Qui est l'abbé Hélie ?

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Pax et labor 51
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Qui est l'abbé Hélie ?

Message par Pax et labor 51 »

J'aimerais savoir où trouver des renseignements biographiques sur l'abbé Hélie, qui en octobre1916 était affecté à l'infirmerie du 4ème Bataillon au 294ème Régiment d'Infanterie.

Voici la lettre qu'il écrivit à mon arrière-grand-mère, qui voulait avoir des renseignements sur son fils, le Capitaine Adjudant Major Octave Noir, disparu lors de l'attaque du 7 octobre à Morval (Pas-de-Calais). Dans la vie civile, Octave était prêtre catholique.

Le 31 octobre 1916

Madame,

Je voudrais apporter quelque consolation à votre profonde douleur, et si les renseignements que je puis vous donner, peuvent y contribuer, j’en rendrai grâce à Dieu. D’ailleurs, ce sera une dette de reconnaissance au Capitaine Noir que j’aimais, et dont la disparition m’a profondément affligé. Dans le secteur du fort de la Pompelle où nous étions avant la Somme, pendant toute une période de tranchées j’ai dit la messe dans son abri, avec ses ornements. Nous nous la servions mutuellement.

Je vais donc essayer, Madame, de répondre point par point, à toutes vos demandes.

1°) Le 7 octobre, le bataillon étant chargé de prendre des positions boches qui se trouvaient à gauche de Morval ou plutôt de Sailly-Saillisel, il sortit de la tranchée à l’heure de l’Après-midi, en vagues d’assaut. Le commandant et le capitaine Noir adjudant-major, partirent en seconde vague conduisant chacun un petit groupe, l’un les signaleurs, l’autre les agents de liaison.

2°) La vague d’assaut ayant progressé de 150 mètres, le commandant se trouva blessé de deux balles l’une à la cuisse et l’autre à la main. Il était environ 1h ½, car il faut vous dire que les vagues progressaient lentement, et seulement par bonds, les hommes se cachant dans les trous d’obus, pour éviter les balles des mitrailleuses qui tiraient très violemment. - Pour revenir au commandant, il fut déposé dans un trou d’obus et pansé par le caporal signaleur qui se trouvait à ses côtés. Il y resta jusqu’au moment où le calme se fit, et ayant été prévenu par le cap. signaleur, car j’étais au poste de secours, je fus le chercher avec 3 autres brancardiers et j’aidai à le transporter jusqu’au relai divisionnaire à environ 3 kil. en arrière. Ses blessures n’étaient pas très graves, il doit aller bien mieux maintenant, mais il ne m’a pas donné de ses nouvelles, donc je ne sais nullement dans quelle ambulance il se trouve actuellement. Le commandant ignorait totalement la suite du combat, aussi avant de me quitter eut-il soin de me dire, répondant à ma demande, qu’il enverrait de ses nouvelles au cap. Noir, à qui je m’adresserais.

3°) Je reprends en arrière. Aussitôt que le Commandant fut blessé, le capitaine Noir, ayant mis revolver au poing, prit le commandement du bataillon. Il devait tomber peu après vers 2h30.

4°) J’ai interrogé les soldats qui l’ont vu tomber. Selon ceux-ci il fut frappé d’abord dans les jambes, et tout chancelant continua à avancer jusqu’à ce qu’il fût blessé d’une balle dans la tête. (L’un de ces soldats s’approcha même du capitaine qui aurait dit : Je crois que j’ai gagné le Paradis.)

5°) Je n’appris la blessure du capitaine, qu’en entrant au Poste de secours après avoir porté le commandant, il pouvait être 11 heures. Je m’informai auprès de l’Adjudant de Bataillon de l’endroit où le cap. pouvait être resté, et je partis aussitôt à la recherche. Mais déjà les compagnies avaient réintégré leur tranchée de départ, aussitôt la nuit venue. La position qu’elles occupaient (ils n’avaient pu atteindre la tranchée ennemie) étant intenable. – Le capitaine se trouvait donc être entre les lignes.

J’allai vers l’endroit qui m’avait été indiqué, mais je fouillai en vain le terrain, demandant des renseignements aux équipes de brancardiers qui ramassaient les blessés. Je ne pus rien trouver. Faut-il ajouter que des soldats en revenant dans leur tranchée avaient vu le corps du capitaine Noir, m’indiquant l’endroit à peu-près, dans la nuit c’est toujours très difficile, et qu’ils m’assuraient qu’il était bien mort.

5°) La nuit suivante sur de nouvelles indications, je fis de nouvelles recherches sans plus d’heureux résultats. Je me suis borné là, nous étions relevés peu après.

6°) Il y a eu certainement des bombardements sur le terrain où pouvait être le capitaine Noir, mais pas très violents ̶ Mais le cas de corps (mot illisible) est assez fréquent.

7°) Je ne sais si le Capitaine Noir avait remplacé sa médaille d’identité et pourtant ceux qui l’approchaient lui ont vu jusque dans les derniers temps, une médaille d’identité suspendue à son cou : ses papiers suffiraient à le faire reconnaître.(voir note infra)

8°) Les blessés ont certainement été ramassés aux environs du lieu où pouvait être le Capitaine Noir mais les brancardiers ne l’ont pas vu.

D’autre part il est plus que certain que des patrouilleurs boches ont fouillé aussi le terrain, et s’ils emportent des blessés français, ce sera toujours de préférence des officiers, en raison des renseignements, des indications qu’ils peuvent trouver sur eux et dont ils se servent. ̶ Et ils emporteraient bien les officiers morts pour les mêmes raisons. ̶

Combien, Madame, je souhaite qu’il soit prisonnier, et que bientôt vous ayez de ses nouvelles, car je ne saurais vous affirmer sa mort, puisque je ne l’ai pas constatée par moi-même et qu’elle ne l’a pas été officiellement. ̶

J’ai vu le capitaine Noir, que j’appelais lorsque nous nous trouvions dans l’intimité monsieur l’Abbé, la veille de ce terrible jour. Il m’avait dit, que depuis qu’il se trouvait au danger, il vous écrivait chaque jour ;
Il m’avait dit aussi son regret de n’avoir pu aller prier sur la tombe de son frère, et il se promettait de faire ce pieux pèlerinage, à son retour. Nous sommes passés dans un voyage tout près de Cappy. Dans le secteur de la Pompelle, il m’avait demandé pour me montrer une photographie d’amateur où il était représenté en soutane sur laquelle étaient épinglées sa légion d’honneur et sa croix de guerre au milieu de quelques uns de ses confrères-professeurs au petit séminaire et mobilisés aussi. Il m’entretenait souvent de son petit séminaire de son désir d’y rentrer : comment Dieu n’a-t-il pu l’exaucer ? alors qu’il était si pieux et si mortifié ?

Vous m’avez demandé, Madame, de vous parler longuement de lui. Je me suis efforcé de répondre à votre désir ̶ et croyez que je ne vous oublierai pas et lui non plus auprès du Bon Dieu.

Daignez Agréer, Madame, l’Hommage de mon Respect

L. Hélie
Infirmerie du 4ème Bataillon
du 294ème Régiment d’Infanterie
Secteur 133


Note

Octave avait perdu son crucifix avec lequel il avait accroché sa plaque d’identité le 25 ou 26 septembre, comme il l’écrit dans une carte adressée à sa mère, datée du 2 octobre 1916 :

+ 2 oct.1916

Je n’aurai pu cette année dire la messe pour votre anniversaire de mariage. Le premier où vous n’avez plus tous vos enfants si heureux cependant de s’unir à l’ordinaire à votre fête que nous pensions toujours pouvoir célébrer de près ou de loin. Je m’attriste à songer que ce 2 octobre 1916 ne vous aura pas réuni vous et papa. J’ai éprouvé il y a 7 ou 8 jours une grande contrariété : mon crucifix est tombé, mon cordon s’étant cassé, et je n’ai pu le retrouver, c’est à cheval que j’ai dû le perdre — ma plaque d’identité y était fixée et peut-être grâce à cela vous sera-t-il renvoyé. J’y tenais beaucoup, mais c’était en plus du souvenir venant de vous, une croix que je pouvais faire embrasser aux très rares blessés que j’approchais — Je vous embrasse bien tendrement : on doit m’apporter ce soir mon carnet d’adresses je vous enverrai aussitôt celle de Mme Pastoureau de Labesse. Je vous embrasse encore.

Octave
Rutilius
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Qui était l'abbé Hélie ?

Message par Rutilius »

Bonsoir,

• « La preuve du sang. Livre d’or du clergé et des congrégations (1914~1922) »,
Bonne Presse, Paris, 1925, Tome I., p. 991.


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□ Par arrêté du Ministre de la guerre en date du 23 juillet 1916 (J.O. 26 juill. 1916, p. 6.633 et 6.640), inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire dans les termes suivants :

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Bien amicalement à vous,
Daniel.
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Achache
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Re: Qui est l'abbé Hélie ?

Message par Achache »

Bonjour,
Notice d'Octave NOIR dans le même ouvrage La Preuve du Sang
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Bien à vous,
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Achache
Émouvante forêt, qu'avons-nous fait de toi ?
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Pax et labor 51
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Re: Qui est l'abbé Hélie ?

Message par Pax et labor 51 »

Merci Achache pour votre réponse, que je viens seulement de découvrir parmi les messages si abondants et si riches de ce forum.

Cet abbé Hélie était un homme vraiment exceptionnel, et j'ai ressenti beaucoup d'émotion à lire les notices que vous nous transmettez.

Merci encore !
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Achache
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Re: Qui est l'abbé Hélie ?

Message par Achache »

Bonjour
C'est Daniel/Rutilius qui a donné les notices sur l'abbé Helie.
-Merci à lui d'avoir d'avoir corrigé le titre de l'ouvrage qui comportait une petite inadvertance.
Bien à vous,
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Achache
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Pax et labor 51
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Re: Qui est l'abbé Hélie ?

Message par Pax et labor 51 »

Voici une récapitulation de ce que j'ai pu découvrir au sujet de l'abbé Hélie grâce aux notices de La Preuve du sang.

Né à Saint-Lô dans la Manche, l’abbé Léon-Arsène Hélie (1885-1924) était le fils aîné d'un journalier et d'une couturière. Son frère Henri-Victor fut fait prisonnier en août 1914, et son frère Aimable-Pierre mourut pour la France en juin 1918.

Quand la guerre éclata, Léon-Arsène était curé de Gravigny et doyen de Pacy dans l’Eure.

Mobilisé dans le Service de Santé aux Armées sous le matricule 1112, il fut brancardier au 354e R.I., qui fortement éprouvé à Verdun en mai 1916 fut dissous le 9 juin suivant. L’abbé Hélie appartenait à la 19e Compagnie au sein du 5e Bataillon, placé sous l’autorité du Commandant Terriou. Après la dissolution du régiment, ce bataillon fut affecté au 294e R.I. pour en constituer le 4e Bataillon, ce qui explique la présence de l’abbé Hélie à Morval le 7 octobre 1916.

L’abbé Hélie s’était distingué en mai 1916 lors de l’attaque du Fort de Douaumont et reçut pour sa conduite héroïque la Médaille Militaire le 27 juin, avec cette justification : « N’a cessé, pendant sept jours de suite, dans un secteur très difficile, et notamment après l’attaque du 22 mai 1916, et le bombardement du 24, de donner à tout le bataillon un exemple admirable de dévouement et de mépris de la mort, en se prodiguant sans repos pour relever et réconforter les blessés et pour s’assurer qu’il ne restait plus personne à secourir au-delà de la première ligne. »

Il fut gazé en 1918 et mourut des suites de cette intoxication le 20 avril 1924. Il fut cité à l’Ordre de la Division en octobre 1918 : « Soldat remarquable de courage et de sang-froid, fait l’admiration de ses camarades par son entrain, son énergie et sa belle humeur. Le 24 octobre 1918, a fait preuve d’un mépris absolu du danger en parcourant toute la journée le champ de bataille sous le feu des mitrailleuses ennemies, relevant les blessés et les soignant avec un dévouement inlassable. A sauvé de ce fait la vie de plusieurs de ses camarades. Médaillé militaire pour faits de guerre. »

Je n'ai pu trouver sa photo.

J'aimerais beaucoup trouver des témoignages à son sujet. Donc si au cours de vos recherches et de vos lectures vous en trouvez un... Merci d'avance !
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Pax et labor 51
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Re: Qui est l'abbé Hélie ?

Message par Pax et labor 51 »

J'ai oublié de citer mes sources :
La preuve du sang. Livre d'or du clergé et des congrégations (1914-1922) , merci Achache et Rutilius.
A partir de ces notices, j'ai travaillé sur le J.M.O. des 354e et 394e R.I.
Et bien sûr Geneanet.
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