Cour spéciale de justice militaire

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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonsoir à toutes et à tous,

Par la loi du 9 mars 1932 est créée une cour spéciale de justice militaire chargée de la révision des jugements rendus dans la zone des opérations des armées de terre et de mer par des juridictions spéciales.

Dans le JO les arrêts rendus par cette juridiction d'exception sont visibles et librement consultables par tout un chacun. C'est pourquoi, je vous propose petit à petit de les disposer ci-après dans leur intégralité. Derrière les termes juridiques, le destin de ces hommes nous éclatte à la figure.

Le temps de la réhabilitation collective étatique est venu. Ces arrêts honorent la mémoire de ces hommes injustement condamnés.

Amicalement

Guilhem



Affaire Jean Baptiste Georges BOURCIER sergent au 7e bataillon territorial de chasseurs, fusillé le 7 mai 1915.


Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 8 décembre 1934,
La cour composé conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

Président
M. Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris ;

Membres.
MM.
Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
Latreille, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933
M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement
M. Boiron, adjudant-chef commis greffier près ladite cour,

S'est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l'effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 6 mai 1915, par le conseil de guerre spécial du 7e bataillon territorial de chasseur, ayant condamné le nommé Bourcier (Jean Baptiste Georges), né le 1er septembre 1871 à Poitiers (Vienne), fils de Jean et de…, alors domicilié à Marseille, profession de forgeron, sergent du 7e bataillon territorial de chasseurs, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi.

La cour spéciale de justice militaire,

Vu le précédent arrêt de cette cour du 3 mars 1934, ordonnant un supplément d'information, après avoir déclaré recevable en la forme la requête introduite en vertu des dispositions de la loi du 9 mars 1932, par la veuve Bourcier, demeurant 106 rue de Tivoli à Châtellerault (Vienne), aux fins de révision du jugement rendu le 6 mai 1915, par le conseil de guerre spécial du 7e bataillon territorial de chasseurs alpins, qui a condamné son mari, le sergent Bourcier (Jean Baptiste Georges) né le 1er septembre 1871 à Poitiers, à la peine de mort, pour abandon de poste en présence de l'ennemi, jugement qui a reçu son exécution le lendemain 7 mai ;

Vu les pièces du supplément d'information auquel il a été procédé en exécution dudit arrêt ;

Vu les pièces de la procédure soumise au conseil de guerre et l'expédition de la décision attaquée ;

Vu l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Aix du 6 juillet 1922 qui, au vu du supplément d'information a rejeté une précédente requête en révision ;

Vu le mémoire déposé par M° Betty Brunschwicq, avocat à la cour ;

Vu les dépositions des témoins cités à l'audience de la cour spéciale de justice militaire ;

Après avoir entendu M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M° Betty Brunschwicq, au nom de la demanderesse en révision, et la demanderesse en révision, en leurs observations à l'appui de la requête et en avoir délibéré en chambre du conseil conformément à la loi ;

Attendu que le recours institué par la loi du 9 mars 1932 tend uniquement à un nouvel examen de la culpabilité et n'autorise pas la cour spéciale de justice militaire, qui en est saisie, à se prononcer sur les irrégularités de procédure qui fussent-elles certaines comme en l'espèce, laisseraient entière la culpabilité du condamné ;

Qu'il s'en suit qu'il y a lieu de retenir seulement pour mémoire, d'abord, que le conseil de guerre spécial, qui a condamné Bourcier a été présidé par l'officier qui avait délivré l'ordre de mise en jugement directe sur le vu d'un interrogatoire auquel il avait lui-même procédé ;

Ensuite que le conseil de guerre a statué par une seule réponse sur la situation principale d'abandon de poste, et sur la circonstance aggravante de "présence de l'ennemi" sans que le jugement énonce le nombre de voix, auquel la peine a été prononcée ;

Qu'il échet de statuer au fond ;

Attendu que la section du 7e bataillon territorial de chasseurs alpins, à laquelle appartenait le sergent Bourcier, était détachée en petit poste, à 400 mètres environ de l'ennemi dans la vallée de la Fecht, lorsque, dans la soirée du 5 mai 1915, vers 21 heures, par une nuit obscure, les cris de "Aux armes" ou de "Ho ! les gars, feu !" poussés par le sergent Bourcier, provoquèrent chez les hommes de la section une alerte accompagnée, durant une demi-heure environ, d'une fusillade, d'ailleurs inoffensive, à la suite de laquelle, le calme étant rétabli, l'effectif du poste était au complet à l'exception du sergent Bourcier qui avait disparu ;

Attendu que le lendemain matin, vers 6 heures, ce sous-officier se présentait seul au poste de commandement de son chef de bataillon, où, en présence du lieutenant Jullien, il déclara qu'au cours de la nuit son poste avait été attaqué et enlevé par les Allemands et qu'il s'était enfui pour éviter d'être fait prisonnier :

Attendu que pour apprécier la conduite du sergent Bourcier en la circonstance, il ne saurait être fait état de prétendus aveux de culpabilité, consignés dans un procés-verbal, dressé par le chef de bataillon, ce document constituant un simple questionnaire dans lequel Bourcier s'est borné à répondre par oui ou par non aux questions posées par son supérieur ;

Attendu que ce questionnaire ainsi établi, sur lequel s'est nécessairement fondé le conseil de guerre spécial devant lequel l'interrogatoire a été reproduit dans une forme identique, ainsi qu'en font foi les notes d'audience, ne permet pas de retenir les réponses évasives qu'il relate comme une preuve décisive de la culpabilité du condamné qui, dans une lettre adressé à sa sœur, après le jugement de condamnation, a écrit de sa main des protestations d'innocence qu'il a renouvelées quelques instants plus tard devant le peloton d'exécution ;

Attendu qu'il ressort des pièces produites et des débats devant la cour spéciale de justice militaire, notamment des dépositions des témoins Cartier (Louis) et Emmelling (Jean) que le sergent Bourcier avait pu confondre avec des patrouilleurs ennemis des hommes de sa section rentrant de corvée que l'obscurité de la nuit ne lui avait pas permis de reconnaître ;

Attendu que s'il ne peut être contesté que Bourcier a manqué de sang-froid, qu'il a agi dans un moment d'affolement et avec une précipitation que les évènements n'ont pas justifié, il n'est pas impossible d'admettre qu'il ait cru à la réalité d'une attaque allemande.

Attendu qu'au cours du supplément d'information ordonné par la cour spéciale de justice militaire, le lieutenant Jullien a déposé, sous la foi du serment, qu'il se trouvait aux côtés du chef de bataillon lorsque le 6 mai vers 7 heures du matin, Bourcier s'est présenté "donnant l'impression d'avoir été l'objet d'une hallucination, encore sous l'emprise d'une grande frayeur, paraissant très fatigué et n'être plus en état d'équilibre mental".

Attendu que le témoin a ajouté qu'il ne croyait pas que Bourcier ait délibérément et en possession de tous ses moyens abandonné son poste ;

Attendu que cette déposition offre d'autant plus d'intérêt que le lieutenant Jullien était le commissaire du gouvernement près le conseil de guerre spécial qui a jugé Bourcier :

Attendu que tout concourt à démontrer que la défaillance inexplicable dont s'est rendu coupable le sergent Bourcier, considéré jusque-là comme un vaillant soldat, n'est pas l'œuvre d'une volonté consciente mais est la conséquence d'une erreur de fait de nature à l'exonérer de toute responsabilité pénale :

Annule le jugement du conseil de guerre spécial du 7e bataillon territorial de chasseurs alpins qui a condamné, le 6 mai 1915, le sergent Bourcier, à la peine de mort, pour abandon de poste en présence de l'ennemi ;

Déclare Bourcier acquitté de l'accusation ainsi retenue contre lui ;

Décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Dit que les frais de la publicité ci-dessus prescrite et les frais de l'instance en révision seront à la charge de l'Etat.

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier, Boiron.
On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
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christophe lagrange
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par christophe lagrange »

Bonsoir,
Merci Guilhem, j'attends la suite avec impatience, peut-être y aura-t-il un des gars de la 4è DI....

Amicalement,
Christophe
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HT62
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par HT62 »

Bonjour Guilhem,

Merci de nous avoir fait profiter de ce 1er jugement, j'attends la suite comme Christophe.

Amicalement, Hervé.
Les régiments de Béthune et Saint-Omer : les Poilus du Pas de Calais et d'ailleurs :

http://bethune73ri.canalblog.com/

http://saintomer8ri.canalblog.com/

NOUVEAU : http://dunkerque110eri.canalblog.com/

Recensement des Poilus des 16e et 56e BCP
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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonsoir à toutes et à tous,

Merci à vous tous pour ces messages.

Ces arrêts sont extraits du JO, comme j'ai pu le dire dans mon message précédent, mais ne sont pas en ligne. Pas à ma connaissance. Il est fort probable qu'un jour ils le soient, mais que ce soit dans Gallica ou dans Légifrance, rien à ce jour. Lorsque j'ai écrit : "visibles et librement consultables" je pensais aux problèmes de droits. Il me semble que vu qu'ils sont visibles par tout un chacun il n'y avait aucune raison à ce que je floutte quoi que ce soit. Je me suis posé tout de même la question... est-ce que leurs descendants seraient ravis d'avoir leur nom mis en avant de cette manière...???!!!

Il me semble qu'une réhabilitation ne pouvait engendrer une réticence éventuelle. Hommage leur est rendu. Seul but de ce fil.

Pour accéder aux JO ? Les grandes bibliothèques ont souvent une collection papier du JO. Cela tient beaucoup de place mais c'est une source non négligeable.

Amicalement

Guilhem




Affaire Camille CHEMIN soldat au 37e régiment d'infanterie coloniale, fusillé le 5 août 1915.


Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 17 février 1934,
La cour composé conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

Président
M. Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris ;

Membres.
MM. Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
Randon, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933
M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement
M. Jumelet, capitaine greffier près ladite cour,

S'est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l'effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 4 août 1915, par le conseil de guerre de la 16e division d'infanterie coloniale, ayant condamné le nommé Chemin (Camille), né le 29 juillet 1877, à Gressac, arrondissement de Saintes (Charente-inférieure), fils de Pierre et de Chauvin (Marie), alors domicilié à Gressac (Charente-inférieure), profession de cultivateur, soldat au 37e rég. d'infanterie coloniale, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi.

La cour spéciale de justice militaire,

Vu le précédent arrêt de cette cour en date du 6 janvier 1934, déclarant recevable en la forme la requête de la dame Grillet (Marie) veuve Chemin, cultivatrice à Gressac (Charente-inférieure), agissant tant en son nom personnel, qu'au nom de ses enfants, aux fins de révision du jugement rendu le 4 août 1915, par le conseil de guerre de la 16e division d'infanterie coloniale, qui a condamné son mari le soldat Chemin (Camille), du 37e rég. d'infanterie coloniale, pour abandon de poste en présence de l'ennemi, à la peine de mort ;

Vu l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d'Aix, du 9 novembre 1926, rejetant la précédente demande en révision introduite en faveur du condamné ;

Vu l'arrêt de la cour de cassation, toutes chambre réunies, du 6 janvier 1926, disant n'y avoir lieu à réformation du jugement rendu le 4 août 1915 ;

Vu les procès-verbaux de l'information ordonnée par la chambre des mises en accusation de la cour d'Aix ;

Vu les pièces produites, ainsi que la procédure soumise au conseil de guerre ;

Vu les dépositions des témoins cités ;

Vu le mémoire déposé par M° Maudet, avocat ;

Après avoir entendu M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M° André Maudet, avocat au barreau de Saintes, au nom de la demanderesse en révision, ainsi que la veuve Chemin, en leurs moyens, à l'appui de la demande et en avoir délibéré en chambre du conseil, conformément à la loi ;

Au fond,

Attendu que dans la nuit du 22 au 23 juin 1915, la 20e compagnie du 37e rég. d'infanterie coloniale dont faisait parti le soldat Chemin, déposait les sacs à la Vercoste, avant de monter en ligne, puis se portait en avant, pour participer, sous le commandement de M. le capitaine Quod, à l'attaque des positions ennemies devant le village de la Fontenelle ;

Attendu qu'après un combat violent, Chemin était porté disparu de sa compagnie le 23 juin à l'appel du soir, mais que le lendemain, son capitaine ayant appris sa présence auprès des faisceaux de sacs, donnait l'ordre au caporal Truchasson d'aller à sa recherche, que Chemin se présentait dans la matinée du 25 juin à sa compagnie, où, après avoir été sévèrement admonesté, il reprenait sa place dans le rang ;

Attendu que quelques jours plus tard, au cours de l'enquête faite au corps, sur la situation des hommes qui avaient failli à leur devoir à la Fontenelle, Chemin expliquait que, se trouvant en réserve avec sa section dans un chemin creux, il s'était sauvé au moment du bombardement, et après s'être mis à l'abri dans une cave, s'était rendu aux faisceaux de sacs sans songe à rejoindre sa compagnie :

Attendu que plus d'un mois après ces faits le 28 juillet 1915, Chemin, qui s'était montré courageux aux combats du bois Le Prêtre, était l'objet d'une information sous l'inculpation d'abandon de poste, et était déféré, le 2 août 1915, devant le conseil de guerre qui, le 4 août suivant, après l'avoir reconnu, à l'unanimité des voix, coupable d'abandon de poste, le condamnait à la majorité de trois voix contre deux, à la peine de mort, jugement exécuté le lendemain 5 août, à Montauville ;

Attendu que si les témoignages recueillis au cours de l'instance en réformation, par la cour d'appel d'Aix, et les dépositions faites devant la cour spéciale de justice militaire n'établissent pas avec certitude, le moyen invoqué, aux termes duquel, Chemin, en se rendant aux faisceaux de sacs, à la Vercoste, n'aurait fait qu'exécuter la consigne qu'il aurait reçue de M. le capitaine Quod, ou de son prédécesseur M. le capitaine Bastide, il apparaît surprenant que l'inculpation d'abandon de poste n'ait été relevée que le 28 juillet après les combats du bois Le Prêtre, au cours desquels Chemin avait racheté, par sa vaillante conduite devant l'ennemi, la faute qu'il aurait pu commettre le 23 juin au combat de la Fontenelle ;

Attendu, d'autre part, que père de cinq enfants, versé dans le service auxiliaire, récemment récupéré dans le service armé, allant au feu pour la première fois, Chemin était un débile mental, illettré, à l'éducation militaire rudimentaire, qui aux termes d'un rapport déposé au cours de l'instance en révision par M. le docteur Aymes, médecin psychiâtre, avait perdu le contrôle de lui-même, en raison des circonstances ;

Attendu, au surplus, que les précisions fournies par les témoins entendus par la cour spéciale de justice militaire établissent que Chemin a pu se méprendre sur l'étendue et sur l'exécution d'une consigne qu'il aurait précédemment reçue de garder les sacs, lorsque sa compagnie était engagée dans le combat. Qu'ainsi, en admettant qu'il ait matériellement commis l'abandon de poste qui lui était reproché, un doute subsiste sur la volonté qu'il a eue de le commettre, et comme conséquence, il ne saurait en être pénalement responsable ;

Annule le jugement déféré, déclare Chemin (Edouard) acquitté de l'accusation retenue contre lui, décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Et statuant sur les conclusions prises devant la cour, tendant à l'allocation, à titre de dommages-intérêts, à la veuve Chemin, de la somme de 50 000 fr., et à chacun de ses cinq enfants, de la somme de 10 000 fr.,

Attendu que ces derniers ne justifient que d'un préjudice moral pour lequel, eu égard aux circonstances de la cause, la publicité ci-dessus prescrite, constituera une réparation suffisante ;

Attendu, en ce qui concerne la veuve Chemin, que la cour possède les éléments suffisants pour fixer à la somme de 10 000 fr., le préjudice qui lui a été causé par la condamnation prononcée injustement contre son mari, Chemin (Camille) ;

Condamne l'Etat à payer à Grillet (Marie Louise), veuve Chemin, la somme de 10 000 francs ;

Dit que les frais de la publicité ordonnée par le présent arrêt, et les frais de l'instance en révision seront à la charge de l'Etat.

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier, Jumelet.



On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
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christophe lagrange
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par christophe lagrange »

Bonjour Guilhem,

Merci pour cette suite, et bravo :bounce: pour le travail de saisie. A moins que tu n'utilises un logiciel de reconnaissance de caractères ? En tout cas bravo pour l'initiative.
Ces hommes ont été réhabilités et les jugements affichés et publiés, donc il est légitime et juste de nous permettre de les lire aussi.
A suivre....
Amicalement :hello:
Christophe
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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonsoir à toutes et à tous,

Christophe :hello: : pour ce qui est du travail de saisie, pas de reconnaissance de caractères, mais j'ai la chance de pouvoir taper de mes dix doigts sans les regarder... j'en profite... par contre, il ne faut pas s'étonner parfois de voir des coquilles ou des grosses fautes d'ortographes dans mes messages, je relis rarement, et lorsque je le fais, je me fais peur...

Eric :hello: : je ne connais pas le bouquin dont tu parles et ne l'ai donc jamais eu entre mes mains, je ne peux donc te répondre. Les cas que je vais retranscrire sont ceux qui ont été réhabilité par la cour spéciale de justice militaire en 1934 et 1935 et dont les décisions ont été transcrites dans le JO. D'après le général Bach (fusillés pour l'exemple, Paris, Tallandier, 2003 pages 522 et 523 ) 96 requêtes furent déposées devant cette juridiction dont 35 furent rejetées. "Les cas de 32 condamnés à mort furent examinés, qu'ils aient été exécutés, condamnés par contumance ou bien bénéficiaires d'une commutation de peine, voire qu'ils se soient évadés avant leur exécution". Tu trouveras le détail année par année (non nominatif) dans son bouquin.

Eric, la Tête des Faux est sous la neige, non ? ;)

Amicalement

Guilhem



Affaire Alexandre CREMILLEUX soldat au 61e régiment d'infanterie, fusillé le 16 octobre 1914.


Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 9 décembre 1933,
La cour composée conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

Président
M. Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris ;

Membres.
MM. Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
Randon, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933
M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement
M. Boiron, adjudant-chef commis greffier,

S'est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l'effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 15 octobre 1914, par le conseil de guerre de la 30e division d'infanterie, ayant condamné le nommé Cremilleux (Alexandre), fils de Henri et de Fany Fourel, né le 20 octobre 1880, à Salillieu (Ardèche), cultivateur, domicilié à Annonay, à la peine de mort et à la dégradation militaire, pour refus d'obéissance et abandon de poste en présence de l'ennemi.

La cour spéciale de justice militaire,

Vu le précédent arrêt de cette cour en date du 4 novembre 1933, déclarant recevable en la forme la requête de la veuve Cremilleux, tendant à la révision du jugement du conseil de guerre de la 30e division d'infanterie qui a condamné le 15 octobre 1914, son mari, le soldat Cremilleux (Alexandre), du 61e rég. d'infanterie, à la peine de mort et à la dégradation militaire pour refus d'obéissance et abandon de poste en présence de l'ennemi ;

Vu les pièces produites ;

Après avoir entendu à l'audience publique de ce jour les témoins Ristorcelli (Antoine) et Ballet (Pierre)

Ouï M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M° Loyet, avocat à la cour de Lyon, en ses observations à l'appui de la requête ;

Après en avoir délibéré en chambre du conseil conformément à la loi,

Statuant au fond,

Attendu que, dans la matinée du 23 septembre 1914, le sergent Dauvergne du 61e rég. d'infanterie, aujourd'hui décédé, dont la section était déployée en tirailleurs au bois de Cheppy, à la cote 204 voyait l'un de ses hommes, le soldat Cremilleux (Alexandre), quitter sa place et se porter en arrière, lui faisait signe de retourner à son poste ; que le soldat Cremilleux faisait demi-tour puis disparaissait, le redoublement d'intensité du bombardement des mitrailleuses allemandes n'ayant pas permis à son chef de section de le suivre des yeux ;

Attendu que le lendemain, Cremilleux se trouvait à l'hôpital d'évacuation n°6 où le médecin aide-major de 1re classe Noctou, qui l'examinait, constatait un arrachement total de la phalangette de l'index de la main gauche avec liseré noirâtre sur la face palmaire semblant provenir de la déflagration de la poudre ; qu'il estimait que cette blessure présentait le caractère de plaie produite par un coup de feu tiré à bout portant ;

Attendu que, déféré au conseil de guerre de la 30e division d'infanterie sous l'inculpation de refus d'obéissance et d'abandon de poste devant l'ennemi, le soldat Cremilleux expliquait qu'il avait été blessé à la main gauche par un obus qui avait éclaté à ses côtés ;

Attendu que le docteur Revel, médecin major de 2e classe, commis par le conseil de guerre, à l'effet de dire si la blessure était due à une mutilation volontaire, concluait le 13 octobre 1914, que l'aspect de la blessure était banal et qu'il lui était impossible de dire au moment de son examen s'il s'agissait d'un cas de mutilation volontaire ;

Attendu que, dans ces circonstances de fait, Cremilleux a été reconnu coupable à l'unanimité de refus d'obéissance et d'abandon de poste en présence de l'ennemi ; qu'il a été condamné à la peine de mort et passé par les armes le lendemain ;

Attendu qu'il apparaît des pièces du dossier que pour condamner le soldat Cremilleux, le conseil de guerre s'est fondé sur le rapport du docteur Noctou et sur la déposition du sergent Dauvergne ;

Mais attendu que les conclusions du rapport médical n'établissant pas avec certitude la mutilation volontaire, les explications fournies par Cremilleux sur l'origine de sa blessure étant d'ailleurs confirmées par les dépositions de Billiet (Pierre), de Leveque (Edouard) et de Souche (Jules), alors même qu'il ne soit pas possible de dire si la blessure a été occasionnée par un éclat d'obus, par une balle de fusil ou de mitrailleuse, le blessé lui-même ayant très bien pu ne pas s'en rendre compte ;

Attendu, d'autre part, qu'il importe de retenir la déposition du commandant de la compagnie, le lieutenant Ristorcelli, dont rien ne permet de douter de la sincérité, qui, confirmant devant la cour de justice ses précédentes dépositions des 18 juillet 1929 et 26 janvier 1932, a déclaré que la violence du bombardement et du feu des mitrailleuses allemandes avait pu empêcher le sergent Dauvergne de s'assurer si le soldat Cremilleux était blessé, qu'il pouvait se faire que celui-ci n'ait pas compris ou entendu les ordres de son chef de section et qu'une fâcheuse erreur du sergent Dauvergne avait été la cause de la condamnation de Cremilleux, soldat dévoué et courageux ;

Attendu que, dans ces conditions, l'innocence de Cremilleux étant établie, il y a lieu d'annuler la condamnation du conseil de guerre,

Déclare Cremilleux (Alexandre) acquitté de l'accusation soutenue contre lui ;

Décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Et statuant sur les conclusions prises devant la cour, par la veuve Cremilleux aux fins d'allocation d'une somme de dix mille francs prévue à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la condamnation prononcée injustement contre Cremilleux a causé à sa veuve un préjudice dont il lui est dû réparation ; que la cour possède les éléments pour en fixer l'importance,

Condamne l'Etat à payer à la veuve Cremilleux, la somme de dix mille francs, à titre de dommages-intérêts ;

Dit que les frais de la publicité ci-dessus prescrite et les frais de l'instance en révision seront à la charge du Trésor.

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent décret a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier, Boiron.



On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
Alain ORRIERE
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Alain ORRIERE »

Bonjour a tous

Autre livre

Quand on fusillait les innocents par
HENRY ANDRAUX
Actuellement en vente a la librairie DUCHENE

Bonne journée a tous
ORRIERE Alain
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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonsoir à toutes et à tous,

Eric, monte-au-creneau (???) et Alain, un grand Merci pour toutes ces références et informations.

Eric, certains y sont d'autres non. Voici la liste de ceux que j'ai trouvé dans le JO. A moins, d'un oubli, je pense qu'ils y sont tous (ceux dont le jugement rendu durant la guerre a été cassé par une décision de la cour spéciale de justice militaire) Pour les autres, sais-tu s'ils ont été réhabilités. Si oui, c'est sûrement par la cour de cassation. Les arrêts sont aussi dans le JO, mais là, pour les trouver, c'est un sacré boulot, car éparpillés sur plusieurs années...

Bourcier / Chemin / Cremilleux / Gabrielli / Inclair / Laurent / Loche / Maupas, Lefoulon, Lechat, Girard / Morange, Baudy, Fontanaud, Prebost / Moreau, Lecocq / Pollet / Souchon / Vincent.

14 dossiers.

L'affaire sur les hommes du 15e CA a été traitée par la cour de cassation, publiée dans le JO du 20 octobre 1918 (page 9124).

Amicalement

Guilhem



Affaire Joseph GABRIELLI soldat au 140e régiment d'infanterie, fusillé le 14 juin 1915.


Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 4 novembre 1933,
La cour composée conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

MM.
Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris, président
Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
Randon, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933
M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement
M. Boiron, adjudant-chef commis greffier,

S'est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l'effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 14 juin 1915, par le conseil de guerre spécial du 140e rég. d'infanterie, ayant condamné le nommé Gabrielli (Joseph), fils de Jules-Paul et de Brigitte Janoné, né le 6 novembre 1895, à Piétra-Serra (Corse), cultivateur, domicilié à Piétra-Serra (Corse), soldat au 140e rég. d'infanterie, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi.

La cour spéciale de justice militaire,

Statuant sur la requête en date du 1er juin 1933, par laquelle le sieur Gabrielli (Jules Paul), demeurant 10 rue Daviel, à Paris (13e), demande, en vertu des dispositions de la loi du 9 mars 1932, la réformation du jugement du conseil de guerre spécial du 140e rég. d'infanterie, qui a condamné, le 14 juin 1915, son fils, le soldat Gabrielli (Joseph), dudit régiment, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi, par application de l'article 213 du code de justice militaire ;

Vu la procédure soumise au conseil de guerre,

Vu le complément d'enquête du commissaire du Gouvernement près le conseil de guerre de la 11e région, à la suite d'une précédente requête en révision.

Vu les pièces de l'information à laquelle il a été procédé, en exécution d'un arrêt de la chambre des mises en accusation de Rennes du 12 mai 1917,

Vu l'arrêt en date du 6 juillet 1928 de la chambre criminelle de la cour de cassation rejetant la demande de réformation formée par le frère du condamné,

Vu les pièces produites ;

Ouï M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M°Berthon, avocat à la cour, M. Gabrielli frère, représentant le demandeur en révision, dans leurs observations à l'appui de la requête ;

Après en avoir délibéré en chambre du conseil conformément à la loi,

Sur la recevabilité,

Attendu que la demande rentre dans les termes de l'article 1er de la loi du 9 mars 1932, qu'elle a été introduite dans le délai légal, la précédente requête en réformation du jugement susvisé formé par arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 6 juillet 1928.

Au fond :

Attendu qu'il résulte d'un rapport de l'aspirant Desvignes, que le 13 juin 1915, à 16h10, en visitant le dépôt du matériel de Coloncamps, il a aperçu le soldat Gabrielli (Joseph), du 140e régiment d'infanterie, dissimulé à l'entrée de la cave d'une maison attenant au dépôt ; que ce militaire ne put fournir aucune explication de sa présence en ce lieu, où, d'après ses dires, il se trouvait depuis deux jours ;

Attendu que Gabrielli avait été signalé par son caporal d'escouade comme manquant à l'appel dans la matinée du 8 juin au moment où sa compagne allait être engagée dans le combat ;

Attendu qu'interpellé par la prévôté, il déclara tout d'abord que depuis le 7 juin il avait pris part à plusieurs attaques, qu'au cours de l'une d'elles il s'était trouvé isolé et qu'en cherchant en vain sa compagnie, il était descendu dans la cave où il a été découvert ;

Attendu qu'interrogé le lendemain 14 juin par le commissaire du Gouvernement, il prétendit qu'un obus avait éclaté près de lui et qu'il ne se rappelait plus de rien ;

Attendu que traduit sur-le-champ devant le conseil de guerre spécial, Gabrielli a été déclaré coupable d'abandon de poste en présence de l'ennemi, à la majorité de deux voix contre une, et condamné à la peine de mort, qu'il a été passé par les armes dans la soirée du même jour ;

Attendu que les faits qui ont motivés la condamnation ne peuvent être discutés dans leur matérialité, et que la demande en réformation soumise à l'examen de la cour est basée principalement sur la dépression physique et morale de Gabrielli, au temps de l'action ;

Attendu que les renseignements fournis à la cour spéciale de justice militaire établissent que Gabrielli était illettré, s'exprimant mal en français, simple d'esprit, et débile intellectuel reconnu, dont la volonté était complètement annihilée par les évènements ; que jeune soldat de la classe 1914, il avait été fortement commotionné par les violents bombardements auxquels il avait assisté pour la première fois ;

Que tout concourt à démontrer qu'en quittant sa compagnie dans la matinée du 8 juin vraisemblablement malade à ce moment, il n'avait pas conscience de ses actes et que débilité intellectuelle affirmée par le médecin de son village et par le capitaine de sa compagnie, était exclusive de responsabilité pénale au sens de l'article 64 du code pénal ;

Qu'il s'ensuit que la réformation du jugement attaqué s'impose

Pour ces motifs :

La cour annule le jugement du 14 juin 1915 ;

Déclare Gabrielli (Joseph) acquitté de l'accusation retenue contre lui ;

Décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Dit que les frais de la publicité ci-dessus prévue, ainsi que les frais de l'instance en révision resteront à la charge de l'Etat,

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent décret a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier, Boiron.



On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
Alain ORRIERE
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Alain ORRIERE »

Bonjour a tous

Autre reference

SOUS LES BALLES FRANCAISES
Par HENRY ANDRAUD
Les crimes des cours martiales
CHAPELANT
DAUPHIN
MARCEL
TURGIS
WATERLOS

Edition du journal la montagne
HENRY ANDRAUD a beaucoup fait pour re-habiliter ces fusillée
dans les années 1930 (il etait deputé du PUY DE DOME si ma mémoire est bonne)
Bonne journée a tous
ORRIERE Alain
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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonsoir à toutes et à tous,

Merci beaucoup Alain pour cette nouvelle référence. :hello:

Voici donc un nouveau dossier

Amicalement

Guilhem


Affaire Fernand INCLAIR soldat au 30e régiment d'infanterie, fusillé le 12 septembre 1914.


Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 20 janvier 1934,
La cour composée conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

Président.
M. Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris,

Membres.
MM. Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
La Treille, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933
M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement
M. Jumelet, capitaine greffier près ladite cour,

S'est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l'effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 11 septembre 1914, par le conseil de guerre temporaire de la 28e division d'infanterie, ayant condamné le nommé Inclair (Fernand Louis), fils de Henri et de Seletti (Rosine), né le 28 juillet 1893, à Sallanches, arrondissement de Bonneville (Haute-Savoie), résidant avant son entrée au servie à Sallanches (Haute-Savoie), à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi.

La cour spéciale de justice militaire,

Vu le précédent arrêt de cette cour en date du 27 mai 1933, déclarant recevable en la forme la requête présentée par Inclair (Joseph) demeurant à Sallanches (Haute-Savoie), aux fins de révision du jugement rendu le 11 septembre 1914, par le conseil de guerre temporaire de la 28e division d'infanterie qui a, à la majorité de quatre voix contre une, reconnu son frère, Inclair (Fernand Louis), soldat au 30e régiment d'infanterie, coupable d'abandon de poste en présence de l'ennemi, et l'a condamné à la peine de mort, jugement qui a reçu son exécution le lendemain, 12 septembre ;

Vu les pièces de l'information à laquelle il a été procédé en exécution de l'arrêt susvisé de cette cour ;

Vu la procédure soumise au conseil de guerre, et les pièces produites,


Statuant au fond :

Après avoir entendu M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M°Gabrielli, avocat à la cour, au nom du demandeur, en ses moyens, à l'appui de la requête, et en avoir délibéré en chambre du conseil, conformément à la loi ;

Attendu que le conseil de guerre, saisi par voie de citation directe, a statué sur le vu d'une note écrité au crayon par le capitaine Cavard, adjoint au colonel commandant le 30e régiment d'infanterie, qui mentionne, dans cette note, que le 6 septembre 1914, vers dix-sept heures, la 3e compagnie de son régiment a été prise sous une rafale d'artillerie, au col de la Cense de Grand-Rupt, et que le lendemain matin à six heures trente, il a remis à la gendarmerie le soldat Inclair, de cette compagnie, qu'il a retrouvé dans une maison isolée, et qui lui a déclaré avoir perdu sa compagnie, à la suite du bombardement de la veille ;

Attendu qu'interpellé, d'abord par le gendarme Cadays, puis interrogé par l'officier rapporteur près le conseil de guerre, le soldat Inclair a maintenu cette explication, en la complétant toutefois, et en précisant, qu'en raison des ravages considérables causés par l'artillerie ennemie, sa compagnie, au repos, avait reçu l'ordre de se replier, et que les hommes s'étaient enfuis dans les bois environnants, se dispersant de tous côtés ;

Attendu que, sans recueillir la déposition du capitaine Cavard, ou celle d'autres témoins, et sans autre mesure d'information, le conseil de guerre, à la majorité de quatre voix contre une, a retenu la culpabilité du soldat Inclair du chef d'abandon de poste en présence de l'ennemi ;

Mais attendu qu'au cours de l'information présente par la cour spéciale de justice militaire, le gendarme Cadays, bien que n'ayant conservé aucun souvenir de l'arrestation du soldat Inclair, a précisé néanmoins, qu'à l'époque des faits, à la suite des bombardements intenses de l'ennemi, plusieurs unités avaient été dispersées, et que la prévôté avait retrouvé un grand nombre de militaires isolés ;

Attendu, d'autre part, que le capitaine Cavard, dont les souvenirs ne sont pas davantage précis, a cependant, au cours de sa déposition devant la cour, confirmé l'intensité du bombardement ennemi, ayant dispersé diverses unités, et a indiqué que la note écrite par lui, et extraite d'un carnet de poche, relatait simplement l'explication du soldat Inclair, qu'il importait de vérifier, au lieu de saisir directement le conseil de guerre, sans même consulter le chef de corps ;

Attendu que dans ces circonstances de fait, rien ne contredisant les explications fournies par Inclair, soldat brave et courageux, la culpabilité n'est pas étéblie, et la condamnation prononcée ne peut être maintenue ;

Annule le jugement rendu le 11 septembre 1914, condamnant le soldat Inclair (Fernand) à la peine de mort ;

Déclare Inclair (Fernand) acquitté de l'accusation retenue contre lui ;

Décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Et, statuant, tant sur les conclusions prises devant la cour, par Inclair (Joseph), frère de Inclair (Fernand Louis), que sur la demande en intervention de dame Guer (Séraphine), née Inclair, sœur de Inclair (Fernand Louis) demeurant à Sallanches, aux fins d'allocation de dommages et intérêts à leur profit ;

Déclare recevable l'intervention de dame Guer (Séraphine)

Mais attendu que l'article 9 de la loi du 9 mars 1932 dispose que les dommages intérêts ne peuvent être accordés qu'au condamné ou à son conjoint ou à ses ascendants ou descendants ;

Dit n'y avoir lieu à allocation de dommages intérêts ;

Dit que les frais de la publicité ci-dessus prescrite, et les frais de l'instance en révision resteront à la charge de l'Etat,

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier, Jumelet.



On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
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