Re: La grenade VB, "artillerie" du poilu fantassin
Publié : dim. déc. 26, 2010 6:13 pm
Bonjour,
Aujourd'hui, je consacre ces quelques lignes à un armement français de la grande guerre dont l'efficacité semble désormais bien oubliée mais dont tous les anciens combattants "de première ligne" ont toujours souligné l'intérêt.
Il s'agit de la grenade à fusil VB ou "V.B." pour les règlements militaires.
Tout d'abord, que signifie "grenade V.B"?
Tournons nous en premier lieu vers la signification de ce sigle, car, c'est bien connu, les militaires aiment les sigles et les "grands chefs" et encore plus les ministres de la guerre n'aiment pas "personnaliser" les matériels en service préférant les désigner par le millésime d'adoption du modèle ou, à défaut, par un sigle, connu des seuls initiés.
Le premier réflexe est de se tourner vers l'Encyclopédie Méthodique moderne (pas celle de Diderot et d'Alembert mais bien ses remplaçantes "Wikipediatesque" ou "googuelisante"):
On trouvera:
- à 226.000 exemplaires la signification "Vivien-Bessières".
- à 137.000 exemplaires, la variante "Viven-Bessières".
- suivie de près par "Viven-Bessière" à 129.000 exemplaires.
Il faut donc recourir à la littérature "détestée" des manuels militaires pour y lire "Viven-Bessières" dans le Manuel du Chef de Section pour toutes ses éditions de 1916 à 1918 mais "Viven-Bessière" dans le Cours des Elèves Aspirants de Saint-Maixent et dans quelques autres manuels du même genre.
Désespéré par ces contradictions, on court donc vers le lexique des "Docteurs en histoire" du CRID (du sérieux, du solide, etc...) pour y lire "Viven-Bessières" et apprendre qu'il s'agit des noms d'un fabricant et d'un ingénieur.
Devenu méfiant avec l'age et me souvenant des conseils d'un "vieux maître" de l'Université citant l'exemple du grand historien Ernest Lavisse qui, paraît-il, ne publiait plus à la fin de sa vie que des documents d'archives soumis à la critique la plus méthodique, je me suis donc tourné vers les "archives" pour découvrir (avec la complicité de Michel "Tanker") que la grenade VB a été inventée par:
Jean Viven et Gustave Bessière, ingénieurs civils, domiciliés à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron).
Malheureusement, je n'ai pas encore trouvé la confirmation exacte de la raison sociale de l'entreprise construisant ces grenades à fusil.
Certes, le poilu employant la grenade VB ne devait pas connaître la signification du sigle, ce privilège appartenant certainement aux élèves-caporaux, élèves sous-officiers et élèves officiers devant répondre à cette intéressante question dans les interrogations orales en honneur dans tout examen militaire!
Il faut pourtant rendre justice à ces inventeurs car, pendant toute la guerre, les grenades à main françaises ont malheureusement été médiocres et surtout très dangereuses d'emploi (voir le sujet consacré à ces multiples accidents sur le Forum).Les premières grenades à fusil étaient meilleures mais nécessitaient l'emploi d'une cartouche spéciale et, dans la confusion et la tension nerveuse engendrées par les combats, des erreurs tragiques de manipulation étaient à craindre et eurent lieu.A l'inverse de tous ces matériels, la grenade à fusil VIVEN-BESSIERE est un matériel remarquable de simplicité d'emploi et d'efficacité.
La grenade VB emploie en effet pour sa propulsion le tir d'une cartouche ordinaire à balle qui "traverse" la grenade par un canal central et la propulse à grande distance avec une très bonne précision.Le fusil est simplement coiffé d'un "tromblon" destiné à recevoir cette grenade d'un poids de 490 grammes, chargée de 60 grammes d'explosif et portant à 170 mètres environ.
A partir de 1916, la grenade VB assure une capacité de destruction non négligeable à l'infanterie.Les règlements indiquent sobrement que "son action se substitue momentanément à celle de l'artillerie" et "s'il n'est pas possible de bénéficier d'un appui d'artillerie, son emploi supplée à cet appui".
En clair, les "grenadiers VB" s'approchent à distance de tir de l'ennemi principal, la mitrailleuse, et une volée de grenades VB est en mesure de détruire ou de neutraliser le "nid" de mitrailleuse le mieux disposé (ou de tout autre résistance).Pour se faire, la Compagnie d'Infanterie dispose en 1918 de 24 "grenadiers VB" ce qui constitue une force d'appui considérable dans l'attaque.En effet, les engins d'accompagnement à faible ou à grande puissance se révèleront le plus souvent incapables de suivre les troupes assaillantes et surtout, l'approvisionnement de projectiles lourds sur le champ de bataille sera toujours très problématique.A l'inverse, le faible poids de la grenade VB permet l'emport d'une douzaine de grenades à fusil par chaque grenadier.
La grenade VB est aussi une arme majeure employée dans les coups de main, elle permet de tenir à distance les contre-attaques et contribue à la neutralisation des résistances.En 1918, pas moins du tiers d'une "Section franche" ou d'une "Section de Grenadiers d'Elite", employées dans les "coups durs", est composée de "grenadiers VB".
Je poste quelques photographies de cet engin, un des rares où la supériorité française est nettement affirmée par rapport aux matériels alliés ou ennemis comparables.Par égard aux âmes sensibles, j'ai renoncé à poster la photographie du résultat d'un tir concentré de grenades VB sur un emplacement occupé par deux mitrailleuses légères allemandes en octobre 1918 et ayant envoyé dans un autre monde ces ennemis principaux du fantassin.
Présentation par un officier du tromblon V.B.
Intéressant montage d'un fusil équipé d'un tromblon VB sur un chevalet de tir Mle 1916 qui permet des tirs extrêmement précis jusqu'à 170 mètres.
Schéma de la grenade Viven-Bessière et de son tromblon.
On comprend mieux pourquoi les grenadiers V.B étaient particulièrement fiers de leur insigne de bras particulier (au moins pour une bonne part d'entre eux!).
Si un lecteur possède des renseignements sur l'usine de construction des grenades Viven-Bessière, je serai très intéressé.
Cordialement,
Guy François.
Aujourd'hui, je consacre ces quelques lignes à un armement français de la grande guerre dont l'efficacité semble désormais bien oubliée mais dont tous les anciens combattants "de première ligne" ont toujours souligné l'intérêt.
Il s'agit de la grenade à fusil VB ou "V.B." pour les règlements militaires.
Tout d'abord, que signifie "grenade V.B"?
Tournons nous en premier lieu vers la signification de ce sigle, car, c'est bien connu, les militaires aiment les sigles et les "grands chefs" et encore plus les ministres de la guerre n'aiment pas "personnaliser" les matériels en service préférant les désigner par le millésime d'adoption du modèle ou, à défaut, par un sigle, connu des seuls initiés.
Le premier réflexe est de se tourner vers l'Encyclopédie Méthodique moderne (pas celle de Diderot et d'Alembert mais bien ses remplaçantes "Wikipediatesque" ou "googuelisante"):
On trouvera:
- à 226.000 exemplaires la signification "Vivien-Bessières".
- à 137.000 exemplaires, la variante "Viven-Bessières".
- suivie de près par "Viven-Bessière" à 129.000 exemplaires.
Il faut donc recourir à la littérature "détestée" des manuels militaires pour y lire "Viven-Bessières" dans le Manuel du Chef de Section pour toutes ses éditions de 1916 à 1918 mais "Viven-Bessière" dans le Cours des Elèves Aspirants de Saint-Maixent et dans quelques autres manuels du même genre.
Désespéré par ces contradictions, on court donc vers le lexique des "Docteurs en histoire" du CRID (du sérieux, du solide, etc...) pour y lire "Viven-Bessières" et apprendre qu'il s'agit des noms d'un fabricant et d'un ingénieur.
Devenu méfiant avec l'age et me souvenant des conseils d'un "vieux maître" de l'Université citant l'exemple du grand historien Ernest Lavisse qui, paraît-il, ne publiait plus à la fin de sa vie que des documents d'archives soumis à la critique la plus méthodique, je me suis donc tourné vers les "archives" pour découvrir (avec la complicité de Michel "Tanker") que la grenade VB a été inventée par:
Jean Viven et Gustave Bessière, ingénieurs civils, domiciliés à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron).
Malheureusement, je n'ai pas encore trouvé la confirmation exacte de la raison sociale de l'entreprise construisant ces grenades à fusil.
Certes, le poilu employant la grenade VB ne devait pas connaître la signification du sigle, ce privilège appartenant certainement aux élèves-caporaux, élèves sous-officiers et élèves officiers devant répondre à cette intéressante question dans les interrogations orales en honneur dans tout examen militaire!
Il faut pourtant rendre justice à ces inventeurs car, pendant toute la guerre, les grenades à main françaises ont malheureusement été médiocres et surtout très dangereuses d'emploi (voir le sujet consacré à ces multiples accidents sur le Forum).Les premières grenades à fusil étaient meilleures mais nécessitaient l'emploi d'une cartouche spéciale et, dans la confusion et la tension nerveuse engendrées par les combats, des erreurs tragiques de manipulation étaient à craindre et eurent lieu.A l'inverse de tous ces matériels, la grenade à fusil VIVEN-BESSIERE est un matériel remarquable de simplicité d'emploi et d'efficacité.
La grenade VB emploie en effet pour sa propulsion le tir d'une cartouche ordinaire à balle qui "traverse" la grenade par un canal central et la propulse à grande distance avec une très bonne précision.Le fusil est simplement coiffé d'un "tromblon" destiné à recevoir cette grenade d'un poids de 490 grammes, chargée de 60 grammes d'explosif et portant à 170 mètres environ.
A partir de 1916, la grenade VB assure une capacité de destruction non négligeable à l'infanterie.Les règlements indiquent sobrement que "son action se substitue momentanément à celle de l'artillerie" et "s'il n'est pas possible de bénéficier d'un appui d'artillerie, son emploi supplée à cet appui".
En clair, les "grenadiers VB" s'approchent à distance de tir de l'ennemi principal, la mitrailleuse, et une volée de grenades VB est en mesure de détruire ou de neutraliser le "nid" de mitrailleuse le mieux disposé (ou de tout autre résistance).Pour se faire, la Compagnie d'Infanterie dispose en 1918 de 24 "grenadiers VB" ce qui constitue une force d'appui considérable dans l'attaque.En effet, les engins d'accompagnement à faible ou à grande puissance se révèleront le plus souvent incapables de suivre les troupes assaillantes et surtout, l'approvisionnement de projectiles lourds sur le champ de bataille sera toujours très problématique.A l'inverse, le faible poids de la grenade VB permet l'emport d'une douzaine de grenades à fusil par chaque grenadier.
La grenade VB est aussi une arme majeure employée dans les coups de main, elle permet de tenir à distance les contre-attaques et contribue à la neutralisation des résistances.En 1918, pas moins du tiers d'une "Section franche" ou d'une "Section de Grenadiers d'Elite", employées dans les "coups durs", est composée de "grenadiers VB".
Je poste quelques photographies de cet engin, un des rares où la supériorité française est nettement affirmée par rapport aux matériels alliés ou ennemis comparables.Par égard aux âmes sensibles, j'ai renoncé à poster la photographie du résultat d'un tir concentré de grenades VB sur un emplacement occupé par deux mitrailleuses légères allemandes en octobre 1918 et ayant envoyé dans un autre monde ces ennemis principaux du fantassin.
Présentation par un officier du tromblon V.B.
Intéressant montage d'un fusil équipé d'un tromblon VB sur un chevalet de tir Mle 1916 qui permet des tirs extrêmement précis jusqu'à 170 mètres.
Schéma de la grenade Viven-Bessière et de son tromblon.
On comprend mieux pourquoi les grenadiers V.B étaient particulièrement fiers de leur insigne de bras particulier (au moins pour une bonne part d'entre eux!).
Si un lecteur possède des renseignements sur l'usine de construction des grenades Viven-Bessière, je serai très intéressé.
Cordialement,
Guy François.