L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

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Jean-Claude Poncet
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par Jean-Claude Poncet »

Bonsoir,
L'abbé Collé devait avoir des archives bien précieuses car il a entretenu beaucoup de correspondance avec les familles.
Cordialement,
JCP

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jacques didier
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par jacques didier »

Bonjour à tous,

L'étude de la nombreuse correspondance émise au sujet de l'Abbé Collé, curé de Ménil-sur-Bevitte, sur l'identification et l'exhumation des morts a fait que ce prêtre a été très contesté sur ses agissements et sa conduite malgré le soutien de Maurice Barrès, de M. Louis Marin et du maire de Baccarat.
Plusieurs enquêtes ont été menées par l'administration préfectorale qui ont fait l'objet de rapports divers dont un adressé au ministre de l'intérieur.
Homme de caractère mais intrigant, il a continué a exercer son ministère jusqu'à sa mort, le 16 mai 1943, dans ce village des Vosges, .
Aujourd'hui, on peut encore voir le presbytère tel que sur les cartes postales de l'époque où il avait aménagé son musée dans une pièce du bas.
Plus de 150 cartes postales ont été émises concernant l'église, le presbytère, le musée, les maisons du village, les différents cimetières avant leur regroupement, les cérémonies officielles commémoratives, sa remise de la croix de guerre avec palme, et celle où il s'est fait photographié avec Maurice Barrés.
Quelques habitants ont laissé des témoignages.

Cordialement.

J.Didier
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Eric Mansuy
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Une chose est certaine, l’abbé Collé était persévérant ; jugez plutôt…

Dans un courrier en date du 1er août 1917, il informait le maire d’Epinal de la tenue de la cérémonie du 28 août suivant, en présence de messieurs Barrès et Flayelle et du général de Castelnau, entre autres personnalités éminentes, déplorant que la ville d’Epinal n’ait pas encore fourni, à l’instar de Lyon, Saint-Etienne, Roanne ou Le Puy, un « drapeau en soie tricolore » qui puisse accompagner la procession sur les tombes.

Réponse du Conseil Municipal d’Epinal, en date du 13 août 1917 : « M. Simonet, tout en rendant hommage aux sentiments patriotiques de M. l’abbé Collé, estime que le Conseil ne peut accepter une invitation qui n’est pas formulée par la Municipalité de Ménil sur Belvitte elle-même, et le Conseil, partageant à l’unanimité cet avis, exprime ses regrets de ne pouvoir y donner suite. »


Dans un courrier en date du 11 janvier 1920, l’abbé Collé renouvelait sa requête auprès du maire d’Epinal, ajoutant aux villes ayant déjà fait parvenir un drapeau à Ménil-sur-Belvitte en 1917, les noms de celles de Montbrison, Aurillac, Grenoble, Chambéry, Briançon, Barcelonnette, Nice et Dijon.

Réponse du maire d’Epinal, le 26 janvier 1920 : « J’ai l’honneur de vous informer que le Conseil Municipal n’a pas cru devoir accueillir la proposition que vous lui avez adressée par votre lettre du 11 courant. »


Dans un courrier en date du 6 novembre 1925 enfin, l’abbé Collé écrivait :
« Monsieur le Maire,
le Musée de la Bataille va s’enrichir encore des drapeaux en soie tricolore aux armes des villes de Langres et Chaumont. Celui d’Epinal fait l’objet de mes plus ardents désirs, puisque j’ai eu le douloureux honneur d’identifier près de 300 braves des 149e et 170e.
Que sont ces drapeaux ? Ce que veulent les villes de garnison. La plupart ont 1,27 sur 0,98 ; en soie tricolore ; sur une face les armes de la ville, et sur l’autre, une inscription « La Ville de… aux Braves des… Régiments… etc. » La hampe est nécessaire. Celui de Lyon est muni d’un crêpe.
Je ne doute pas, Monsieur le Maire, que vous ferez l’impossible auprès des représentants de votre ville pour que bientôt, ce drapeau vienne dans l’unique Musée du Souvenir de la guerre en Lorraine.
Dans cet espoir, je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes meilleurs et très respectueux sentiments.
Alph. Collé, curé fondateur

Note : Monsieur le Maire de Ménil joint ses prières aux miennes. »

Réponse du Conseil Municipal d’Epinal, réuni en séance le 12 novembre 1925 : « Le Conseil exprime ses regrets de ne pouvoir lui donner satisfaction, la Ville ne disposant pas de Drapeaux à ses armes. »

Tout commentaire semble superflu.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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Le Gaillard
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par Le Gaillard »

==> ...je rend tous les hommages à cet homme qui a donné autant de sa personne, pendant la periode des combats sur ce secteur des vosges...

==> ...en retournant les papiers et objets aux familles qui attendaient des nouvelles de leurs proches.Regroupant les cadavres et les identifiant le plus rapidement possible avant que les effets personnels qu'ils avaient sur eux ne soit detruits ou illisibles...
Bonjour à tous!
Bonjour Eric!

Bonjour vitrier78, :hello:

Je découvre aujourd'hui ce message, et je ne peux que PARTAGER ENTIEREMENT votre avis sur la question : l'abbé Collé était un Grand Homme de Ménil-sur-Belvitte...
Mon arrière-grand-oncle est tombé au col de la Chipotte en août 1914. Il était du 149ème RI d'Epinal. Et c'est bien GRACE à l'Abbé Collé que je connais son histoire aujourd'hui.
En effet, l'Abbé Collé a beaucoup correspondu avec les parents de mon aïeul : une bonne dizaine de lettres "enflammées" existent. Il leur indique de précieux détails quand au lieu où se trouve le corps de leur enfant. Il les soutient de son ardente prière quant à la douloureuse traversée de cette épreuve : la perte d'un fils à la guerre. Il leur a aussi envoyé par la poste qques. effets personnels retrouvés sur le corps à l'endroit même où l'ennemi l'a abattu : ses dernières lettres du front écrites au crayon à papier, une paire de ciseaux pliables, sa plaque de soldat, etc...
C'est très émouvant.
A le lire, c'était un homme doué d'une forte abnégation. Il fait son maximum pour sauvegarder ce qui peut l'être. Il parle effectivement de créer un musée-souvenir pour que les générations futures n'oublient pas leurs aînés.

Je ne désespère pas un jour de retranscrire ces lettres, véritable TEMOIGNAGE de cet homme entièrement dévoué au Mémorial de tous ces (jeunes) hommes tombés pour la France aux alentours de Ménil-sur-Belvitte. Elles sont la preuve que les calomnies de l'époque ne sont absolument pas fondées. L'abbé Collé était tout sauf un "détrousseur de cadavres".

Il devait surement avoir un sacré caractère...mais n'en fallait-il pas pour mener à bien une si lourde mais si belle mission...? Il semble avoir bravé les rumeurs de l'époque...et aujourd'hui le souvenir est toujours bien présent

Je ne désespère pas non plus un jour de me rendre sur les lieux de Ménil-sur-belvitte pour un petit "pèlerinage" avec l'aide précieux d'Eric Mansuy...et de tous ceux que cela pourrait intéresser...

A suivre donc...
:bounce:
Cordialement, Marc
«Souvenez-vous que vous êtes du 35e(...)descendants des vainqueurs de Wagram, de la Moskowa, d'Alger, de Sébastopol(...)Allez-y gaiement:ceux qui se trouveront en face(...)préféreront être ailleurs.» 1912-Colonel de MAUD'HUY
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Eric Mansuy
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Bonjour Marc,

Vivement ce "pélerinage" ensemble à la Chipotte, en effet, et cette retranscription des courriers de l'abbé Collé !
Mais n'oublions pas les belles lettres du lieutenant de Lurion de l'Egouthail, une bien intéressante retranscription déjà :
http://regards.grandeguerre.free.fr/pag ... Lurion.pdf

Amicalement,
Eric
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jacques didier
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par jacques didier »

Bonjour à toutes et à tous,

Louis Madelin, député des Vosges, dresse un portrait de l'abbé Collé, curé de Ménil-sur-Belvitte, en ces termes :<< Quiconque a vu - ne fut-ce qu'une fois - ce prêtre vigoureux, à la figure pleine et énergique, aux yeux de flamme sous les forts sourcils noirs, à la bouche ferme, parfois légèrement ironique, à l'attitude résolue et à la parole prompte, se rend compte du caractère qu'il dût apporter dans des circonstances si critiques, en des heures tragiques.>>

Créateur de l'oeuvre des tombes, il a entretenu une nombreuse correspondance non seulement avec les familles de ceux tombés sur le champ de bataille, mais également avec l'administration militaire et civile. Il constitue un musée que Maurice Barrès décrira dans les Chroniques de la Grange Guerre.
Mais ce dont il lui tient le plus à coeur, ce sont les cérémonies religieuses et patriotiques, à partir de 1915, où il réunit les personalités les plus éminentes de la politique, de l'église et des lettres, dont le général de Castelnau.
Il fait de Ménil un lieu de pélerinage où sont invités les délégations des régions du Puy, de Saint-Etienne, Roanne et Montbrison. Les nombreuses photos et cartes postales des cérémonies en témoignent. Je me demande même si Ménil n'a pas été le village le plus photographié de France après les combats.

La retranscription de ces lettres sera la bienvenue.

Cordialement.
Jacques Didier
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Le Gaillard
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par Le Gaillard »

Bonsoir à tous,
...figure pleine et énergique, aux yeux de flamme sous les forts sourcils noirs...
==> Avec une telle description, on s'imagine aisément sa "bonne bouille"!!! :pt1cable:

Et pour vous faire patienter (car je n'ai que très peu de temps libre), je ne résiste pas à l'envie de partager avec vous tous, ces qques. extraits de différentes lettres de la main même de l'abbé Alphonse Collé. Le style est plutôt direct, les lettres assez explicites.
Jugez plutôt :

UNE LETTRE DE 1915 QUI PARLE DU "PILLAGE" DES DEPOUILLES :
MENIL-SUR-BELVITTE, LE 12 FEVRIER 1915 :
"Cher Monsieur,
Vos renseignements sont exacts, mais je ne puis guère, hélàs, y ajouter. La tombe glorieuse du lieutenant [ndlr : mon aïeul] est en territoire de Sainte-Barbe dont j'étais le curé. La croix n'a pas fait de distinction. Presque tous nos chers soldats ont été dévalisés scrupuleusement : poches retournées et coupées = ceux qui ont eu sur eux des cachettes pourront rendre à leurs familles ce qu'elles contenaient, mais...je puis vous affirmer aussi que nos blessés ne furent pas maltraités par les Allem. Je les vis à l'oeuvre pendant près de 3 semaines, et nos pauvres blessés m'affirmèrent spontanément en soins humains. [ETC...]"

...Il constitue un musée que Maurice Barrès décrira dans les Chroniques de la Grange Guerre...
UNE LETTRE DE 1917 QUI PARLE DE MAURICE BARRES :
MENIL-SUR-BELVITTE, LE 10 AOUT 1917 :
"Madame,
Je suis en possession de votre très honorée et du mandat pour messes au Lieutenant et ses camarades. Que ne pouvez-vous venir le 28 courant ? Nous solennisont le 3e anniversaire de tous ces combats et ce sera très solennel puisque Monseigneur de St Dié y vient comme Maurice Barrès, de castelnau, etc J'ai demandé au Général que de grandes facilités soient accordées aux familles. Il est au Q.G. secteur 124 [24 ou 124 : cette partie n'est pas très lisible] [...]"


A noter, qu'avec cette lettre, figure un bout de papier journal découpé qui dit ceci :

"DISPARUS DES VOSGES - M. BONNARD nous prie de communiquer les renseignements suivants très importants qu'il vient de recevoir de Ménil-sur-Belvitte (Vosges).
Pour les familles qui désireront se rendre à la grande cérémonie patriotique à Ménil, le 28 août, à 10 heures, écrire de suite pour les laissez-passer au général commandant la 8e armée, secteur 17, bureau de la circulation.
La cérémonie sera des plus belles. Lyon, Saint-Etienne, Grenoble, et d'autres villes envoient leurs drapeaux, qui seron présentés par les délégués.
Itinéraire : Lyon, Dijon, Epinal, Charmes et Rambervillers; ou Lyon, Dijon, Epinal, Bruyères et Rambervillers. Arriver le 28 au matin, de préférence le 27 au soir.
Se renseigner à la gare de Perrache.
De Rambervillers à Ménil-sur-Belvitte (7 kil.) des voitures seront à Rambervillers pour conduireles voyageurs à Ménil."
...ce dont il lui tient le plus à coeur, ce sont les cérémonies religieuses et patriotiques...
UNE LETTRE DE 1919 QUI DIT SON ATTACHEMENT AUX CEREMONIES RELIGIEUSES :
MENIL-SUR-BELVITTE, LE 27 NOVEMBRE 1919 :
"Madame,
[...]Les fêtes de la Toussaint m'ont fort occupées, et puis sont venues des familles pour la 1ère fois. Et cela avec une correspondance et le souci de nouvelles exhumations. Depuis votre venue, nous avons bien ramené 500 nouveaux occupants et ce n'est pas fini. Le carré où se trouve Louis [ndlr : mon aïeul] était rempli, nous avons placé les officiers dans le suivant, déjà 2 capitaines et trois lieutenants.[...]"


Bonne lecture et à bientôt pour de nouveaux extraits si le temps ne me presse pas trop.
Cordialement,
Le Gaillard, alias Marc [:le gaillard:3]
Cordialement, Marc
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jacques didier
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par jacques didier »

Bonjour Marc,

Merci d'avoir pris un peu de temps pour nous donner déjà un aperçu de sa correspondance.

Cordialement.

J.Didier

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Le Gaillard
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Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par Le Gaillard »

Bonjour à tous,

Voici 2 autres lettres de l'abbé Collé dont une où il parle de "son musée".

L'Abbé Alphonse Collé
Curé de Ménil-sur-Belvitte (Vosges)

15 mai : Cher Monsieur,
Le maire de Ste Barbe, commerçant, a tout bouleversé. Il pense que son commerce y gagnera en exigeant que tous les soldats tombés sur le territoire de sa commune y soient inhumés, au mépris des revendications des familles. Il me semble que vous avez le droit de choisir un cimetière aussi rapproché que le sien qui n'est pas encore tracé. Vous pourriez porter votre demande, vous en avez le temps, au Lieutenant Chambard, Etat Civil des tombes militaires à Epinal; qui peut faire droit à votre réclamation. Accentuez votre volonté et soulignez l'égal distance de Ménil ou de Ste Barbe.
Bien respectueusement vôtre,
A.Collé

Ecrit le 18 mai 19 ... Chambard
==> rajouté et raturé dans un coin de la lettre...

-----------------------------------------------------

Vosges - Ménil-sur-Belvitte, le 11 octobre 1915
Bureau de Poste, Téléph., Télégr.

Madame,
N'ayez aucun souci sur la tombe chérie...elle est très bien entretenue et entourée. Je l'ai vue bien des fois. Rien ne peut la faire perdre. Elle porte le N° 243 avec bien gravés les nom, prénom et grade du glorieux soldat-Lieutenant. Elle est bien où vous le dîtes. Nos tombes sont fleuries et portent des drapeaux. N'ayez point peur de m'écrire, Madame, je me dois à toutes les douleurs, nos glorieux enfants vous donnent tous les droits sur ma plume et mon coeur. Si vous le désirez, vous pouvez me confier des intentions de messes et surtout m'envoyer le portrait du cher Lieutenant pour le musée - encadré si possible et avec ses noms etc... J'en ai déjà beaucoup. Essayez donc de venir. D'autres passent bien. Ayez un laisser-passer du maire et du commissaire de votre ville, et montrez cette carte. Vous venez par Rambervillers gare, puis par Ménil en voiture, il y en a de louage : Mr Jules Janin à Rambervillers, Vosges. Confiance et courage, Madame, pour Dieu, pour la Patrie. Heureux sont nos héros! Et glorieux et fiers sont ceux qui les donnent. Je vous promets le concours de mes prières.
Agréez, Madame, mes hommages de profond respect et de sympathique dévouement,
A.Collé, Curé


Sinon, Eric : voici une lettre d'un infirmier de l'Ambulance 11/7 (retrouvée par hasard parmi d'autres...) qui comporte qques. précisions quand au Lieutenant Louis mon ancêtre. Peut-être le nom de Lébé ne t'est-il pas inconnu...?
Elle aurait peut-être + sa place dans un fil consacré à l'ambulance 11/7 mais bon, tant pis, je la met ici :

Brû, par Rambervillers (Vosges), 15 octobre 1914
Monsieur de Lurion,

Monsieur le curé de Brû est venu apporter votre lettre au bureau de la 11ème ambulance il y a huit jours déjà, et comme nous n'avions pas de renseignements à lui donner au sujet de votre cher défunt, je l'ai prié de me remettre votre lettre me réservant de vous répondre lorsque nos infirmiers auraient fini d'explorer le col de la Chipotte où ils ensevelissent nos chers soldats depuis vingt-huit jours.
Hier au soir 14 octobre, en relevant le registre des décès les noms des officiers et soldats identifiés et inhumés par nos infirmiers sous la conduite et surveillance de nos dévoués majors, j'ai trouvé le nom du Lieutenant de Lurion de l'Egouthail, votre cher et malheureux fils, mort en héros à la tête de ceux qu'il commandait.
Voici les indications notées par le major pour aider à retrouver la tombe de celui que vous pleurez et sur laquelle j'irai prier samedi prochain 17 octobre, comme prêtre et comme compatriote :
"Lieutenant de Lurion de l'Egouthail enterré sur la route de St Benoît à Ste Barbe, à gauche, en descendant à environ 500 mètres avant d'arriver au dépôt de Merin - Blessures multiples."
Les deux derniers mots nous permettent de croire que le vaillant officier n'aura pas eu d'agonie, mais seulement la minute suprême que Dieu accorde toujours à ceux qui L'aiment et Le servent ici bas pour leur donner le temps de Lui recommander les êtres chers qu'ils laissent, et renouveler le sacrifice et l'offrande de leur propre vie qui leur vaut la récompense éternelle et le bonheur parfait dès qu'ils comparaissent devant Lui.
Il était, du reste, prêt à endurer ayant communié quelques jours après son entrée en campagne, il s'était remis entre les mains du Bon Dieu et n'avait plus eu qu'un seul souci : faire bravement son devoir de soldat. Il l'a fait jusqu'à la mort : soyez donc bien rassuré.
C'est tout ce que je puis vous dire, hélàs! sur les derniers moments de votre fils. Mr le Curé de St Benoît qui n'est qu'à quelques kilomètres du col de la Chipotte n'a rien pu me dire non plus.
Comme souvenirs personnels nous n'avons recueilli sur lui, avec sa plaque d'identité, qu'une montre et une paire de ciseaux.
Il y a quelques jours, Monsieur le Vétérinaire Principal de la région est venu au col de la Chipotte et à notre bureau, mais nous n'avions pu lui donner aucune indication. Je vais faire mon possible pour le faire prévenir et il décidera lui-même s'il faut vous faire parvenir directement ces objets que d'habitude nous envoyons au Ministère de la Guerre.
Il pourra également faire mettre dans une bière le corps du Lieutenant en attendant que des jours plus tranquilles vous permettent de le transporter à Salins.
Oserai-je vous prier, Monsieur, de me prévenir, après la guerre, du jour de cette triste cérémonie, je me ferai un devoir de me rendre à Salins pour y assister et vous exprimer de vive voix mes sentiments de respectueux et bien sincères condoléances.
En attendant que vous soit accordée cette suprême et si légitime consolation, je demande à Dieu d'adoucir pour vous et votre famille que je n'ai pas l'honneur de connaître, l'amertume d'un si grand sacrifice, et vous donne l'assurance de mes ferventes prières pour le brave Lieutenant mort au champ d'honneur et pour tous ceux qui le pleurent.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments respectueusement dévoués.
Abbé Lébé, curé de Grange-sur-Baume (par Voiteur - Jura)

Adresse pour la guerre :
Mr Lébé, infirmier
11e Ambulance 7e Corps
Rambervillers (Vosges)


A suivre...de découverte en découverte... [:le gaillard:3]
Marc
Cordialement, Marc
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Le Gaillard
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Inscription : ven. nov. 25, 2005 1:00 am

Re: L'ABBE COLLE DE MENIL SUR BELVITTE

Message par Le Gaillard »

Bonsoir à tous,
Bonsoir Eric,

Je reviens vers vous ce soir avec 2 autres lettres :
Non pas 2 lettres de l'Abbé Collé...mais de cet infirmier de l'Ambulance 11/7 : Monsieur Lébé.
Elles sont espacées d'une année (1914 et 1915). On devrait presque ouvrir un fil sur l'Ambulance 11/7...
En tous cas : l'histoire de la 11/7 est liée aux combats des vosges et donc à l'histoire de l'Abbé Collé dont d'autres lettres vont suivre, normalement...

Bonne Lecture!
A+,
Marc

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Correspondance militaire – Trésor Et Postes 9 Déc 14
Cachet : « 7ème Corps d’Armée Hôpital de Campagne …»


11e Ambulance, 7e Corps – Hôpital d’évacuation
Rambervillers (Vosges)
9 décembre

Madame et Monsieur,
Depuis 4 jours notre triste travail a pris fin ; nous avons maintenant 163 blessés ou malades à soigner, et le canon qui a recommencé à tonner à midi et va reprendre de plus belle de nos côtés ne nous amènera bien que trop de victimes.
J’ai de plus en plus de travail ce qui ne m’a pas permis de vous accuser réception de votre bonne lettre et du mandat qui la suivait. Merci pour tous deux.
J’ai eu occasion en allant rendre les derniers devoirs à un ami, de passer auprès de la tombe du Lieutenant votre fils : c’était peu après la Toussaint et j’ai eu la joie de m’agenouiller sur cette tombe où vous viendrez un jour et de réciter pour vous et moi une fervente prière. Nos soldats avaient passé là et décoré la tombe du brave mort au champ d’honneur qu’une croix montre à toux ceux qui passent dans la forêt. J’acquitte les messes aux intentions indiquées et j’ai confiance que le Bon Dieu lui a fait bon accueil. Mais hélas, la tuerie est loin de finir et les deuils ne feront que redoubler. Que le bon Dieu est pitié de nous. Veuillez agréer, Madame et Monsieur, et aussi votre second fils, l’assurance de mes sentiments dévoués et reconnaissants.
Lébé.

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Carte-Lettre expédiée par : Ambulance 11/7 – Armée d’Orient – Service Postal 507
(cachet postal : 14-12-15)

1er décembre,
Madame,
Quand votre bonne lettre quittait la France, il y avait 11 jours que j’avais dit adieu à ma chère Patrie et que j’avais débarqué à Salonique. Depuis je suis toujours au camp de Zeiterlick à 4 kms de la ville où nous souffrons du vent, de la pluie, de la boue et depuis quelques jours d’un froid terrible qui, s’il continue, nous conduira tous à l’hôpital. Quelle terrible guerre et que de souffrances nous attendent ici. Et les évènements sont loin d’être rassurants et je n’ose écrire ce que j’en pense et ce que j’augure de cette nouvelle expédition. L’avenir est au bon Dieu qui prendra parti pour la France ; mais l’heure du pardon est longue à venir et que nous étions donc coupables !!!
Une seule consolation m’est donnée, et très précieuse, celle de pouvoir dire ma messe chaque matin et je crois avoir un réel mérite car il faut me lever à 3h1/2 et faire 2500 mètres à l’aller et autant au retour à travers un camp boueux pour être de retour à 6 h. J’accepte donc bien volontiers les messes pour votre cher enfant que vous m’enverrez par mandat, moyen le plus sûr au cas ou je ne le toucherais pas. Le souvenir du Lieutenant m’est présent à la mémoire et tout ce mois de novembre j’ai célébré pour nos chers soldats morts pour la patrie, et pour les familles qui les pleurent. Veuillez me rappeler au bon souvenir de M. le Doyen et agréer pour vous et les vôtres l’assurance de mon dévouement respectueux. Je ne vous parle pas des peuples d’ici, ils sont indignés.
Merci mille fois pour le memento.
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Cordialement, Marc
«Souvenez-vous que vous êtes du 35e(...)descendants des vainqueurs de Wagram, de la Moskowa, d'Alger, de Sébastopol(...)Allez-y gaiement:ceux qui se trouveront en face(...)préféreront être ailleurs.» 1912-Colonel de MAUD'HUY
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