Jardins ouvriers proches du front !

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Francois DARRIET
Messages : 23
Inscription : jeu. nov. 11, 2004 1:00 am

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par Francois DARRIET »

Bonsoir,
En relisant les lettres de mon AGP à son épouse, je constates que les unités engagées étaient plus ou moins heureuses lors de leurs affectations ; ci-dessous une anecdote fort étonnante qui semble anachronique le 30 janvier 1917 (secteur de Bourg et Comin au Sud du Chemin des Dames) :

"... la seule chose que je reconnaise à ce secteur, c'est qu'il est d'un calme absolu ; nous sommes à 2 kil des Boches et on n'entend pas le moindre coup de canon. Je comprends que le 18è Corps ait pu y passer 18 mois sans pertes et être heureux ; ils ne se sont jamais doutés de ce qu'était la guerre dans ce Corps là, et si on ne les avait pas amenés un peu à Verdun, ils auraient pensé que la guerre était une partie de plaisir. A 500 mètres de là où je suis il est construit des abris superbes avec jardins, barrières artistiques et même un kiosque à musique. Non c'est à vous dégoûter, de penser qu'il y en a qui comme nous triment sans cesser dans tous les mauvais secteurs et que ceux en qui on n'a pas confiance sont heureux comme des coqs en pates, dans les endroits sans dangers..."

Mes questions :
1- L'un d'entre vous a-t-il déjà entendu d'aménagements si "esthétiques" aussi proches du front ou est ce un cas isolé ?
2- qu'à fait le 18è Corps dans la Grande Guerre ? :lol:

Car en fina lça ne me choque pas que des unités à l'arrière puissent "s'occuper" mais le faire si proche du front :!: :shock:
A vous lire,
Merci. :wink:
Avatar de l’utilisateur
Stephan @gosto
Messages : 5598
Inscription : dim. oct. 17, 2004 2:00 am
Localisation : Paris | Chartres | Rouen
Contact :

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par Stephan @gosto »

Bonsoir François,

Effectivement le 18e C.A. est resté très longtemps dans ce secteur, comparativement à d'autres corps que l'on a "baladés" sans arrêt d'un bout à l'autre de la ligne de front, avec des stations prolongées dans des secteurs où les seuls jardinets que l'on trouvaient - et encore ! - étaient ceux que l'on plantait au pied des crois de bois... Il faut reconnaître qu'en ce sens ce corps d'armée a bénéficié de certaines périodes très calmes.

Cependant, j'ai la correspondance d'un gars du 18e C.A. et dans ses lettres, on peut lire que ce n'était tout de même pas une partie de plaisir tous les jours.

Et, effectivement, le C.A. fut envoyé à Verdun et s'y fit hacher de la belle manière. Mon poilu y resta, au bois de la Caillette.

Pour répondre à votre première question, les secteurs dits "calmes" furent nombreux - à des périodes différentes bien sûr. Verdun, par exemple, avant le 21 février était relativement tranquille ; idem pour les Vosges, en 17-18 (pardon Eric, mais tu sais bien que de toutes façons, il n'y a pas eu la guerre dans les Vosges... :wink: ). Certaines photos de l'Oise montrent également de très beaux jardinets, potagers, etc...

Amicalement,

Stéphan
Avatar de l’utilisateur
FICELLE
Messages : 278
Inscription : mar. mai 09, 2006 2:00 am

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par FICELLE »

Bonsoir,

En cette période de préparations de repas de fête où le gibier est souvent listé dans les menus.

Je me demandais si des écrits faisait mention de chassse ou de pêche.

Je lis dans le message ci-dessus que cela a été possible.

J'imagine que le gibier avait fuit la zone des combats et que les bouleversements du terrain avait modifié le cours des petites rivières à truites......

Mais si vous avez d'autres extraits qui confortent ces propos, pouvez-vous nous les faire partager.

Bon appétit.
Avatar de l’utilisateur
Jean-Claude Poncet
Messages : 1305
Inscription : lun. oct. 18, 2004 2:00 am

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par Jean-Claude Poncet »

Bonsoir,
Voici quelques traces de moments de répit, bien cordialement :

1°/Les décisions du colonel commandant le 118e RIT. à Verzenay (Marne)
17 octobre 1914
*Chasse interdite. – Le général gouverneur au § 1° du rapport de la place du 16 octobre rappelle que : « La chasse est interdite dans la zone des armées, aux militaires de tout grade aussi bien qu’aux personnes étrangères à l’armée. » Les sanctions les plus rigoureuses seront prises à l’égard des délinquants.
6 février 1916
*Chasse. – Un nouvel accident vient de se produire dans un régiment de la division où un homme a été blessé par une balle de fusil partie de la 3e ligne et tirée dans la direction de la 2e ligne. MM. les chefs de corps et commandants d’unité feront établir une surveillance très serrée entre les 2e et 3e lignes et entre la 3e ligne et les cantonnements pour empêcher les hommes de chasser et pour éviter des accidents aussi déplorables.
Il est rappelé en outre que tout délit de chasse, tout homicide ou toute blessure par imprudence conduiront les coupables devant le conseil de guerre et les exposeront aux peines les plus sévères.
2°/Mémoires inédits d’un médecin
Puis, nous repartîmes vers l’Est et, après quelques jours et quelques étapes, nous fîmes connaissance avec le peu séduisant camp de Mailly, nous cantonnions à Grandville. Pour ma part, je dus me contenter d’un brancard dans une misérable maison en torchis. Dans un petit ruisseau glacé, l’Huitrelle, je pris des bains et j’allai à la pêche aux écrevisses. Un jour, j’accompagnai deux officiers à Arcis-sur-Aube ; ils s’étaient procurés l’adresse d’une blanchisseuse, ils restèrent deux heures chez elle, sans doute pour faire laver leur mouchoir par une des collaboratrices de cette industrielle artisanale. Moi, je préférai arpenter la ville, occupation beaucoup plus hygiénique.
3°/Aspirant Caplet, correspondance inédite
Chef de section chargé de l’instruction d’une section de jeunes recrues au 113e RI. sur l’arrière front.
Affecté ensuite en unité combattante, sera tué le 20 juin 17 à la Ville-au-Bois étant sous-lieutenant affecté au 4e RI.
9 octobre 1915, lettre de l’aspirant Caplet, 9e Bon du 113e RI, Haute-Marne
Quant aux truites elles ne sont pas réglementaires. Je vous ai dit plus haut qu’il y a dans le patelin une petite rivière, l’eau y est claire et courante et la truite y abonde. Nous avons tendu des lignes et la pêche est assez fructueuse pour que nous nous régalions de temps en temps. Pour les repas nous touchons le vin à midi. Le soir nous le payons 0,60 le litre.
10 octobre 1915, id°
Je regarderai les sous-officiers faire leur pêche aux vairons qui servent à leur tour à amorcer leurs lignes pour la truite et je bouquinerai en fumant ma pipe en attendant le dîner. Ma journée s'écoule donc paisible et calme et je suis toujours le plus heureux des hommes, car je ne m'en fais guère ; je dois même engraisser.

JCP.

Avatar de l’utilisateur
Stephan @gosto
Messages : 5598
Inscription : dim. oct. 17, 2004 2:00 am
Localisation : Paris | Chartres | Rouen
Contact :

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par Stephan @gosto »

Bonsoir,

On retrouve de telles anecdotes dans la plupart des témoignages.

Sous la main, justement, je trouve celle-ci :

"Nos tranchées sont bien à un kilomètre des allemands. Dans la journée, chacun reste chez soi. La grande distraction est de tirer devant les tranchées les perdreaux qui sont abondants. je viens d'en voir tuer un ainsi à 80 mètres de nous par un brave sergent alsacien très adroit." (G. Le Ber, 10e Cie, 74e R.I.)

A noter que c'est dans ces mêmes tranchées (secteur de Thil-Chauffour, au nord de Reims) que des fraternisations importantes ont eu lieu en décembre 1914, quelques semaines auparavant. Un des motifs du rapprochement entre les français du 74e R.I. et les allemands qui leur faisaient face fut un lièvre abattu entre les lignes... qu'il fallait bien récupérer !

Le 7 juin 1916, à Dannemarie-sur-Saulx, un soldat du 74e (Henri H.) se tua accidentellement en pêchant à la grenade dans la Saulx...

Sinon, le menu du réveillon 1916 - il y a 90 ans tout pile - du 1er bataillon du 74e R.I. se trouve ici.

Amicalement,

Stéphan
ICI > LE 74e R.I.
Actuellement : Le Gardien de la Flamme

Image
Avatar de l’utilisateur
LABARBE Bernard
Messages : 3838
Inscription : mar. juil. 12, 2005 2:00 am
Localisation : Aix-en-Provence

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par LABARBE Bernard »

Bonjour,
Je découvre ce sujet déjà ancien.

"... la seule chose que je reconnaise à ce secteur, c'est qu'il est d'un calme absolu ; nous sommes à 2 kil des Boches et on n'entend pas le moindre coup de canon. Je comprends que le 18è Corps ait pu y passer 18 mois sans pertes et être heureux ; ils ne se sont jamais doutés de ce qu'était la guerre dans ce Corps là, et si on ne les avait pas amenés un peu à Verdun, ils auraient pensé que la guerre était une partie de plaisir. A 500 mètres de là où je suis il est construit des abris superbes avec jardins, barrières artistiques et même un kiosque à musique. Non c'est à vous dégoûter, de penser qu'il y en a qui comme nous triment sans cesser dans tous les mauvais secteurs et que ceux en qui on n'a pas confiance sont heureux comme des coqs en pates, dans les endroits sans dangers..."

Ah là là !... Tristesse... Faut se méfier de tout, lettres, témoignages, impressions, racontards...
Mais je vois que la lettre est du 30 janvier 17, et le 18ème CA avait quitté le secteur depuis 9 mois... Mais passons.
Je ne détaillerai pas ce que fut son parcours depuis le 23 août 14, ça me fatigue...
Après des combats acharnés de sept-oct 14 (Vauclerc, Corbény, Pontavert etc..) le CA s'est enterré. Parti de zéro tranchée il en a fait au fil du temps un secteur remarquablement fortifié et aménagé. Alors peut-être y a-t-il eu des jardins potagers à l'arrière des lignes, ou hors de la vue de l'ennemi, pourquoi pas ?
Certes il a échappé aux grandes offensives de 15, mais les 442 tués du 57ème durant la période (18 octobre 14 - 13 avril 16) ne sont pas morts d'explosions de choux et de haricots (les deux mélangés c'est redoutable). Je ne parle pas de la centaine et plus de suites maladies, ni des morts suites blessures de fin 14, ne pouvant déterminer à quelles dates ils ont été blessés.
Il faut ajouter ce "peu" aux 715 tués jusqu'au 18 oct 14 (là aussi sans compter les suites blessures).

Désolé je fais court... Ce serait trop long à raconter.
Cordialement,
Bernard


Avatar de l’utilisateur
vincent le calvez
Messages : 1335
Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par vincent le calvez »

Bonjour à tous,

Dans l'un des numéros de la Revue hebdomaire de janvier 1916, Henry Bordeaux relate le Noël 14 passé à Berry-au-Bac.

Il reprend une lettre du commandant P. (probablement le commandant Pineau du 2e bataillon du 28e RI) :

Mais c’est surtout dans le confort de la table que règne le luxe le plus éhonté : des verres en cristal taillé et de plusieurs services, de la porcelaine dorée, tout en or ! au moins trois couteaux et six couverts en argent, le tout varié de forme et de provenance. Notre éclectisme nous permet de manger dans douze assiettes de huit services différents. Nous avons même une nappe, ancien drap de lit promu.
Chauffage central, le dos au feu, le ventre à table, une bonne cigarette et nous sommes heureux.
Nos menus sont dignes de Rabelais, et chez Ledoyen lui-même on ne trouve pas de cuisinier meilleur que le mien, car il en sort. Les légumes frais abondent, cueillis sur place, dans nos jardins. Cependant, pour eux, il y a un petit inconvénient à se les procurer : il sont sous le feu, en avant de nos lignes, mais qu’est cela maintenant pour nos hommes ?
Je suis sûr que vous allez accabler de votre mépris cette soldatesque qui ne cherche ses satisfactions que dans les orgies de la table et du luxe. Suspendez votre jugement et dites-vous bien que c’est cela, le souci du confort matériel, qui marque le mieux actuellement la valeur morale de nos cadres et de nos hommes. Quand je vois une escouade qui, naturellement, d’elle-même, sans en avoir reçu l’ordre de personne, s’installe commodément, recherche ou se fait des assiettes, une table, des chaises, je suis sûre que cette escouade est bonne et bien commandée. Ils ne pensent ni au danger, ni à la mort : un obus arrive, ils sont furieux parce qu’un grain de sable a poivré leur soupe. Une plaisanterie, une ordure bien française quelquefois, et l’on continue. Ceux-là sont les bons.


Merci à Olivier qui m'a trouvé ce texte !!

Bonne journée

Vincent
Avatar de l’utilisateur
LABARBE Bernard
Messages : 3838
Inscription : mar. juil. 12, 2005 2:00 am
Localisation : Aix-en-Provence

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par LABARBE Bernard »

Re,
Juste pour en revenir au message initial du sujet, voici une vue partielle du secteur du 57ème RI (secteur de Verneuil 1916). On distingue très bien les points d'arrosage automatique du jardin potager :lol:. A droite, les commentaires au bout des flèches indiquent "flanquement à grande distance", ce qui signifie qu'ils pouvaient même arroser les jardins des voisins.
:hello:
Bernard
Image
Avatar de l’utilisateur
Bruno Tardy
Messages : 609
Inscription : ven. nov. 04, 2005 1:00 am
Localisation : Rhone

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par Bruno Tardy »

Bonjour,
Pour répondre à Ficelle, il y a bien eu des moments où les poilus trouvaient le temps de chasser ou pecher, lorsque le secteur était calme ou qu'ils étaient en deuxième ligne. En voici un bon exemple, qui a donné lieu à un gueuleton mémorable ( malheureusement je n'arrive pas à mettre en ligne la lettre qui en parlait)
Image
Cela améliorait l'ordinaire, mais je pense qu'ils auraient préféré le déguster dans d'autres conditions !
Que cela ne vous empeche pas de réveilloner;

Cordialement
Bruno
Yves Thoer
Messages : 286
Inscription : sam. oct. 01, 2005 2:00 am

Re: Jardins ouvriers proches du front !

Message par Yves Thoer »

Bonsoir.

Le secteur de Soissons fournissait surement plus de ressources que les plaines à betteraves de la Somme ou à mouton de Champagne.
Il fut longtemps la limite nord de culture de la vigne. Au milieu du XIX° siécle la vigne occupait encore beaucoup de coteaux. La vigne fut remplacée par des cultures fruitières, sur les coteaux.
Le Chemin des dames est un bon abri contre les vents du nord et d'est.
La municipalité de Coucy le Château a replanté une vigne sur le coteau aux pieds des remparts. L'abbaye de Soissons s'appelle Saint Jean aux Vignes.

Les jardins dont on parle sont-ils ceux des soldats ou ceux des civils.

Cordialement.

Yves
Répondre

Revenir à « Sujets généraux »