Quand j'y suis allé, ils y étaient donc encore ...
Je croyais le mont Cornillet dans l’enceinte du camp militaire de Moronvilliers.
Peut-on y accéder librement ? (non pas au tunnel, mais aux trois monts, Cornillet, Blond et Haut)
Bonjour,
Puisque cela remonte au début des années 70, il y a prescription ! Mais à ma souvenance, s'il était bien indiqué de ci - de là que le terrain était militaire, la route qui traversait restait civile, et rien ne semblait s'opposer à la promenade. Je ne suis pas "rentré", je n'étais pas équipé, mais j'ai "foulé" le mont. (Et comme je l’ai déjà raconté, à l’époque, quand je trouvais, je regardais et je reposais ….après, ( là ou ailleurs) il y avait bien trop de monde pour un pèlerinage.
Cordialement
Alain
"... sur une civière un officier est étendu , il a les deux jambes prises dans des gouttières, il avait été transporté là dans l'attente d'une évacuation prochaine; le visage convulsé, la tunique largement déboutonnée, marquant la lutte inutile contre l'asphyxie . Plus loin 2 mitrailleuses munies de leurs cache-flammes; l'une supporte un allemand vautré sur elle, les deux bras ballants; des caisses de munitions jonchent le sol . Quelques mètres encore et nous sommes au centre d'un carrefour, une galerie transversale coupe le couloir médian, le Décauville jette un embranchement à droite; à gauche une couverture tendue cache l'entrée, la couverture soulevée donne accès à deux pièces fermées, l'une, la première porte l'inscription " tunnel Commandant" , l'autre ouvre sur un dépôt de munitions et de vivres ..."
( Au Fort de la Pompelle, on voit un Minenwerfer léger récupéré dans le tunnel lors des fouilles des années 70 . J'aimerais savoir si les allemands ont fait un musée avec le matériel récupéré qu'ils ont emmené chez eux .... ) .
" ... Dans le PC du commandant du tunnel, nul cadavre, nul désordre; au mur, accrochée, la tunique de l'officier supérieur laisse voir, épinglée au dessus de la ceinture, à gauche, l'émail de la Croix de fer de 1ère classe, qui fait une tache claire sur le gris terreux de l'uniforme; dans une saccoche, des papiers; sur une table, des papiers encore, des cartes, des notes, des jumelles; la chaise par terre montre la fuite précipitée de l'officier, du chef de la garnison qui, sans prendre le temps d'endosser la tenue et muni du seul révolver, aura fui; son corps est sans doute sous un amoncellement de poutres; si près du point où notre obus a éclaté, l'asphyxie l'aura surpris l'un des premiers .
Le dépot de munitions et de vivres contient des grenades en nombre considérable mais aussi en larges quartiers de porc, des jambons, des conserves, de vastes approvisionnements de sucre et des bouteilles d'eau gazeuse qu'une bille de verre au goulot ferme hermétiquement .
Le tentation est bien forte : avant de reprendre leur cheminement par la galerie médiane, les voyageurs s'arrêtent et, dans le silence funèbre, deux bouteilles de sodas débouchées jettent le bruit de leur pacifique détonation; les flacons sont tôt vidés .
Peu d'obstacles pour arrêter la marche mais, par contre, l'atmosphère est plus lourde aux poumons, l'air très froid est chargée de cette odeur de la mort indéfinissable, qui prend les narines, vous glace et devient obsédante; dans les espaces libres, les deux majors précipitent leur marche mais, sur la droite, un couloir les arrête, une pancarte attire leurs regards " Sanitäs Verstellung " : les voici chez eux et leur curiosité professionnelle sera satisfaite : le poste de secours occupe une longueur de 15 mètres, sur une largeur de près de 4 mètres; il est judicieusement ménagé, huit châlits en occupent une partie, des civières sont rangées le long des murs; dans des casiers des flacons pharmaceutiques, de l'ouate en abondance, sur une table des seringues plus ou moins remplies de liquide, par terre et dans des caisses des ampoules à profusion contenant plus de 2000 doses de sérum antitétanique, des fiches d'évacuation dont la couleur différente indique l'état de gravité du malade; des ballons d'oxygéne, des appareils respiratoires, encore des bouteilles de limonades et des sodas. Le désordre est extrême et les corps sont nombreux etendus sur les châlits, sur les brancards ou sur le sol; tous ne sont pas morts, un soldat demande à boire : Forestier lui met à la bouche une bouteille, l'eau gazeuse le rafraîchit, il ouvre les yeux, interroge : Wie viel Uhr ist es ? ( quelle heure est-il ? ) .
On le secoue, on l'oblige à se lever, avec hésitation d'un homme ivre, il marche; chez cet enfant de 17 ans ( il a donné son âge ), l'intoxication n'a produit qu'un assoupissement et une extrême faiblesse, mais il vivra. Un autre, la jambe brisée geint, il est actuellement intransportable ; au cours d'une seconde exploration le docteur Lumière viendra le chercher . Par contre un grand nombre de brancardiers, le brassard de la Croix Rouge au bras, sont étendus sans mouvements : l'asphyxie à fait son oeuvre ... "
" ... Précédés du prisonnier qui les guide, les deux majors, traversant le poste de secours, regagnent pour la troisième fois la galerie médiane et trouve à cinquante mètres un puissant ventilateur à bras et plus loin l'ouverture d'un puits vertical d'aération; des ommes, espérant y trouver pour leurs poumons en feu l'air et la vie, sont venus mourir auprès du coffrage du puits, car, par la cheminée étaient descendus les gaz asphyxiants des obus spéciaux qui martelaient le tunnel .
L'atmosphère est encore chargées d'émanations toxiques; on ne peut se maintenir; continuer la route serait d'un inutile courage; il faut revenir sur ses pas .
Par le couloir transversal, le prisonnier conduit ses deux sauveteurs à la galerie Ouest, la dernière à explorer; la marche est facile sous la conduite de l'allemand qui connait le tunnel. Peu d'obstacles; au passage, devant le corps étendu, parfois le prisonnier indique, en montrant du doigt " Offizier " . Mais,brusquement, une lueur vacillante arrête la troupe, auprès d'un homme accroupi quatre bougies sont allumées . L'allemand hèle son camarade qui lève la tête.. on s'approche, les bougies éclairent une face hébétée, le regard perdu; on met l'homme debout, il ne résiste pas et vient en titubant .
L'exploration touche à sa fin; la galerie reconnue dans son entier se termine en cul de sac . Il s'agit à présent de sortir . Comme au couloir médian, l'ouverture est bouchée par une véritable muraille de cadavres, par un amoncellement de pierres et de charpente; il faut quitter le tunnel comme on y est entré, gagner l'air libre en escaladant les corps entassés jusqu'à la voute et se faire un chemin .
Forestier et Lumière poussant leurs prisonniers reviennent ainsi au jour . Un soleil éclatant les accueille .... "
Les médecins retourneront dans le tunnel pour récupérer du matériel médical . Des soldats iront aussi chercher des vivres et des boissons . Ils trouveront encore quelques survivants . Puis les ouvertures du tunnel seront condamnées, transformant le tunnel en une immense nécropole . En 1973 un détachement de l'armée allemande aidé d'un détachement français vint exhumer les corps des soldats emmurés depuis 1917 .
Je remercie les correspondants du forum et qui ont ajouté des commentaires et des photos . Il y en a sûrement d'autres à ajouter .