelle.
La conduite des officiers a été parfaite. Le 2e capitaine, Mr. PADOVANI, a procédé à l’organisation des services de veille et de combat dans les conditions les plus satisfaisantes. Mr. SANTELLI, lieutenant, officier de tir, a dirigé le feu avec méthode et sang froid remarquable. Il a été secondé admirablement par le QM pointeur GRACIANETTE. Le maître d’équipage CASANOVA chargé pendant le combat de surveiller l’horizon et les sillages suspects, et le timonier RAFAELLI se sont acquittés de leur tâche avec tout le dévouement. Le chef mécanicien Monsieur BRUNEL s’est montré en cette circonstance un collaborateur remarquable dans l’organisation rapide des divers services le concernant. Le quart de service dans les machines et chaufferies, sous la direction de Mr. SAGOLS, 3e mécanicien, a eu une belle conduite. VALENTIN, chauffeur non de quart, est allé prévenir l’officier et ses camarades qu’un sous-marin était en vue. « Je crois que le commandant prend ses dispositions pour l’attaquer. Ne vous effrayez pas si vous entendez le canon. Je vous donnerai un coup de main pour avoir une bonne pression. Le chauffeur sénégalais LADY SAKO a dit : »Il y a un sous-marin ! Tant mieux, je suis content et ça ne me fait rien de mourir pour la France ». Il s’est mis à travailler aux feux avec ardeur.
Le télégraphiste Mc. GAC, a assuré son service dans de bonnes conditions et a transmis notre Allo sans le moindre retard.
Le restaurateur, Mr. ROUANNET, a très bien assuré son service d’agent de liaison entre passerelle de commandement et officier de tir.
Je crois accomplir mon devoir en vous signalant la conduite calme et disciplinée de tout l’équipage.
Récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
LEONELLI Aurèle Enseigne de Vaisseau Auxiliaire Marseille 604
Lors d’une rencontre de sous-marin, a fait preuve d’un esprit de décision et d’une énergie remarquable. A réussi à se faire abandonner.
Citation à l’Ordre du Corps d’Armée
SANTELLI Antoine CLC Lieutenant Bastia 288
Officier de tir. A donné les meilleures preuves d’habileté et d’énergie lors d’une attaque de sous-marin.
Citation à l’Ordre de la Brigade
GRACIANETTE Pierre QM Canonnier Bayonne 3610
Pour les qualités de pointeur dont il a fait preuve en défendant son navire contre un sous-marin.
Citation à l’Ordre du Régiment
PADOVANI Jean CLC 2e capitaine Bastia 292
VALENTIN Marius Chauffeur 44911.5
LADY SAKO Chauffeur sénégalais Dakar 921
Pour l’énergie et l’entrain dont ils ont fait preuve en défendant leur navire contre un sous-marin.
TOS du Ministre
Vapeur CIRCASSIE
Pour l’attitude disciplinée et énergique de son équipage lors de la défense de ce bâtiment contre un sous-marin le 15 Juin 1917
Le sous-marin aperçu et attaqué
C’était donc l’UC 53 du Kptlt z/s Kurt ALBRECHT. Le sous-marin n’avait pas été coulé.
Voici sa silhouette dessinée par les hommes de CIRCASSIE.
Cdlt