La presse axonaise est décidément toujours aussi prolixe concernant le souvenir de la Grande Guerre et s'agissant de relayer les initiatives liées à cette période dans le département de l'Aisne. Dans son édition de samedi 18 février dernier, le journal L'Union se faisait ainsi l'écho des derniers projets du Conseil Général de l'Aisne dans la perspective des commémorations du centenaire de la Grande Guerre dans ce département... Cet article nous confirme notamment que la Caverne du Dragon s'apprête à connaître un profond changement de visage à l'horizon de 2014...
Je me rends compte que le scan de l'article paru dans l'édition de Laon du journal L'Union, reproduit ci-dessus, n'est pas extraordinairement lisible sur ce forum... Voici donc la version de l'édition de Soissons, en gageant que cette dernière le sera davantage...
Dix millions d'euros, cela me laisse vraiment fortement perplexe quant à la réalité des temps.... n'était-ce donc point 1 million d'euros ?
Cordialement, Hervé.
Les régiments de Béthune et Saint-Omer : les Poilus du Pas de Calais et d'ailleurs :
Bonsoir à tous,
Je lis dans l'article:
" Dans ce cadre s'inscrit, notamment, le projet de réaménagement et d'extension de la " Caverne du Dragon "... "
Ils enlèvent les hamacs et les cabines de douches pour construire des chambres à coucher et des salles de bains ???
Je connais des enfants qui vont être déçus ...
Bonjour,
ttttt ! Moi j'avais juste lu "Il s'agit de transformer la Caverne du Dragon en un véritable musée." dont acte [:alain dubois:4]
Cordialement
Alain
Bonsoir,
Il serait temps de rendre à cette creute son "attrait" d'antant et surtout arrêter de vouloir surfer sur la vague du centenaire.
Il a fallut 90 ans à notre département pour comprendre qu'il fallait préserver ce patrimoine; terre où tant de sang a coulé.
Mais, arrêtez de vouloir en faire un lieu touristique à tout prix et vraiment à tout prix. Il vaudrait peut-être mieux restaurer et mettre en les monument et lieux au bord de la disparition.
Des millions pour la Caverne du Dragon mais rien pour le monument allemand d'Ailles ou celui de Pancy.
Pourquoi ne pas réaliser un parc d'attractions au plateau de Californie.
C'est bon, c'est bon, j'arrête...
La question épineuse que vous posez là est celle que se posent de plus en plus de responsables (politiques, économiques...), historiens, archéologues, acteurs culturels et responsables de la conservation du patrimoine : Vu la densité, tous départements confondus, des vestiges de la Grande Guerre existant encore à ce jour, que faire de tout cela, sachant qu'on ne pourra jamais tout préserver ? Matériellement et financièrement...
Voyez, sur le site de "L'Union" les réactions de certains lecteurs au sujet du titre de cet article : beaucoup aujourd'hui, qui ne s'inscrivent pas dans notre logique, s'offusquent qu'on puisse dépenser tant d'argent public pour ce qui est du passé sur lequel il faudrait songer à tourner résolument et définitivement la page pour ne plus regarder que l'avenir, alors qu'il y a des priorités plus grandes et plus importantes (même si un auteur dont le nom m'échappe écrivait qu'une société qui oublie son histoire se condamne à la revivre). Et la plupart des décideurs politiques ne voient pas comment dépenser de l'argent pour sauvegarder durablement ces vestiges, si, à un moment donné ou à un autre, il n'y a de retombées financières sur l'investissement engagé pour la sauvegarde ou la préservation de tel vestige ou de tel site...
Dès lors, la mise en "tourisme de mémoire" devient vite une évidence...
Et cela peut se comprendre... Beaucoup des lecteurs et intervenants de ce forum sont eux-mêmes membres d'associations historiques ou de défense du patrimoine local (vestiges de guerre, etc...)... Chacun sait ce que cela coûte d'efforts et de moyens (financiers notamment) pour sauvegarder un site (qu'il s'agisse de quelques mètres de tranchées, ou de carrières souterraines, de forts, de blockhaus, de monuments, etc, ou tout à la fois de l'ensemble de ces vestiges)... Et combien ces efforts restent fragiles. Souvent le travail des associations ne repose que sur une poignée de bénévoles vraiment actifs, au temps et aux moyens financiers forcément toujours limités... Ces efforts restent aléatoires : une association naît, elle vit, elle risque tôt ou tard de mourir, faute de volontaires pour en reprendre la direction, faute de bénévoles pour reprendre les efforts de ceux qui les ont précédés, faute de temps, ou de moyens financiers, faute aussi parfois de volonté politique... Le rôle des associations, par conséquent, s'il est fondamental, reste soumis à trop de contingences qui nous échappent tous... Et c'est là que les politiques peuvent prendre le relais...
Mais bien sûr, pour mettre en perspective un site de mémoire, comme la caverne du Dragon et le champ de bataille du Chemin des Dames (comme de beaucoup d'autres), pour amener les collectivités territoriales, les instances départementales, régionales, voire nationales, à mettre la main au porte-monnaie, il faut un projet cohérent, logique et viable, tant culturellement qu'économiquement... Cela amène à faire, bon gré mal gré des choix dans ce qu'il convient de sauvegarder et de mettre en lumière et ce qu'on doit se résoudre à sacrifier volontairement...
Je ne dis pas que cette situation est la panacée : dans "mon" secteur de l'Oise, auquel je suis passionnément attaché également, la décision prise par un certain nombre de décideurs (politiques, administratifs et associatifs) de mettre en valeur la butte des Zouaves, en sacrifiant le ravin de Puisaleine (au nord du saillant de Quennevières), pour y implanter une décharge, me contrit et me révolte (moi, comme beaucoup d'autres !), suscitant l'incompréhension face à tant d'incohérence (en effet, ou le saillant de Quennevières est un site historique dans son entier qui mérite d'être enfin mis en valeur, et on préserve autant que possible son intégrité en le contextualisant et en faisant un vaste espace mémoriel digne de ce nom, ou c'est un site sans aucune valeur historique et alors il appartient à chaque association patriotique et historique de déserter cet espace et aux acteurs et décideurs de n'y développer aucun projet mémoriel. A quoi rimerait en effet un monument national des Zouaves culminant au-dessus d'une décharge ?).
Cette réserve faite, nous ne pouvons pas faire fi des acteurs politiques, qui, localement, et d'une manière générale, font souvent ce qu'ils peuvent pour sauver ce qui peut l'être... Il reste bien entendu des élus que la préservation des vestiges de guerre sur leur commune ne concerne pas... Dans la plupart des autres cas, soit les conseils municipaux voudraient bien, mais n'ont pas les moyens (financiers) de préserver ces sites, dans d'autres cas, en l'absence de projets mémoriels, ces conseils municipaux se demandent, légitimement, à quoi il servirait de dépenser de l'argent pour sauver un site ou un monument seulement connu de quelques passionnés, mais sur lesquels le plus grand nombre ne se détourne même pas...
Des espaces de mémoire comme le Chemin des Dames, comme l'Argonne, comme Verdun, comme la Somme, comme l'Artois, comme celui de l'Oise (où les politiques commencent à prendre vraiment conscience de la valeur exceptionnelle des vestiges subsistants et de l'intérêt de les mettre en valeur) sont bien trop importants pour être pris en charge par les seules communes et nécessitent l'intervention de structures plus importantes, ayant des moyens autrement plus grands, pour sauvegarder ces lieux... Mais se posent alors les inéluctables questions : Quoi sauvegarder ? Qu'est-ce qui attirera le plus les visiteurs ? Et d'abord, à quels visiteurs du champ de bataille s'adresse-t-on ? Comment faire pour mettre ces lieux en valeur tout en leur donnant encore une signification en rapport avec notre société contemporaine ?
Vous voyez, la question de la préservation des sites et vestiges, lorsqu'on commence à s'interroger et à y réfléchir, est loin d'être aussi simple qu'il n'y paraît... Et il faut bien comprendre que plus il y a d'acteurs, et donc d'intérêts particuliers engagés, plus cette question devient cruciale... Chacun veut bien fournir sa petite pierre à l'édifice, mais veut, en même temps, pouvoir y trouver son compte...
Une dernière observation, pour terminer cette trop longue réponse, au sujet "du parc d'attractions au plateau de Californie" : je suis bien entendu assez opposé à l'idée de transformer les sites de la Grande Guerre en sorte de grands "poilus land"... Pourtant, je dois bien reconnaître que, en 2007, lors des célébrations du 90e anniversaire de la bataille du Chemin des Dames, les nombreux spectacles pyrotechniques et l'intervention de nombreux groupes d'histoire vivante sur les lieux emblématiques du Chemin des Dames (Cerny, la caverne du Dragon, Craonne) ont fortement contribué au succès de ces cérémonies. Plus près de chez moi, l'association de M. de Saadeleer, qui a fait un gros travail de débroussaillage, de nettoyage et de mise en valeur du tunnel de la Botte, entre Ribécourt et Thiescourt, en effectuant des journées de visite, avec groupe d'histoire vivante en tenue de poilus français et de soldats allemands, recréant des scènes de vie à l'intérieur du souterrain, a contribué à faire connaître les lieux d'un public, pourtant pas toujours passionné d'histoire, contribuant à faire prendre conscience aux gens de la richesse de leur patrimoine... Ma propre association organise régulièrement maintenant des expositions temporaires et des visites commentées du Mont-Renaud à Passel et de la carrière de la Maison du Garde à Tracy-le-Mont, dans l'Oise, avec l'aide du groupe d'histoire vivante de Sylvain, qui connaissent un succès qui ne se dément pas... La présence d'un campement de "poilus" sur le Mont-Renaud, pendant ces weekends d'exposition temporaire, ne constituent pas une tâche dans le décor, mais ajoute une vraie plus value : en effet, à l'exposition de mannequins et de matériels, aux panneaux d'information historique et à la visite commentée du site, les démonstrations d'ordre serré, de maniement d'armes, d'évolution de la troupe, conformément aux règlements militaires de l'époque, l'accompagnement de "soldats en tenue" lors des visites, passionne, là encore, un public, pas forcément toujours féru de Grande Guerre, et contribue à la renommée des lieux... Il en est de même à la carrière de la Maison du Garde... La manifestation à laquelle mon association avait déjà participé il y a quelques années maintenant, à la demande de la commune de Mareuil-la-Motte, à la carrière Malet, où les membres de notre association guidaient les visiteurs dans les galeries souterraines, pendant que des poilus préparaient le rata à l'entrée de la carrière, près du "poste de police" qu'ils avaient l'espace d'un jour réinvesti, et que notre ami Sylvain, installé en tenue bleu horizon, au fond de la carrière, près de la chapelle, lisait, à la lueur de quelques bougies, des lettres de poilus, a créé une émotion indicible parmi le public qui est venu très nombreux pour voir et revoir le site... Nous avons compté plus de 600 visiteurs en une journée... Mon camarade Didier et moi n'avons pas arrêté les "rotations" dans la carrière avec des groupes toujours plus importants, durant toute la journée... L'association "La Machemontoise", qui fournit un travail de remise en valeur colossal à la carrière de Montigny, a également repris ce concept lors des visites guidées qu'elle organise maintenant régulièrement au printemps, avec présence de groupes de reconstitution en tenue d'époque... Il est de coutume de dire que les enfants qui viennent visiter en parlent en effet à leurs parents, qui en parlent à leurs amis, et le bouche à oreille jouant, les gens viennent et en redemandent... Nos contemporains sont devenus un public très difficile à attirer et à convaincre... Il faut donc passer par une certaine manière de mettre en valeur, si besoin est, en le scénarisant (c'est à dire en impliquant directement le public, pour qu'il ne soit pas seulement observateur, mais aussi, d'une certaine façon, acteur de l'histoire locale), pour les faire venir (ou revenir) vers ce patrimoine culturel-là, pour qu'ils prennent conscience de l'importance de le sauvegarder. Il importe pour cela que ce patrimoine ne soit pas privatisé que par certains individus particuliers ou par certains membres d'associations, qu'il ne soit pas que le sujet de préoccupation de ce que la plupart de nos contemporains ne considèrent plus que comme quelques originaux ou de "personnes d'un certain âge" (comme je l'ai trop souvent entendu dire). Dans notre société actuelle, où tout évolue désormais très vite, l'histoire doit plus que jamais n'être pas quelque chose de rigide, ni d'ennuyeux, seulement réservée à quelques "élites" ou passionnés. Il faut prendre en compte ces nouvelles exigences du temps, sous peine de faire fuir les gens... C'est en faisant prendre conscience de leur histoire aux gens que l'on pourra faire que la mémoire se perpétue et que la prise de conscience de la richesse du patrimoine local et de l'importance de le préserver se feront...
S'il n'y a pas de prise de conscience du patrimoine par les gens, il reste dès lors très difficile de le préserver et presque impossible de convaincre les décideurs politiques... Tout cela forme un "tout" indivisible... Et quand bien même, il restera malheureusement toujours, malgré la vigilance des passionnés que nous sommes tous et de la bonne volonté des décideurs politiques et acteurs de la vie culturelle et patrimoniale, des vestiges et des sites qui échapperont à nos efforts pour tenter de les sauvegarder... Restent alors les initiatives individuelles...
Finalement, la vraie question que posent cette "Une" et cet article de "L'Union" est : Qu'est-ce qu'il restera de tous ces millions dépensés et que ferons-nous de tous ces sites, aux lendemains de commémorations du centenaire de la Grande Guerre ?
