Les papiers de famille ont livré deux nouveaux documents.
Le premier est la carte (incomplète) d’un brancardier, sans doute Joseph Giraudeau, de la 1ère Compagnie de mitrailleurs du 125ème RI.I. mentionné sur le procès-verbal de constatation de décès d’Octave Noir. La carte est adressée à Xavier Noir, le frère jumeau d’Octave. Le fichier image étant trop lourd, en voici la transcription :
16-5-17
Mon Lieutenant
J’ai l’honneur de vous accuser réception de votre lettre du 10 courant, et du fond de ma tranchée, je vous réponds avec une simplicité de moyens que vous voudrez bien excuser.
C’est bien le lieutenant Rozière qui a transmis les renseignements donnés, ainsi que les objets recueillis. Mais ce n’est pas moi qui ai découvert le corps du Capitaine. Je n’ai pu savoir encore qui c’est, mais j’essaierai de me renseigner.
Cependant j’ai inhumé dans le secteur 95 morts pour ma part, dont un certain nombre du 294ème .
Le terrain était largement découvert, en pente, vers l’ennemi. 7 régiments avaient attaqué avant mais sans réussir. Le 125 fit une notable avancée qui porta les lignes à plus d’un kilomètre plus loin. Une large bande de terrain fut donc dégagée, que je pus explorer pour enterrer les morts. Des cadavres étaient en décomposition. D’autres, gelés, faisaient corps avec la terre où ils étaient enfoncés – et les boches, en face, canonnant tout mouvement suspect, troublaient le travail. Ce qui vous explique très bien comment quelqu’un, passant à l’aube ou à la brune auprès du corps d’un officier, ait pu noter son nom, prendre ses papiers, en le laissant ensuite sans pouvoir l’enterrer. Cependant, depuis, ces parages ont été un peu plus dégagés.
Les JMO font état de la pluie, de la boue et d’éboulements de tranchées. Les cadavres gelés dont parle le soldat auraient-ils été glacés par le froid de l’aube ?
La deuxième lettre a été envoyée par l’Officier des détails du 125ème R.I., qui avait succédé sur le terrain au 294ème, le régiment d’Octave.
9ème Corps d’Armée
152ème Division
S.P. 166
N° 576
L’Officier des Détails du 125ème Régiment d’Infanterie
à Monsieur Noir sous-lieutenant au 9ème Groupe du 87ème Régiment d’Artillerie Lourde Vincennes (Seine)
Monsieur
Ayant remplacé le lieutenant Rosières dans ses fonctions je viens répondre à la demande de renseignement concernant la mort de Mr le capitaine Noir votre frère.
Le Lieutenant Rosières a reçu au commencement de Novembre une succession au nom du Capitaine Noir dont le cadavre avait été trouvé dans la tranchée de Marburg, au moment où la compagnie se disposait à attaquer ; les militaires présents ont cru devoir recueillir les divers objets se trouvant sur le corps surtout en raison d’une somme d’argent assez importante, le soir la compagnie ayant avancé et le terrain étant complètement bouleversé, personne n’a revu le cadavre par la suite.
Il résulte d’un échange de correspondance avec le 294ème d’Infanterie (et non 249ème )que le capitaine avait été signalé disparu par son corps.
Il a été laissé sur le cadavre une plaque d’identité permettant une identification au cas où l’inhumation pourrait être faite par un autre régiment. La tranchée où a été découvert le défunt a été soumise à un très violent bombardement il se peut aussi que le cadavre ait été enseveli sans que personne en ait eu connaissance.
La mort semblait remonter à une quinzaine de jours.
Voilà monsieur les seuls renseignements que j’ai pu recueillir à ce sujet. Veuillez recevoir, monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments.
S.P. 166 le 13 juin 1914 [une erreur de date ? ]
L’officier des détails
Chantelou…
Tampon : L’Officier payeur 125ème Régiment d’Infanterie
Dans une de ses dernières lettres, Octave regrette d’avoir perdu sa croix et sa médaille d’identification quinze jours plus tôt. On ne sait pas s’il a pu en obtenir une autre. La plaque d’identité dont parle l’officier payeur, « plaque d’identité permettant une identification au cas où l’inhumation pourrait être faite par un autre régiment », est-elle cette médaille, ou est-ce une autre plaque ?
(A suivre…)