Au détour d'un JMO (3) – Travaux agricoles

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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour d'un JMO (3) – Travaux agricoles

Message par Arnaud Carobbi »

Bonjour à tous,

La série de sujet que je vous propose part toujours des JMO. J'écris souvent (et vous n'avez pas fini de le lire) qu'on trouve beaucoup d'informations dans les JMO. Pour une fois (il y en aura probablement d'autres), je vais faire les choses d'une manière différente : j'ai un document et je veux trouver des informations me permettant de le remettre dans le contexte.
  • Travaux agricoles :
Les cas sont nombreux dans les registres matricules d'hommes d'un certain âge (des classes les plus anciennes) qui ont fini la guerre à travailler leurs terres avant d'être démobilisés. Les moissons ne pouvaient se faire sans main d'œuvre, certains agriculteurs étaient donc autorisés à retourner travailler leurs champs. Dès 1915, des certificats pour permissions furent mis en place par l'administration.

Extrait du journal « le commerce de Sablé », dimanche 31 octobre 1915.
Permissions agricoles :
Afin d'augmenter la main d'œuvre mise à la disposition de l'agriculture, le Ministre de la Guerre a décidé que les permissions de 15 jours seraient accordées dans la plus large mesure, avec prolongation, à tous les hommes de troupes agriculteurs en service dans les dépôts à l'exception de ceux appartenant au service armée et aux classes 1902 à 1915 inclus et affectés à l'infanterie ou au génie.
Des équipes de travailleurs pourront être fournies partout où elles seront demandées et des chevaux seront mis à la disposition des agriculteurs qui en feront la demande. Cette nouvelle série de permissions prendra fin le 15 décembre.
Allez, une petite digression... :ange:
Extrait du journal « Le commerce de Sablé », dimanche 2 janvier 1916.
La délivrance des certificats pour permissions agricoles
On nous communique :
Un militaire de la Sarthe, non agriculteur, s'étant fait délivrer par la mairie de sa commune un certificat attestant qu'il était cultivateur, a bénéficié d'une permission de semailles.
Une enquête faite par son corps ayant constaté qu'il n'utilisait pas sa permission aux travaux des champs, ordre lui a été donné de rejoindre immédiatement son dépôt où il s'est vu infliger une punition de soixante jours de prison.
En portant ce fait à la connaissance des intéressés, mobilisés et maires, j'insiste à nouveau sur la nécessité de ne donner des certificats qu'aux militaires exerçant véritablement une profession agricole.
Les maires qui délivreraient des certificats de complaisance à des mobilisés non cultivateurs, engageraient gravement leur responsabilité.
Le Préfet, P. Bordes
A la fin du conflit, certains hommes des classes les plus anciennes furent « détachés agricoles » : ils restèrent chez eux pour cultiver leurs champs (mais ils auraient pu être rappelés). Voici trois exemples qui illustrent bien cette situation : un classe 1890 mis à la disposition de la préfecture, un classe 1891 qui rentre chez lui et un classe 1892 qui sait faire fonctionner les batteuses et qui est rappelé dans son entreprise avant de revenir la moisson passée, dans son régiment.
  • Tous étaient des territoriaux.
En tout cas dans les exemples donnés.
Les Régiments d'Infanterie Territoriale sont un peu particuliers. Composés des hommes les plus âgés, ils ont été engagés en première ligne à de nombreuses occasions et leur devenir a fortement varié. Utilisés pour tenir des secteurs réputés calmes, les régiments de « terribles-toriaux » pouvaient être aussi dispersés en diverses affectations pour des divisions, des corps d'armée, pour travailler à l'arrière du front à de multiples corvées.

Voici un exemple de travaux agricoles confiés à la 8e compagnie du 33e RIT. Disons le tout de suite, rien dans le JMO du 33e RIT sur cette mission, et pour cause : il n'y a pas de JMO du 33e RIT !
Mais il y a d'autre pistes quand le JMO cherché est muet !
  • Transcription du document (collection particulière) :
Image
Ve Armée
Intendance Camps et Cantonnements

URGENT

TRAVAUX AGRICOLES
Il est mis à la disposition de la zone de Fère-Champenoise, pour les travaux agricoles, une compagnie du 33e RIT, comprenant environ 140 travailleurs disponibles et une section de chevaux composée de 12 voitures attelées à deux chevaux et de 12 conducteurs.
Les Majors de cantonnement et les caserniers préviendront immédiatement les cultivateurs par l'entremise du Maire que des soldats et des chevaux avec conducteurs pourront être mis à leur disposition sur leur demande, apostillée par le Maire, et transmise au Major de zone.
Les travailleurs militaires seront, en principe, accordés pour une période de 15 jours qui pourra être allongée si la moisson n'a pu être complètement terminée ou diminuée faute de travail.
La rémunération des militaires est de 1 Fr 00 par jour, prime au travailleur.
Travailleurs et chevaux sont nourris par le cultivateur qui les emploie.
Les Majors de cantonnement, ou les caserniers en faisant fonctions transmettront d'urgence au Major de zone les demandes de travailleurs d'après les besoins de la population.
Ceux-ci seront répartis eu égard aux effectifs dont dispose le Major de zone.
Les Majors de cantonnement et caserniers vérifieront l'emploi des travailleurs militaires. Ils enverront le 1er et le 20 de chaque mois au Major de zone un compte-rendu indiquant :
1° Le nombre d'hommes mis à la disposition de chaque commune.
2° Le nombre de journées de travail fourni dans la commune.
3° Le travail accompli.
Il sera rendu compte également de la fin du travail dans chaque commune.
Des sous officiers seront répartis dans la zone de manière à rayonner utilement et à seconder les Majors de Cantonnement et les caserniers dans leur surveillance.
Les caporaux seront compris au nombre des travailleurs.
Le travail doit comprendre, non seulement la récolte de la moisson, mais s'il est possible la préparation aux récoltes prochaines et les labours.
La zone devant être occupée, le plus large emprunt sera fait par les Majors de Cantonnement à la main d'œuvre des troupes de passage et à leurs chevaux.
Le compte-rendu demandé aux Majors de cantonnement et aux caserniers sera également fourni aux mêmes dates au Major de zone par le capitaine commandant la 8e compagnie du 33e RIT.
SP223, le 2 août 1918
Le chef de bataillon Schwah, major de la zone 59.
signé Schwah
Extrait de la carte du JMO de la 41e DI, page 4.
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html
Image
  • Trouver des informations :
Piste 1 : l'Historique
Celui du 33e RIT existe et est facilement disponible sur le net. On y apprend que le 1er bataillon du 33e RIT a été dissous, mais que le 2e existe toujours et c'est celui pour lequel le parcours est le plus détaillé.
Voilà ce que dit l'Historique pour cette période :
« Le 15 juillet, au soir, ordre de repli. La 6e compagnie se rend à Avize, l’état-major et les trois autres compagnies à Pierre-Morains, à la disposition du G. P. A. 5 . Le bataillon travail sans relâche à l’approvisionnement des munitions : équipes de jour et de nuit, pendant toute la durée de l’offensive. Le bataillon est ensuite mis à la disposition du général commandant le champ de bataille. Les unités sont dirigées sur les bords de la Marne, dans les villages qui ont le plus souffert, elles s’occupent de l’assainissement du champ de bataille, de la récupération des munitions et du matériel de guerre, puis de la restauration des villages de Reuil, Binson,Orquigny Vandieres, Jonchery, etc ».

Parmi les missions, il y eu celle de participer aux travaux agricole dans le secteur, à Fère-Champenoise et les communes voisines, reprenant le principe évoqué dans le premier article de ce sujet (mise à disposition d'hommes et de chevaux).

Piste 2 : Et dans les JMO ?
Le document donne quelques pistes : « Ve Armée », « Zone 59 », « Intendance des Camps et Cantonnements » et GPA 5 de l'historique.
Au niveau de la Ve Armée, strictement rien de concluant, les pistes que j'envisageais étant tombées à l'eau, la majorité des JMO s'arrêtant en 1916.
Il y a bien un JMO relatant les déplacements des unités de RIT qui lui sont attachées, mais rien sur le 33e RIT. Rien trouvé sur la zone 59, rien sur le CVAX (en l'absence du numéro de toute façon, c'était peine perdue)...

Seule le Grand Parc d'Artillerie 5 a donné une piste : un magasin avancé était localisé à Fère-Champenoise (on apprend son existence dans le JMO uniquement parce qu'il est bombardé par des avions !). Et c'est justement autour de cette commune que la 8e compagnie du 33e RIT va travailler (Pierre-Morain se trouve à quelques kilomètres au nord). Mais en l'absence de toute mention supplémentaire, impossible d'en dire plus. Pourtant, vu le nombre de comptes à rendre, il y dû y en avoir, des papiers !
  • Conclusion :
Bien que partant d'un document comportant des mentions précises de lieux, de date, de personnes, il est finalement plus difficile de retracer le parcours d'un RIT ou d'un combattant ayant transité par des unités « exotiques » (sous-entendu de l'arrière) qu'un simple soldat de RI... qui nous laisse pourtant déjà si souvent dans le flou !

Si vous avez d'autres exemples de détachements agricoles de compagnies de RIT, ou d'anecdotes liées aux permissions ou détachements agricoles, n'hésitez pas !

A la semaine prochaine,
Arnaud
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margareta
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Re: Au détour d'un JMO (3) – Travaux agricoles

Message par margareta »

Bonsoir à tous

Voici un exemple de détachement de travailleurs agricoles du 44è R.I.
dans lequel mon père était affecté.
Ces quelques lignes sont extraites du J.M.O. :

Le 16 juillet 1917, le régiment fournit un détachement de 60 travailleurs agricoles à Montmort (Marne) et 15 hommes pour des travaux de fenaison à Verneuil sous Coucy (Aisne).
Le 16 juillet la revue du 14 juillet revient et le 17, le régiment fournit un détachement de 50 hommes pour des manipulations à la gare de Bouleuse.
le 13/8 ordre à tous les détachements de rejoindre les travailleurs agricoles et le 14 les travailleurs rentrent au camp.

Amicalement
Denise
Denise
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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour d'un JMO (3) – Travaux agricoles

Message par Arnaud Carobbi »

Bonsoir à tous,
Les petites recherches que je diffuse sur le forum n'ont pas la prétention de dresser une synthèse globale d'une question vu qu'ils ne portent que sur un fait. Par contre, je suis content qu'ils induisent des questions et une discussion. Et d'autres exemples.

Denise, merci beaucoup pour votre référence : un JMO qui parle des travaux agricoles pour un RI et non un RIT. Volà qui est très intéressant. J'ai fait un tour sur le JMO du 44e RI : il venait de quitter le front et commençait une période de repos ; ceci explique probablement cela.

Geneviève, merci pour toutes vos questions qui ouvrent de multiples pistes. Mais comme je l'ai écrit en préambule, ma première intervention porte les limites des réponses que je peux apporter : je n'en sais pas plus que ce que dit le document et que ce que j'ai pu lire ou déduire. Cependant, en attendant des réponses d'autres intervenants pouvant avoir des éléments plus précis, je peux répondre à certaines interrogations. En particuliers celles sur le sens à donner à certaines phrases du sujet.

A/ Cette distinction est le résultat d'un constat : l'Armée mettait à disposition des groupes de travailleurs dans la zone des armées ; l'armée permettait à des agriculteurs de retourner travailler leurs champs. Deux cas différents que j'ai distingué. Mais je ne dis pas qu'il n'existe pas d'autres cas : je ne fais qu'avec ce que j'ai pu lire ; c'est ainsi que l'on progresse dans sa connaissance sur un thème.

B/ Peut-être existe-t-il des listes dans les Annexes, sinon, à part dans des papiers personnels, je ne sais pas.

C/ Voilà une question qui montre bien la limite de l'exercice auquel je me livre : d'où sort cette date de 1915 ? Pas d'un livre ou d'une source quelconque, juste d'une déduction qui a besoin d'être confirmée (ce que j'aurais dû sigaler). Je me lance à la recherche.

Comment suis-je arrivé à cette date de 1915 :
La remarque du préfet du 2 janvier 1916 montre clairement que la règle est nouvelle et qu'il s'agit des premiers abus signalés. Un peu léger comme déduction. Je dois avoir la réponse en y réfléchissant dans un livre sur l'Anjou dans la guerre 14-18, mais je n'ai plus le livre à ma disposition dans l'immédiat. Réponse dans une dizaine de jours.

Je pense qu'une recehrche dans la presse pourrait donner une piste à défaut de trouver une date dans un ouvrage.
Par exemple "Le Petit Courrier", d'Angers; signale dans son numéro du 1er octobre 1915, page 3 :
"Mairie d'Angers
Le Maire de la Ville d'Angers, en vue de faciliter les travaux agricoles, prie les cultivateurs de vouloir bien déclarer d'urgence à la Mairie (Bureau de la mobilisation) les terres qu'ils ne pourraient labourer ou ensemencer faute de personnel.
Des travailleurs militaires de profession et des animaux pourront ête mis à leur disposition."

Même période, pour le travail du chanvre. Article du "Petit courrier", 5 septembre 1915, page 2.
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Les demandes de permissions devant passer par la mairie, un excellent travail d'une association est mis en ligne sur lamunicipalité de Bouhy. On y trouve en particuliers un agenda des décisions prises au jour le jour et les demandes de permissions agricoles. Dès février 1915 il en est fait mention. Site à consulter, il y a beaucoup d'informations sur la vie quotidienne au travers de ces aspects qui peuvent paraître bien administratifs.
http://pagesperso-orange.fr/bouhy.com/14-18/docs_mairie/_agenda-1915.html
Hélas, l'année 1914 est perdue.

D/ Les personnes qui peuvent bénéficier de ces permissions sont énumérées plus clairement dans cet article (désolé, je n'ai pas le temps de le transcrire, comme les précédents).
Article du "Petit Courrier", Angers, 5 septembre 1915, page 2.
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E/ Je ne connais pas la procédure exacte, mais le site déjà cité de la commune de Bouhy donne àmon avis un aperçu précis des démarches à effectuer.
Pour la question suivante, j'ai cherché et j'ai trouvé plusieurs archives départmentales qui font été dans leurs inventaires en lignes de registes, de dossiers, de dlistes de permissionnaires. Il y a une piste à creuser.

J'espère avoir éclairci un peu les choses :sweat: .

Amitiés,
Arnaud

NB : "Le Petit Courier" est librement consultable en ligne sur le site des AD49 :
http://www.archives49.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=5&Itemid=17
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mikado
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Re: Au détour d'un JMO (3) – Travaux agricoles

Message par mikado »

Bonjour

Je viens de retrouver ces documents. Je ne me rappelais plus de leur existence. Un fascicule de détachement et une lettre expliquant les modalités.
Ils concernent un soldat de la classe 1895.

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Cordialement
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b sonneck
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Re: Au détour d'un JMO (3) – Travaux agricoles

Message par b sonneck »

Bonjour,

Dans le JMO du 26e RIT, à la date du 20 juillet 1916 (le régiment, est alors en secteur au sud de Verdun, entre Troyon et Lacroix-sur-Meuse) , on relève dans la liste des travailleurs que le 3e bataillon doit fournir à partir de cette date : un détachement permanent de travailleurs agricoles (2 sous-officiers, 4 caporaux et 60 hommes), "choisis à tour de rôle parmi les hommes ayant besoin d'être fortifiés par un exercice physique modéré"...

Cordialement
Bernard
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