Numerus clausus

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bernard larquetou
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Re: Numerus clausus

Message par bernard larquetou »

Bonjour à toutes et à tous,

Le sujet a peut-être déjà été traité, mais je n'ai rien trouvé avec le moteur de recherche.

Y avait-il, pendant la durée du conflit, des numerus clausus pour l'octroi de décorations ?

D'avance merci de vos réponses.

Amicalement

Bernard.
ALVF
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Re: Numerus clausus

Message par ALVF »

Bonsoir,

La question du "contingent" de médailles à accorder à la suite d'opérations militaires est ancienne.
Pour simplifier, en 1914, les médailles sont chichement comptées (légion d'honneur pour les officiers ou médaille militaire pour les sous-officiers et hommes du rang), les "1er bureau" des grandes unités veillent particulièrement à ne pas "brader" les décorations.
Après la création de la Croix de Guerre, la même surveillance s'impose car beaucoup d'officiers proposent leurs subordonnés pour leur mérite mais aussi pour se faire personnellement remarquer car mettre en valeur ses subordonnés est un bon moyen de démontrer sa propre valeur!
Les officiers "chancelliers" des "1er bureau" ont pour mission de "niveler" tout ceci pour ne pas créer trop d'injustice.
C'est toutefois à partir de 1916 que le "contingentement" des décorations s'impose, après un combat, le général, commandant la Division le plus souvent ou parfois le général , commandant le Corps d'Armée, décide que telle unité aura un contingent de X... citations, médailles militaires et croix de chevalier de la légion d'honneur.
En 1917, les contingents de médailles s'accroissent et suivent une courbe inversement proportionnelle à celle du moral!
Ainsi, à l'issue des premières offensives à objectifs limités destinées à obtenir des résultats probants au moindre coût humain, les contingents de médailles deviennent très importants.Certains JMO font état de ces contigents, ainsi après l'offensive du 20 août 1917 à Verdun, des groupes d'artillerie ont obtenu des contingents de 100 croix de guerre, chiffres inimaginables un an auparavant.Cette "inflation" continuera en 1918 et les "rattrapages" de novembre 1918 à janvier 1919 sont particulièrement importants, il s'agit de faire plaisir aux futurs civils démobilisés et de "rendre service" à ceux qui restent dans l'Armée, car une médaille sera utile lors de l'élaboration des futurs tableaux d'avancement...
En résumé, c'est vraiment à partir de 1917, que le commandement attribue d'emblée des contingents importants de médailles, un des moyens utiles à la restauration du moral car on sait dans l'Armée, depuis Napoléon, que "c'est avec des hochets que l'on mène les hommes".
Ce phénomène n'est pas propre à l'Armée française, on disait dans l'Armée allemande qu'il fallait être à peu près mort pour obtenir la Croix de Fer de 1ère classe en 1914 alors qu'en 1918, tout bon sous-officier ou soldat du front l'obtenait facilement après un combat.L'attribution de contingents de Croix de Fer après un combat était une pratique courante, à charge pour le commandement local de le répartir aussi justement que possible au sein des unités.
Je n'évoque pas dans ce sujet les attributions à titre posthume qui obéissent à une autre logique.
Le contingentement des médailles est un problème "éternel" des Armées...jusqu'à nos jours!Le plus souvent, il vaut mieux que les récipiendaires ne connaissent pas la "cuisine" préalable à ces attributions!
Cordialement,
Guy François.
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Stephan @gosto
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Re: Numerus clausus

Message par Stephan @gosto »

Bonsoir,

Il est à noter que cette "distribution" s'effectuait parfois en plein cœur des combats. Ainsi, je trouve cette note (archives du 74e R.I. à Vincennes) que le chef de corps adresse à ses chefs de bataillon, le 27 septembre 1915, alors même que les combats engagés le 25 septembre en avant de Neuville-Saint-Vaast battent toujours leur plein :


Le 27.09.1915 – 17 h. 05
De : lieutenant-colonel commandant le 74e
A : chefs de bataillons

Fournir d’extrême urgence (20 heures) au colonel, noms des militaires proposés, par bataillon :

- pour Légion d’honneur : 1
- Médaille militaire : 3
- Croix de guerre : 4

Mitrailleurs de brigade : un nom pour la Médaille militaire et un nom pour la Croix de guerre. Idem pour la compagnie de mitrailleuses du 74e R.I.

Signé : BRENOT.



Le 1er octobre 1915 - les combats continuent... et les décorations également :


Le 01.10.1915
De : lieutenant-colonel commandant le 74e
A : commandant du III/74e

Cinq Croix de guerre sont à la disposition du 3e bataillon. Prière de donner ce soir les noms des cinq militaires les plus méritants.

Signé : BRENOT.


Le 01.10.1915 – 18 heures
De : lieutenant-colonel commandant le 74e
A : chef du I/74e

Je vous adresse ci-joint trois Médailles militaires et dix Croix de guerre étoile d’argent à remettre aux militaires ci-après.

Médaille militaire :

- Sergent PENNEQUIN
- Caporal OVRY
- Caporal PAPILLON

Croix de guerre, étoile d’argent :

- Sous-lieutenant ROUSSEL
- Sous-lieutenant DELOR
- Sous-lieutenant DESMAIRES
- Caporal RUTEAU
- Caporal DOUCET
- Soldat PLET
- Soldat ROBILLARD
- Soldat LEROUX
- Soldat LEVREY
- Soldat PIAT

La croix du capitaine BOURDIN sera envoyée à cet officier dès que l’on aura connaissance du lieu où il est hospitalisé.

Je vous prie de m’accuser réception des trois Médailles et des dix Croix de guerre que je vous adresse ci-joint.

Signé : BRENOT.


Bonne soirée.

Stéphan
ICI > LE 74e R.I.
Actuellement : Le Gardien de la Flamme

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bernard larquetou
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Re: Numerus clausus

Message par bernard larquetou »

Bonjour,

Merci pour ces réponses.

J'ai effectivement noté, qu'au 29° RI, il y avait davantage de médailles attribuées à partir de 1916.

Concernant le 329°, j'ai également noté des demandes, faites par les chefs de corps respectifs, de noms de soldats à récompenser, mais sans avancer de nombre par décoration.

Cordialement

Bernard
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Eric Mansuy
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Re: Numerus clausus

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Bonjour Bernard,

Ci-dessous, des écrits du début de l'année 1917.

Bien cordialement,
Eric Mansuy

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Lundi 22 janvier 1917

A WESSERLING.
Visite au Général GRATIER, Commandant la Division ; absent.
Dîner sur invitation pressante chez le Colonel MESSIMY, ancien Ministre de la Guerre, Commandant de l’Infanterie de la Division, qui, après le dîner, soumet au M.A. [Médecin d’Armée] et à la Commission (1) la question délicate des très nombreuses propositions rétrospectives pour la Médaille Militaire ou la Légion d’Honneur adressées de l’Intérieur aux Corps de Troupe en faveur des blessés amputés, ou atteints d’une infirmité comparable. Il communique la Note ci-après N°7940 du 13 janvier 1917 du Général NIVELLE, Commandant en Chef, laquelle n’a jamais été adressée au Médecin de l’Armée.

(1) Les événements décrits sont se déroulés lors de la tournée vosgienne du Conseil Technique Chirurgical de la Commission Supérieure Consultative du Service de Santé, du 21 janvier au 23 janvier 1917.

GRAND QUARTIER GENERAL
ETAT MAJOR
BUREAU DU PERSONNEL
N°7940

Au G.Q.G. le 13 Janvier 1917

NOTE POUR LES ARMEES

Les avis émis par les différents échelons hiérarchiques sur les propositions individuelles de récompense (Légion d’Honneur ou Médaille Militaire) établis par les Cdts de Dépôts dénotent, depuis quelque temps, vis-à-vis des grands blessés évacués à l’Intérieur, une bienveillance uniforme qui évite la discrimination des titres réels et procède d’une fausse interprétation de la Note N°2798 du 8 Mars 1915.
On admet trop souvent que la gravité de la blessure est une condition suffisante pour l’obtention de la Légion d’Honneur ou de la Médaille, et peu à peu une doctrine tend à s’établir, d’après laquelle ces hautes récompenses doivent être accordées automatiquement aux amputés à la suite de leurs blessures, et aux grands blessés dont l’importance est équivalente à la perte de l’usage d’un membre.
Il est devenu nécessaire de réagir contre cette tendance qui peut diminuer à la longue, la valeur de nos décorations nationales.
Le § 2 de la Note 2798 du 8 Mars 1915 du Général Commandant en Chef s’exprime comme suit :
« Il a été décidé que, en principe, tous les militaires ayant subi une amputation pour blessure de guerre et dont la conduite et la tenue au feu n’auraient rien laissé à désirer, pourraient recevoir la Médaille Militaire ou la Légion d’Honneur. »
Il en résulte bien que la première condition pour que la Légion d’Honneur ou la Médaille Militaire puisse être accordée aux militaires amputés et aux grands blessés est la bonne tenue au feu.
Il s’ensuit qu’en aucun cas, la gravité de la blessure ne peut justifier l’attribution de la Médaille Militaire à un mauvais soldat.
Il appartient donc aux Chefs de Corps, quand une feuille individuelle de proposition en faveur d’un grand blessé de l’Intérieur leur est soumise, de bien mettre en lumière, tout d’abord, la conduite et la tenue au feu de l’intéressé.
Il est de leur devoir le plus stricte de refuser ou d’ajourner toute récompense aux grands blessés ou amputés, dont l’attitude devant l’ennemi a été reconnue mauvaise ou douteuse.

R. NIVELLE

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COMMANDEMENT DE L’INFANTERIE
_____________________________

N°1040

Copie conforme notifiée à M.M. les Cdts de Groupe, 2° & 3° Cies de Skieurs, 49°, 55° & 57° R.I.T., 5°, 6° & 7° B.C.T. pour exécution ; au Commandant du Dépôt Divisionnaire à titre de renseignement.

L’attention des Cdts de Groupe et des Chefs de Corps est attirée sur le § VI de la Note ci-dessus.
Il y aura lieu à l’avenir de porter obligatoirement dans les avis émis, une mention relative à la tenue au feu des militaires proposés pour une récompense.

Le 22 Janvier 1917
Le Colonel MESSIMY, Cdt l’Infanterie de la 46° D.I.
Signé : MESSIMY

-----

Pendant la discussion, le Professeur QUENU fait notamment observer qu’il a vu récemment à Paris un blessé atteint de lésions graves du nez et des maxillaires supérieur et inférieur, qui, malgré une prothèse aussi heureuse que possible, a des mutilations telles qu’il ne trouve pas à se placer et à gagner sa vie, et que pour lui, l’état de ce blessé est au moins aussi intéressant que celui d’un amputé de la main ou du pied.
La Commission abonde dans ce sens et cite des exemples tels que : paraplégie et autres complications graves résultant de blessures de la moelle ou des nerfs.
Le M.A. fait observer que, d’autre part, pour arriver à l’équité nécessaire, il paraît opportun que tous ces certificats initiaux provenant la plupart de médecins du cadre complémentaire manquant d’expérience administrative soient complétés par l’expertise faite en présence d’une Commission de Réforme, dont les résultats seraient concretés et précisés, constituant ainsi un véritable certificat de contre visite.
Le M.A. serait d’avis que, comme cela se fait pour les accidents du travail, la Commission de Réforme évalue également par un chiffre le degré de l’infirmité et de l’invalidité résultant de l’amputation, de la mutilation ou de l’impotence consécutive à la blessure et qu’enfin une limite approximative (N %) soit fixée de façon à ce que les Corps de troupe soient nettement renseignés et que les propositions pour la Médaille Militaire et la Légion d’Honneur soient partout établies sur des bases identiques avec justice et équité.
La Mission partage cette manière de voir, et dès son retour soumettra la question à la Commission Supérieure Consultative du Service de Santé.
Le Colonel MESSIMY rédige la Note officieuse ci-après qui a été remise le lendemain matin à la Commission avant son départ :

46° DIVISION
COMMANDEMENT DE L’INFANTERIE
ETAT MAJOR
N°1066

Le 22 Janvier 1917

NOTE

Une Circulaire du G.Q.G., N°7940 du 13 Janvier, dont copie ci-jointe, rappelle au Commandement que la Légion d’Honneur et la Médaille Militaire ne peuvent être accordées aux grands blessés, qu’à la condition que la conduite et la tenue au feu de ses militaires n’aient rien laissé à désirer.
Mais cette Circulaire récente laisse entière la question suivante qui préoccupe à bon droit tous les Officiers, et particulièrement les Chefs de Corps, animés d’un esprit de stricte justice :
« A côté des amputés d’un membre, la guerre a fait un très grand nombre de blessés graves dont l’infirmité permanente et durable est pour le moins équivalente à celle résultant d’une amputation : ce sont tous les hommes atteints d’un très fort raccourcissement, d’une lésion de la moelle, ceux qui sont entièrement défigurés, etc., etc.
Nous recevons des hôpitaux des fiches, établies par des Médecins Militaires traitants, parfois même par des Médecins civils : ces fiches, toujours signées d’un seul nom, ont le double inconvénient suivant :
1° - Il est évident, à les lire, que la base d’appréciation instituant une commune mesure n’existe pas ;
2° - Il est fréquemment facile de lire entre les lignes que ces fiches ont été établies à la demande des intéressés – ou de leurs amis – et presque sous leur dictée.

Je demande :
A. – Qu’un barême précis soit établi par le Ministère, indiquant le degré d’invalidité, fixé en fraction mathématique, à partir duquel la Médaille Militaire (ou la Légion d’Honneur) pourra normalement, suivant les errements en cours, être accordée ;
B. – Qu’une juridiction compétente et sérieuse soit établie, qui fixera, après un examen médical approfondi, ce degré mathématique d’invalidité.

Si ces deux mesures ne sont pas prises, nous continuerons à nager en pleine incohérence – en l’espèce en pleine injustice.

Signé : MESSIMY

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bernard larquetou
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Re: Numerus clausus

Message par bernard larquetou »

Bonjour Eric,

Merci pour ces notes très intéressantes, qui montrent qu'il y avait un réel besoin d'harmonisation.

Bien cordialement

Bernard.
Guitardiere
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Re: Numerus clausus

Message par Guitardiere »

Bonjour,
Excusez ma question très basique. Etant donné que les Médailles Militaires semblaient contingentées, est-il possible qu'une personne puisse en recevoir plusieurs ?
Cordialement - Juliette
Guitardiere
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