Bonjour,
J'aimerais échanger avec vous sur les territoriaux.
Logiquement prévu pour des taches "secondaires" ( garde, travaux divers, escorte...) il me semble avoir vu ou entendu que devant les pertes des premiers mois de la guerre , il a vite été fait appel à eux pour combler les pertes.
On connait les exploits d'André Maginot...mais qu'en est il réellement ?
Quelles ont été les pertes de ces "terribles taureaux" comme parfois certains soldats d'active les surnommaient ?
Merci...
Eric
Montée au font des territoriaux
Re: Montée au font des territoriaux
« Les hommes pour la plupart n’étaient pas gais ; ils étaient résolus, ce qui vaut mieux. »
Marc Bloch
Marc Bloch
Re: Montée au font des territoriaux
Bonjour,
Début août 1914, les « vieux » soldats du 16e Régiment d’Infanterie Territorial, mobilisés dans la 2e Région militaire, convergent vers Péronne et se concentrent au château, lieu qui reçoit aussi les réserves du 120e Régiment d’infanterie.
Le 16e Régiment d’Infanterie Territorial (RIT) appartient à la 81e Division d’Infanterie Territoriale. La division comprend la 161ème Brigade formée des 11e et 12e RIT et la 162ème Brigade formée des 14e et 16e RIT, tous régiments picards.
Fin septembre 1914, au cours de la course à la mer, ces régiments vont se retrouver en première ligne, au sud-sud-est de Bapaume, avec des moyens dérisoires pour tenter de s'opposer aux troupes d'active de l'armée allemande. Beaucoup de ces "vieux" (âgés de 35 à 40 ans), vont tomber sous les balles et les obus allemands notamment pour le seul 16e RIT le 3 octobre 1914 à Courcelles-le-Comte (Pas-de-Calais) où les combats feront environ 800 morts côté français.
Le 30 octobre, les territoriaux sont dirigés vers le nord, avec mouvement par étapes vers Saint-Pol. A partir du 3 novembre, ils sont transportés par voie ferrée dans la région de Furnes, à la suite de quoi les soldats font mouvement vers Nieuport.
Là ils vont subir les assauts de la part des troupes allemandes notamment à Lombaertzyde le 11 novembre avec de nouvelles pertes sévères.
Eric
Début août 1914, les « vieux » soldats du 16e Régiment d’Infanterie Territorial, mobilisés dans la 2e Région militaire, convergent vers Péronne et se concentrent au château, lieu qui reçoit aussi les réserves du 120e Régiment d’infanterie.
Le 16e Régiment d’Infanterie Territorial (RIT) appartient à la 81e Division d’Infanterie Territoriale. La division comprend la 161ème Brigade formée des 11e et 12e RIT et la 162ème Brigade formée des 14e et 16e RIT, tous régiments picards.
Fin septembre 1914, au cours de la course à la mer, ces régiments vont se retrouver en première ligne, au sud-sud-est de Bapaume, avec des moyens dérisoires pour tenter de s'opposer aux troupes d'active de l'armée allemande. Beaucoup de ces "vieux" (âgés de 35 à 40 ans), vont tomber sous les balles et les obus allemands notamment pour le seul 16e RIT le 3 octobre 1914 à Courcelles-le-Comte (Pas-de-Calais) où les combats feront environ 800 morts côté français.
Le 30 octobre, les territoriaux sont dirigés vers le nord, avec mouvement par étapes vers Saint-Pol. A partir du 3 novembre, ils sont transportés par voie ferrée dans la région de Furnes, à la suite de quoi les soldats font mouvement vers Nieuport.
Là ils vont subir les assauts de la part des troupes allemandes notamment à Lombaertzyde le 11 novembre avec de nouvelles pertes sévères.
Eric
Cordialement
Eric ABADIE
Eric ABADIE
Re: Montée au font des territoriaux
Merci pour ces précisions...
Existent ils des ouvrages intéressants sur les territoriaux ???
Existent ils des ouvrages intéressants sur les territoriaux ???
« Les hommes pour la plupart n’étaient pas gais ; ils étaient résolus, ce qui vaut mieux. »
Marc Bloch
Marc Bloch
- Eric Mansuy
- Messages : 4986
- Inscription : mer. oct. 27, 2004 2:00 am
Re: Montée au font des territoriaux
Bonjour à tous,
Un exemple parmi tant d'autres, qui m'est cher, forcément, puisque mon arrière-grand-père, Georges Curien, a été impliqué dans les rangs du 43e R.I.T. ; je laisse "la parole" au lieutenant-colonel Sohier, du 23e R.I., dans son rapport sur les combats du Ban-de-Sapt (Vosges) :
"Compte-rendu détaillé des événements de la journée du 22 juin 1915
Vers 13 h. 55, deux mines allemandes sautaient, l’une en avant de Martignon vers le petit poste d’écoute que nous avions installé au bord de l’entonnoir, l’autre à la Fontenelle sous la tranchée couverte de 1re ligne vers la demi-lune Delamotte, faisant effondrer cette galerie sur plus de 50 mètres.
Immédiatement, l’ennemi déclencha un tir d’artillerie sur les positions de Martignon et de la Fontenelle. Les obus de gros calibre (105, 150, 210, etc.) tombaient nombreux sur nos positions et un tir de barrage de l’ennemi exécuté en arrière était destiné à rendre l’arrivée des soutiens et réserves impossibles.
A la Fontenelle, notamment, dans le village, ce tir détruisit les dernières maisons restées habitables, tandis que le chef de bataillon commandant le sous-secteur et les officiers qui partaient à la tête de leur unité étaient grièvement blessés.
Le bombardement extrêmement violent de l’artillerie allemande avait causé des dégâts considérables dans nos lignes. Beaucoup d’hommes avaient été littéralement ensevelis dans les tranchées et les boyaux qu’ils occupaient, des abris avaient été enfoncés par les gros obus, des escouades entières se trouvaient prises dans leurs abris d’artillerie dont l’entrée avait été bouchée par la terre et par les débris des explosions.
Les tranchées de 2e et 3e lignes qui se trouvaient sur les flancs Est et Nord-est de 627 n’existaient plus, les réseaux de fil de fer étaient complètement bouleversés. Il en était de même à Martignon.
Vers 17 h. 30, l’artillerie allemande, dont le tir violent n’avait pas cessé depuis le début de l’action, allongea un peu son tir et une attaque d’infanterie se déclencha sur nos positions. Malgré nos pertes considérables, malgré la destruction presque totale des tranchées de la position, nos troupes se défendirent avec énergie, luttant pied à pied, ne se retirant que lorsque entourées de toute part, elles se sont trouvées dans l’impossibilité absolue de rester plus longtemps. Aussi nos défenseurs se trouvèrent-ils bientôt dans l’obligation de renoncer à occuper les positions en arrière, puisque ces dernières n’existaient plus et la défense fut obligée de se reporter sur les lignes n°4 puis n°5 à la lisière Est du village de la Fontenelle.
Sur cette dernière position, le bataillon du 23e, très éprouvé, qui ne comptait plus qu’un capitaine et qu’environ un officier par compagnie, qui avait perdu environ la moitié de son effectif et n’avait été renforcé que par quelques sections du 43e Territorial, fit une résistance acharnée et au cours de laquelle les actes de bravoure, de courage et de ténacité prouvèrent le haut moral de la troupe malgré les conditions particulièrement pénibles dans lesquelles elle se trouvait depuis plus de 6 heures.
Cependant, vers 20 h. 30, des fractions de la 2e compagnie tenaient encore aux environs de l’observatoire Sittler ainsi qu’une équipe de bombardiers. Mais devant les progrès faits par l’ennemi, ces fractions durent se replier sur Martignon après avoir fait sauter volontairement leurs lance-bombes.
A Martignon également, à la faveur du bombardement, ils avaient pu s’emparer de quelques parties de la 1re ligne. Les troupes du 23e étaient trop décimées pour pouvoir seules exécuter des contre-attaques, mais jusqu’au dernier soldat elles étaient prêtes à se faire tuer sur place plutôt que de reculer.
Vers 22 h. 15, les renforts annoncés arrivèrent sur nos positions, ils étaient composés d’un bataillon du 37e Colonial dont trois compagnies se portèrent sur la Vercoste et une sur Martignon, et d’un bataillon du 43e Territorial dont trois compagnies se portèrent à la Vercoste et une compagnie à Martignon.
Le lieutenant-colonel commandant le secteur, qui était monté à la Vercoste dans l’après-midi en raison de la gravité des événements et qui avait pris la direction de la défense, organisa avec ces troupes de renfort une contre-attaque de six compagnies. Il donna des ordres, orienta les chefs des différents bataillons sur la topographie du terrain d’attaque.
Les troupes largement munies de grenades et d’explosifs ne furent pas prêtes à se disposer pour la contre-attaque avant minuit trente.
La contre-attaque commença à 1 h. 15 après une préparation d’artillerie tout à fait insuffisante.
Signé : SOHIER
Pertes subies connues :
23e Régiment d’Infanterie : officiers tués : 6 ; blessés : 5 ; disparus : …
hommes de troupe tués, blessés ou disparus : 348
37e Colonial : officiers tués : 2 ; blessés : 6
hommes de troupe tués, blessés ou disparus : 401
43e Territorial : officier tué : 1 ; blessés : 5
hommes de troupe tués, blessés ou disparus : 149
357e d’Infanterie : officiers blessés : 3
hommes de troupe tués, blessés ou disparus : 171
Ces pertes qui n’ont pu être constatées d’une façon à peu près précise qu’à la fin de la journée du 23 juin (le combat ayant continué sans interruption depuis le 22 juin, 14 heures) comprennent les pertes subies aussi bien dans la journée du 22 que dans toute la nuit du 22 au 23 juin et dans la journée du 23 juin.
Signé : SOHIER
Lieutenant-colonel commandant le 23e Régiment d’Infanterie"
Et ce qu'en a écrit Georges Curien, le 24 juin 1915 :
"Les jours qui viennent de s’écouler resteront gravés dans ma mémoire. Aucun autre que ceux qui y ont assisté ne peut se faire une idée de ce qu’a été le bombardement des Allemands d’abord, et la réponse des nôtres. Je commence par en narrer ici les détails.
Depuis notre arrivée à Denipaire, nous allions travailler en dessous de La Fontenelle. Dans l’après-midi du 22, à 2 heures exactement, les Boches commencent à bombarder. Grosses pièces, petites marmites, mines, tout fait rage à la fois. Nous assistons depuis notre travail à cette pluie de mitraille, un peu dans l’anxiété car nous avons une section de notre compagnie qui travaille dans les mines. A 4 heures nous rentrons à Denipaire pendant que le bombardement continue. A peine arrivés, nous mangeons la soupe au galop pour grimper à 7 heures à La Fontenelle où l’attaque se dessine. Avant de quitter, je vois Garnier, qui faisait partie de mon ancienne escouade, revenir en boitant, blessé à la cuisse mais légèrement. Il n’a aucune nouvelle de ses camarades. Que sont-ils devenus ? Nous filons donc en prenant les formations de combat et toujours la canonnade intermittente. A la nuit tombante, nous arrivons, non sans avoir rencontré nombre de blessés et de morts, dont plusieurs officiers. Cela certes n’est pas pour nous réconforter car les blessés nous apprennent que les Boches sont en possession du sommet et gagnent les premières maisons. Nous nous en apercevons car les balles sifflent à nos oreilles. Nous gagnons tant bien que mal nos tranchées de première ligne. Le 23e qui occupait le sommet s’est replié et a abandonné le sommet, nous en avons confirmation. Faute d’un peu de vigilance, il l’a payé cher, malheureusement. Et toujours pas de nouvelles de notre section. A ce moment l’attaque se poursuit, canons, fusils, tout s’en mêle pendant un certain temps puis, par instants, tout se calme comme par enchantement, les fusils se taisent pour faire place de temps à autre aux canons français qui arrosent la crête à leur tour. Pendant ce temps, les renforts arrivent, ce qui produit à nouveau chez les Boches une recrudescence d’activité de bombardement sur l’arrière. A la faveur de la nuit, nos vaillantes troupes remontent la pente et parviennent à s’établir à mi-côte. Notre compagnie est échelonnée entre La Fontenelle et le Bois Martignon où le bombardement bat son plein à droite, à gauche, en avant et en arrière. Tout tombe, les incendies s’allument dans les maisons près de nous et éclairent en plein nos tranchées. Nous n’avons qu’à rester couchés complètement dedans car il est certain que si nous étions vus, c’en serait fait de la section. Aussi s’attend-t-on à être décimés d’un moment à l’autre. Enfin, le jour paraît mais avec le jour, la canonnade reprend de plus belle sur notre gauche, sur les tranchées provisoires de la nuit. Oh, mes chéries, quel massacre de ces braves ! Ils sont aspergés, c’est le cas de le dire. Dans chaque trou d’obus, nos vaillants se jettent pour être ensevelis une minute après. Des braves gens pourrait-on dire. Mais les vides se font, la position n’est plus tenable, force est de l’évacuer et de se replier sur nous. Si à ce moment ils avaient eu un peu de culot, ces Boches, ils auraient pu descendre, et Dieu sait où ils seraient maintenant.
L’instant fut court car, tout aussitôt, les canons français commencent la danse. Ah, quel enfer ! Tout crache à la fois, c’est une pluie de mitraille, un roulement continu, tout se mêle : coups de départ et éclatements, tout se confond. C’est à croire que la terre et le ciel vont disparaître dans la tourmente. Toutes nos troupes sont debout dans les tranchées, et la joie est sur tous les visages. On s’attend à une contre-attaque de notre part. Elle se produit sur la droite seulement, car probablement nous ne sommes pas en force. Bref, on parvient tout de même à faire 150 prisonniers environ et à reprendre quelques tranchées, mais hélas il paraît que nous l’avons payé cher.
La journée du 23 se continue ainsi, canonnade de part et d’autre. La nuit vient et on ne parle pas de nous relever et, plus fort, rien à croûter, depuis hier soir pas moyen de bouger. Enfin, vers 10 heures, nous sommes remplacés par les coloniaux , nous allons un peu en arrière, manger un petit brin d’abord, et dormir. On est hébétés par le canon, les nerfs surexcités. Ah, chéries ! Quelle nuit et quelle journée, c’est terrible. On s’endort sur la dure jusqu’au petit jour, mais le réveil est bien triste. Nous apprenons d’abord la mort de deux hommes de ma section, tués tous deux dans la tranchée voisine, ainsi que celle de notre sous-lieutenant Schwartz. La 2e section qui travaillait aux mines : les 2/3 anéantis ou disparus, sur 38 partis, 11 seulement sont revenus. De mon ancienne escouade, il y a cinq manquants et le caporal qui m’a remplacé. Voilà le bilan de la journée terrible en tout et pour tout. Je salue ici mes anciens poilus qui après 10 mois de guerre étaient devenus des camarades. Que sont-ils devenus ? Ensevelis, tués, peut-être prisonniers, l’avenir nous l’apprendra. Gloire à ces héros qui ont payé leur tribut à la France. Je salue aussi ces trois victimes tombées au champ d’honneur, et pieusement je me suis incliné sur leurs corps qui maintenant reposent sur ce coin de France qu’ils ont si vaillamment défendu. Gloire à eux et que cette terre leur soit légère. Pour mon compte personnel, je remercie mon ange gardien de m’avoir préservé pendant ces 26 heures passées dans cette tranchée au plus fort de la mêlée. Bon gré, mal gré, j’en suis à me demander si la troisième fois ressemblera aux autres. Pour vous, mes trois chéries, je le demande au bon Dieu."
Bien cordialement,
Eric Mansuy
Un exemple parmi tant d'autres, qui m'est cher, forcément, puisque mon arrière-grand-père, Georges Curien, a été impliqué dans les rangs du 43e R.I.T. ; je laisse "la parole" au lieutenant-colonel Sohier, du 23e R.I., dans son rapport sur les combats du Ban-de-Sapt (Vosges) :
"Compte-rendu détaillé des événements de la journée du 22 juin 1915
Vers 13 h. 55, deux mines allemandes sautaient, l’une en avant de Martignon vers le petit poste d’écoute que nous avions installé au bord de l’entonnoir, l’autre à la Fontenelle sous la tranchée couverte de 1re ligne vers la demi-lune Delamotte, faisant effondrer cette galerie sur plus de 50 mètres.
Immédiatement, l’ennemi déclencha un tir d’artillerie sur les positions de Martignon et de la Fontenelle. Les obus de gros calibre (105, 150, 210, etc.) tombaient nombreux sur nos positions et un tir de barrage de l’ennemi exécuté en arrière était destiné à rendre l’arrivée des soutiens et réserves impossibles.
A la Fontenelle, notamment, dans le village, ce tir détruisit les dernières maisons restées habitables, tandis que le chef de bataillon commandant le sous-secteur et les officiers qui partaient à la tête de leur unité étaient grièvement blessés.
Le bombardement extrêmement violent de l’artillerie allemande avait causé des dégâts considérables dans nos lignes. Beaucoup d’hommes avaient été littéralement ensevelis dans les tranchées et les boyaux qu’ils occupaient, des abris avaient été enfoncés par les gros obus, des escouades entières se trouvaient prises dans leurs abris d’artillerie dont l’entrée avait été bouchée par la terre et par les débris des explosions.
Les tranchées de 2e et 3e lignes qui se trouvaient sur les flancs Est et Nord-est de 627 n’existaient plus, les réseaux de fil de fer étaient complètement bouleversés. Il en était de même à Martignon.
Vers 17 h. 30, l’artillerie allemande, dont le tir violent n’avait pas cessé depuis le début de l’action, allongea un peu son tir et une attaque d’infanterie se déclencha sur nos positions. Malgré nos pertes considérables, malgré la destruction presque totale des tranchées de la position, nos troupes se défendirent avec énergie, luttant pied à pied, ne se retirant que lorsque entourées de toute part, elles se sont trouvées dans l’impossibilité absolue de rester plus longtemps. Aussi nos défenseurs se trouvèrent-ils bientôt dans l’obligation de renoncer à occuper les positions en arrière, puisque ces dernières n’existaient plus et la défense fut obligée de se reporter sur les lignes n°4 puis n°5 à la lisière Est du village de la Fontenelle.
Sur cette dernière position, le bataillon du 23e, très éprouvé, qui ne comptait plus qu’un capitaine et qu’environ un officier par compagnie, qui avait perdu environ la moitié de son effectif et n’avait été renforcé que par quelques sections du 43e Territorial, fit une résistance acharnée et au cours de laquelle les actes de bravoure, de courage et de ténacité prouvèrent le haut moral de la troupe malgré les conditions particulièrement pénibles dans lesquelles elle se trouvait depuis plus de 6 heures.
Cependant, vers 20 h. 30, des fractions de la 2e compagnie tenaient encore aux environs de l’observatoire Sittler ainsi qu’une équipe de bombardiers. Mais devant les progrès faits par l’ennemi, ces fractions durent se replier sur Martignon après avoir fait sauter volontairement leurs lance-bombes.
A Martignon également, à la faveur du bombardement, ils avaient pu s’emparer de quelques parties de la 1re ligne. Les troupes du 23e étaient trop décimées pour pouvoir seules exécuter des contre-attaques, mais jusqu’au dernier soldat elles étaient prêtes à se faire tuer sur place plutôt que de reculer.
Vers 22 h. 15, les renforts annoncés arrivèrent sur nos positions, ils étaient composés d’un bataillon du 37e Colonial dont trois compagnies se portèrent sur la Vercoste et une sur Martignon, et d’un bataillon du 43e Territorial dont trois compagnies se portèrent à la Vercoste et une compagnie à Martignon.
Le lieutenant-colonel commandant le secteur, qui était monté à la Vercoste dans l’après-midi en raison de la gravité des événements et qui avait pris la direction de la défense, organisa avec ces troupes de renfort une contre-attaque de six compagnies. Il donna des ordres, orienta les chefs des différents bataillons sur la topographie du terrain d’attaque.
Les troupes largement munies de grenades et d’explosifs ne furent pas prêtes à se disposer pour la contre-attaque avant minuit trente.
La contre-attaque commença à 1 h. 15 après une préparation d’artillerie tout à fait insuffisante.
Signé : SOHIER
Pertes subies connues :
23e Régiment d’Infanterie : officiers tués : 6 ; blessés : 5 ; disparus : …
hommes de troupe tués, blessés ou disparus : 348
37e Colonial : officiers tués : 2 ; blessés : 6
hommes de troupe tués, blessés ou disparus : 401
43e Territorial : officier tué : 1 ; blessés : 5
hommes de troupe tués, blessés ou disparus : 149
357e d’Infanterie : officiers blessés : 3
hommes de troupe tués, blessés ou disparus : 171
Ces pertes qui n’ont pu être constatées d’une façon à peu près précise qu’à la fin de la journée du 23 juin (le combat ayant continué sans interruption depuis le 22 juin, 14 heures) comprennent les pertes subies aussi bien dans la journée du 22 que dans toute la nuit du 22 au 23 juin et dans la journée du 23 juin.
Signé : SOHIER
Lieutenant-colonel commandant le 23e Régiment d’Infanterie"
Et ce qu'en a écrit Georges Curien, le 24 juin 1915 :
"Les jours qui viennent de s’écouler resteront gravés dans ma mémoire. Aucun autre que ceux qui y ont assisté ne peut se faire une idée de ce qu’a été le bombardement des Allemands d’abord, et la réponse des nôtres. Je commence par en narrer ici les détails.
Depuis notre arrivée à Denipaire, nous allions travailler en dessous de La Fontenelle. Dans l’après-midi du 22, à 2 heures exactement, les Boches commencent à bombarder. Grosses pièces, petites marmites, mines, tout fait rage à la fois. Nous assistons depuis notre travail à cette pluie de mitraille, un peu dans l’anxiété car nous avons une section de notre compagnie qui travaille dans les mines. A 4 heures nous rentrons à Denipaire pendant que le bombardement continue. A peine arrivés, nous mangeons la soupe au galop pour grimper à 7 heures à La Fontenelle où l’attaque se dessine. Avant de quitter, je vois Garnier, qui faisait partie de mon ancienne escouade, revenir en boitant, blessé à la cuisse mais légèrement. Il n’a aucune nouvelle de ses camarades. Que sont-ils devenus ? Nous filons donc en prenant les formations de combat et toujours la canonnade intermittente. A la nuit tombante, nous arrivons, non sans avoir rencontré nombre de blessés et de morts, dont plusieurs officiers. Cela certes n’est pas pour nous réconforter car les blessés nous apprennent que les Boches sont en possession du sommet et gagnent les premières maisons. Nous nous en apercevons car les balles sifflent à nos oreilles. Nous gagnons tant bien que mal nos tranchées de première ligne. Le 23e qui occupait le sommet s’est replié et a abandonné le sommet, nous en avons confirmation. Faute d’un peu de vigilance, il l’a payé cher, malheureusement. Et toujours pas de nouvelles de notre section. A ce moment l’attaque se poursuit, canons, fusils, tout s’en mêle pendant un certain temps puis, par instants, tout se calme comme par enchantement, les fusils se taisent pour faire place de temps à autre aux canons français qui arrosent la crête à leur tour. Pendant ce temps, les renforts arrivent, ce qui produit à nouveau chez les Boches une recrudescence d’activité de bombardement sur l’arrière. A la faveur de la nuit, nos vaillantes troupes remontent la pente et parviennent à s’établir à mi-côte. Notre compagnie est échelonnée entre La Fontenelle et le Bois Martignon où le bombardement bat son plein à droite, à gauche, en avant et en arrière. Tout tombe, les incendies s’allument dans les maisons près de nous et éclairent en plein nos tranchées. Nous n’avons qu’à rester couchés complètement dedans car il est certain que si nous étions vus, c’en serait fait de la section. Aussi s’attend-t-on à être décimés d’un moment à l’autre. Enfin, le jour paraît mais avec le jour, la canonnade reprend de plus belle sur notre gauche, sur les tranchées provisoires de la nuit. Oh, mes chéries, quel massacre de ces braves ! Ils sont aspergés, c’est le cas de le dire. Dans chaque trou d’obus, nos vaillants se jettent pour être ensevelis une minute après. Des braves gens pourrait-on dire. Mais les vides se font, la position n’est plus tenable, force est de l’évacuer et de se replier sur nous. Si à ce moment ils avaient eu un peu de culot, ces Boches, ils auraient pu descendre, et Dieu sait où ils seraient maintenant.
L’instant fut court car, tout aussitôt, les canons français commencent la danse. Ah, quel enfer ! Tout crache à la fois, c’est une pluie de mitraille, un roulement continu, tout se mêle : coups de départ et éclatements, tout se confond. C’est à croire que la terre et le ciel vont disparaître dans la tourmente. Toutes nos troupes sont debout dans les tranchées, et la joie est sur tous les visages. On s’attend à une contre-attaque de notre part. Elle se produit sur la droite seulement, car probablement nous ne sommes pas en force. Bref, on parvient tout de même à faire 150 prisonniers environ et à reprendre quelques tranchées, mais hélas il paraît que nous l’avons payé cher.
La journée du 23 se continue ainsi, canonnade de part et d’autre. La nuit vient et on ne parle pas de nous relever et, plus fort, rien à croûter, depuis hier soir pas moyen de bouger. Enfin, vers 10 heures, nous sommes remplacés par les coloniaux , nous allons un peu en arrière, manger un petit brin d’abord, et dormir. On est hébétés par le canon, les nerfs surexcités. Ah, chéries ! Quelle nuit et quelle journée, c’est terrible. On s’endort sur la dure jusqu’au petit jour, mais le réveil est bien triste. Nous apprenons d’abord la mort de deux hommes de ma section, tués tous deux dans la tranchée voisine, ainsi que celle de notre sous-lieutenant Schwartz. La 2e section qui travaillait aux mines : les 2/3 anéantis ou disparus, sur 38 partis, 11 seulement sont revenus. De mon ancienne escouade, il y a cinq manquants et le caporal qui m’a remplacé. Voilà le bilan de la journée terrible en tout et pour tout. Je salue ici mes anciens poilus qui après 10 mois de guerre étaient devenus des camarades. Que sont-ils devenus ? Ensevelis, tués, peut-être prisonniers, l’avenir nous l’apprendra. Gloire à ces héros qui ont payé leur tribut à la France. Je salue aussi ces trois victimes tombées au champ d’honneur, et pieusement je me suis incliné sur leurs corps qui maintenant reposent sur ce coin de France qu’ils ont si vaillamment défendu. Gloire à eux et que cette terre leur soit légère. Pour mon compte personnel, je remercie mon ange gardien de m’avoir préservé pendant ces 26 heures passées dans cette tranchée au plus fort de la mêlée. Bon gré, mal gré, j’en suis à me demander si la troisième fois ressemblera aux autres. Pour vous, mes trois chéries, je le demande au bon Dieu."
Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Re: Montée au font des territoriaux
Bonsoir,
Les territoriaux occupent les premières lignes en Belgique lors de la première offensive utilisant les gaz lançée par les allemands le 22 avril 1915.
La 87ème division territoriale (Général Roy) du groupe d'armée de Belgique se trouve en ligne la veille de l'offensive, les conditions sont difficilles dans la boue des Flandres au nord d'Ypres entre Steenstraat et Langemarck. Elle est composée essentiellement de normands et bretons:
- 173ème brigade en première ligne avec 9 compagnies chacunes du 74ème R.I.T. et du 73ème R.I.T.
- un bataillon et demi de territoriaux en deuxième ligne
- en réserve la 186ème brigade: 100ème et 102ème R.I.T.
Moins connue que l'attaque subie par la division algérienne, la 173ème brigade territoriale va subir de plein fouet la première attaque au gaz. Malgré leur repli les territoriaux vont reussir à établir une ligne de défense le long du canal de l'Yser pour tenir en attendant les renforts.
Un certains nombre d'entre eux tués lors de cette offensive sont enterrés au cimetière de Potijze, il y a même un calvaire breton dans le cimetière.
Sly
Les territoriaux occupent les premières lignes en Belgique lors de la première offensive utilisant les gaz lançée par les allemands le 22 avril 1915.
La 87ème division territoriale (Général Roy) du groupe d'armée de Belgique se trouve en ligne la veille de l'offensive, les conditions sont difficilles dans la boue des Flandres au nord d'Ypres entre Steenstraat et Langemarck. Elle est composée essentiellement de normands et bretons:
- 173ème brigade en première ligne avec 9 compagnies chacunes du 74ème R.I.T. et du 73ème R.I.T.
- un bataillon et demi de territoriaux en deuxième ligne
- en réserve la 186ème brigade: 100ème et 102ème R.I.T.
Moins connue que l'attaque subie par la division algérienne, la 173ème brigade territoriale va subir de plein fouet la première attaque au gaz. Malgré leur repli les territoriaux vont reussir à établir une ligne de défense le long du canal de l'Yser pour tenir en attendant les renforts.
Un certains nombre d'entre eux tués lors de cette offensive sont enterrés au cimetière de Potijze, il y a même un calvaire breton dans le cimetière.
Sly
Re: Montée au font des territoriaux
Bonsoir,
Pour répondre à Eric, bon nombre de territoriaux du 16e RIT reposent à Lorette, nombreux sont aussi ceux du 73e RIT.
Ceux des 6e et 7e RIT ont également contribué aux combats de Nieuport/Coxyde en 1915. Les nécropoles de Potijze et de Lorette, les regroupent partiellement.
Cordialement, Hervé.
Pour répondre à Eric, bon nombre de territoriaux du 16e RIT reposent à Lorette, nombreux sont aussi ceux du 73e RIT.
Ceux des 6e et 7e RIT ont également contribué aux combats de Nieuport/Coxyde en 1915. Les nécropoles de Potijze et de Lorette, les regroupent partiellement.
Cordialement, Hervé.
Les régiments de Béthune et Saint-Omer : les Poilus du Pas de Calais et d'ailleurs :
http://bethune73ri.canalblog.com/
http://saintomer8ri.canalblog.com/
NOUVEAU : http://dunkerque110eri.canalblog.com/
Recensement des Poilus des 16e et 56e BCP
http://bethune73ri.canalblog.com/
http://saintomer8ri.canalblog.com/
NOUVEAU : http://dunkerque110eri.canalblog.com/
Recensement des Poilus des 16e et 56e BCP
Re: Montée au font des territoriaux
Bonsoir à tous,
Merci Hervé pour ces précisions sur le 16 RIT. Pour moi les "vieux" territoriaux (35/40 ans) seront toujours plus vieux que moi, ... malgré mes cinquante ans.
Bonne soirée
Eric
PS : Pour l'historique du 16e RIT voir la page
pages1418/qui-cherche-quoi/sujet_6109_1.htm
Merci Hervé pour ces précisions sur le 16 RIT. Pour moi les "vieux" territoriaux (35/40 ans) seront toujours plus vieux que moi, ... malgré mes cinquante ans.
Bonne soirée
Eric
PS : Pour l'historique du 16e RIT voir la page
pages1418/qui-cherche-quoi/sujet_6109_1.htm
Cordialement
Eric ABADIE
Eric ABADIE
Re: Montée au font des territoriaux
Bonsoir à toutes et à tous,
Pour ajouter un régiment territorial à cette journée apocalyptique du 22 avril je voudrais citer le 79ème RIT, celui de mon GPP, qui relevait le 76ème ce jour là, et qui est tombé avec eux dans la boue des Flandres, en accomplissant courageusement et sans hésitation sous le feu le plus violent ses fonctions d'agent de liaison (texte de sa citation). Médaille militaire, croix de guerre avec étoile de bronze. Repose aussi à Notre Dame de Lorette. Le 79ème RIT est un régiment dont on ne parle jamais je crois, donc voilà c'est fait. Il avait 36 ans. Je reviens de fleurir sa tombe.
Merci de m'avoir lu, et bonne soirée.
Michel
Pour ajouter un régiment territorial à cette journée apocalyptique du 22 avril je voudrais citer le 79ème RIT, celui de mon GPP, qui relevait le 76ème ce jour là, et qui est tombé avec eux dans la boue des Flandres, en accomplissant courageusement et sans hésitation sous le feu le plus violent ses fonctions d'agent de liaison (texte de sa citation). Médaille militaire, croix de guerre avec étoile de bronze. Repose aussi à Notre Dame de Lorette. Le 79ème RIT est un régiment dont on ne parle jamais je crois, donc voilà c'est fait. Il avait 36 ans. Je reviens de fleurir sa tombe.
Merci de m'avoir lu, et bonne soirée.
Michel
luce50
Re: Montée au font des territoriaux
Bonjour à tous,
Je reprends un de mes post, que j'avais mis en ce début d'année dans un sujet concernant le général d'Amade.
Je profite de ce sujet pour rendre hommage aux territoriaux du groupement d'Amade puis Brugère dans les combats de septembre et octobre 14 dans le sud de l'Artois et la Somme.
Sous équipés et opposés aux régiments de la garde, on leur avait demandé de tenir cinq jours. Ils tinrent douze jours et subirent plus de trente assauts. Ils cédèrent lentement du terrain. Cela permit l'arrivée du 20ème corps et de la 8ème DC .
Encadrés par les régiments du 20ème corps, ils continuèrent le combat, stoppant les allemands et reprirent même certains villages.
Cordialement
Je reprends un de mes post, que j'avais mis en ce début d'année dans un sujet concernant le général d'Amade.
Je profite de ce sujet pour rendre hommage aux territoriaux du groupement d'Amade puis Brugère dans les combats de septembre et octobre 14 dans le sud de l'Artois et la Somme.
Sous équipés et opposés aux régiments de la garde, on leur avait demandé de tenir cinq jours. Ils tinrent douze jours et subirent plus de trente assauts. Ils cédèrent lentement du terrain. Cela permit l'arrivée du 20ème corps et de la 8ème DC .
Encadrés par les régiments du 20ème corps, ils continuèrent le combat, stoppant les allemands et reprirent même certains villages.
Cordialement