Militaires détachés dans les entreprises.

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shadoko
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par shadoko »

Bonjour à tous.

J'espère que ce post ne fait pas double emploi et qu'il est dans la bonne catégorie.

Certains mobilisés se sont retrouvés détachés dans des entreprises privées. J'aimerais comprendre comment se faisait cette affectation qui semble s'appliquer à au moins trois cas de figure :
- des chefs d'entreprises, qui, après avoir été mobilisés, se retrouvent plus ou moins rapidement renvoyés dans leur propre entreprise pour qu'elle continue à tourner.
- des ouvriers, qui, dans le même but, retournent dans leur ancien lieu de travail,
- des ouvriers qui sont détachés dans une autre entreprise que celle qui les employait avant leur mobilisation.

Et il y a aussi le cas un peu différent des ouvriers qui sont mis en sursis d'appel.

Ce que je cherche à comprendre, c'est comment est initié ce détachement (ou ce sursis) mais aussi si cela a concerné ou non beaucoup de monde.

Cordialement,
PM

PS : Ceci dans le cadre d'une recherche bien spécifique concernant le fabriquant des hélices Ratier. Je peux bien sûr détailler si nécessaire ou si, simplement, certains sont intéressés (j'ai des copies d'époque de courriers de l'entreprise en rapport avec ces détachements), mais dans ce cas le post serait peut-être plus à sa place dans "Soldats de la Grande Guerre" ?
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Yv'
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par Yv' »

Bonjour,

Je pense qu'il faut consulter les archives départementales.
J'ai vu que Ratier avait construit une usine à Figeac pour construire des hélices pendant la guerre, j'ai donc cherché des renseignements sur les AD du Lot, malheureusement il y a très peu de choses sur internet.
Les séries intéressantes sont à mon avis :

M - Administration générale et économie
O - Administration et comptabilité communales
R - Affaires militaires

http://www.quercy.net/institutions/ad_lot.html

Cordialement.
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shadoko
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par shadoko »

Bonjour, et merci pour cette suggestion.

L'établissement d'une usine à Figeac date de 1917 et je n'ai que très peu de documents la concernant. En fait, Ratier y loue puis rachète une scierie, la scierie De Rouget. Il s'agissait surtout, je pense, de se fournir en bois. Paulin Ratier, originaire d'un village voisin de Figeac, avait beaucoup de contacts dans la région et il reste quelques lettres adressées à des personnes du coin qui témoignent de relations avec des vendeurs de bois : il faut savoir qu'avant 1914 les hélices sont construites en noyer dont les départements du Lot et de l'Aveyron étaient assez riches. D'autres bois seront autorisés par la suite (hêtre, chêne, …), mais il les faut de grosse section. Je n'ai aucune information concernant l'éventuelle fabrication d'hélices à Figeac pendant la période 14-18.

Les seuls documents que j'ai vus concernant Ratier aux archives de Cahors concernent l'entre deux guerres et celle de 39-45.
Les usines Ratier pendant la guerre de 14-18 étaient à Montrouge et à Malakoff (commune du premier établissement en 1904 ou 1905) et où le premier atelier spécifique pour les hélices créé en 1910 semble toujours en activité malgré le changement d'adresse.

Mais c'est surtout aux mobilisés détachés dans l'entreprise que je m'intéresse, et d'abord au fondateur, Paulin Ratier. Il est de la classe 1895 et il est mobilisé le 4 août 1914. Toute activité cesse alors : l'entreprise est fermée, "la clef confiée au concierge" pour qu'il puisse fournir quelques hélices qui étaient en stock. Ce sont alors des hélices Rapid, dont la marque appartient à Bertrand Montet, ingénieur Arts & Métiers, associé de Paulin Ratier uniquement pour l'activité de fabrication d'hélices. Cette activité n'est pas majoritaire dans l'entreprise qui fait surtout son chiffre avec des boîtiers pour appareils électriques (surtout téléphoniques) et du sciage. Bertrand Montet est aussi mobilisé.

Les factures Ratier "sautent" du 31 juillet 14 à la mi-novembre de la même année. On peut donc supposer que Paulin reprend l'entreprise en main à cette époque, mais je ne sais pas quand il la réintègre physiquement. Sa fiche matricule n'indique pas de date pour son renvoi dans son usine (il y a un blanc). En voici des extraits, dans l'ordre où ils apparaissent sur la fiche :

Détail des Services et Mutations diverses :
1 Incorporé à la 21ème Section d'Infirmiers militaires à compter du 17 Novembre 1896
…/…
Passé dans l'armée territoriale le 1er Octobre 1909.

Dans l'armée territoriale et dans sa réserve :
Rappelé à l'activité par décret présidentiel du 2 Août 1914. Arrivé au corps le 9 Août 1914. [strike]Placé en sursis d'appel le jusqu'au 1er Septembre 1915[/strike]. 3 Passé au 21e Régt d'Infie Cle le 1er juillet 1917.
Congé illimité de démobilisation le 21 Janvier 1919 par la 22e Section d'Infirmiers Militaires (2e Echelon)
[Sur un feuillet collé :] 2 Placé en sursis d'appel du jusqu'au 1er Septembre 1915 par Don Melle n° 271.2.A du 29 Mai 1915, au titre de l'usine Ratier route de Châtillon à Montrouge (Seine) jusqu'à nouvel ordre (suivant état modèle A du 5-9-1915. Service aéronautique) art. 6 loi du 17 Août 1915. 4 Affecté dans la réserve à la 22e Son d'Infirmiers Mres le 1er octobre 1921.
Libéré du service militaire le 10 Novembre 1924.



La fiche de Bertrand Montet montre le même processus de détachement dans sa propre entreprise (les Etablissements Montet &Cie) où il commercialise les hélices Rapid, des moyeux porte-hélices et des attelages (entre autres, pour la traction des ballons captifs). En voici des extraits :

Détail des Services et Mutations Diverses :
1 Incorporé le 14 Novembre 1899 au 126e Régiment d'Infanterie. Arrivé au Corps le 14 Novembre 1899.
…/…[il n'y a pas de n°2]
Passé dans l'armée territoriale le 1 Octobre 1912
Dans l'armée territoriale et dans sa réserve :
[Deux tampons "Rectification" et] [strike]Rappelé à l'activité le[/strike] 3 Passe au 1er régiment du génie par décision du Gouverneur Militaire de Paris le 2 Août 1914.
Rappelé à l'activité le 4 Août 1914 Décret de Mobilisation Générale du 1er Août 1914. Arrivé au 1e Génie le [suite sur feuillet collé] 4 Août 1914
Détaché le 15 Juillet 1915 à la Mon Montet à Paris (Circulaire Melle du 4 Juillet 1915 N° 01438)
[En marge droite :] 339B En sursis jusqu'au 1e Sept 1915 [fin de la mention en marge]
4 Affecté au 2 Régiment du Génie le 1 Novembre 1921
Dans la disponibilité ou dans la réserve de l'armée [active] :
5 Passé à la dernière classe de la 2e réserve le 1 oct 1923 (2 enfants)
Campagne contre l'Allemagne Intérieur [???] du 4 Août 1914 au 14 Juillet 1915
[verso du feuillet collé] 6 Classé "SANS AFFECTATION" le 15 9bre 1926 [fin du feuillet collé]
7 Libéré du service militaire le 10 Novembre 1927


Quant aux ouvriers de chez Ratier, il y a beaucoup de courriers concernant des demandes de rattachement, de sursis ou de prolongation de sursis, demandes faites par Ratier avec une belle constance dans les motifs : ouvrier indispensable à une tâche en rapport avec la fourniture d'hélices ou d'aéroplanes pour le SFA (Service des Fabrications de l'Aviation) et/ou en rapport avec la Défense Nationale. En effet, à partir de 1915, Ratier construit des voilures pour Louis Breguet à Vélizy (d'abord des Voisin, puis des Breguet XIV) et pour Michelin à Clermont-Ferrand (envoyées par train). A partir de mars 1915, l'association avec Montet étant arrivée à son terme, Ratier se lance dans la fabrication d'hélices à son nom.

Je n'arrive pas à me faire une opinion concernant ces demandes. Il y a en effet un manque réel de main d'œuvre qualifiée, mais n'y a-t-il pas aussi la volonté de "faire revenir" des anciens ouvriers "pour leur bien" ? Il y a beaucoup d'indices montrant que l'entreprise était très paternaliste... Certains courriers impliquent qu'il y a des relations (lettres ?) entre Ratier et le mobilisé autres que celles conservées dans le courrier "officiel". Est-ce l'ouvrier qui demande à Ratier de faire les démarches nécessaires pour obtenir son détachement ou un sursis ? Je joins une image d'une de ces copies de courriers.

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Voilà, ce post est déjà tellement long que je n'ose pas y ajouter la transcription de la lettre. Est-ce lisible ?
PM
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Yv'
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par Yv' »

Je ne sais pas si nous aurons un jour la réponse à ces questions...
Ce type de document est très intéressant, en tout cas, merci.
Cordialement.
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shadoko
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par shadoko »

Bonjour,

Savez-vous s'il est possible de retrouver la loi du 17 Août 1915, la décision ministérielle n° 271.2.A du 29 Mai 1915 et la circulaire ministérielle du 4 Juillet 1915 N° 01438 ?
Est-ce qu'il est intéressant de publier ici les listes de noms des militaires détachés dans l'entreprise ?

Cordialement,
PM
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Tanker
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par Tanker »

Bonjour,

A la mobilisation, tous le monde pensait que la guerre serait courte et donc toutes les catégories sociaux-professionnelles se sont retrouvées mobilisées sans que l'on songe à protéger les spécialistes, dont la disparition pourrait être une perte importante de savoir-faire pour l'industrie et donc, indirectement, une perte de productivité et bien entendu . . . . et aussi en final de bénéfices. . . . .

Assez rapidement, les besoins (et demandes pressantes des armées ont conduits au renvoi dans les usines des techniciens nécessaires à la relance de productions (en obus par exemple).
On a alors découvert que les premiers mois de guerre avaient vu disparaître des techniciens très pointus qu'il aurait été plus judicieux de protéger. L'Artillerie Spéciale, arme très technique, a de suite été confrontée à ces besoins en spécialistes de haut vol.
A côté des unités de combat, s'est mis en place toute la structure techique dans laquelle ont été affectés des techniciens de tous les domaines de la mécanique. Techniciens de classes plus anciennes qui ont (pour les unités de ravitaillement et dépannage au combat - les SRR), été assez rapidemment échangés par des gens de classes plus jeunes.

Tout ces mouvements se retrouvent dans les courriers échangés entre le Ministère de l'Armement, le GQG, le Général commandant l'AS et les industriels. Tous les leviers étaient activés (ou activables) et les industriels (Schneider, Saint Chamond, Renault) qui avaient des contacts assez directs avec le Général Estienne, savaient, le cas échéant, utiliser ce circuit très direct.

Les demandes d'augmentation de cadence de production ou de développement très spécifiques se traduisaient dans toutes les réunions de concertation regroupant industriel, Armée et Ministère par des demandes en personnels et le retour à l'usine de spécialistes utiles dont avaient du se séparer les industriels au profit des armées.

La lecture des archives de l'AS montrent que tous les niveaux de la chaîne de production pouvaient être à l'origine de demandent touchant des individus ou des catégories de spécialistes.
On retrouve effectivement des demandes :
- des chefs d'entreprises réclamant nomminativement le retour de spécialistes au ministère de l'Armement,
- du ministère demandant aux Armées le renvoi en usine de spécialistes,
- des intéressés eux-mêmes . . .

Dans les documents concernant les programmes d'armements les besoins en personnels sont, à côté des besoins en matière première un des sujets majeurs constamment abordés.

Avec la création de l'AS, un certain nombre de blessés, inaptes au pilotage des avions, se sont retrouvés dans l'autre nouvelle arme technique : les chars.
Plusieurs courriers concernent des officiers qui sont réclamés par le ministère de l'armement, souhaitant utiliser leurs compétences techniques chez des industriels de l'aviation. Le Général Estienne refusant de se séparer de ces officiers de chars formés, accepte de voir détacher ses hommes pour des périodes limitées. La proximité du camp de Champlieu de la région parisienne permettait de récupérer "au coup de sifflet bref" ces personnels temporairement détachés.

Le 2° Classe Jules Arthur Triquet (classe 1906) est un autre exemple intéressant qui illustre bien ce qu'était les tiraillements entre les gros besoins en personnels des Armées et les besoins en techniciens spécialisés de l'arrière.

Mobilisé en Régiment d'Infanterie en Août 14 et détaché en Octobre 1915 comme ouvrier militaire en zone de l'intérieur, il retourne en Régiment d'infanterie en Novembre 17 et se trouve finalement affecté au 500° RAS à Cercottes en Mai 18.
Il était ingénieur spécialiste du carburateur Zénith (le carburateur du Renault FT . . . . . !). En Mai 18 les Renault commençaient à être livrés aux Armées, et ils y arrivaient avec de nombreux défauts qu'il fallait reprendre avant livraison aux régiments d'AS.

Michel
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Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
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IM Louis Jean
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par IM Louis Jean »

Bonjour,

Savez-vous s'il est possible de retrouver la loi du 17 Août 1915, la décision ministérielle n° 271.2.A du 29 Mai 1915 et la circulaire ministérielle du 4 Juillet 1915 N° 01438 ?
Est-ce qu'il est intéressant de publier ici les listes de noms des militaires détachés dans l'entreprise ?

Cordialement,
PM

Bonjour à toutes et à tous,

Loi du 17 août 1915
http://www.assemblee-nationale.fr/histo ... 081915.asp
Gogole est moins prolixe sur le DM et la CM

cordialement
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RIO Jean-Yves
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par RIO Jean-Yves »

Bonjour à tous
bonjour Shadoko

Pour ma part j'ai retrouvé (par les fiches des MplF) plusieurs Artilleurs du 35e RAC de VANNES qui avaient été détachés à la Poudrerie de PONT DE BUIS (Finistère). Compétence oblige, sans doute là aussi .

Cordialement
Jean-Yves
Recherches sur les régiments vannetais (116e & 316e RI, 28e & 35e RAC) et l'histoire de VANNES
http://vannes1418.canalblog.com/
er lann
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par er lann »

Bonjour à tous
J'ai dans ma famille le cas de mon GP et du GP de ma femme le premier , après avoir été blessé ? Puis fait prisonnier à Rossignol le 22/08/14 est passé en Suisse par la croix rouge puis rapatrié en Bretagne il a été détaché aux forges d'Hennebont son ancien employeur en 1914.Pour le 2ème c'est après une blessure à Mesnil qu'il a été détaché lui aussi aux forges d'hennebont
Cordialement
DS
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KiGanshu
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Re: Militaires détachés dans les entreprises.

Message par KiGanshu »

Bonjour,

Mon Grand-père a également été extrait du front début 1917, sans raison apparente (cf. le fil pages1418/qui-cherche-quoi/nouvelles-gr ... 7230_1.htm)

Je suis donc également à la recherche de quels documents ont pu avoir trait à ce transfert.

Dominique
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