Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Parcours individuels & récits de combattants
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mo120rtf1
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Re: Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Message par mo120rtf1 »

Bonjour à tous, je suis à la recherche d'information sur le parcours du 15/3 pendant la 1ere GM. En effet mon arrière Grand-père y fut soldat à la 12°compagnie. Blessé à Neuville saint Waast en 15 je souhaiterais retracer sont Parcours depuis Bézier.
Merci d'avance
alaindu512010
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Re: Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Message par alaindu512010 »

Bonjour
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... m_rotate=F
sa blessure doit être mentionnée ici
cordialement
alain
édité pour ajouter ces deux jmo mon grand père maternel en était le régiment était basé Toul en juillet 14 voir jmo
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... m_rotate=F
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... m_rotate=F
alaindu 512010
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mo120rtf1
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Re: Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Message par mo120rtf1 »

Merci pour le lien, mon arrière grand-père a été blessé le 14/06/15 donc sur le JMO juste avant. Auriez vous le lien SVP ainsi que celui qui commence du départ de sa garnison au tout début de la guerre??? Si quelqu'un a des photos du 153 de Bézier cela m'intéresse également car chose étrange quand je fais des recherche sur le 153 jetombe sur des photos d'un 153°RI mais à Toul???? Pourriez vous m'éclairer sur ce phénomène?
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b sonneck
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Re: Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Message par b sonneck »

Bonjour

Qu'est-ce qui vous amène à penser que le 153 était à Béziers ? En 1914, le régiment de Béziers était le 96e RI. Le 153e, pour sa part, était bien à Toul.
Par contre, il est possible que le dépôt du 153e ait quitté Toul pour Béziers pendant la guerre ; mais cela n'aurait, dans ce cas, pas dû avoir lieu avant février 1916, si j'en crois le repli des dépôts des régiments de Verdun, qui ne se sont repliés que le 22 février 1916, au déclenchement de l'attaque allemande. Toul étant plus au sud, était moins menacé.
Cordialement
Bernard
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Achache
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Re: Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Message par Achache »

Bonsoir,

Le 153e RI était bien replié à Béziers, dès 1914.
cf :
pages1418/qui-cherche-quoi/153eme-ri-be ... htm#t53824

Bien à vous,
[:achache:1]
Achache
Émouvante forêt, qu'avons-nous fait de toi ?
Un funèbre charnier, hanté par des fantômes.
M. BOIGEY/LAMBERT, La Forêt d'Argonne, 1915
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mo120rtf1
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Re: Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Message par mo120rtf1 »

Merci oui si je me souviens bien, j'avais lu cela sur les quelques documents en ma possession!
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Frederic Avenel
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Re: Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Message par Frederic Avenel »

Bonjour,

Je vous confirme qu'une partie du 153e RI avait bien été transférée à Béziers.
Comme les casernes de cette ville étaient insuffisantes, la plus grosse partie du régiment, notamment les compagnies d'instruction, était même cantonnée à Pézenas, dans un ancien couvent (couvent des ursulines).
On trouve plusieurs cartes postales d'époque montrant ce cantonnement.
Je pense que le témoignage de mon grand-père arrivé au 153e RI en décembre 1914 peut vous intéresser (il a participé aux combats de juin 1915 à Neuville-Saint-Vaast d'où il est ressorti indemne mais a été blessé le 25 septembre suivant lors de l'offensive de champagne).
Bonne lecture!

Frédéric Avenel
Je reçois ma feuille de route le dix décembre 1914. Je suis affecté au 153ème régiment d'infanterie. Ce régiment est habituellement en garnison à Toul, mais plusieurs départements frontières ayant été occupés par l'ennemi, une partie du régiment a été transférée à Fontainebleau et l'autre partie à Béziers. Pour ma part, je dois me rendre à Béziers.
[...]
Dans la journée du 22 décembre, j'arrive enfin en gare de Béziers où, comme tout le monde, j'ai été accueilli par une escorte qui nous conduisit dans un cantonnement. Il n'y avait soi-disant plus de place à la caserne. C'est une tannerie désaffectée qui nous a servi de caserne. Nous n'y fîmes qu'une courte apparition, seulement pour la distribution d'effets militaires, c'est-à-dire qu'un paquet était remis à chacun sans s'occuper de la taille que nous avions. Alors quand j'ai fais le déballage au cantonnement et que je fus habillé, j'avais plutôt l'air d'un pantin que d'un soldat. Je n'étais d'ailleurs pas le seul dans ce cas. Certains avaient un pantalon trop court, d'autres trop long ce qui fut mon cas. Je suis sûr que le mien aurait fait l'affaire d'un homme mesurant un mètre quatre-vingt-dix. Avec mon mètre quarante-huit, j'avais bonne allure ! J'ai retroussé les jambes du pantalon du mieux que j'ai pu. La veste n'était pas mieux ainsi que le calot qui prenait fortement appui sur mes pauvres oreilles. Les chaussures, il n'y en avait pas. Nous avons été obligés de garder les nôtres. Après, ce fut l'heure de la soupe. Il n'y avait pas assez de gamelles pour tout le monde alors il fallait attendre que ceux qui avaient réussi à en avoir aient fini de manger pour nous les passer. Cela a duré deux jours. Heureusement tous les fonds de musettes n'étaient pas vides. Bien sûr, il n'était pas question d'aller en ville pour nous ravitailler. Plus tard, la question du couchage se posa. Un bon lit douillet, des draps frais et bien tendus auraient été acceptés après les trois nuits que nous venions de passer dans le train. C'était le commencement de la misère. Comme lit, nous avions un bac en ciment avec un semblant de paille au fond et une couverture pour deux car nous étions plusieurs dans chaque bac. Bien que la température fût plus clémente que chez nous, j'ai grelotté toute la nuit et j'ai attrapé un bon rhume.
Cette vie a duré quatre jours. Un peu mieux nourris qu'à notre arrivée, nous étions toujours aussi mal couchés. Le 26 décembre, ce fut le départ pour Pézenas à une vingtaine de kilomètres de Béziers pour y faire l'instruction militaire.

Cette fois, notre cantonnement est un couvent désaffecté et comme lits, nous avons des paillasses avec un polochon garni de paille et un sac de couchage ainsi qu'une couverture. Il y a trois rangées de paillasses dans la salle et nous sommes entre soixante-quinze et quatre-vingt. Les premières nuits furent assez calmes. Nous étions encadrés de caporaux qui connaissaient déjà le front pour la plupart et qui avaient été blessés. Ils étaient là en attendant de pouvoir repartir. La discipline était stricte mais sans exagération.
Les sous-officiers avaient souvent le droit de sortir toute la nuit ou jusqu'à minuit. Alors le chahut commençait dans les salles. Les polochons voltigeaient de lit en lit, les paillasses étaient retournées avec leurs occupants. Il y avait de la paille partout car bien souvent les polochons se dénouaient. C'était un beau désordre. Aussi le lendemain, celui qui était de corvée de balai avait de quoi s'occuper.
Ceci a duré un mois. Jusqu'à minuit, il n'était pas question de dormir et pourtant le lendemain il fallait retourner à l'exercice. Ceux-ci étaient de plus en plus durs pour être bien entraînés afin de remplacer ceux qui tombaient sur le front.
Moins de trois mois après notre arrivée au régiment, il y avait des hommes qui partaient pour le combat. En général, il s'agissait d'abord de volontaires, beaucoup croyant être mieux et devoir subir moins de discipline.

Nous étions bien vus par la population. Il est vrai que Pézenas n'avait jamais eu de soldats. Comme la contrée n'était plantée que de vignes, c'est donc dans ces dernières que nous faisions les manœuvres. Et comme nous étions en hiver, nous ne faisions pas trop de dégâts. Après l'entraînement, c'était le repos dans l'un des villages environnant notre camp. Les habitants nous apportaient du vin dans des comportes, sortes de baquets dont ils se servaient pendant les vendanges, ainsi que des fruits. Au début, nous faisions une pause dans le village avant de commencer les manœuvres, mais il est arrivé que des soldats aillent trop souvent rendre visite aux comportes de vin. Après ils n'étaient pas bien pour manœuvrer et parfois, nous les retrouvions couchés dans les vignes certains même, revenaient de l'exercice sans fusil. A la suite de toutes ces histoires, les manœuvres eurent lieu avant le repos. Puis il y eut un contrôle : une sentinelle restait en permanence à côté de chaque comporte. Tout redevint régulier.

Vers la fin du mois de mars 1915, je fus bon pour partir en renfort. Avec les marches de trente ou quarante kilomètres que nous avions effectuées plusieurs fois par semaine, mes chaussures étaient usées. Je fis une demande pour en avoir une autre paire mais il n'y en avait pas de neuves pour ceux qui ne partaient pas de suite au front. Alors on me donna des godillots déjà bien usagés et qui étaient beaucoup trop grands pour moi. Je ne chaussais qu'un petit trent-neuf. Après la première marche que je fis, j'avais les pieds blessés. J'ai bien sûr demandé à voir le médecin pour me faire soigner. Le médecin major a trouvé que je pouvais continuer à marcher. J'ai donc refait une nouvelle marche. Je boitais et souffrais énormément. Le lendemain je ne pouvais plus mettre mes chaussures. Je suis donc retourné à la visite. Cette fois, j'ai été envoyé à l'infirmerie. Celle-ci était distante de deux kilomètres de Pézenas. J'ai fait le trajet en voiture. Comme il n'y avait pas de place pour coucher dans le local de l'infirmerie, je logeais dans un grenier dépendant d'une ferme. Nous étions environ une douzaine, pas bien malades pour la plupart. Après les pansements, nous étions libres sans toutefois avoir l'autorisation de s'éloigner. Pour ma part, au début il n'en était pas question non plus. Alors, dans notre grenier où il y avait des tables et des bancs, nous faisions des parties de cartes et bien entendu le vin était de la partie. Nous allions le chercher par seaux de cinq litres à la ferme. Le vin rouge coûtait un sou le litre et le vin blanc trois sous les deux litres. Le soir il y avait beaucoup d'oreilles chaudes mais jamais de dispute. Comme dans notre chambre tout était en commun, il y en avait parmi nous qui recevaient souvent des colis et faisaient le partage. C'était la bonne vie. Tout le monde s'accommodait bien. Hélas, cela ne pouvait pas durer. Etant rentré le 10 avril à l'infirmerie, j'en repartais le 30 au matin.
Je suis donc retourné à Pézenas et à l'exercice. Les manœuvres ont recommencé jusqu'au 14 mai. Je n'avais plus les mêmes chaussures !

Un renfort étant demandé, je fus envoyé à Béziers pour y être équipé, non pas d'habits neufs, mais quand même mieux que ceux que j'avais jusqu'à présent. Ces préparatifs ont duré jusqu'au 17 mai. Je partais donc en renfort ainsi que bien d'autres du régiment. Nous sommes partis pour le 153ème régiment d'infanterie.
Le 18 mai, c'est l'embarquement en gare de Béziers. Je n'avais pas de regrets bien que ne sachant pas ce qui m'attendait. Le voyage était prévu pour être long. Il nous fut distribué pour cinq jours de vivres, en grande partie des boîtes de singe ce qui est très bon à condition que ce ne soit pas huit à dix repas de suite comme ce fut le cas. Les premiers repas allèrent bien, mais ensuite cela devenait de moins en moins appétissant. Il n'y avait pas moyen de faire autrement sinon ne pas manger. Le pain devenait dur, quant à la boisson c'était de l'eau que nous trouvions aux arrêts, pas toujours dans une gare. Le plus souvent, c'était sur des voies de garage. Nous avions l'interdiction de nous éloigner. A Nîmes, il y eut un arrêt de deux heures. Cela nous a permis de nous détendre un peu et de visiter la ville et ses arènes. Comme nous étions par groupes accompagnés, nous ne pouvions nous permettre de faire une escapade. Cet arrêt fut le plus apprécié. Dans la nuit du 19 au 20, nous avons couché à Laroche, bien entendu sur de la paille qui du reste n'était pas fraîche. Nous eûmes l'interdiction de sortir ce qui eût été bien compliqué car aucun d'entre nous ne connaissait la ville surtout de nuit. Nous avons reçu une nouvelle distribution de vivres bien que nous en ayons encore. Pour ne pas changer, c'est à nouveau du singe que l'on nous servit. Une vraie cure de singe dont je garderai longtemps le souvenir ! J'avais une boîte de réserve dans le sac ainsi que des biscuits mais je n'étais pas prêt d'y toucher.
Dans la nuit du 20 mai, départ de Laroche. Nouvel embarquement et pas mieux logés! Après bien des arrêts en pleine campagne, c'est seulement le 22 mai que nous arrivons en gare de Saint-Pol-Ternoise dans le Pas-de-Calais. Pour nous dégourdir les jambes, une petite marche de 28 kilomètres avec tout l'attirail sur le dos nous amena au 70ème bataillon de marche à Tilloy-lès-Hermaville. Nous y sommes restés en subsistance en attendant notre affectation à une compagnie du 153ème régiment d'infanterie. Je suis désigné pour rejoindre la 3ème compagnie qui est venue en repos à Le Souich où j'arrive dans la soirée du 25 mai. Depuis notre arrivée à Saint-Pol, nous entendons parfaitement bien le canon. Des camarades partis en renfort avant nous, il n'en reste plus guère. Il y a des morts, des blessés et des prisonniers. Le même sort nous était réservé. Nous n'attendîmes d'ailleurs pas longtemps. Nous étions déjà près de la zone dangereuse. Le roulement continu de la canonnade nous le rappelait. Malgré tout, pour nous maintenir en forme, on nous faisait faire continuellement de l'exercice.

Dans la matinée du 8 juin, tout le régiment est embarqué dans des camions. Nous nous rapprochons des tranchées et cette fois ci, les exercices sont réels. On nous fait descendre à Maroeuil à environ 8 kilomètres des lignes. Nous entendons le bruit du canon mais aussi l'éclatement des obus. Il en tombe beaucoup. Les tranchées sont d'une grande utilité. Dans la nuit, sous une pluie battante, le sifflement des obus aux oreilles et le crépitement des mitraillettes -heureusement que nous empruntions une tranchée- nous rejoignons la deuxième ligne. Cette fois, c'est bien le baptême du feu ! Il y a déjà des blessés et même des morts.
Nous sommes mis en position devant ce qui était autrefois le village de La Targette. Les obus éclatent de toute part à terre. Dans l'air ce sont les « scharpnells ». Nous n'étions plus loin de la première ligne de feu.

Pendant les nuits des 10, 11, 12 et 13 juin, nous avons fait une tranchée d'attaque devant notre première ligne, de trente à cinquante mètres de la ligne ennemie. Nous étions armés et possédions de plus des outils, pelles, pioches portatives pour débuter la tranchée. Il fallait mettre notre sac devant nos visages et être couchés pour être moins vulnérables. Nous évitions de faire du bruit. Pas de cigarette ! … mais je crois que personne ne songeait à fumer. Au bout de quelques minutes, les ennemis se doutant qu'il se passait quelque chose d'anormal devant leur tranchée, envoyèrent des fusées éclairantes. Quelques fusils claquaient et aussi des grenades. La première nuit, il y eut deux alertes et de l'un à l'autre, il nous fut transmis l'ordre de mettre baïonnette au canon ce qui pour ma part ne fut pas chose facile car j'étais allongé et je tremblotais sans arrêt. Je ne pouvais trouver l'emplacement de la baïonnette. Si l'ennemi s'était présenté, je n'aurais pas été d'une grande utilité. Au bout d'un quart d'heure, voyant que tout restait calme à part les fusées, nous nous sommes remis au travail tout en laissant la baïonnette au bout du fusil. Quelques instants après, il y eut une nouvelle alerte. Cette fois j'étais plus calme. Je me sentais capable d'utiliser mon fusil sinon ma baïonnette, la surprise n'étant plus la même que la première fois. Pendant ces alertes, l'artillerie a tonné de chaque côté. Plusieurs de chez nous furent blessés. Il y eut aussi des morts. Nous étions trop près les uns des autres. Les autres nuits furent moins mouvementées. Du reste, nous avions déjà de quoi nous abriter des balles chacun pensant se cacher le plus possible. Puis la deuxième nuit nous avions des outils normaux. La nuit nous travaillions et dans la journée nous montions la garde en deuxième ligne car nous étions soutien de la première ligne en cas d'attaque. Alors, nous n'avions que peu de sommeil.

Dans la journée du 10, j'étais occupé à chercher des poux. Tout le monde en avait attrapé. N'étant pas de garde, j'avais accroché ma capote et ma veste à mon fusil debout dans la tranchée lorsque j'entendis un sifflement venant d'en haut. Je n'ai pas eu le temps de me rendre compte de ce qui arrivait. C'était un culot d'obus qui retombait à quelques centimètres de moi. Il tomba sur ma veste et ma capote. Ma veste fut presque coupée en deux et le col droit de ma capote enlevé. Il m'a fallu garder l'une et l'autre encore assez longtemps car il n'y avait pas beaucoup de distribution de vêtements. Mon fusil n'avait rien.

Dans la matinée du 16, selon les ragots de cuisine car nous n'étions pas renseignés par le commandement français, six cents pièces d'artillerie, chose incroyable pour cette époque de la guerre, se mettent à tirer sur les lignes ennemies. C'est une préparation d'attaque du Bois de la Folie, secteur devant lequel nous avions préparé les tranchées d'attaques situées devant Neuville-Saint-Vaast. Pendant ce bombardement assourdissant et meurtrier pour l'ennemi mais également pour nous car l'artillerie allemande ne restait pas inactive prévoyant bien que nous allions attaquer dans ce secteur, nous sortons de notre deuxième ligne de tranchée par un boyau assez profond qui heureusement nous protège des éclats d'obus et nous allons rejoindre la première ligne de départ pour l'attaque. Lorsque nous atteignîmes les ruines de Neuville-Saint-Vaast, il n'y avait plus de tranchée et c'est en nous abritant derrière des murs que nous essayons de gagner notre point de départ. L'artillerie ennemie et les mitrailleuses car nous n'étions pas loin de leurs premières lignes, concentraient leurs tirs sur les ruines du village. C'était un vrai déluge de mitraille et nous ne pouvions progresser. Nous avions déjà beaucoup de pertes parmi les hommes. Nous étions encore une dizaine à genoux derrière un pan de mur, en face de ce qui avait été l'église du village. Un obus tombé sur le mur m'a projeté à une dizaine de mètres. Je suis resté un petit moment avant de pouvoir articuler une parole. Je n'avais plus de fusil, plus de képi et mon plat de campement attaché à mon sac ressemblait maintenant à une passoire. Je suis revenu à ma place à grand peine. J'ai retrouvé mon fusil complètement broyé. Il y eut une minute d'accalmie. Le caporal commanda d'avancer. Voyant que ceux qui étaient devant moi ne bougeaient pas, je tape sur l'épaule du premier pour qu'il se lève. C'est alors que je m'aperçois qu'il est mort ainsi que trois de ses camarades. Tués sur le coup. Ils n'avaient pas changé de position. Ils étaient demeurés à genoux. Nous n'avons pas fait beaucoup de chemin. Les hommes tombaient toujours, morts ou blessés. C'est à grand peine que nous avons rejoint notre ligne d'attaque. Nos tranchées avaient été en partie comblées par les bombardements. Il nous fallut les déblayer de notre mieux pour pouvoir passer la nuit à l'abri. Il restait des blessés sur place qui demandaient à être évacués mais il n'était pas possible pour nous de les emmener. Nous faisions de notre mieux pour faire des pansements. Pour la première fois de ma vie je soignais quelqu'un. Le premier homme que je pansais était blessé à une jambe et à la tête. Pour me remercier, il me donna tout le ravitaillement de son sac. Puis il fut évacué. Qu'est-il devenu ? Je ne le saurai jamais.
Pendant trois jours, nous sommes restés sur cette position où aucun ravitaillement ne pouvait nous parvenir. Aucun de nous ne souffrait de la faim. C'était à boire dont nous avions tous besoin. Dès la première journée, les bidons avaient été vidés. Nous étions entourés de cadavres. Avec la chaleur, ils s'étaient gonflés et ne sentaient pas bon. Mais nous nous y sommes accoutumés. Dans le village de Neuville-Saint-Vaast, les cadavres étaient recouverts de chaux mais l'odeur passait quand même. Une nuit, un grand orage s'est déclenché. Accroupis dans notre tranchée, nous avions le derrière trempé. Heureusement, le lendemain il faisait à peu près beau. A midi, nous étions complètement secs. Mais si nous avons été mouillés dessus, notre gorge elle ne le fut pas. Avec le long chemin qu'il y avait à faire, il n'était pas question d'aller chercher de l'eau. L'ennemi bombardait et mitraillait sans arrêt. Tout le monde avait soif mais personne ne se décidait à sortir. Dans la nuit du 19 juin, n'y tenant plus, je me suis décidé. Je suis parti avec une douzaine de bidons, ne connaissant pas trop bien le chemin. C'était à côté du village de La Targette. Pour aller plus vite, je suis passé à découvert risquant de recevoir un tir de mitrailleuse. Quand une fusée partait, aussi bien de chez nous que de l'autre côté, je me couchais. Enfin, je suis arrivé assez vite. J'ai commencé par boire puis j'ai empli les bidons. Pour le retour, ce ne fut pas facile. Je ne pouvais pas me coucher à terre avec les bidons pleins. Des obus passaient à côté de moi mais c'étaient surtout des mitrailleuses dont les balles me sifflaient aux oreilles dont j'avais peur. Je ne trouvais plus la tranchée d'où j'étais parti. J'ai risqué plus d'une fois de recevoir des coups de fusils ou une grenade de la part des Français. J'allais sans doute les faire repérer dans leur trou. Ce que je craignais le plus, c'était les tirs de barrage. J'ai enfin fini par me repérer mais jurant bien de ne jamais retourner là-bas. J'avais mis plus de trois heures. Mes camarades n'espéraient plus me revoir. J'avais néanmoins la satisfaction pour la première fois d'avoir rendu un grand service. Dans la nuit du 19 au 20, on nous annonce que la compagnie va être relevée. C'est vers une heure du matin que le 418ème régiment de marche vient prendre notre place. Nous étions réduits au tiers de l'effectif de départ. Nous rejoignons le village de Maroeuil où des camions nous attendent pour nous conduire à Le Souich pour quelques jours de repos bien gagnés. Nous avions besoin de récupérer du sommeil. Des renforts arrivent pour remplacer les manquants.
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mo120rtf1
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Re: Parcours de mon arrière grand-père au 153°RI

Message par mo120rtf1 »

Bonjour,

Je vous confirme qu'une partie du 153e RI avait bien été transférée à Béziers.
Comme les casernes de cette ville étaient insuffisantes, la plus grosse partie du régiment, notamment les compagnies d'instruction, était même cantonnée à Pézenas, dans un ancien couvent (couvent des ursulines).
On trouve plusieurs cartes postales d'époque montrant ce cantonnement.
Je pense que le témoignage de mon grand-père arrivé au 153e RI en décembre 1914 peut vous intéresser (il a participé aux combats de juin 1915 à Neuville-Saint-Vaast d'où il est ressorti indemne mais a été blessé le 25 septembre suivant lors de l'offensive de champagne).
Bonne lecture!

Frédéric Avenel
Je reçois ma feuille de route le dix décembre 1914. Je suis affecté au 153ème régiment d'infanterie. Ce régiment est habituellement en garnison à Toul, mais plusieurs départements frontières ayant été occupés par l'ennemi, une partie du régiment a été transférée à Fontainebleau et l'autre partie à Béziers. Pour ma part, je dois me rendre à Béziers.
[...]
Dans la journée du 22 décembre, j'arrive enfin en gare de Béziers où, comme tout le monde, j'ai été accueilli par une escorte qui nous conduisit dans un cantonnement. Il n'y avait soi-disant plus de place à la caserne. C'est une tannerie désaffectée qui nous a servi de caserne. Nous n'y fîmes qu'une courte apparition, seulement pour la distribution d'effets militaires, c'est-à-dire qu'un paquet était remis à chacun sans s'occuper de la taille que nous avions. Alors quand j'ai fais le déballage au cantonnement et que je fus habillé, j'avais plutôt l'air d'un pantin que d'un soldat. Je n'étais d'ailleurs pas le seul dans ce cas. Certains avaient un pantalon trop court, d'autres trop long ce qui fut mon cas. Je suis sûr que le mien aurait fait l'affaire d'un homme mesurant un mètre quatre-vingt-dix. Avec mon mètre quarante-huit, j'avais bonne allure ! J'ai retroussé les jambes du pantalon du mieux que j'ai pu. La veste n'était pas mieux ainsi que le calot qui prenait fortement appui sur mes pauvres oreilles. Les chaussures, il n'y en avait pas. Nous avons été obligés de garder les nôtres. Après, ce fut l'heure de la soupe. Il n'y avait pas assez de gamelles pour tout le monde alors il fallait attendre que ceux qui avaient réussi à en avoir aient fini de manger pour nous les passer. Cela a duré deux jours. Heureusement tous les fonds de musettes n'étaient pas vides. Bien sûr, il n'était pas question d'aller en ville pour nous ravitailler. Plus tard, la question du couchage se posa. Un bon lit douillet, des draps frais et bien tendus auraient été acceptés après les trois nuits que nous venions de passer dans le train. C'était le commencement de la misère. Comme lit, nous avions un bac en ciment avec un semblant de paille au fond et une couverture pour deux car nous étions plusieurs dans chaque bac. Bien que la température fût plus clémente que chez nous, j'ai grelotté toute la nuit et j'ai attrapé un bon rhume.
Cette vie a duré quatre jours. Un peu mieux nourris qu'à notre arrivée, nous étions toujours aussi mal couchés. Le 26 décembre, ce fut le départ pour Pézenas à une vingtaine de kilomètres de Béziers pour y faire l'instruction militaire.

Cette fois, notre cantonnement est un couvent désaffecté et comme lits, nous avons des paillasses avec un polochon garni de paille et un sac de couchage ainsi qu'une couverture. Il y a trois rangées de paillasses dans la salle et nous sommes entre soixante-quinze et quatre-vingt. Les premières nuits furent assez calmes. Nous étions encadrés de caporaux qui connaissaient déjà le front pour la plupart et qui avaient été blessés. Ils étaient là en attendant de pouvoir repartir. La discipline était stricte mais sans exagération.
Les sous-officiers avaient souvent le droit de sortir toute la nuit ou jusqu'à minuit. Alors le chahut commençait dans les salles. Les polochons voltigeaient de lit en lit, les paillasses étaient retournées avec leurs occupants. Il y avait de la paille partout car bien souvent les polochons se dénouaient. C'était un beau désordre. Aussi le lendemain, celui qui était de corvée de balai avait de quoi s'occuper.
Ceci a duré un mois. Jusqu'à minuit, il n'était pas question de dormir et pourtant le lendemain il fallait retourner à l'exercice. Ceux-ci étaient de plus en plus durs pour être bien entraînés afin de remplacer ceux qui tombaient sur le front.
Moins de trois mois après notre arrivée au régiment, il y avait des hommes qui partaient pour le combat. En général, il s'agissait d'abord de volontaires, beaucoup croyant être mieux et devoir subir moins de discipline.

Nous étions bien vus par la population. Il est vrai que Pézenas n'avait jamais eu de soldats. Comme la contrée n'était plantée que de vignes, c'est donc dans ces dernières que nous faisions les manœuvres. Et comme nous étions en hiver, nous ne faisions pas trop de dégâts. Après l'entraînement, c'était le repos dans l'un des villages environnant notre camp. Les habitants nous apportaient du vin dans des comportes, sortes de baquets dont ils se servaient pendant les vendanges, ainsi que des fruits. Au début, nous faisions une pause dans le village avant de commencer les manœuvres, mais il est arrivé que des soldats aillent trop souvent rendre visite aux comportes de vin. Après ils n'étaient pas bien pour manœuvrer et parfois, nous les retrouvions couchés dans les vignes certains même, revenaient de l'exercice sans fusil. A la suite de toutes ces histoires, les manœuvres eurent lieu avant le repos. Puis il y eut un contrôle : une sentinelle restait en permanence à côté de chaque comporte. Tout redevint régulier.

Vers la fin du mois de mars 1915, je fus bon pour partir en renfort. Avec les marches de trente ou quarante kilomètres que nous avions effectuées plusieurs fois par semaine, mes chaussures étaient usées. Je fis une demande pour en avoir une autre paire mais il n'y en avait pas de neuves pour ceux qui ne partaient pas de suite au front. Alors on me donna des godillots déjà bien usagés et qui étaient beaucoup trop grands pour moi. Je ne chaussais qu'un petit trent-neuf. Après la première marche que je fis, j'avais les pieds blessés. J'ai bien sûr demandé à voir le médecin pour me faire soigner. Le médecin major a trouvé que je pouvais continuer à marcher. J'ai donc refait une nouvelle marche. Je boitais et souffrais énormément. Le lendemain je ne pouvais plus mettre mes chaussures. Je suis donc retourné à la visite. Cette fois, j'ai été envoyé à l'infirmerie. Celle-ci était distante de deux kilomètres de Pézenas. J'ai fait le trajet en voiture. Comme il n'y avait pas de place pour coucher dans le local de l'infirmerie, je logeais dans un grenier dépendant d'une ferme. Nous étions environ une douzaine, pas bien malades pour la plupart. Après les pansements, nous étions libres sans toutefois avoir l'autorisation de s'éloigner. Pour ma part, au début il n'en était pas question non plus. Alors, dans notre grenier où il y avait des tables et des bancs, nous faisions des parties de cartes et bien entendu le vin était de la partie. Nous allions le chercher par seaux de cinq litres à la ferme. Le vin rouge coûtait un sou le litre et le vin blanc trois sous les deux litres. Le soir il y avait beaucoup d'oreilles chaudes mais jamais de dispute. Comme dans notre chambre tout était en commun, il y en avait parmi nous qui recevaient souvent des colis et faisaient le partage. C'était la bonne vie. Tout le monde s'accommodait bien. Hélas, cela ne pouvait pas durer. Etant rentré le 10 avril à l'infirmerie, j'en repartais le 30 au matin.
Je suis donc retourné à Pézenas et à l'exercice. Les manœuvres ont recommencé jusqu'au 14 mai. Je n'avais plus les mêmes chaussures !

Un renfort étant demandé, je fus envoyé à Béziers pour y être équipé, non pas d'habits neufs, mais quand même mieux que ceux que j'avais jusqu'à présent. Ces préparatifs ont duré jusqu'au 17 mai. Je partais donc en renfort ainsi que bien d'autres du régiment. Nous sommes partis pour le 153ème régiment d'infanterie.
Le 18 mai, c'est l'embarquement en gare de Béziers. Je n'avais pas de regrets bien que ne sachant pas ce qui m'attendait. Le voyage était prévu pour être long. Il nous fut distribué pour cinq jours de vivres, en grande partie des boîtes de singe ce qui est très bon à condition que ce ne soit pas huit à dix repas de suite comme ce fut le cas. Les premiers repas allèrent bien, mais ensuite cela devenait de moins en moins appétissant. Il n'y avait pas moyen de faire autrement sinon ne pas manger. Le pain devenait dur, quant à la boisson c'était de l'eau que nous trouvions aux arrêts, pas toujours dans une gare. Le plus souvent, c'était sur des voies de garage. Nous avions l'interdiction de nous éloigner. A Nîmes, il y eut un arrêt de deux heures. Cela nous a permis de nous détendre un peu et de visiter la ville et ses arènes. Comme nous étions par groupes accompagnés, nous ne pouvions nous permettre de faire une escapade. Cet arrêt fut le plus apprécié. Dans la nuit du 19 au 20, nous avons couché à Laroche, bien entendu sur de la paille qui du reste n'était pas fraîche. Nous eûmes l'interdiction de sortir ce qui eût été bien compliqué car aucun d'entre nous ne connaissait la ville surtout de nuit. Nous avons reçu une nouvelle distribution de vivres bien que nous en ayons encore. Pour ne pas changer, c'est à nouveau du singe que l'on nous servit. Une vraie cure de singe dont je garderai longtemps le souvenir ! J'avais une boîte de réserve dans le sac ainsi que des biscuits mais je n'étais pas prêt d'y toucher.
Dans la nuit du 20 mai, départ de Laroche. Nouvel embarquement et pas mieux logés! Après bien des arrêts en pleine campagne, c'est seulement le 22 mai que nous arrivons en gare de Saint-Pol-Ternoise dans le Pas-de-Calais. Pour nous dégourdir les jambes, une petite marche de 28 kilomètres avec tout l'attirail sur le dos nous amena au 70ème bataillon de marche à Tilloy-lès-Hermaville. Nous y sommes restés en subsistance en attendant notre affectation à une compagnie du 153ème régiment d'infanterie. Je suis désigné pour rejoindre la 3ème compagnie qui est venue en repos à Le Souich où j'arrive dans la soirée du 25 mai. Depuis notre arrivée à Saint-Pol, nous entendons parfaitement bien le canon. Des camarades partis en renfort avant nous, il n'en reste plus guère. Il y a des morts, des blessés et des prisonniers. Le même sort nous était réservé. Nous n'attendîmes d'ailleurs pas longtemps. Nous étions déjà près de la zone dangereuse. Le roulement continu de la canonnade nous le rappelait. Malgré tout, pour nous maintenir en forme, on nous faisait faire continuellement de l'exercice.

Dans la matinée du 8 juin, tout le régiment est embarqué dans des camions. Nous nous rapprochons des tranchées et cette fois ci, les exercices sont réels. On nous fait descendre à Maroeuil à environ 8 kilomètres des lignes. Nous entendons le bruit du canon mais aussi l'éclatement des obus. Il en tombe beaucoup. Les tranchées sont d'une grande utilité. Dans la nuit, sous une pluie battante, le sifflement des obus aux oreilles et le crépitement des mitraillettes -heureusement que nous empruntions une tranchée- nous rejoignons la deuxième ligne. Cette fois, c'est bien le baptême du feu ! Il y a déjà des blessés et même des morts.
Nous sommes mis en position devant ce qui était autrefois le village de La Targette. Les obus éclatent de toute part à terre. Dans l'air ce sont les « scharpnells ». Nous n'étions plus loin de la première ligne de feu.

Pendant les nuits des 10, 11, 12 et 13 juin, nous avons fait une tranchée d'attaque devant notre première ligne, de trente à cinquante mètres de la ligne ennemie. Nous étions armés et possédions de plus des outils, pelles, pioches portatives pour débuter la tranchée. Il fallait mettre notre sac devant nos visages et être couchés pour être moins vulnérables. Nous évitions de faire du bruit. Pas de cigarette ! … mais je crois que personne ne songeait à fumer. Au bout de quelques minutes, les ennemis se doutant qu'il se passait quelque chose d'anormal devant leur tranchée, envoyèrent des fusées éclairantes. Quelques fusils claquaient et aussi des grenades. La première nuit, il y eut deux alertes et de l'un à l'autre, il nous fut transmis l'ordre de mettre baïonnette au canon ce qui pour ma part ne fut pas chose facile car j'étais allongé et je tremblotais sans arrêt. Je ne pouvais trouver l'emplacement de la baïonnette. Si l'ennemi s'était présenté, je n'aurais pas été d'une grande utilité. Au bout d'un quart d'heure, voyant que tout restait calme à part les fusées, nous nous sommes remis au travail tout en laissant la baïonnette au bout du fusil. Quelques instants après, il y eut une nouvelle alerte. Cette fois j'étais plus calme. Je me sentais capable d'utiliser mon fusil sinon ma baïonnette, la surprise n'étant plus la même que la première fois. Pendant ces alertes, l'artillerie a tonné de chaque côté. Plusieurs de chez nous furent blessés. Il y eut aussi des morts. Nous étions trop près les uns des autres. Les autres nuits furent moins mouvementées. Du reste, nous avions déjà de quoi nous abriter des balles chacun pensant se cacher le plus possible. Puis la deuxième nuit nous avions des outils normaux. La nuit nous travaillions et dans la journée nous montions la garde en deuxième ligne car nous étions soutien de la première ligne en cas d'attaque. Alors, nous n'avions que peu de sommeil.

Dans la journée du 10, j'étais occupé à chercher des poux. Tout le monde en avait attrapé. N'étant pas de garde, j'avais accroché ma capote et ma veste à mon fusil debout dans la tranchée lorsque j'entendis un sifflement venant d'en haut. Je n'ai pas eu le temps de me rendre compte de ce qui arrivait. C'était un culot d'obus qui retombait à quelques centimètres de moi. Il tomba sur ma veste et ma capote. Ma veste fut presque coupée en deux et le col droit de ma capote enlevé. Il m'a fallu garder l'une et l'autre encore assez longtemps car il n'y avait pas beaucoup de distribution de vêtements. Mon fusil n'avait rien.

Dans la matinée du 16, selon les ragots de cuisine car nous n'étions pas renseignés par le commandement français, six cents pièces d'artillerie, chose incroyable pour cette époque de la guerre, se mettent à tirer sur les lignes ennemies. C'est une préparation d'attaque du Bois de la Folie, secteur devant lequel nous avions préparé les tranchées d'attaques situées devant Neuville-Saint-Vaast. Pendant ce bombardement assourdissant et meurtrier pour l'ennemi mais également pour nous car l'artillerie allemande ne restait pas inactive prévoyant bien que nous allions attaquer dans ce secteur, nous sortons de notre deuxième ligne de tranchée par un boyau assez profond qui heureusement nous protège des éclats d'obus et nous allons rejoindre la première ligne de départ pour l'attaque. Lorsque nous atteignîmes les ruines de Neuville-Saint-Vaast, il n'y avait plus de tranchée et c'est en nous abritant derrière des murs que nous essayons de gagner notre point de départ. L'artillerie ennemie et les mitrailleuses car nous n'étions pas loin de leurs premières lignes, concentraient leurs tirs sur les ruines du village. C'était un vrai déluge de mitraille et nous ne pouvions progresser. Nous avions déjà beaucoup de pertes parmi les hommes. Nous étions encore une dizaine à genoux derrière un pan de mur, en face de ce qui avait été l'église du village. Un obus tombé sur le mur m'a projeté à une dizaine de mètres. Je suis resté un petit moment avant de pouvoir articuler une parole. Je n'avais plus de fusil, plus de képi et mon plat de campement attaché à mon sac ressemblait maintenant à une passoire. Je suis revenu à ma place à grand peine. J'ai retrouvé mon fusil complètement broyé. Il y eut une minute d'accalmie. Le caporal commanda d'avancer. Voyant que ceux qui étaient devant moi ne bougeaient pas, je tape sur l'épaule du premier pour qu'il se lève. C'est alors que je m'aperçois qu'il est mort ainsi que trois de ses camarades. Tués sur le coup. Ils n'avaient pas changé de position. Ils étaient demeurés à genoux. Nous n'avons pas fait beaucoup de chemin. Les hommes tombaient toujours, morts ou blessés. C'est à grand peine que nous avons rejoint notre ligne d'attaque. Nos tranchées avaient été en partie comblées par les bombardements. Il nous fallut les déblayer de notre mieux pour pouvoir passer la nuit à l'abri. Il restait des blessés sur place qui demandaient à être évacués mais il n'était pas possible pour nous de les emmener. Nous faisions de notre mieux pour faire des pansements. Pour la première fois de ma vie je soignais quelqu'un. Le premier homme que je pansais était blessé à une jambe et à la tête. Pour me remercier, il me donna tout le ravitaillement de son sac. Puis il fut évacué. Qu'est-il devenu ? Je ne le saurai jamais.
Pendant trois jours, nous sommes restés sur cette position où aucun ravitaillement ne pouvait nous parvenir. Aucun de nous ne souffrait de la faim. C'était à boire dont nous avions tous besoin. Dès la première journée, les bidons avaient été vidés. Nous étions entourés de cadavres. Avec la chaleur, ils s'étaient gonflés et ne sentaient pas bon. Mais nous nous y sommes accoutumés. Dans le village de Neuville-Saint-Vaast, les cadavres étaient recouverts de chaux mais l'odeur passait quand même. Une nuit, un grand orage s'est déclenché. Accroupis dans notre tranchée, nous avions le derrière trempé. Heureusement, le lendemain il faisait à peu près beau. A midi, nous étions complètement secs. Mais si nous avons été mouillés dessus, notre gorge elle ne le fut pas. Avec le long chemin qu'il y avait à faire, il n'était pas question d'aller chercher de l'eau. L'ennemi bombardait et mitraillait sans arrêt. Tout le monde avait soif mais personne ne se décidait à sortir. Dans la nuit du 19 juin, n'y tenant plus, je me suis décidé. Je suis parti avec une douzaine de bidons, ne connaissant pas trop bien le chemin. C'était à côté du village de La Targette. Pour aller plus vite, je suis passé à découvert risquant de recevoir un tir de mitrailleuse. Quand une fusée partait, aussi bien de chez nous que de l'autre côté, je me couchais. Enfin, je suis arrivé assez vite. J'ai commencé par boire puis j'ai empli les bidons. Pour le retour, ce ne fut pas facile. Je ne pouvais pas me coucher à terre avec les bidons pleins. Des obus passaient à côté de moi mais c'étaient surtout des mitrailleuses dont les balles me sifflaient aux oreilles dont j'avais peur. Je ne trouvais plus la tranchée d'où j'étais parti. J'ai risqué plus d'une fois de recevoir des coups de fusils ou une grenade de la part des Français. J'allais sans doute les faire repérer dans leur trou. Ce que je craignais le plus, c'était les tirs de barrage. J'ai enfin fini par me repérer mais jurant bien de ne jamais retourner là-bas. J'avais mis plus de trois heures. Mes camarades n'espéraient plus me revoir. J'avais néanmoins la satisfaction pour la première fois d'avoir rendu un grand service. Dans la nuit du 19 au 20, on nous annonce que la compagnie va être relevée. C'est vers une heure du matin que le 418ème régiment de marche vient prendre notre place. Nous étions réduits au tiers de l'effectif de départ. Nous rejoignons le village de Maroeuil où des camions nous attendent pour nous conduire à Le Souich pour quelques jours de repos bien gagnés. Nous avions besoin de récupérer du sommeil. Des renforts arrivent pour remplacer les manquants.
Excellent! merci, sur les papiers il est noté parti en guerre le 11 novembre 1914 au 153 °RI libéré le 5 avril 19. Blessé le 18 juin 1915Ce qui correspond au récit de votre grand père. Savez vous à quelle compagnie appartenait votre grand-père???
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