Coup de folie chez les tirailleurs sénégalais

[Eric Mansuy]

Bonjour à tous,

Un événement mentionné dans le Mémorial de la Gendarmerie – Livre d’Or 1918, a attiré mon attention. Je vous recopie ces deux paragraphes.

« COLLET. Chef de brigade de 4e classe à la 15e Légion bis de gendarmerie.
A fait preuve, le 28 août 1917, du plus grand courage et du plus grand sang-froid en se lançant à la poursuite d’un soldat sénégalais atteint de folie, armé de son fusil, qui s’était réfugié la veille dans des fourrés après avoir tué deux sous-officiers. Un des gendarmes sous ses ordres étant atteint d’une balle à la tête, n’en a pas moins continué sa poursuite et a essuyé lui-même, à courte distance, un coup de feu qui roussit la manche de sa vareuse. Arriva à repérer le refuge du soldat révolté que ses camarades finirent par abattre (citation à l’ordre de la prévôté des Etapes, force publique de Salonique, le 12 janvier 1918). »

« BARRET. Gendarme au Boulou (Pyrénées-Orientales).
A fait preuve, le 28 août 1917, du plus grand courage et du plus grand sang-froid en secondant de tout son pouvoir son chef de brigade dans la poursuite d’un soldat sénégalais atteint de folie, armé de son fusil, qui s’était réfugié dans des fourrés après avoir tué deux sous-officiers. Un de ses camarades ayant été atteint d’une balle à la tête, ne s’est pas laissé détourner de sa mission et est arrivé, avec son chef de brigade, à repérer le refuge du soldat révolté que ses camarades finirent par abattre (citation à l’ordre de la prévôté des Etapes, force publique de Salonique, le 12 janvier 1918). »

Quelqu’un parmi vous saurait-il à quel bataillon appartenait ce « soldat sénégalais atteint de folie » ? En outre, il est étonnant de s’apercevoir que les faits mentionnés ne semblent pas avoir été rares durant l’été 1917, puisque j’ai déjà rencontré deux autres occurrences en Meurthe-et-Moselle.

Merci d’avance pour toute piste.
Bien cordialement,
Eric Mansuy

[Yans83]

Bonjour Éric

Nos recherches se recoupent puisque l'un des deux morts de cet épisode fait partie de mes soldats hyérois ! J'avais ainsi découvert les circonstances de sa mort. Le tirailleur était du 95° BTS et cela a lieu en Serbie, à Iven.
En effet, mon gars était le sous-lieutenant Charles ROUSSEL, officier de détail né en 1868, la seconde victime est le caporal cordonnier Louis TEILLARD né en 1878. Ce coup de folie meurtrier est relaté dans le JMO. Le tirailleur s'appelle Ibrahima Konaté. Le JMO ne précise pas ce qu'il advint de lui, c'est vous qui venez de me le révéler. c'est ce que l'on peut nommer un échange d'information bien venu !
Cordialement
Yannis

[Eric Mansuy]

Bonjour Yannis,

Merci beaucoup pour ces éléments. Peut-être serait-il possible, si d'aucuns connaissent d'autres événements de ce type, d'enrichir ce "fil" ?

Bien cordialement,
Eric Mansuy

[Yans83]

Re
Dans le Verdun de Péricard, j'ai souvenir qu'est transcrit le témoignage de Raymond Theurat, alors au 112° RI, qui relate un cas similaire. Il déclare qu'un caporal devenu subitement fou abat quatre de ses camarades avant d'être à son tour abattu sur ordre des officiers.
Cordialement
Yannis

[chanteloube]

bonjour,
Il y a, il me semble, dans les NMPLF un certain nombre de cas similaires et plusieurs cas de meurtres entre soldats. Ils seront accessibles à tous lorsque le fichier sera rendu public. A bientôt cc

[Ex 18 Dragons]

Bonjour à tous

Il est fort probable que ces soldats d'A.O.F ou d'A.E.F, aient mal supporté ce déracinement dans un environnement aussi dramatique et sous un climat éprouvant. De ce fait, il est normal que certains "aient pété les plombs".
Il y a un souvenir, que mes grands-parents racontaient, qui me revient en mémoire : durant la guerre, le lycée de Talence (33) avait été transformé en hôpital de l'arrière, afin d'accueillir nombre de blessés. Un jour, un tiraiileur africain, s'est enfui du-dit hôpital et s'est terré dans des taillis épineux, dans lesquels, il replongeait dés qu'un habitant du coin le voyait. Je ne connais pas la fin de l'histoire, mais cela confirme bien la "fragilité" de certains de ces déracinés.

Cordialement.
Jean Pierre

[Gim11]

Bonjour à tous
Ces "coups de folie" pouvaient toucher certains soldats prédisposés, qui avaient des armes à leur portée, quelle que soit leur origine d'ailleurs.
J'ai deux exemples de médecins qui ont péri sous les coups de feu de forcenés:
Le Docteur Jules Laurent, dans l'artillerie: Voici un extrait de sa biographie:
"...C'est alors que survient le 9 juillet 1916 le drame où Jules Laurent va perdre la vie, à l'âge de 34 ans, tué par un malade ayant perdu la raison. Sa mort est décrite par son épouse dans une lettre au doyen de la faculté de médecine: « …il fut tué par un canonnier français devenu fou qui lui déchargea trois balles de revolver à bout portant le 9 juillet 1916 à Ville-sur-Cousance (Meuse) et mourut deux heures après l’accident des suites de ses blessures à l’ambulance 15/15 du même lieu. Il fut fait chevalier de la légion d’honneur sur son lit d’agonie avec la citation suivante comportant la croix de guerre avec palme : « Laurent Jules, Médecin aide major de 1ère classe de réserve du parc d’artillerie d’un corps d’armée (19ème régiment, 15ème corps d’armée). A été nommé dans la légion d’honneur au grade de chevalier : Médecin Major de haute valeur morale et professionnelle, d’un zèle et d’un dévouement au dessus de tout éloge. A été très grièvement blessé dans l’accomplissement de ses devoirs ». Il s'agit d'une citation à l'ordre de l'armée du 28 août 1916, l'arrêté de nomination dans l'ordre de la légion d'honneur datant du 19 août, pour prendre rang au 8 juillet..."
Le Docteur Gaston Perret, qui était psychiatre et médecin de bord de la Medjerda fut aussi tué dès le 6 août par un militaire devenu fou. Son cas est cependant particulier, puisqu'il n'était pas encore incorporé. Je n'ai pas retrouvé sa fiche de registre matricule. Voici un extrait de sa biographie:
"Le 6 août, la Medjerda quitte Philippeville à 8 heures. Elle rejoint l'escadre qui comporte sept autres bâtiments.
Gaston Perret est médecin du bord. Dans la nuit du 6 au 7 août 1914 survient le drame qui va lui faire perdre la vie. Le journal des marches et opérations de la 37ème division relate l'évènement: « Nuit du 6 au 7 août: le lieutenant Blanc, de l'état major de l'artillerie, pris subitement d'un accès de folie, tue deux hommes de l'équipage de la Medjerda, blesse grièvement l'officier d'administration Garnier (de l'hôpital militaire de Constantine) et un homme de l'équipage. Le lieutenant Blanc est abattu pour faire cesser le danger. » Le 7 août, « la Medjerda aborde Ajaccio à 12h30 et dépose à l'hôpital Monsieur l'officier d'administration Garnier ainsi que les corps des trois décédés. » Parmi les tués figure donc Gaston Perret. La Medjerda atteindra Marseille le lendemain. Le navire continuera son service de transport de troupes et sera torpillé le 11 mai 1917.
On lit plus tard dans les Annales médico-psychologiques, sous la rubrique « le martyrologie de la psychatrie » la note suivante: Un médecin tué par un aliéné . On lit dans le Marseille Médical (numéro du 1er septembre 1914) :
« M. le Dr Gaston Perret, médecin à bord du vapeur Medjerda, est – indirectement – une des premières victimes de la guerre actuelle. Le navire à bord duquel il exerçait ses fonctions avait été affecté à un transport de troupes d’Algérie en France; pendant la traversée, un officier fut subitement atteint de folie; tandis que notre confrère se hâtait de lui apporter ses soins professionnels, le malheureux dément l’abattit d’un coup de revolver »
Ainsi Gaston Perret n'était pas encore incorporé lorsqu'il trouva la mort en rejoignant la métropole. Il n'apparaît donc pas sur le fichier des morts pour la France. Il n'est pas mentionné sur le livre d'or des médecins morts pour la patrie. Il est néanmoins l'une des premières victimes de la guerre et figure à ce titre sur la plaque commémorative de la faculté de médecine où son nom a été cependant rajouté secondairement."
Cordialement

[alpin38]

Bonjour à tous
Le Docteur Gaston Perret, ....... Ainsi Gaston Perret n'était pas encore incorporé lorsqu'il trouva la mort.

Bonjour,

Le docteur PERRET est né le 7 février 1887 à Moirans (Isère)
Sa fiche matricule est aux AD38, (N° Mat 157/1907) son état-civil exact est CHOSSUT-PERRET Aimé Gaston Joseph.

Cette différence de nom m'a fait beaucoup chercher......

Elle ne donne que peu d'informations.
DECISION DU CONSEIL DE REVISION
- Classé 5ème partie de la liste 1908.
- Exempté en 1909

DETAILS DES SERVICES ET MUTATION DIVERSES
- Inscrit N° 9 sur la liste de Rives
- Décédé le six août 1914 à bord du Medjerda (Avis de la Mairie de Moirans du 24/04/15).


J'ai toujours pensé qu'il n'était pas militaire lors de son décés mais mèdecin du bord. Quel était exactement son statut ?
Il n'a pas de fiche MDH mais il a une fiche de N-MPLF au nom de CHOSSUT-PERRET.

Son nom est inscrit sur les MAM de Moirans et de Saint Jean de Moirans avec le nom de PERRET Gaston.
La tombe de sa famille se trouve à Saint Jean de Moirans (j'ai fait la photo cette semaine).



Cordialement.

[Gim11]

Bonjour Alpin38, bonjour à tous
Merci pour ces précisions. Gaston Perret était effectivement médecin du bord et faisait partie de l'équipage. Je n'en sait pas davantage cependant sur son statut militaire. Si je comprend bien il était exempté et aurait sans doute été revu par la commission de réforme s'il avait connu un autre destin. Je vous contacte en MP.
Cordialement

[bruno17]

Bonjour,
Moins loin dans le temps, dans les années 50, mon père en partance sur un cargo pour la guerre d’Indochine, se souvenait avoir vu deux tirailleurs sénégalais plonger par-dessus bord à la vue d’une côte. Les deux types avaient été rattrapés avant qu’ils n’atteignent le bord et mis aux arrêts. On peut imaginer dans quel désarroi pouvaient se trouver certains de ces soldats africains pour être prêts à risquer leur vie en mer et de plus, sans ne rien savoir de l’endroit où ils allaient mettre les pieds !
Cdlt
BB