Réputations. Capitaine B. H. Liddell Hart. Payot Paris. 1931

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Piou-Piou
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Réputations. Capitaine B. H. Liddell Hart. Payot Paris. 1931

Message par Piou-Piou »

Bonsoir à toutes et tous,

Réputations. Capitaine B. H. Liddell Hart. Payot Paris. 1931.

L'histoire a rarement offert une semblable association de contraire que celle des deux grands chefs français de la dernière partie de la Guerre Mondiale. Ce contraste même constitue un puissant argument en faveur de l'influence du milieu natal. Tandis que Foch, le pyrénéen, mélangeait le feu et l'imagination du << méridional >> au mysticisme et à la fibre solide des races de montagne, Pétain représentait le sens des affaires si clair et si obstiné des gens du Nord. Et si des critiques un peu prompts ont fréquemment qualifié Foch d'insensé, les critiques les plus sévères de Pétain ne peuvent dire de lui qu'une chose, c'est qu'il considérait la guerre d'un point de vue beaucoup trop raisonné pour qu'il pût sonder les profondeurs ou mesurer les hauteurs de ce drame passionné. Les caractéristiques de ces deux hommes et le contraste qui existait entre eux furent illustrés à mes yeux avec exactitude, clarté et concision, par un officier français très distingué.
Tandis que Foch est enveloppé d'une atmosphère romantique, qu'il est un mystère qui a pris forme humaine et qu'il sera l'inspiration même de la légende, les seules choses romantique touchant Pétain sont ses prénoms et dix-huit mois de sa carrière.
Henri-Philippe-Benoni-Omer-Joseph Pétain est né le 24 mai 1856 à Cauchy-la-Tour, dans le Pas-de-Calais. En 1914 il avait déjà 58 ans et, autre contraste avec Foch, il n'était que colonel, commandant le 33e régiment d'infanterie à Arras. Tandis que Foch avait attiré sur lui l'attention de près de vingt ans et qu'il possédait la réputation internationale d'être un des chefs de la pensée militaire française, Pétain paraissait sur le point de passer d'une obscurité relative à la retraite définitive. Ce fut une chance pour la france que la guerre ait éclaté à temps pour le garder à son service; la France aurait parfaitement pu se passer de n'importe autre de ses chefs militaires, -affirmation audacieuse, mais exacte-, mais elle n'aurait pu se passer d'un homme sans lequel elle n'aurait pas survécu à la crise de 1917. Un Foch même aurait alors vraisemblablement précipité sa ruine au lieu de l'arrêter.
Comment se fait-il qu'un soldat aussi capable ait eu un avancement aussi lent ?. Sans doute parce qu'il avait conservé la raison à un moment où la plupart des chefs français étaient sous l'obsession de leurs illusions sur l'offensive à outrance car on ne peut rien concevoir de plus contraire à ces idées d'avant-guerre que la théorie et les méthodes appliquées par Pétain à partir de 1915. Au mépris que l'on a pour tous ceux qui résistent au courant général venait s'ajouter, en ce qui le concerne, le fait qu'il nhésitait jamais à exprimer des opinions qui pouvaient être désagréables aux hautes autorités. Telles sont les causes et explications du départ, en temps de paix, avec le grade de colonel, ou même un grade inférieur, des esprits les plus capables et les plus originaux de toutes les armées.
En outre, Pétain, comme beaucoup d'hommes réservés, faisait preuve d'une inconsciente brusquerie de manières qui servait de bouclier à sa timidité. au point de vue du maintien également il était l'antithèse de Foch car, lorsque ce dernier discutait des quetions importantes avec Pétain, il donnait à ceux qui les regardaient l'impression d'un coq de combat attaquant furieusement une statue tombale (Foch accompagnait en effet ses arguments de vifs mouvements de ses membres alors que la taille élévée et la carrure de Pétain, jointes à un calme urhumain, lui donnaient un e majesté de statue). Il est possible que non seulement la naissance mais aussi des influences scolaires aient accentué les différences qui existaient entre Foch et Pétain : le premier en effet un produit de l'école demi-civil de polytechnique, le second sortait de Saint-Cyr, école dont la discipline lacédémonienne manque rarement de laisser son empreinte sur ceux qui l'on subie, école plus sévère encore que Sandhurst (Angleterre) ou West Point (Etats-Unis). Par la suite il passa par l'école de guerre et en 1902 il devint instructeur à l'Ecole de tir de Châlons, après quoi il fut nommé professeur-adjoint àl'école de guerre où il fut chargé du cours de tactique d'infanterie. Ses confrères se distingu§rent par leur clarté et leur bon sens et à une époque où le facteur moral était poussé jusqu'à l'absurde, il fit ressortir l'importance des facteurs matériels, et particulièrement de l'artillerie.
S'il n'était encore que colonel au moment ou la guerre éclata, il exerça cependant le commandement d'une brigade qui faisait partie de la 5e armée (Lanrezac) à la bataille de CHarleroi. Il manoeuvra si habilement pour arrêter l'avance des Allemands au delà de la Meuse, avance qui menaçait de couper cette armée d'aile si exposée, qu'à la fin de la grande retraite, où tant de généraux furent << limogés >>, il fut élevé au commandement de la 6e division d'infanterie. Jeté immédiatement dans la bataille de la Marne, il exécuta sur Montceau-lès-Provins et au delà une attaque qui contribua grandement au succés rapide de la 5e armée, qui était alors sous les ordres de Franchet d'Espérey et qui fut la seule à remporter une victoire dans cette bataille
stratégique décisive.

A suivre.

Cordialement.
Phil.
Phil.
Piou-Piou
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par Piou-Piou »

Re,

En refoulant l'aile droite de la 2e armée germanique (von Bülow), cette victoire à d'autres facteurs, provoqua l'ordre allemand de retraite générale. L'attaque de la division Pétain fut remarquable par sa préparation d'artillerie puissante et bien conçue, annonciatrice de la méthode universelle adoptée plus tard dans la conduite de la guerre de tranchées. Pétain fut rapidement récompensé, car en octobre on lui confia le commandement du 33e corps d'armée qui, à cette époque, alors que le front avait été prolongé jusqu'à la mer, tenait le secteur d'Arras.
Passer en deux mois du commandement d'une brigade à celui d'un corps d'armée était un record. Bien qu'avancé en âge, Pétain montra qu'il avait encore un esprit très souple et très jeune puisqu'il fut presque le premier à comprendre le changement amené par les conditions de siège. S'il n'y avait pas de place dans cette guerre pour un artiste, elle exigeait par contre impérieusement un organisateur et c'est à Pétain qu'il faut accorder le mérite d'avoir appliqué la méthode des grandes affaires à la conduite de ce nouveau genre de guerre.
Le commandement français avait l'intention de lancer sa première grande attaque de 1915 dans ce secteur et sous la direction de Foch. Elle devait être exécutée par les quatre corps d'armée de la 10e armée (général d'Urbal) parmi lesquels le corps de Pétain était au centre gauche près de Carency. Il avait organisé l'attaque avec un détail minutieux, visitant personnellement chaque batterie et lui faisant tirer une salve pour vérifier si elle avait bien pris pour but l'objectif précis qu'on lui avait indiqué dans le plan. Partout il interrogeait les officiers et les sous-officiers pour s'assurer que tous comprenaient bien leur rôle. Si une pareille immixtion dans le détail violait les coutumes et les règles du commandement et aurait certainement provoqué l'anathème de Foch, elle donna de bons résultas dans une guerre où le général était réduit au rôlr d'un tender de locomotive.
L'attaque fut lancée le 9 mai 1915. Tandis que les autres corps étaient promptement arrêtés avec des pertes énormes, les soldats de Pétain traversèrent les lignes dedéfense allemandes et avancèrent de 5 kilomètres environ, sans éprouver le moindre échec, l'infanterie ayant emporté des panneaux bien visibles pour permettre à l'artillerie de suivre ses progrès. Ils s'emparèrent de la crête de Vimy et pendant quelques heures on put croire que le front allemand allait s'écrouler tout entier. A trente kilomètres de là, le Quartier Général du Groupe d'armées allemand prit même à Lille des mesures en vue d'un repli éventuel.
Mais le Haut Commandement français ne sut pas exploiter sa chance et la brèche fut bouchée parce que les renforts nécessaires n'arrivèrent pas. Dans l'après-midi des contre-attaques allemandes commencèrent à exercer une poussée qui réussit à reprendre une partie du terrain perdu.
En reconnaissance de ce succès personnel, Pétain reçut le mois suivant le commandement de la 2e armée et on lui confia la part principal de l'offensive de septembre en Champagne, sur laquelle on fondait de vastes espoirs. Les éternels optimistes qui dominent toujours dans toutes les armées voyaient même les Allemands rejetés sur la frontière française, pourtant bien éloignée.
Cette fois, cependant, les instincts méthodiques de Pétain le menère trop loin, car il lui firent perdre l'élément suprême et essentiel, la surprise, par un bombardement préliminaire qui dura trois jours et trois nuits. Cette méthode porta en partie ses fruits, car les premières positions allemandes furent enlevèes promptement et sans grosses pertes; mais un avertissement aussi long avait permis aux Allemands d'amener leurs réserves et leurs deuxièmes positions défièrent toute attaque. Chose pire encore, le butin initial - 25.000 prisonniers - fut plus que largement compensé par les terribles pertes ultérieures dues à la folie de Haut Commandement français qui fit prolonger l'offensive plusieurs jours encore après la disparition de tout espoir. La leçon ne fut pas perdue pour Pétain, qui avait déjà arrêté son offensive malgrés les ordres de son chef Castelnau, et son rapport sur la bataille devint le manuel de la doctrine de la note de guerre de tranchées.
Au printemps de 1916 la crise immortelle de Verdun transforma sa réputation militaire en renommée populaire et s'il avait été ambitieux, elle lui eût donné plus encore.

A suivre.
Cordialement.
Phil.
Phil.
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terrasson
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par terrasson »

Bonjour a tous
bonjour Phill
merci pour ton intervention j en ai appris un peu plus sur ce general
merci
bien cordialement christian terrasson
adischats
soldat forcat a pas jamai portat plan lo sac.Es pas l'ome que gana es lo temps vai i mesme pas paur
chanteloube
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par chanteloube »

Bonjour,
"et son rapport sur la bataille devint le manuel de la doctrine de la note de guerre de tranchées"
j'ai une photocopie d'un original de ce rapport, il est loin d'être tendre envers les supérieurs du général Pétain.

On peut aussi ajouter qu'à la suite de ce rapport, sauf erreur de ma part, Pétain fut un peu "placardisé".

La Guerre était aussi dans le E M.

Cordialement CC


Piou-Piou
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par Piou-Piou »

Bonjour à toutes et tous,

La suite à partir de lundi, w-e chargé, concour tir.
Bon w-e.

Cordialement.
Phil.
Phil.
chanteloube
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par chanteloube »

au Gras ou Lebel j'espère!
CC
Piou-Piou
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par Piou-Piou »

Bonsoir ou bonjour à toutes et tous,
La suite avec un peu d'avance.

Quand l'offensive allemande commença le 21 février, elle fut une surprise pour le Haut Commandement français, qui avait méprisé les signes avant-coureur de la tempête et le fait que, contrairement aux autres offensives, elle augmenta de violence après un début relativement peu important, cacha la grandeur du danger. Ce n'est que le 24 février que le Grand Quartier Général de Joffre à Chantilly se rendit compte de la gravité du péril et, ce ne fut que tard dans la nuit de ce jour, qu Castelnau partit pour examiner la situation à Verdun. Sur son instigation Pétain avait, avant son départ, été appelé à Chantilly et Joffre lui avait confié la charge de défendre Verdun. La rencontre de ces deux hommes imperturbables fut caractéristique de leurs manières d'être, Joffre terminant par cette remarque: Eh bien! mon ami, vous avez maintenant toute tranquillité d'esprit. Cette absurdité apparente pruvait seulement que Joffre connaissait son homme.
Le premier problème qu'eut à résoudre Pétain ne fut pas tant un problème de défense qu'un problème d'approvisionnements. Les gros canons allemands avaient fermé toutes les voies d'accès de Verdun, à l'exeption d'un petit chemin de fer à voie étroite et de la route de Bar-le-Duc à Verdun. Pousser en avant des troupes ne servait à rien, si on ne pouvait les nourrir et leur fournir des munitions. La route craquait déjà sous l'effort d'une circulation incessante; on amena donc 8.000 hommes du génie et des troupes territoriales pour la réparer et la maintenir en bon état et aussi pour la doubler par des pistes parallèles. Et à partir de ce moment le courant du trafic atteignit 6.000 camions par vingt-quatre heures. Pétain organisa le front en secteurs, ayant chacun sa grosse artillerie, il fixa une ligne qu'il fallait tenir à tout prix et lança des contres-attaques répéttées. Si ces dernières gagnèrent peu de terrain, elles déconcertèrent l'offensive allemande et l'arrêtèrent. L'avant perdit de son élan, elle s'enlisa et bien que les allemands essayèrent d'élargir le front d'attaque sur la rive ouest de la Meuse, cette opération eut lieu trop tard: le 8 mars, le danger immédiat d'une percée était passé.
Mais la publicité même donné à la défense de cette place avait attribué à Verdun une valeur symbolique nettement supérieur à sa valeur militaire. Les Allemands adoptèrent alors une politique d'usure, facilitée par le peu de distance qui les séparaient de la ville; si leurs avances furent très restreintes, leurs effets s'accumulèrent, comme les effets de la marée. Chose pire encore, la tactique habile des Allemands fit les plateaux de la balance des pertes du côté du défenseur. C'est vraiment une ironiedu sort que Pétain, si économe par instinct de la vie de ses hommes, se vit contraint à violer ses principes pour sauver Verdun. Il fit de son mieux pour réduire l'effort demandé à ses soldats en organisant un roulement rapide des relèves qui laissait chaque division sous le feu pendant le moindre temps possible. Mais il résulta que l'armée française presqu'entière dut passer dans les meules du moulin; l'usure de leurs forces contraignit les Français à réduire leur participation à l'offensive projetée sur la Somme dont le gros fardeau retomba sur les épaules britanniques. Si cette offensive, commencée le 1er juillet, eut des résultats directs désappointants, elle soulagea immédiatement le front de Verdun. A partir de ce jour les Allemands de Verdun ne reçurent plus de divisions fraîche et leur avance périt d'inanition.
Pétain acquit à juste titre un grand pestige du fait de cette résistance prolongée, mais il est juste de reconnaître que son influence y fut plutôt celle d'un organisateur que celle d'un commandant de troupes. Le 1er mai il avait été Commandant du Groupe des armées du Centre et Nivelle lui succéda à la tête de la 2e armée chargée de la défense de Verdun.
Après le mois de juillet, la diversion produite par l'offensive de la Somme permit d'établir des projets de reprise du terrain perdu, et les 21 octobre et 15 novembre Mangin conduisit ces brillantes contre-offensives, très économiques en raison de leur organisation méticuleuse, qui firent reprendre par de larges morsures ce qui avait été perdu par grognotements.
Une nouvelle plaisenterie du destin voulut que les fruits personnels de ces succés ne fussent receillis ni par l'homme qui avait conçu la méthode à appliquer ni par l'homme qui l'avait mise à exécution. En effet, quand en décembre 1916 le flot montant du mécontentement imposa la solution de retirer à Joffre les fonctions de Commandant en Chef, ce fut Nivelle qui fut appelé à lui succéder.
L'opinion publique comparait les coûteux grignotements de la stratégie de la Somme aux brillantes mais économiques offensives d'automne de Verdun, qu'elle associait en premier lieu au nom de Nivelle. Cependant cette opinion publique ne s'était pas formée d'elle-même spontanément.
On avait passé par dessus Pétain, en partie parce qu'il s'était créé des ennemis, en partie parce que la fermeté de ses desseins effrayait la clique au pouvoir, qu'elle fût politique ou militaire. Quand Poincaré et Pétain, des timides tous les deux sous leur extérieur brusque, s'étaient rencontrés à Verdun, ils s'étaient heurtés l'un l'autre et une question maladroite avait amené Pétain à formuler cette brusque réponse qu'avec un gouvernement comme celui qu'elle avait, la France ne pouvait pas escompter la victoire. Si plus tard le Président de le République en vint à comprendre et à apprécier Pétain, cet éclat de franchise contribua à faire écarter ce dernier du Commandement en Chef. Mais il y eut encore à celà une autre cause.
L'Etat-Major de Joffre essaya de faire retomber les blâmes du mécontentement populaire sur l'homme dont les demandes constantes de troupes pour Verdun l'avaient privé de réserves et avait anisi, à son avis, contribué à faire échouer l'offensive de la Somme. Sentant que Joffre était condamné, cet Etat-Major s'appliqua à frayer la route à Nivelle sous les ordres duquel il pensait qu'il lui serait plus facile de conserver son pouvoir que sous les ordres de Pétain.

A suivre.
Cordialement.
Phil.
Phil.
Piou-Piou
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par Piou-Piou »

Bonsoir à toutes et tous,

Cependant ce nouveau régime n'eut qu'une brève existence car l'échec de la grande offensive de Nivelle en avril amena sa chute. Son erreur fut que, voyant correctement la fin, il ne tint guère compte des moyens. Quand, parsuite de l'habile retraite des Allemands sur la ligne Hindenburg, Nivelle vit les bases de son plan détruites,il continua néanmoins à vouloir l'exécuter et, surpris lui-même, abandonna toute idée de surprendre l'ennemi dans une opération qui ne pouvait réussir que par surprise. Une des seule des armées de Pétain participait à l'offensive projetée. Au conseil de guerre qui précéda l'opération, il avait exprimé un avis défavorable au sujet des objectifs illimités qui étaient assignés aux armées et, immédiatement après l'échec initial, il insista pour que l'offensive fût arrêtée. Le gouvernement, désillusionné par l'importance des pertes et la faiblesse des gains, manqua du courage nécessaire pour arrêter Nivelle ou pour le soutenir. Son intervention mesquine ne fit que miner la confiance à tous les rangs de l'armée. Enfin le 28 avril, il nomma Pétain Chef d'Etat-Major Général pour freiner l'offensive et pour lui faire faire un premier pas vers la place de Nivelle. Le 15 mai les minstres rassemblèrent enfin un courage suffisant pour déposer NIvelle, et Pétain alla régner à sa place.
Cette fois-ci c'était un Verdun moral, qu'on chargeait Pétain de sauver. En réalité celui-ci était bien le type d'hommes auxquels la démocratie n'a recours qu'aux heures sombres. Tant que le soleil brille, et même quand il passe quelques nuages, le peuple aime les hommes qui flattent ses illusions et lui promettent plus d'heures ensoleillées.
La première tâche de Pétain consista à restaurer l'armée française, sa force et son moral. Des mutineries avaient éclaté et, si l'anarchie réelle fut l'exeption, le refus d'obéir aux ordres était des plus répandus. Cette situation était due jusqu'à une certain point à la propagande communiste et défaitiste, mais elle provenait beaucoup plus d'abus commis par le service et des fatigues de la guerre. Si les grands chfs étaient encore pénétrés de leur doctrine d'offensive à outrance ou de leur doctrine de guerre d'usure, les troupes, elles, étaient écoeurées de se voir jeter sans résultat apparent contre des fils de fer barbelés et des mitrailleuses et elles ne faisaient aucune différence entre la stratégie <<d'usure>> de Joffre et la stratégie de <<rupture du front>> de Nivelle, si ce n'est que dans la première les pertes s'étendaient sur toute l'armée et que dans la seconde elles étaient concentrées. Seize corps d'armée furenet affectés par ces troubles qui se manifestèrent en général parmi les troupes au repos recevant l'ordre d'aller aux tranchées.
En présence d'une armée qui s'écroulait, Pétain adopta la même politique que Scipion, cet autre maître en psychologie, avait appliqué à Sucro deux mille ans auparavant: appel énergique et intrépide au devoir, combiné avec de prompts remèdes aux justes griefs. Pétain avait-il jamais lu Polybe ?. Pendant un mois son automobile parcourutle front de long en large, visitant presque toutes les divisions. Il fit appeler non seulement les officiers, mais encore des somdats du rang et leur demanda franchement d'exposer leurs plaintes, tout en réprimandant véhémentement le crime de mutinerie devant l'ennemi. Essentiellement patriarcal et nullement famillier, il sut inspirer confiance et par sa ferme direction et par ses promesses.
Il égalisa les tours de service dans les tranchées, assura la régularité des permissions, améliora les cantonnements de repos. En l'espace d'un mois la tranquillité fut restaurée, au prix d'une douzaine d'exécutions à peine. Mais si l'armée française était entrée en convalescence, il fallait encore revivre en elle la confiance et la force. Dans ce but il réorganisa l'instruction, prescrivit une nouvelle méthode de défense en profondeur et refondit la tactique offensive en remplaçant autant que possible les hommes lors d'une attaque par la puissance du feu. enfin il retrempa sa nouvelle arme par quelques attaque strictement limitée qui par des succès acquis à peu de frais devaient consolider la confiance réinsufflée aux troupes. Telles furent les attaques de Guillaumat à Verdun en août, où l'on reprit tout le terrain perdu en 1916 et l'attaque de Maistre à la Malmaison qui s'empara de toute la fameuse crête du chemin des Dames.
La seule politique possible était d'<<aller en douceur>>, mais elle signifiait que l'armée française était pratiquement hors de combat pour le reste de l'année 1917 et que pendant ce temps le fardeau de la lutte retomberait sur les épaules des armées britanniques. Celles-ci le portèrent peut-être trop généreusement et sans sagesse, car elles en restèrent si affaiblies qu'elles devaient être une proie facile pour les dangers de 1918.
Mais si Pétain dans son effort pour restaurer l'armée française laissa beaucoup à faire à ses alliés, il est poutant juste de rappeler qu'au moment ou les Britanniques esxécutèrent à Cambrai, au mois de novembre, leur grande attaque par surprise à l'aide de tanks, Pétain avait assemblé de puissants renforts français dans la région de Senlis-Péronne et que ces renforts furent mis en mouvement dès que l'attaque britannique fut lancée. C'est encore un des mystères non éclaircis de la guerre que de savoir pourquoi on n'a pas fait appel au soutien de ces renforts, surtout en présence de la magnifique occasion qu'offrait cette nouvelle méthode d'attaquer par tanks et qui fut perdue par suite du manque de réserves britanniques.

A suivre.
Cordialement.
Phil.
Phil.
Piou-Piou
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par Piou-Piou »

Bonsoir à toutes et tous,

Immédiatement après cette bataille éclata l'amère controverse sur le conseil de Versailles et la question de l'unité de commandement. Pétain, contrairement à la plupart des autres chefs français et britanniques, n'était pas un fanatique du front occidental et il s'était fait l'avocat d'opérations plus vastes sur le flanc stratégique de l'alliance germanique: il était en effet beaucoup trop réaliste pour ne pas voir la futilité de la guerre d'usure ou la vanité d'une percée avant qu'on eût trouvé une autre clef pour ouvrir la barrière. Son opposition au Conseil de Guerre Suprême ne provenait donc pas d'un <<occidentalisme>> caché. Mais comme son collégue Haig, il se défiait du système de direction par un comité et préféra s'entendre directement avec le Commandant en Chef britannique pour combiner un appui mutuel en présence de la menace naissante d'une offensive allemande. Cependant il allait être la cause indirecte de l'effondrement de cet arrangement.
Pétain était profondément convaincu du danger et il résista fermement à toutes les pressions, à toutes les clameurss qui voulaient le précipiter dans une offensive prématurée ou préventive. A la lumière de nos connaissances d'après-guerre nous nous rendons compte aujourd'hui qu'une opération de ce genre aurait été non seulement sans effet, mais encore qu'elle aurait conduit à la banqueroute la cause des Alliés, car la marge de leurs réserves fut à peine suffisante au printemps 1918, pour rester sur la pure défensive. Comme autre mesure de sécurité, Pétain voulait aussi adopter ce système de défense élastique qui se révéla si efficace en juillet 1918; mais le gouvernement français attachait une valeur morale exagérée au terrain; il se condamna ainsi à perdre des kilométres quand in n'aurait perdu que des mètres, et pour mieux sauter. Pétain restait immuable sous la pression politique quand celle-ci heurtait son sens dominant de la prudence, mais il cédait à son influence quand elle s'exerçait sur des sujets qui lui paraissaient moins menaçants pour la sécurité de la France. C'est là que réside la cause de la ruine du projet de coopération arrêté entre les armées françaises et anglaises.
Cet évènement eut pour origine première le fait que les Français prévoyaient, à tort, que l'offensive ennemie se produirait en Champagne, alors que les services de Renseignements britanniques, à juste titre, la préduisaient dans le secteur de Saint-Quentin. Quand l'attaque commença le 21 mars, les Français crurent qu'elle n'était qu'une feinte précédant la véritable offensive qui éclaterait sur leur front. En conséquence les renforts promis furent lents à venir, bien que leur force numérique fût certainement plus grande que celle qui avait été convenue. En outre quand le flot allemands déferla si rapidement qu'on crut à la perte probable d'Amiens. Pétain informa Haig le 24 mars que les réserves ui se concentraient alors près de Montdidier devaient être mises en mouvement en direction sud-ouest afin de couvrir les approches de Paris. Ce mouvement eût entrainé la séparation des armées alliées. Il fut empêché par la conférence de Doullens et par la désignation de Foch pour coordonner la lutte sur le front tout entier, mesure dont le but immédiat était d'éviter cette séparation.
Mais si dans cette crise Pétain ne réussit pas à faire preuve de largeur de vue, il prouva aussitôt après qu'il avait le coeur grand en répondant loyalement aux ordres donnés par Foch, l'homme qu'un an aupravant il avait lui-même sauvé d'une demi disgrâce. Et si à partir de ce moment Pétain ne joua plus qu'un rôle stratégique subordonné pendant le reste de la campagne, il se montra fertile en expédients tactique en témoignant de toute son ancienne promptitude à reconnaître les possibilités des armes nouvelles. C'est ainsi que le 23 mars, il interrompit brusquement son dîner pour donner l'ordre subit d'envoyer toutes les escadrilles d'avion disponibles exécuter par surprise, et comme une sorte de cavalerie de l'air, une contre-attaque sur les divisions allemandes qui s'avançaient pour continuer l'offensive.
En mai ce fut au tour de Pétain d'avoir à supporter le fort de la lutte lorsque le torrent allemand rompit par surprise le front de l'Aisne et balaya tout devant lui jusqu'aux bords de la Marne qu'il atteignit en quatre jours. Cette surprise a été due avant tout à la défaillance du Service de Renseignements français et à l'obstination aveugle et arrogante du général Duchêne, commandant la 6e armée, qui refusa d'écouter et les avertissements de ses propres subordonnés et ceux des commandants des divisions britanniques envoyées au repos dans ce <<secteur tranquille>>. Pétain peut bien aussi avoir une part de responsabilité dans cette affaire car il a maintenu en fonction un chef qui était depuis longtemps une source de frictions et de méfiances, mais il agit promptement et sagement en arrêtant l'expansion du flot vers l'ouest. Il devina ce que devait être l'attaque allemande suivante et se trouva prêt a la recevoir quand le 9 juin elle essaya de faire sauter le bastion qui subsistait entre les deux poches créées en mars et en mai.
Pour accueillir cette attaque, il essaya son plan de défense élastique: céder la première position à l'adversaire, puis quand l'avance ennemie aurait perdu son élan et son bon ordre, lui opposer une résistance sérieusement préparée sur une deuxième position. Mais l'esprit de routine inné des commandants locaux, obsédés de l'idée traditionnelle de conserver chaque pouce de trarrain, fit que cette expérience ne fut qu'un demi-succès; Pétain prit des sanctions contre le commandement local. Mis cette tentative prépara la voie au succés du 15 juillet où l'assaut final des Allemands à l'est de Reims fut complétement disloqué par cette méthode: tel fut surpris qui croyait surprendre. Mais à Reims, comme autrefois à Verdun, l'ironie du sort voulut que l'opinion populaire qualifiât cette manoeuvre d'un autre nom que le sien, elle l'appela la <<manoeuvre Gouraud>>, et pourtant Pétain avait dû consacrer une semaine d'efforts auprès de ce chef au coeur de lion pour arriver à la persuader d'exécuter son plan consistant à céder à l'ennemi la première position.
Si Pétain contremanda ensuite la contre-offensive historique de Mangin que Foch ordonna de reprendre, il est injuste d'admettre qu'il songeait à autre chose qu'à la retarder temporairement. En effet, tandis que Foch avait voulu lancer son offensive avant celle de l'ennemi, Pétain, lui, avait eu l'idée d'une bataille défensive-offensive telle qu'elle fut livrée: d'abord parer les coups de l'ennemi, puis riposter en lui portant une botte quand il serait déconcerté.
Il avait parfaitement jugé la situation quand, après avoir arrêté l'attaque précédente, oubliant sa circonspection habituelle, il avait lancé cette prophétie: Si nous pouvons tenir jusqu'à la fin juin notre situation sera excellente; ensuite sera nôtre.
Sachant mieux apprécier les facteurs matériels que Foch, dont l'esprit était envahi par des rêves d'offensive tandis que les coups allemands pleuvaient encore, Pétain s'étant rendu compteque l'équilibre de la balance dépendait de l'arrivée des renforts américains et que la condition essentielle était de ne pas laisser rompre ses forces jusqu'au moment où les Américains feraient pencher les plateaux au détriment de l'Allemagne. La journée du 18 juillet 1918 et ses conséquences justifièrent son jugement et rachetèrent son manque de largeur de vue du mois de mars.

A suivre et fin jeudi.
Cordialement.
Phil.

P.S: si ce genre de sujet lassant ou déjà connus, petit mot, merçi.
Phil.
Piou-Piou
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Re: Le Maréchal Pétain.

Message par Piou-Piou »

Bonsoir à toutes et tous,

Au cours même de la marche à la victoire, si habile qu'il fût à combiner des irruptions dans le système défensif ennemi avec des explitations latérales successives, Pétain joua un rôle moins important, parce que d'une part la direction stratégique des opérations était aux mains de Foch et d'autre part parce que le travail décisif fut accompli par les Britanniques et les Américains. Si cette attitude résultait de la nature même des choses, les Britanniques et les Américains formant les deux cornes des masse d'attaque, il faut reconnaître que les Français au centre s'accordèrent admirablement à cette manoeuvre, en menaçant l'ennemi par leur présence, mais sans presser sa retraite hors de la poche que Britanniques et Américains resseraient constamment. L'avance des Français se faisait constamment avec un peu de ratard, ils ne bougeaient qu'après que leurs Alliés avaient refoulé l'ennemi sur leur flancs. C'est ainsi que la politique militaire de Pétain qui consistait à ne pas sacrifier des existences conserva l'armée française non seulement jusqu'au moment où la marée se renversa, mais encore jusqu'à l'heure de la paix.
Le 21 novembre 1918, après l'entrée triomphale dans la cité reconquise de Metz, Pétain reçut de son pays le bâton de maréchal qu'il avait si bien mérité. Il s'était montré le premier et un des rares chefs à comprendre le mécanisme de la guerre moderne tel que l'avaient formé les nations industrielle en armes. Dans un tel genre de guerre l'artiste n'avait point place, mais Pétain y avait apporté le netteté de vues et le plus grand pouvoir d'organisation, facteurs essentiels.
En outre c'était un profond psychologue. Un Foch ne connaissait que son âme personnelle, Pétain, lui, savaitpénétrer les esprits et les sentiments des hommes des tranchées et ceux de la nation en armes. Et dans la sordide besogne qu'était devenu la conduite de la guerre il sut impartir un courant de magnétisme personnel, très rare alors dans le Haut Commandement. Sa justice, sa sympathie, son sérieux, telles étaient les sources de son emprise sur l'affection que lui portaient les hommes. Mais il faisait d'avantage. Par exemple il avait l'habitude, lorsqu'il inspectait un régiment, de faire sortir des rangs une douzaine de soldats et de les inviter à nommer l'homme le plus brave du régiment. Et quand ils le lui avaient signalé, Pétain, sur-le-champ, épinglait la Légion d'honneur sur la poitrine de l'officier ou du soldat désigné.
En tant que commandant d'armée on lui a reproché une excessive prudence. Il serait beaucoup plus exact de dire qu'il était excessivement ménager de l'existence de ses hommes. Tandis que la devise d'un chef brillant comme Mangin était <<la victoire à tout prix>>, la devis de Pétain était <<la victoire au moindre prix possible>>. Et cet instinct lui venait moins de la prudence que du réalisme. Comme un rayon de lumière, sa vission avait su percer le brouillard conventionnel des idées militaires d'avant-guerre qui empêchait de trouver la vérité. Il portait même si loin son amour de la vérité que, contrairement au système de son prédécesseur, il ne voulait pas entendre parler de rapports ambigus dissimulant des faux succès ou des échecs et il s'apposa à toute propagande de la part de son état-major. La discipline et l'effacement personnels succédèrent à la flatterie et à l'intrigue.
Faute d'occasion l'histoire ne peut pas le ranger parmi les grands stratèges; il semble aussi qu'il ait été plustôt un inventeur de méthodes tactiques qu'un exécutant tactique. Mais il est une chose pour ainsi dire certaine, c'est que l'armée française ne se serait jamais rétablie si Pétain n'avait en 1917 été appelé à la commander. Il rendit la victoire possible. Si Foch, avec toutes ses grandes qualités, ou un autre général imbu de l'idée d'offensive, avait été appelé à sa place, la guerre eût été perdue, pour la France tout au moins.
Le verdict de l'histoire sur Pétain peut donc être le suivant: <<Il fut l'homme qui, comme Fabius, sut sauver son pays en évitant la bataille, et, qui comme Carnot, fut l'organisateur de la victoire.

FIN.
Avec un peu d'avance, merçi la neige.

Des commentaires ? sur la vue du Capitaine B. H. Liddell Hart.
Cordialement.
Phil.
Phil.
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