La dernière attaque de la 46e DI.

ALVF
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La dernière attaque de la 46e DI.

Message par ALVF »

Bonjour,

Les dernières phases des opérations militaires en novembre 1918 sont peu documentées. Pourtant au début octobre 1918, les chefs des Armées alliées pensaient sérieusement que la guerre pouvait se prolonger jusqu'à une "offensive finale" à réaliser au printemps 1919 tant la capacité de résistance des Armées allemandes était encore considérable.
Pour les Armées françaises et britanniques, l'épuisement des troupes et l'usure du matériel ont pris des proportions inquiétantes. Ainsi, l'artillerie française a diminué presque partout le nombre de ses canons à trois pièces par batterie et les effectifs de l'infanterie diminuent dangereusement. Une grande partie de la production de matériels neufs d'artillerie va à l'Armée US dont la montée en puissance est loin d'être achevée.
Dans ces conditions, les offensives destinées à repousser l'ennemi deviennent plus difficiles. L’ennemi s'accroche au terrain sur des positions préparées à l'avance après avoir dévasté méthodiquement les ressources, les routes et voies de communication du terrain évacué.
Sa défense s'appuie sur trois grands principes immuables:
-le terrain est battu par des tirs de mitrailleuses et mitrailleuses légères dont les feux croisés obligent les alliés à la manoeuvre pour les neutraliser. Regroupés en "nids" de 4, 10 et parfois même 40 ou 60 armes automatiques, ces armes battent tous les compartiments du terrain, la progression coûte cher et ne peut aboutir à la percée importante du front.
-l'artillerie tire à longue portée essentiellement des obus toxiques (surtout chargés en ypérite) qui contaminent le terrain et empêchent l'artillerie alliée de se déployer. Cette tactique est rendue possible par une forte proportion de pièces de campagne à plus longue portée que celle des alliés dans les calibres 7,7 cm K.16, 10 cm et surtout 15 cm K.16.
-toute perte de terrain est suivie d'une contre-attaque "venue de loin" et effectuée par des troupes fraîches sur des unités épuisées par les difficultés de l'attaque.
Pour illustrer ces difficultés, je publie jusqu'au 5 novembre quelques documents de la 46e Division provenant des archives du général Verguin qui commandait alors l'artillerie divisionnaire de cette "division bleue" composée essentiellement de Chasseurs Alpins.
Le 1er novembre 1918, les ordres de la 46e Division sont diffusés pour forcer le passage du canal de la Sambre à l'Oise et prendre le Nouvion en Thiérache le 4 novembre.
La 46e DI appartient alors au 15e Corps d'Armée de la Ière Armée, ce Corps engage dans l'offensive les 66e, 46e et 123e DI. L'action sera déclenchée en liaison avec la IVe Armée britannique qui attaquera le même jour.
Place aux documents, d'abord le créneau d'engagement du 15e C.A à la droite de la IVe Armée britannique, 66e DI "Division bleue" elle-aussi, au contact avec les britanniques, 46e DI au centre et 123e DI à droite en liaison avec le 36e C.A français:
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(à suivre)
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ALVF
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

Message par ALVF »

Le coude du canal de la Sambre à l'Oise et la position des principales batteries d'artillerie allemande le 1er novembre 1918:
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ALVF
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

Message par ALVF »

Les ordres donnés à l'Artillerie Divisionnaire de la 46e DI le 1er novembre 1918, l'artillerie de Corps d'Armée et celle d'Armée mettront en outre des moyens lourds d'appui: 220 C modèle 1916, 280 TR pour les pièces à tir vertical et 105 L, 155 GPF et 155 L pour l'artillerie lourde à tir tendu:
3-1-11-1918.jpg
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Cordialement,
Guy François.
air339
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

Message par air339 »

Bonjour,




Cet extrait de carte permet de situer l'action :

001.JPG

Carte "le reflux des armées allemandes", in "La Grande Guerre vécue, illustrée rt racontée par les combattants", éd. Aristide Quillet, 1922.


Une chose m'étonne, c'est l'emploi de l'AT, notamment les 58, dont la lecture de Pierre Waline, "Les crapouillots", laisse penser qu'ils ne servent quasiment plus.


Cordialement,


Régis
p Lamy
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

Message par p Lamy »

Bonjour à tous,

Dans une autre division bleue, la 47e DI, le problème des effectifs est aussi inquiétant. Le lieutenant Rey du 70e BCA indique qu'en octobre 1918 "les dépôts sont absolument vides" et le 70e part aux derniers assauts avec un effectif proche de 1000 hommes, loin de l'effectif théorique, les très dures attaques contre la ligne Hindenburg ayant été très meurtrières.
Selon les chiffres du service de santé divisionnaire, du 1er juin au 31 octobre 1918, cette division perdra 6.948 hommes sur un effectif divisionnaire de 16.000 hommes, dont 1.048 tués, 4.450 blessés de guerre et 1.450 vésiqués ou suffoqués. Dans la seule troisième semaine de juillet, après la reprise de l'offensive le 18, la division perdra 250 tués et plus de 1.100 blessés et 150 vésiqués.

Bien cordialement.
P. Lamy
"C'est le Vin qui a fait gagner la Guerre"
Jean-Louis Billet, agent de liaison au 70e BACP
remi-bdx
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

Message par remi-bdx »

Bonjour,

Dans les derniers chapitres du livre de Pierre Waline, il est indiqué que l'AT (réduite à 4 régiments) a bien servi jusqu'à la fin de la guerre, aussi bien pour encager des zones où des coups de mains sont organisés que lors des offensives des derniers mois pour réduire des centres de résistance. Il explique aussi que les 150 Fabry remplacent progressivement les 58 sans pour autant dire que ces derniers disparaissent totalement. Ce qui est étonnant par contre, c'est le faible nombre de pièces (3 mortier 150 et 2 mortiers 58) pour le front d'une division. Il semblerait donc que ces unités aient elles aussi subies de fortes pertes depuis le revirement du 18 juillet.

Cordialement,
Rémi
Rémi
ALVF
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

Message par ALVF »

Bonsoir,

Merci de votre intérêt, je publierai plus tard le rapport concernant l'emploi de l'artillerie de tranchée lors de cette attaque. Le plus étonnant est l'emploi du 58T, matériel lourd et peu mobile alors que le 150T Fabry, dernier matériel fourni à l'Artillerie de Tranchée, avait une mobilité satisfaisante, comparable à celle d'un "Minenwerfer" de 17 cm. Ce matériel est très employé à partir de l'été 1918 jusqu'à la fin de la guerre.
Je ne peux publier ici que quelques documents de synthèse car les ordres d'opérations sont très détaillés et assez nombreux.
Voici deux documents du 2 novembre 1918, deux jours avant le "Jour J" fixé au 4 novembre:
3-2-11-1918.jpg
3-2-11-1918.jpg (179.65 Kio) Consulté 1966 fois
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

Message par ALVF »

Ici, le schéma, assez compliqué, de l'emploi de l'artillerie de la 46e D.I.
Le colonel Verguin a réalisé une véritable manoeuvre d'artillerie, alliant un barrage roulant sur une partie du secteur d'attaque, comme c'est la règle lors des offensives, mais aussi des tirs de démolition et de neutralisation sur des points forts du dispositif ennemi, déterminés en liaison avec les chefs de l'infanterie afin d'éviter toute réaction des défenseurs. Enfin dans certains compartiments du terrain, l'artillerie "accompagne" réellement la progression de l'infanterie d'attaque ce qui implique des liaisons serrées et efficaces.
En effet, le barrage roulant, étroitement appliqué dans un schéma préétabli, a l'inconvénient de devenir inefficace si la résistance de l'ennemi ou tout autre facteur a ralenti la progression. Dans ce cas, le barrage s'éloigne et l'ennemi peut "relever la tête" sans danger et faire face impunément à l'attaque.
Nous verrons demain que la Division de gauche, la 66e D.I a appliqué un barrage roulant "classique" dans son secteur. De même, l'examen des cartes anglaises de la IVe Armée britannique montre aussi que le 4 novembre 1918, l'infanterie marchera en suivant le barrage roulant de son artillerie préétabli suivant un schéma rigide.
Le colonel Verguin a acquis par son sens de la "manoeuvre de l'artillerie" une bonne réputation auprès des Bataillons de Chasseurs. Dès 1915 ,après l'attaque de l'HWK, et plus tard ensuite, plusieurs Bataillons de Chasseurs marqueront leur reconnaissance de sa science d'artilleur en le nommant "caporal d'honneur" comme je l'ai évoqué dans un sujet ancien.
Voici donc le schéma d'emploi de l'artillerie de l'AD 46 pour la journée du 4 novembre 1918:
3-2-11-1918 accompagnt.jpg
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Cordialement,
Guy François.
remi-bdx
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

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Bonsoir,
Quelle est la largeur du secteur d'attaque de la 46eDI dans cette opération?

Cordialement,
Rémi
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ALVF
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Re: La dernière attaque de la 46e DI.

Message par ALVF »

Bonsoir,

La largeur du secteur d'attaque de la 46e D.I est de 2.600 m au début de l'action.
Concernant l'artillerie de tranchée de 1918, celle-ci diminue fortement ses effectifs faute d'emploi important et non pas du fait de ses pertes qui sont légères en 1918 alors que les années précédentes, surtout 1915 et 1916, avaient enregistré un fort taux de pertes dans les unités de "Crapouillots". Les batteries d'AT laissées à la disposition des Corps d'Armée lors de la dernière réorganisation du 1er avril 1918 (création des Régiments d'AT) sont dissoutes au cours de l'été et les effectifs dégagés sont utilisés pour créer de nouvelles batteries de campagne de l'Artillerie Portée et des batteries de 155 C affectées aux Divisions. A partir de l'été 1918, les unités d'Artillerie de Tranchée connaissent un renouveau d'emploi, essentiellement du fait de l'entrée en service du 150T Fabry. Cet emploi nouveau sera à la base du concept de l'Artillerie Légère Puissante qui apparaît, pour peu de temps, lors des années 1919 à 1925 environ.

Pour en revenir à l'attaque de la 46e D.I, voici le plan d'action de l'artillerie de la Division de gauche, la 66e D.I qui a adopté le principe du barrage roulant, tout comme les unités britanniques de la IVe Armée qui attaquent le même jour à la gauche de cette Division. Ce plan d'action est communiqué à la 46e D.I le 3 novembre, veille de l'attaque des Armées alliées:
4-3-11-1918 AD 66.jpg
4-3-11-1918 AD 66.jpg (155.7 Kio) Consulté 1911 fois
Cordialement,
Guy François.
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