Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

mcdc
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Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

Message par mcdc »

Il y a 80 ans, était dissoute la Commission Portugaise des Sépultures de Guerre. Arrivée en France plusieurs mois après l’Armistice de 1918, le travail de cette commission est comme resté en suspens à l’aube de la 2nde GM et semble ne pas avoir repris de nos jours.

En effet, malgré l’idée souvent répandue que le Portugal a été neutre durant le 1er conflit mondial, cela n’a pas toujours été le cas. Pour plusieurs raisons, le gouvernement portugais de l’époque souhaitait apporter sa contribution auprès des Alliés. Les Britanniques, dont le Portugal est le partenaire historique, s’y opposait cependant que la France y était favorable.

La réquisition des navires allemands et austro-hongrois par le Portugal en 1916 fut l’occasion de la déclaration de guerre de l’Allemagne. L’ambition était de mobiliser environ 100 000 hommes sur le front français (en sachant que nombre de soldats ont également été envoyés sur le front africain, dans ce qui était alors des colonies portugaises : le Mozambique et l’Angola). A partir de février 1917, ce sont finalement 2 divisions comportant plus de 55 000 mobilisés qui sont arrivées par Brest jusqu’au secteur attribué aux Portugais sous le commandement britannique : au sud-ouest de Lille, la zone du front, d’une dizaine de kilomètres, s’étendait au sud le la rivière Lys, entre Armentières et Béthune (Fauquissart, Neuve-Chapelle, Ferme du Bois).

Du fait de l’instabilité des gouvernements successifs portugais, la 3ème division n’a jamais été envoyée vers la France et les deux premières ont été quasiment laissées à l’abandon. Le gouvernement succédant au président Machado en décembre 1917, contrairement à ce dernier, était favorable à l’Allemagne et partisan de la non-intervention.

A l’issue de ce conflit, le Corps Expéditionnaire Portugais aurait perdu deux à trois mille des siens en Europe. Afin de constituer les sépultures définitives, un groupe, composé notamment de combattants, est revenu et s’est installé à La Gorgue à l’été 1919.

Initialement, les dépouilles éparpillées ont été concentrées dans quelques cimetières de regroupement (essentiellement des cimetières britanniques gérés par l’IWGC , actuelle CWGC). Finalement, il a été décidé de toutes les rassembler dans un cimetière militaire unique, à Richebourg, route de la Bassée, lieu central pour les troupes portugaises, proche des anciennes tranchées.

Ces multiples exhumations et inhumations, ainsi que de nombreux autres motifs, que je ne listerai pas ici, ont abouti au résultat actuel et à une liste vieille de 1937 (ainsi que son reflet visible sur le site des archives historiques militaires ou « Arquivo Historico Militar »).

La version officielle indique que tous ceux qui avaient une sépulture connue ont été réunis : ce sont les 1 882 qui se trouvent dans trois sites connus en France et Belgique (1 831 à Richebourg, 44 à Boulogne-sur Mer et 7 à Anvers). Quelques rares cas ont été rapatriés. Deux membres de ma famille ont intégré le CEP pour se battre en France. Seul l’un d’eux est revenu. Le second, et son cadavre pour être plus précise, a été à l’origine du commencement de mes recherches début 2019.

Ces dernières m’ont conduite à un tout autre constat, bien loin de la version encore aujourd’hui diffusée : contrairement à ce que le Portugal écrit (y compris aux familles des concernés, comme ce fut mon cas une nouvelle fois il y a quelques jours), tous n’ont pas été ramenés vers les 3 lieux cités ci-dessus. L’objet de ma démarche ne consiste pas à en analyser les raisons ni même à expliquer pourquoi le Portugal maintient cette version à l’heure actuelle.

J’espère simplement pouvoir porter à la connaissance de ceux qui le souhaitent les lieux où l’on trouve des sépultures de soldats du CEP : que ce soit dans des cimetières allemands à quelques kilomètres de Richebourg comme en Province ou dans d’autres pays d’Europe (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Pologne…). Il s’agit bien évidemment de devoir de mémoire mais aussi de respect vis-à-vis des familles ce ces combattants ; à qui l’on écrit qu’aucune sépulture n’est connue malgré mes démarches. Certains d’entre eux ont été listés en 1937 comme ayant bien été transférés. Il n’existe malheureusement pas de liste plus récente.

D’autres cas, comme celui de mon aïeul et une cinquantaine d’autres peuvent paraître encore plus surprenants : après avoir eu une tombe avec un emplacement bien identifié dans un cimetière après la fin de la guerre, personne ne serait officiellement en mesure de nous dire où ils se trouvent aujourd’hui, alors qu’ils auraient été exhumés. C’est ce qui a motivé la création de mon site internet.
On peut donc dire que le travail de la CPSG, entre autres, reste à achever… Si je n’ai pas cette ambition, j’espère au moins pouvoir éclairer quelques familles laissées dans l’impasse alors que les sépultures existent, aussi lointaines du Portugal soient-elles.

L’occasion se présente ici une nouvelle fois de remercier ceux qui m’ont aidé dans mon parcours par quelque moyen que ce soit. Je pense aussi à Leuques qui m’a suggéré cette publication, qui n’est qu’une première ébauche certainement perfectible.

Des photos suivront prochainement pour l’illustrer.
Dernière modification par mcdc le mar. févr. 09, 2021 11:15 am, modifié 1 fois.
mcdc
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Re: Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

Message par mcdc »

Bonjour,

Je vous remercie sincèrement pour votre réponse: je n'avais pas prévu d'en "remettre une couche" mais vous m'en donnez là l'opportunité.

Le centenaire est effectivement passé et les VIP, comme le beau monde, dont je ne fais pas partie, s'en sont allés: je n'y étais pas mais il me semble également que les moyens sont là où l'on veut bien qu'ils soient affectés.Et il y aurait beaucoup encore à dire mais je ne m'étendrai pas ici sur leur façon de faire.

Je vous confirme aussi que les stèles sont de moins en moins lisibles...et que, désormais elles se couchent (elles tombent comme tous ces malheureux il y a 100 ans): cassées net à la base! Aux dernières nouvelles, l'une d'elles serait d'ailleurs encore au sol.

Pour autant, je fais une distinction entre ceux d'en haut et tous les autres qui continuent à se mobiliser: ce sont eux, à mon avis, qui font actuellement bouger les lignes. Sans mauvais jeu de mots, bien sûr car ce n'est pas du tout mon rayon.

Je suis plutôt portée sur le factuel et vous épargnerez donc les expressions "bateaux" du type: "les petits ruisseaux font les grandes rivières", "on n'a rien sans rien", "l'espoir fait vivre"...

On peut estimer, dire, écrire et même démontrer que la bataille est perdue ,je le conçois aisément... ou / et, on peut agir à son petit niveau, avec ses moindres moyens.

Ceci étant dit, j'en reviens au concret, celui qui me parle, m'amine et continue à me faire agir.
Le fait est donc que depuis quelques temps une poignée de bénévoles motivés avance pas à pas et, à force de faire du bruit, certaines choses se passent. Ceux d'en haut (qui nous lisent en -presque- toute discrétion puis récupèrent, transforment et interprètent comme bon leur semble - grand bien leur fasse; moi, je poursuis mon petit bonhomme de chemin) n'ont maintenant d'autre choix que de revoir quelques unes de leurs positions, répondre autrement aux familles et rouvrir des dossiers poussiéreux (qu'ils auraient préféré voir disparaitre). Aussi minimes soient elles, les avancées sont, à mon humble avis, bonnes à prendre.

L'inventaire à la Prévert n'est pas non plus de mon ressort, je me contenterai ici de quelques exemples en vrac.
Des familles sont maintenant informées que leur aïeul a une tombe (pendant que le Portugal continue d'écrire qu'il n'en a pas connaissance): un petit bout de vérité est donc rétabli.
Dans quelques semaines un objet appartenant à un membre du CEP (perdu en 17 ou 18 sur le champ de bataille) sera restitué à son petit-fils à l'autre bout du monde après des années de recherche pour trouver des descendants. Une petite transmission sera faite et ce sera pas peine perdue pour moi. De la même façon, en 2019, une plaque d'identification avait été remise directement au Portugal aux enfants mêmes du militaire, encore vivants.A Boulogne, on peut enfin consulter une simple liste nominative des 44 qui y reposent. Une personne, que je ne peux citer pour le moment, est actuellement en train de faire un travail titanesque (et la pragmatique que je suis pèse réellement ses mots) pour le cimetière de Richebourg. Cependant que d'autres ont débuté une collecte de fonds destinée au renouvellement des pierres tombales, etc, etc, etc...
J'arrête donc ici car je ne souhaite convaincre personne mais simplement remercier tous ces bénévoles qui se donnent. Je suis convaincue que le changement ne pourra venir que du bas. N'étant ni naïve ni utopiste, je me contente de prendre ce qu'il y a à prendre.

On peut estimer que ce n'est rien (ça ne me choquerait pas le moins du monde) mais tout cela me semble significatif en partant, comme dans le cas des Portugais, de presque rien.

J'arrête donc ici ma prose et vous souhaite, à tous, une très belle journée.

Christine
mcdc
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Re: Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

Message par mcdc »

Ci-dessous 2 liens vers le blog de Lionel Delalleau:

- le 1er vers la page concernant la plaque retrouvée par un de ses amis et restituée en 2019 au Portugal (de souvenir, ce sont les 2 fils du soldat au centre de la photo - il existe un article dans un journal en français sur cette restitution): https://portugalww1.blogspot.com/2020/1 ... -3520.html

- le 2ème vers la page consacrée à la plaque qu'il a retrouvée et pour laquelle la restitution est prévue en 2 étapes (cause distance, virus...). Une 1ère fois virtuellement fin février dans une sorte de "visio-conférence" diffusée sur le site de Lusojornal (en direct mais visible également en différé) puis une 2nde, bien réelle cette fois, en mai (sous réserve de déplacements possibles). Dans les 2 cas, les soldats ont survécu et, pour le 2ème, il a émigré vers le Brésil après son retour au Portugal à l'issue de la guerre. De fil en aiguille, nous sommes arrivés jusqu'à son petit-fils et les intervenants sont nombreux. A peu de choses près, cette plaque aurait pu être remise à la fille du militaire décédé en 2019...
https://portugalww1.blogspot.com/2020/1 ... degas.html

Je partagerai ici les éléments dès confirmation du RDV en "distanciel", comme on fait maintenant.
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pila
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Re: Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

Message par pila »

Le tocsin sonnait au clocher de Ploudaniel. La bonne apparut dans la cour de la ferme : "C'est la Guerre ! C'est la Guerre". Mémé.
mcdc
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Re: Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

Message par mcdc »

Merci beaucoup Pila, je ne connaissais pas ce site!
Je vois que vous êtes près de Brest: quelques images, si vous ne les connaissez pas déjà, du débarquement des Portugais à Brest en 1917, sur le blog (actuellement en construction) d'un ami:
https://portugalww1.blogspot.com/search/label/BREST

https://portugalww1.blogspot.com/2020/1 ... orise.html

Vous connaissez peut-être aussi l'histoire de Mme Héliès, la brestoise dite "la mère des Portugais".

Pour ma part, je me suis plus "penchée" sur le cimetière de Kerfautras.

Bonne soirée

Christine

PS; je me permets, ancien gestionnaire comptable, serait-ce en EPLE ?





pila a écrit : mer. févr. 10, 2021 5:16 pm Portugais au Front.

https://www.criticalpast.com/fr/video/6 ... s-marchant
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michelstl
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Re: Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

Message par michelstl »

Bonjour

Petit «à côté»

Photographies des Albums Valois

avec le mot «portugais, 294 résultats
Une seule avec un cimetière portugais à Neuve Chapelle en mars 1918
https://argonnaute.parisnanterre.fr/sea ... ch-query=1

avec le mot «portugaise», 29 861 résultats

avec le mot «CEP», 35 résultats
https://argonnaute.parisnanterre.fr/sea ... ch-query=1

Salutations
Michel
Salutations
Michel
mcdc
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Re: Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

Message par mcdc »

Bonjour

Merci Michel pour ces liens. En complément, voici celui des AHM (Archives Historiques Militaires au Portugal) où l'on retrouve les photos d'Arnaldo Garcez, photographe officiel de l'armée portugais. Une bonne résolution des photos mais des légendes quasi inexistantes en comparaison de l'ex-BDIC- La Contemporaine

https://arqhist.exercito.pt/details?id=155861

Bonne journée

Christine



michelstl a écrit : mer. févr. 10, 2021 8:31 pm Bonjour

Petit «à côté»

Photographies des Albums Valois

avec le mot «portugais, 294 résultats
Une seule avec un cimetière portugais à Neuve Chapelle en mars 1918
https://argonnaute.parisnanterre.fr/sea ... ch-query=1

avec le mot «portugaise», 29 861 résultats

avec le mot «CEP», 35 résultats
https://argonnaute.parisnanterre.fr/sea ... ch-query=1

Salutations
Michel
mderam
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Re: Les morts du CEP et le travail inachevé de la CPSG .

Message par mderam »

mcdc a écrit : mer. févr. 10, 2021 7:05 pm
Vous connaissez peut-être aussi l'histoire de Mme Héliès, la brestoise dite "la mère des Portugais".
Bonjour,

le lien qui va bien concernant la mère des Portugais:
https://lusojornal.com/brest-1917-la-me ... rtugueses/

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