Un Commandant abat un soldat dans un poste de secours

Parcours individuels & récits de combattants
air339
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par air339 »

Bonjour,


Comment cet officier « aimé de ses hommes » appliquant une « discipline militaire avec bienveillance » et « sans rigueurs inutiles » a pu frapper à coup de crosse un soldat au poste de secours, voilà qui est contradictoire !

Sur son parcours, son dossier Léonore nous apprend ceci :

1875 : engagé volontaire.
1877 : sous-lieutenant, départ aux colonies.
1881 : lieutenant.
1885 : capitaine.
1887 : retour des colonies. En juillet, fait Chevalier de la Légion d’honneur.
1892 : repart aux colonies.
1895 : commandant de bataillon.
1896 : retour des colonies.
1902 : lieutenant-colonel.
1905 : Officier de la Légion d’honneur, décoré par le président Loubet lors du défilé du 14 Juillet.
1906 : colonel.
1908 : Commandeur de la Légion d’honneur, décoré par le président Fallières lors du défilé du 14 Juillet.
19 ?? : il manque la date de sa nomination au grade de général (de brigade).
1913 : général de DI, successeur de Sarrail à la 4e DI.
1914 : Grand officier de la Légion d’honneur (décret du 13/814 et arrêté ministériel du 20/11/14).

En mai 1918, il est « Inspecteur général de l’instruction de l’infanterie à l’Intérieur », cela ne ressemble plus à une promotion pour ce général âgé de 62 ans.


Quid du commandant Guillaume, parce qu'au final, c'est lui l'auteur du coup de feu mortel.


Cordialement,

Régis
garigliano1
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par garigliano1 »

Bonjour à tous

Je ne pense pas que cet évènement soit lié au décret du 6 septembre car les instructions d’application de ce décret ont été publiées le 9 septembre et adressées aux armées le 10 ou 11 septembre 1914. Si un CdGS avait été utilisé, le caporal aurait été fusillé, on aurait pu retrouver des traces de ce jugement ce qui n'est pas le cas.
Qui plus est, si l'autorité militaire avait réclamé ce type de jugement, l'expérience a montré que le commandement local au contact des hommes, était trop indulgent aux yeux de la hiérarchie.

A priori, il est plus lié au courrier du 1 septembre 1914 du général Joffre qui rappelle l'usage de l'article 129 du code de justice militaire, de l'article 121 du règlement sur le service en campagne et la répression à employer vis à vis de soldats qui se débandent et qui se livrent au pillage dans un contexte de retraite des Armées françaises, le gouvernement étant parti à Bordeaux le 2 septembre. Le spectre de 1870 est là.

Ces évènements n'ont peut-être aucun lien avec avec le rappel de ces "moyens" de répression. C'est la question traditionnelle de la validation du témoignage par une autre source qui reste posée.

Sur un plan pratique, 134 militaires du 72e RI sont déclarés "morts" le 10/09/1914 dont 14 caporaux, reste à faire le tri entre ceux morts en 1ère ligne et ceux décédés dans les ambulances et hôpitaux.

Le JMO du service de santé du 72e porte une information assez curieuse.

72b.JPG
72b.JPG (129.54 Kio) Consulté 1804 fois
Cordialement
yves

http://prisme1418.blogspot.com/
remi-bdx
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par remi-bdx »

Bonjour,

Les états de service du général rabier pendant la guerre avaient été postés ici le 15 sept 2013 par lolo252 .
Je retranscris ci-dessous pour la période 1914/1918 :

Commandant par intérim de la 4e DI le 1er novembre 1913
Maintenu à titre définitif général de division le 19 mars 1914
Cesse d’exercer son commandement le 9 décembre 1914
Commandant la 3e DI le 31 décembre 1914
Cesse son commandement le 10 janvier 1915
Commandant le 154e DI le 29 mars 1915
Relevé et mis en congé de repos de 3 mois le 6 sept 1916
Disponible le 6 décembre 1916
Commandant de la 8e région à Bourges le 6 février 1917
Relevé de son commandement le 10 mai 1917
(Imp ?) gérénal de l’instruction de l’infanterie de l’intérieur le 1er août 1917
Placé dans la section de réserve (loi du 10 avril 1917), maintenu dans ses fonctions le 21 avril 1918
Relevé (suppression d’emploi), replacé section de réserve le 15 mai 1919.

Visiblement, les qualités qui lui ont valu tant d’honneurs en temps de paix n’étaient pas celles attendues en temps de guerre. Son passage comme commandant de la 3e DI peut même être qualifié de passage éclair (10 jours !). Il serait intéressant de connaitre les motifs de ses nombreux changements d’unités et de ses mises au repos….

Cordialement,
Rémi
Rémi
air339
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par air339 »

Bonjour,



La connaissance des acteurs de cette affaire s'étoffe, merci à Rémi, et le commandant Guillaume n'est autre que le chef d'état-major du général Rabier, selon cet organigramme du JMO de la 4e DI (page 4) :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... m_zoom=135
(Il faudrait peut-être modifier le grade dans le titre du sujet).

Le sujet est pour l'instant à charge, il serait bon dans un souci d'équité que Laurent59 nous en dise plus sur ce brancardier, sans nous renvoyer vers un ouvrage ?


La lecture du JMO du service de santé du 72e RI, signalé par Garigliano, est très instructif (par exemple sur l'identification impossible des tués, sans plaques ni livrets). Aucune mention n'est faite du passage du général de DI, par contre au 15 septembre le chef du service de santé indique être chargé par le médecin divisionnaire de surveiller les blessés pouvant marcher :

"Je découvre ainsi deux pansements mis par leur porteur sur de simples égratignures des mains. Signalés au colonel ils passeront en conseil de guerre, de même qu'un homme qui a accompagné un blessé pouvant marcher et est allé ensuite tenir conversation avec lui dans une grange de l'ambulance au lieu d'être sur la ligne de feu"

Puis, au 20 septembre 1914 :

"La moitié au moins des blessures par armes à feu (15 environs) sont produites par les armes mêmes des blessés, qui atteignent presque toujours les extrémités digitales, par la face palmaire. Les blessés, tous réservistes, indiquent des circonstances accidentelles mal définies, d'autant qu'ils se blessent toujours lorsqu'ils sont isolés"

Ces éléments dénotent d'une suspicion à l'encontre des soldats, cela explique-t-il le drame relaté du poste de secours ?

Cordialement,

Régis
ALVF
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par ALVF »

Bonsoir,

Pour compléter les éléments biographiques relatifs au général Rabier rassemblés par Régis et Rémi, quelques repères qui montrent la carrière rapide de l'intéressé après 1901:
-colonel le 22 décembre 1906, commandant le 31e R.I (Melun et Paris).
-général de brigade le 26 juillet 1910, commandant à Paris la 12e brigade de la 6e D.I du 3e Corps d'Armée.
-général de Division le 19 mars 1914, commandant la 4e D.I (exerce ce commandement depuis le 30 octobre 1913).
Après 1902, l'intéressé fait partie des officiers "sûrs" (au plan du "dévouement" à la République), affectés prioritairement dans certains régiments, brigades et divisions des Corps d'Armée périphériques de Paris (appartenant essentiellement aux 2e, 3e, 4e, 5e Corps d'Armée). Les gens peu curieux se demandent pourquoi une multitude de régiments ont leur colonel et un bataillon à Paris (et les deux autres bataillons en province) et même situation pour le positionnement de certaines brigades et divisions. La réponse est simple, la République, ayant analysé l'organisation militaire du 2 décembre 1851 (où il a suffi au futur Maréchal de Saint-Arnaud de disposer de deux divisions homogènes "bien disposées" pour réussir le coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte) a implanté à Paris de nombreux bataillons, chefs de corps, généraux dépendant de multiples brigades, divisions et Corps d'Armée afin d'empêcher toute sortie intempestive de troupe constituée dans Paris sans une multiplicité d'ordres provenant d'échelons hiérarchiques tous différents et situés hors de Paris. Le général Rabier fait partie de ces officiers "sûrs" auxquels on a prédit à partir de 1900 une belle carrière aux lendemains troublés des "affaires" susceptibles de menacer la République.

Il sera difficile de découvrir la réalité de l'événement tragique objet de ce sujet, il y faut des recoupements à rechercher prioritairement dans les archives privées car un tel événement n'a pu rester inconnu d'un nombre important de personnes y compris des officiers.
Cordialement,
Guy François.
remi-bdx
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par remi-bdx »

Bonsoir,

A la lecture du journal de la 4e DI on note à la date du 8 septembre :

A 9h l’attaque allemande se précise sur notre gauche, le 18e Btn de Chasseurs fait un crochet à droite et le 9e s’engage à sa droite pour le soutenir. A ce moment, le Btn du 72e qui tient au N. de Maurupt se retire dans la direction de la route de St Eulien, se croyant débordé par sa droite. Le mouvement gagne de la droite à la gauche et le Général de Division qui se trouve sur la route Cheminon-Maurupt, voit refluer vers lui des masses de l’infanterie d’ailleurs en ordre. Il donne immédiatement aux officiers supérieurs qu’il rencontre de faire demi-tour et de se reporter sur ses positions, et aidé des officiers de son Etat-Major, il pousse sur Maurupt le 72e. Il faut employer les moyens coercitifs, et même par moment le révolver.

Plus loin le 10 septembre :

…le Général Cordonnier avait cru de voir reporter en arrière le bataillon du 72e qui occupait le Montoy dans le but de les reconstituer au moyen de réservistes venus de l’arrière. A 3h du matin, firent une attaque général de notre ligne de défense ; arrêtés devant Maurupt et à l’Est, ils réussirent à pénétrer par Montoy dont la garnison était diminuée de moitié et il poussèrent une pointe jusqu’à la lisière des bois…..J’attribue à la délimitation indécise des secteurs de commandement et au changement des troupes occupant le Montoy le succès partiel de l’attaque de nuit sur le Montoy et par la suite le débordement de Maurupt de ce côté et la chute de la position. J’ai signalé, en temps utile, de l’extrême importance qu’il y avait à bien délimiter les commandements. Il m’a été répondu dans la note 398 « qu’il ne s’agissait pas pour le moment de discuter si tel élément m’appartenait ou non mais qu’il s’agissait avant tout de voir l’intérêt général, etc… »

On imagine bien que derrière les mots pesés du 8 et du 10 septembre l’extrême tension qui devait régner à ce moment là du côté de Maurupt. On note qu’après 4 jours et demi de combat, le 72e a perdu 44 officiers.
Le témoignage du 10 septembre fourni par Laurent semble en tout cas assez concorder avec la page du 8 septembre citée plus haut.

Cordialement,
Rémi
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Laurent59
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par Laurent59 »

Bonjour à tous, j'apporte quelques éléments en complément à ce récit. Le Contexte: nous sommes le 10 septembre 1914 la veille de la fin des combats dans le secteur de Maurupt le Montois (51). La dernière ligne de défense se situe au sud du village qui sera repris dans la nuit du 10 au 11 septembre au prix de lourdes pertes. L'état des soldats qui ont survécu aux attaques depuis le 6 septembre 1914 marque un certain épuisement général . Les postes de secours principaux et annexes ont souvent changé de position selon l'évolution des combats. Les nombreux blessés tous régiments confondus ont parfois rejoint le PS par leur propre moyen, épuisé, sans ravitaillement et parfois au moral le plus bas (certaine compagnie ont été anéantis à 80%)...

La scène se déroule au PS du 72e RI situé au "Chateau d'Amboise" une grande batisse en pleine forêt au sud de Maurupt le Montois (51). Le site existe toujours mais cette grand maison reconstruite est aujourd'hui abandonnée.
Image

Le témoin: Charles Taboureux brancardier du 72e RI dans la 11e Cie au 3e bataillon. Son témoignage: Charles Taboureux a consigné sur plusieurs carnets de notes son quotidien au jour le jour ou écrit quelques semaines plus tard. Nous pouvons donc considérer son témoignage comme "fiable". Il a été témoin de cette scène et en donne un témoignage précis.

Je n'ai malheureusement pas pu retrouver d'autres témoignages de cette scène.

Bien que le JMO du 72e RI ait été écrit régulierement au fil des évènements, il offre une vision globale de la situation mais reste en "synthèse" ...les notes des brancardiers ou et infirmiers sont beaucoup plus précis.

Cdlt Laurent
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Laurent59
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par Laurent59 »

air339 a écrit : dim. mars 17, 2019 10:36 am Bonjour,



La connaissance des acteurs de cette affaire s'étoffe, merci à Rémi, et le commandant Guillaume n'est autre que le chef d'état-major du général Rabier, selon cet organigramme du JMO de la 4e DI (page 4) :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... m_zoom=135
(Il faudrait peut-être modifier le grade dans le titre du sujet).

Le sujet est pour l'instant à charge, il serait bon dans un souci d'équité que Laurent59 nous en dise plus sur ce brancardier, sans nous renvoyer vers un ouvrage ?


La lecture du JMO du service de santé du 72e RI, signalé par Garigliano, est très instructif (par exemple sur l'identification impossible des tués, sans plaques ni livrets). Aucune mention n'est faite du passage du général de DI, par contre au 15 septembre le chef du service de santé indique être chargé par le médecin divisionnaire de surveiller les blessés pouvant marcher :

"Je découvre ainsi deux pansements mis par leur porteur sur de simples égratignures des mains. Signalés au colonel ils passeront en conseil de guerre, de même qu'un homme qui a accompagné un blessé pouvant marcher et est allé ensuite tenir conversation avec lui dans une grange de l'ambulance au lieu d'être sur la ligne de feu"

Puis, au 20 septembre 1914 :

"La moitié au moins des blessures par armes à feu (15 environs) sont produites par les armes mêmes des blessés, qui atteignent presque toujours les extrémités digitales, par la face palmaire. Les blessés, tous réservistes, indiquent des circonstances accidentelles mal définies, d'autant qu'ils se blessent toujours lorsqu'ils sont isolés"

Ces éléments dénotent d'une suspicion à l'encontre des soldats, cela explique-t-il le drame relaté du poste de secours ?

Cordialement,

Régis
Bonjour, je reviens sur le témoignage du 20 septembre 1914. Lorsque ce "constat" est écrit, le 72e RI se trouve dans le bois de la Gruerie et le rédacteur ne fait pas état de ce genre de blessure au cours des combats à Maurupt ! comme le JMO du SS du 72e RI est tenu régulièrement au jour le jour ce témoignage ne peut être attribué à l'évènement cité. Les " fausses blessures" commencent à apparaitre dans les différents témoins du 72e RI à partir du 15 septembre et cela jusqu'en avril 1915...rarement plus tard

cdlt Laurent
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Laurent59
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par Laurent59 »

garigliano1 a écrit : sam. mars 16, 2019 1:55 pm Bonjour à tous

Sur un plan pratique, 134 militaires du 72e RI sont déclarés "morts" le 10/09/1914 dont 14 caporaux, reste à faire le tri entre ceux morts en 1ère ligne et ceux décédés dans les ambulances et hôpitaux.

Cordialement
yves

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Bonjour, si on se base sur le relevé des fiches MDH, on ne peut pas considérer les "134 militaires" comme "fiable et précis" j'ai étudié plusieurs sources: 1. le fichier MDH 2. le relevé des pertes en annexe du JMO 3. le relevé des corps retrouvés et localisés après l'assainissement du CDBataille 4. le relevé des tombes sur le CDB avant regroupement en nécropole 5. le relevé des actes de décès 6. les témoignages 7. les FM ... et on loin du compte

cdlt Laurent
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Cyrille
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Re: Un Capitaine abat un soldat dans un poste de secours

Message par Cyrille »

Bonjour à tous,

Un cas similaire, un peu plus loin, un peu plus tard:
" La Justice du Général Micheler"
viewtopic.php?f=4&t=4491&p=34177&hilit=javal#p34177

Cdlt,
Cyrille
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